Le futur Made in France sera-t-il européen?

Pour l'industrie, le gros de l'effort budgétaire de ce plan ce sont en effet les 10 milliards d'euros de baisses d'impôts de production, considérés comme un des principaux handicaps de la France par rapport à ses voisins. (Photo, AFP)
Pour l'industrie, le gros de l'effort budgétaire de ce plan ce sont en effet les 10 milliards d'euros de baisses d'impôts de production, considérés comme un des principaux handicaps de la France par rapport à ses voisins. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 16 juin 2021

Le futur Made in France sera-t-il européen?

  • Un coût du travail et une fiscalité trop élevés ont conduit les grandes entreprises à délocaliser massivement plutôt que d'investir en France pour produire et exporter
  • Pour expliquer ce décrochage, Aghion pointe du doigt un «déficit d'innovation» mesurable notamment au nombre de brevets par millions d'habitants de la France, comparé aux autres grands pays industrialisés

PARIS: Où trouver les milliards pour financer une usine de semi-conducteurs ou l'avion à hydrogène ? Pour rester dans la course mondiale à l'innovation, la France privilégie des alliances industrielles avec d'autres pays européens, faute d'avoir la taille critique pour supporter seule de lourds investissements.

De la pénurie de masques ou respirateurs à l'échec initial de Sanofi à produire un vaccin contre la Covid-19, la pandémie aura révélé l'ampleur de la dépendance française aux importations, nourrissant un sentiment de déclassement. 

Si la plupart des pays développés ont connu ce phénomène de désindustrialisation lié à la division internationale du travail et la montée en gamme des pays développés, il a été beaucoup plus massif dans l'Hexagone. 

Parmi les causes identifiées par les nombreux rapports qui se sont succédé depuis dix ans, un coût du travail et une fiscalité trop élevés qui ont conduit les grandes entreprises à délocaliser massivement plutôt que d'investir en France pour produire et exporter.

Du redressement productif au plan de relance, 10 ans de tentatives pour réindustrialiser la France

PARIS: Du ministère du Redressement productif au plan de relance post-Covid, les gouvernements successifs ont tenté d'enrayer la désindustrialisation de la France ces dix dernières années à grands coups de mesures fiscales et d'investissements, avec des résultats encourageants mais pas toujours concluants.

L'épidémie de Covid-19, qui a entraîné ou exacerbé des pénuries de produits vitaux subies par la France, a provoqué un électrochoc. "La désindustrialisation est devenue plus tangible pour tout le monde", résume Alexandre Saubot, président de France Industrie.

Mais la prise de conscience a commencé il y a une dizaine d'années, avec notamment en 2012 le rapport de Louis Gallois, alors ex-président d'EADS, sur la "compétitivité" de l'économie française. 

Il y expliquait le déclin industriel français par "un climat des affaires plus défavorable en France qu'ailleurs", résume Vincent Aussilloux, économiste à France Stratégie, organisme chargé de conseiller le gouvernement.

Le constat était sans pitié: les emplois salariés dans l'industrie ont fondu, passant de plus de 5 millions en 1980 à un peu plus de 3 millions en 2011, la part de marché des exportations françaises en Europe a perdu plus de 3 points sur la période, et la balance commerciale est passée d'un excédent de quelques milliards d'euros au début des années 2000, à un déficit de plus de 70 milliards en 2011.

"Mon rapport (...) a agi comme un gong. Du coup, le mot compétitivité n'était plus un mot tabou", se souvient Louis Gallois.

Conséquence: un gouvernement de gauche "a admis la nécessité d'une politique de l'offre, ce qui était une révolution", analyse Vincent Charlet, délégué général de la Fabrique de l'Industrie, think tank créé en 2011.

En découle une stratégie visant à "améliorer le système fiscal français pour moins pénaliser les industriels" et "développer des outils de politique industrielle", explique Vincent Aussilloux.

CICE et Nouvelle France industrielle

C'est la naissance du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) pour réduire les coûts des entreprises - dont l'efficacité sera critiquée par la suite -, la création de la banque publique d'investissement Bpifrance ou encore le lancement du 2e Programme d'investissement d'avenir (PIA) - qui sera suivi d'un 3e en 2017 et d'un 4e cette année. Et en 2014, le Pacte de responsabilité accentue les baisses de charges pour les entreprises.

La création en 2012 du ministère du Redressement productif dirigé par le chantre du "Made in France" Arnaud Montebourg illustre la volonté de relancer une stratégie active en matière industrielle.

Le bouillonnant ministre met sur pied 34 plans sectoriels (énergies renouvelables, TGV du futur, chimie verte, etc.) pour une Nouvelle France industrielle, qui n'évitent pas l'écueil du "saupoudrage" d'argent public, selon Alexandre Saubot.

Ils seront ramenés à une dizaine par son successeur à Bercy, Emmanuel Macron, qui une fois devenu président continue sur la même lancée du développement de secteurs jugés stratégiques.

«Décennie de convalescence»

La décennie écoulée marque le retour à "des politiques sectorielles verticales", impulsées par l'Etat, un peu comme sous l'ère De Gaulle-Pompidou, "mais sans forcément leur allouer des sommes significatives", décrypte Vincent Charlet.

Et "le contexte est différent. Aujourd'hui l'Etat n'est plus aussi puissant que dans les années 60", avec une présence au capital d'entreprises industrielles largement émoussée, qui réduit ses marges de manoeuvre, avance Vincent Aussilloux.

Mais au mitan des années 2010, les premiers résultats émergent. Entre 2015 et 2018, la France crée plus de sites industriels qu'elle n'en ferme, et à partir de 2018, l'emploi industriel repart doucement à la hausse.

"La décennie 2010 a été une forme de convalescence après une décennie compliquée", aidée aussi par l'augmentation des salaires en Allemagne, juge Vincent Charlet.

La crise sanitaire donne l'occasion de mobiliser des moyens conséquents au développement de secteurs jugés stratégiques: la santé, l'agroalimentaire, le numérique, etc.

Impôts de production

Plus de 30% des 100 milliards du plan de relance sont orientés vers l'industrie. "C'est plus de deux fois la part actuelle de l'industrie dans notre produit intérieur brut (PIB)", souligne M. Saubot.

"Le financement du long terme, des secteurs d'avenir, me parait encore prudent", pointe cependant Vincent Charlet.

Pour l'industrie, le gros de l'effort budgétaire de ce plan ce sont en effet les 10 milliards d'euros de baisses d'impôts de production, considérés comme un des principaux handicaps de la France par rapport à ses voisins.

Une telle baisse était réclamée de longue date par les entreprises et de nombreux économistes, même si certains demandent déjà d'aller plus loin, et comptent bien porter cette revendication durant la campagne présidentielle à venir.

Résultat, en 2019, l'industrie manufacturière tricolore ne représentait plus que 11% du PIB (et 10% de l'emploi), contre 16% en moyenne dans l'Union européenne, 17% en Italie, 19% en Suisse et 22% en Allemagne. 

Pour expliquer ce décrochage, Philippe Aghion, professeur au Collège de France, pointe du doigt un "déficit d'innovation", mesurable notamment au nombre de brevets par millions d'habitants de la France, comparé aux autres grands pays industrialisés. 

"Toutes industries confondues, nous étions devant l'Allemagne en 1995 mais elle nous a dépassés". 

Des télécoms à la pharmacie en passant par l'automobile, le textile - "et même le vin" - le pays de Pasteur "a perdu partout, sauf dans le nucléaire et l'aéronautique". Ainsi que sur certaines niches, comme l'isolation thermique du bâtiment ou la conception assistée par ordinateur. 

«mini-Airbus»

Pour l'auteur du "Pouvoir de la destruction créatrice", la priorité est de consolider les filières qui marchent, à commencer par le nucléaire, et d'investir pour en développer de nouvelles en soutenant les jeunes pousses. 

Encore faut-il pouvoir supporter les coûts fixes élevés que comporte l'entrée sur un marché de pointe: pour les semi-conducteurs, où l'Asie occupe déjà de solides positions, le ticket d'entrée est évalué entre 20 et 40 milliards d'euros. D'où la volonté de Paris d'unir ses forces avec d'autres pays européens, et de s'adosser à l'UE, afin de décupler sa capacité d'investissement. 

A l'initiative de la France et de l'Allemagne, des alliances appelées "PIIEC" (projet important d'intérêt européen commun) ont déjà été conclues dans les batteries électriques, l'hydrogène et bientôt les semi-conducteurs, en attendant les lanceurs spatiaux ou le "cloud".

Vincent Charlet, délégué général de La Fabrique de l'industrie, doute cependant que l'ambition européenne soit à la hauteur, au vu des montants engagés : moins de 3 milliards d'euros pour le "mini-Airbus des batteries", qui seront co-investis par 7 pays membres dans 17 entreprises. Du saupoudrage. 

"La France a réussi à faire émerger une filière électronucléaire" et "une filière aéronautique conquérante avec ses partenaires européens" qui a donné naissance à Airbus, "mais pour l'obtenir ils ont employé les grands moyens", soit "un à 2 milliards par an". 

Economiste au CEPII (Centre d'études prospectives et d'informations internationales), Thomas Grjebine juge qu'il est "important d'avoir une politique industrielle européenne". Cependant, "la France ne pourra espérer se réindustrialiser si les divergences macroéconomiques perdurent au sein de la zone euro".

Il rappelle que la "politique de compression de la demande" initiée par l'Allemagne à la fin des années 90 "a joué un rôle dans l'accélération de la désindustrialisation en France", Berlin ayant "gagné des parts de marché au détriment de ses voisins". 

Ce dont témoigne la béance entre le déficit commercial français, qui a frôlé en 2020 les 70 milliards d'euros, et un excédent allemand, bien qu'en baisse à cause de la crise, qui a atteint 180 milliards d'euros.

Un déséquilibre qui risque de perdurer si les conservateurs allemands remportent les élections en septembre, selon lui. "Les efforts de la France pour baisser ses impôts de production sont anéantis si les voisins compressent leur demande et n'achètent pas vos produits", illustre M. Grjebine. 


L'aéroport de Riyad presque à l'arrêt en raison de problèmes opérationnels

 L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
L'aéroport international King Khalid à Riyad. Getty
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  • Les compagnies aériennes publient des déclarations, tandis que des sources indiquent à Arab News que la pluie est à blâmer
  • Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne"

RIYAD: Des milliers de passagers voyageant vers et depuis l'aéroport international King Khalid de Riyad ont été laissés en plan alors que les principales compagnies aériennes se sont efforcées de proposer des vols alternatifs suite à une série d'annulations et de retards.

Saudia et flyadeal ont été parmi les compagnies aériennes qui ont rencontré des difficultés, les deux compagnies ayant publié des déclarations attribuant ces problèmes à des problèmes opérationnels temporaires.

Une déclaration de l'aéroport sur son compte officiel X a exhorté les voyageurs à contacter directement les compagnies aériennes avant de se rendre à la plate-forme d'aviation pour vérifier l'état actualisé et l'horaire de leurs vols.

Le communiqué dit ceci : "L'aéroport international King Khalid souhaite vous informer qu'en raison de la concomitance d'un certain nombre de facteurs opérationnels au cours des deux derniers jours - y compris plusieurs vols détournés d'autres aéroports vers l'aéroport international King Khalid, en plus des travaux de maintenance programmés dans le système d'approvisionnement en carburant - cela a eu un impact sur les horaires de certains vols, y compris le retard ou l'annulation d'un certain nombre de vols opérés par certaines compagnies aériennes".

L'aéroport a ajouté que les équipes opérationnelles travaillent "24 heures sur 24 en étroite coordination avec nos partenaires aériens et les parties prenantes concernées pour faire face aux développements et rétablir la régularité opérationnelle dès que possible", tout en prenant toutes les mesures nécessaires pour minimiser l'impact sur l'expérience des passagers.

Des sources aéroportuaires ont déclaré à Arab News que le problème était lié aux fortes pluies qui se sont abattues sur Riyad plus tôt dans la journée de vendredi. De l'eau s'est apparemment infiltrée dans les réservoirs de carburant censés ravitailler les avions à réaction avant leur décollage, et plusieurs compagnies aériennes se sont alors efforcées de reprogrammer les vols des passagers.

Dans son propre communiqué, Saudia a déclaré : "Les clients touchés sont contactés par l'intermédiaire de la compagnie aérienne : "Les clients concernés sont contactés par le biais de divers canaux de communication, et tous les changements de billets sont effectués sans frais supplémentaires.

Arab News a contacté Saudia pour de plus amples informations.

Toujours dans un communiqué publié sur X, flyadeal a déclaré que tous ses passagers touchés par la perturbation "seront informés directement par e-mail et SMS des options de rebooking et d'assistance".


IA: pour la présidente de Microsoft France, il n'y a pas de «bulle»

 "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
"Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs. (AFP)
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  • Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde
  • En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute

PARIS: "Je ne crois pas du tout à la bulle" de l'intelligence artificielle (IA), assure lors d'un entretien à l'AFP Corine de Bilbao, présidente de Microsoft France, qui dit constater une diffusion rapide de l'IA chez les entreprises et les consommateurs.

Pour certains experts, les investissements colossaux dans l'IA semblent démesurés par rapport aux bénéfices générés, alimentant la peur d'une survalorisation du secteur.

Mais selon Corine de Bilbao, à la tête de la filiale française du géant américain des logiciels depuis 2021, "il y a des signes forts" de solidité comme le fait que cette technologie se diffuse "dans toutes les sphères de la société".

Microsoft propose son propre assistant IA, baptisé Copilot, et contrôle 27% du capital de la start-up OpenAI, le créateur de ChatGPT, chatbot le plus utilisé au monde, dans laquelle Microsoft a investi plus de 13 milliards de dollars.

En France, 40,9% des citoyens en âge de travailler ont adopté l'IA, assure Mme de Bilbao, contre 26,3% aux États-Unis, ce qui place la France à la cinquième place mondiale en termes d'adoption, selon une étude du Microsoft AI Economy Institute.

Un milliard d'agents IA

L'énergéticien français TotalEnergies utilise par exemple Copilot et des agents IA, capables de réaliser des tâches de façon autonome, à travers des cas d'usage "dans la maintenance, les achats, la sécurité", énumère la patronne.

Tandis que l'assureur italien Generali a "adopté massivement l'IA et automatisé plus d'un million d'opérations", ajoute-t-elle.

"Plus d'un milliard d'agents à l'échelle mondiale vont être diffusés dans les entreprises" d'ici 2028, s'enthousiasme Corine de Bilbao, citant une étude IDC pour Microsoft.

L'irruption de l'intelligence artificielle dans les entreprises peut toutefois se traduire par des vagues de licenciements comme chez Amazon, le groupe informatique HP ou encore l'assureur allemand Allianz Partners.

Microsoft France, qui compte près de 2.000 employés, a de son côté supprimé 10% de ses effectifs via un accord collectif de rupture conventionnelle sur la base du volontariat.  -

"C'est lié à la transformation de certains métiers, mais pas à l'IA", assure la dirigeante, ajoutant qu'en parallèle Microsoft est en train de recruter "des profils plus techniques", comme des "ingénieurs solutions", pour s'adapter aux demandes de ses clients.

"L'IA suscite beaucoup de peur", reconnaît Mme de Bilbao."On préfère parler de salariés augmentés" plutôt que d'emplois supprimés, poursuit-elle, beaucoup de tâches considérées comme rébarbatives pouvant être réalisées avec l'assistance de l'intelligence artificielle.

Selon elle, l'enjeu central est surtout celui de la formation des salariés à ces nouveaux outils.

"Nouvelle économie" 

"Il n'y aura pas de déploiement de l'IA s'il n'y a pas de valeur partagée, si l'ensemble des citoyens, des étudiants, des entreprises ne sont pas formés", souligne la patronne.

En France, le géant de Redmond (Etat de Washington) a déjà formé 250.000 personnes à l'IA sur un objectif d'un million d'ici 2027 et veut accompagner 2.500 start-up françaises.

"Un écosystème complet se développe entre les fournisseurs de modèles de langage, les infrastructures, on est en train de créer une nouvelle économie autour de cette IA", déclare Corine de Bilbao.

Microsoft a ainsi annoncé en 2024 un investissement de 4 milliards d'euros en France lors du sommet Choose France pour agrandir ses centres de données dans les régions de Paris et Marseille (sud), et construire un datacenter dans l'est de la France, près de Mulhouse.

"Ca avance très bien", explique-t-elle, sans donner de date à laquelle le centre sera opérationnel. "Cela ne pousse pas comme des champignons, ce sont des projets qui prennent quelques années en général", entre le dépôt de permis, de construction et l'accompagnement.

Pour 2026, le défi sera de passer d'une intelligence artificielle "expérimentale à une IA opérationnelle, qui délivre de la valeur pour les entreprises, à la fois sur leurs revenus, la productivité, et qui les aide à se transformer", conclut-elle.


Mercosur: Paris et Rome contrarient les plans de l'UE, ultimatum de Lula

Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
Cette photographie montre des drapeaux européens flottant devant le bâtiment Berlaymont, siège de la Commission européenne à Bruxelles, le 2 décembre 2025. (AFP)
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  • L’Italie rejoint la France pour demander un report de l’accord UE–Mercosur, menaçant la signature espérée par Ursula von der Leyen et ouvrant la voie à une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept
  • Le Brésil met la pression, tandis que les divisions européennes persistent entre défense des agriculteurs et impératif économique face à la concurrence chinoise et américaine

BRUXELLES: L'Italie a rejoint la France mercredi pour réclamer un report de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Mercosur, ce qui risque d'empêcher Ursula von der Leyen de parapher ce traité en fin de semaine, au grand dam du Brésil.

Une signature dans les prochains jours est "prématurée", a lâché Giorgia Meloni à la veille d'un sommet européen à Bruxelles.

La cheffe du gouvernement italien veut d'abord des garanties "suffisantes" pour le secteur agricole, et se dit "convaincue qu'au début de l'année prochaine, toutes ces conditions seront réunies".

Cette sortie est une douche froide pour la Commission européenne. Bruxelles n'a cessé de marteler ces derniers jours qu'une signature était indispensable avant la fin de l'année, pour la "crédibilité" de l'Union européenne et afin de ne pas contrarier les partenaires latino-américains.

Prudent, l'exécutif européen fait mine d'y croire encore. "Les chefs d'Etat et de gouvernement vont en discuter au sommet européen" ce jeudi, a dit à l'AFP Olof Gill, porte-parole de la Commission.

Au Brésil, le président Lula, qui avait appelé à la responsabilité Emmanuel Macron et Georgia Meloni, a posé une forme d'ultimatum.

"Si on ne le fait pas maintenant, le Brésil ne signera plus l'accord tant que je serai président", a-t-il menacé. "Si jamais ils disent non, nous serons désormais fermes avec eux, parce que nous avons cédé sur tout ce qu'il était possible de céder diplomatiquement".

- "Billet remboursable" -

La prise de position de Rome sur ce dossier est potentiellement décisive.

Avec la France, la Pologne et la Hongrie, l'Italie est en capacité de former une minorité de blocage au sein des Vingt-Sept, ce qui empêcherait un examen de l'accord durant la semaine.

"Ca risque d'être très chaud", convient un diplomate européen anonymement, alors que l'Allemagne comme l'Espagne insistent pour approuver ce traité de libre-échange le plus vite possible.

Le chancelier allemand, Friedrich Merz, a promis d'exercer une pression "intensive" sur ses partenaires européens mercredi soir et jeudi matin, en appelant à ne pas "chipoter" avec les grands traités commerciaux.

Emmanuel Macron a prévenu que "la France s'opposerait de manière très ferme" à un éventuel "passage en force" de l'Union européenne, a rapporté la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Paris ne considère pas encore comme "acquis" le report de la signature du traité, mais les déclarations de Giorgia Meloni sont la "preuve" que "la France n'est pas seule", a-t-elle ajouté.

La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, espérait parapher ce traité lors du sommet du Mercosur samedi dans la ville brésilienne de Foz do Iguaçu. Mais elle a besoin au préalable de l'aval d'une majorité qualifiée d'Etats membres à Bruxelles.

"J'espère qu'elle a un billet (d'avion) remboursable", glisse une source diplomatique européenne.

- Manifestation à Bruxelles -

Cet accord commercial avec l'Argentine, le Brésil, le Paraguay et l'Uruguay permettrait à l'UE d'exporter davantage de véhicules, de machines, de vins et de spiritueux, tout en facilitant l'entrée en Europe de viande, sucre, riz, miel ou soja sud-américains, ce qui inquiète les filières concernées.

Les agriculteurs européens ne décolèrent pas et annoncent une dizaine de milliers de manifestants jeudi à Bruxelles contre ce traité.

Pour rassurer la profession, l'UE a ajouté des mesures de sauvegarde: un suivi des produits agricoles sensibles et une promesse d'intervention en cas de déstabilisation du marché.

Un compromis a été trouvé mercredi soir sur ce volet entre des eurodéputés et des représentants des États membres: les garanties pour les agriculteurs y sont supérieures à ce qu'avaient voté les Vingt-Sept en novembre, mais en deçà de la position adoptée par le Parlement européen mardi.

Elles ne devraient toutefois pas suffire à la France. Le bras de fer avec Bruxelles s'inscrit dans un contexte de vaste mobilisation agricole dans l'Hexagone contre la gestion par les autorités de l'épidémie de dermatose nodulaire contagieuse (DNC).

Et au sein de l'Union européenne, une série d'États redoutent que Paris ne se contente pas d'un report du Mercosur mais essaye de faire échouer le traité, malgré plus de 25 ans de négociations.

Allemands, Espagnols et Scandinaves comptent quant à eux sur cet accord pour relancer une économie européenne à la peine face à la concurrence chinoise et aux taxes douanières des États-Unis.