Législatives en Arménie: entre colère et apathie

Des partisans assistent à un rassemblement électoral du Premier ministre arménien Pashinyan dans le centre d'Erevan, le 17 juin 2021, trois jours avant les élections législatives anticipées, appelées à mettre fin à une crise politique déclenchée par la défaite militaire humiliante de son pays face à l'Azerbaïdjan l'année dernière. (Karen Minasyan/AFP)
Des partisans assistent à un rassemblement électoral du Premier ministre arménien Pashinyan dans le centre d'Erevan, le 17 juin 2021, trois jours avant les élections législatives anticipées, appelées à mettre fin à une crise politique déclenchée par la défaite militaire humiliante de son pays face à l'Azerbaïdjan l'année dernière. (Karen Minasyan/AFP)
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Publié le Vendredi 18 juin 2021

Législatives en Arménie: entre colère et apathie

Des partisans assistent à un rassemblement électoral du Premier ministre arménien Pashinyan dans le centre d'Erevan, le 17 juin 2021, trois jours avant les élections législatives anticipées, appelées à mettre fin à une crise politique déclenchée par la défaite militaire humiliante de son pays face à l'Azerbaïdjan l'année dernière. (Karen Minasyan/AFP)
  • Après six semaines de combats qui ont fait près de 6.000 morts, l'Arménie a dû céder d'importants territoires qu'elle contrôlait depuis une première guerre dans les années 1990 autour du Karabakh
  • Cette défaite a déclenché une crise politique, forçant le Premier ministre à convoquer des législatives anticipées.

EREVAN, Arménie : Trois ans après une révolution porteuse d'espérance, Artiom Mouradian, un jeune Arménien, en a ras-le-bol. Comme beaucoup d'ex-partisans du gouvernement actuel, il votera pour l'opposition aux législatives dimanche.

"Nos espoirs ont été brisés", assène auprès de l'AFP ce commercial de 24 ans dans la maison de ses parents à Erevan, capitale de ce petit et pauvre pays du Caucase.

Avant ce brun svelte "faisait aveuglement confiance" au Premier ministre par intérim Nikol Pachinian, un réformateur et héros populaire porté au pouvoir en 2018 par un soulèvement post-électorale pacifique d'une population excédée par la corruption de son élite.

Mais l'humiliante défaite militaire contre l'Azerbaïdjan pour le contrôle du Nagorny Karabakh en 2020 a tout changé pour Artiom, qui, comme son frère et son père, est parti au front l'automne dernier combattre l'ennemi héréditaire.

M. Pachinian "a beaucoup parlé mais n'a pas pu tenir ses promesses et en plus a perdu nos terres", accuse le jeune homme.

Après six semaines de combats qui ont fait près de 6.000 morts, l'Arménie a dû céder d'importants territoires qu'elle contrôlait depuis une première guerre dans les années 1990 autour du Karabakh, région sécessionniste d'Azerbaïdjan majoritairement peuplée d'Arméniens.

Cette défaite a déclenché une crise politique, forçant le Premier ministre à convoquer des législatives anticipées. Le scrutin s'annonce serré, mais lui se dit certain de gagner.

Le conflit lui a cependant coûté beaucoup de partisans, certains se tournant même vers l'ancienne classe dirigeante, honnie jusqu'il y a peu, et que M. Pachinian promettait justement de chasser.

Retour de vielles élites?

Alissa Iaïlakhanian, une designer de 24 ans, ne peut pas retenir ses larmes dès que la guerre est évoquée: plusieurs de ses amis, âgés d'une vingtaine d'années, ont été tués au Karabakh.

"Tout le monde a perdu quelqu'un", sanglote cette jeune femme menue aux cheveux longs. Et "nos terres ont été données en cadeau!"

Cette Russo-arménienne raconte qu'en 2018, "fatiguée de l'ancien pouvoir", la victoire de M. Pachinian l'avait rendue "heureuse". "On avait besoin de changements".

Mais aujourd'hui, elle se sent "trompée, tout cela était du théâtre". "J'irai voter pour que Pachinian ne passe pas", lance la jeune femme, qui a choisi de soutenir le bloc d'un ex-président Robert Kotcharian pour "sortir le pays du chaos".

Sa formation est désormais au coude-à-coude avec le parti de M. Pachinian, à en croire des sondages.

"Il est du Karabakh et sait ce que c'est de lutter pour sa terre et son peuple. Pachinian n'a même pas fait son service militaire", lance encore Mme Iaïlakhanian.

Mais pour d'autres Arméniens, défaite militaire ou pas, le plus important est d'empêcher le retour aux affaires de l'ancienne classe politique, accusée d'avoir pillé le pays.

"On ne doit aucunement permettre le retour des anciens", estime Asmik Zakarian, 32 ans, qui travaille dans le commerce.

Il va voter pour Pachinian: "Quand il dit qu'il va se couper une main plutôt que voler le pain au peuple, je lui fait confiance!".

Plus de confiance

Face à cette polarisation, les craintes d'affrontements entre les deux camps sont réelles quel que soit le résultat du vote dimanche. "Les gens seront en colère et descendront dans les rues", estime Mme Iaïlakhanian.

Reste que selon un récent sondage, plus d'un tiers d'Arméniens épuisés par les crises à répétition prévoient de s'abstenir dimanche.

Parmi eux, Aram Petrossian, formateur d'échecs de 62 ans.

"Je ne veux pas qu'on nous trompe encore une fois", confie à l'AFP M. Petrossian lors d'une réunion à la bibliotèque nationale en l'honneur des soldats tués.

Son fils a combattu au Karabakh et un gendre y a péri en octobre laissant deux enfants sans père. La famille n'a récupéré sa dépouille qu'en janvier.

"Les gens ne font plus confiance à personne. Qu'est-ce qu'on a vu de bon en 30 ans" d'indépendance?, s'interroge tristement cet homme au visage ridé.


Ukraine: "prêts" sur les garanties de sécurité, les Européens vont tester les engagements de Trump

Le président français Emmanuel Macron (C,D) tient une réunion de travail avec le président ukrainien au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 3 septembre 2025. (AFP)
Le président français Emmanuel Macron (C,D) tient une réunion de travail avec le président ukrainien au palais présidentiel de l'Élysée à Paris, le 3 septembre 2025. (AFP)
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  • Réunis à Paris autour d’Emmanuel Macron et Volodymyr Zelensky, les alliés européens de l’Ukraine actent leur volonté de garantir la sécurité de Kiev, tout en pressant les États-Unis de formaliser leur propre engagement
  • Vladimir Poutine, soutenu par la Chine et la Corée du Nord, rejette toute intervention étrangère et affirme que la Russie poursuivra ses objectifs militaires en Ukraine

PARIS: Les soutiens européens de l'Ukraine se réunissent jeudi pour tester l'engagement des Etats-Unis pour la sécurité future de l'Ukraine, alors que les efforts de paix de Donald Trump patinent et que Vladimir Poutine, fort de ses soutiens internationaux, paraît plus inflexible que jamais

Le président français Emmanuel Macron copréside à 10H30 (08H30 GMT) à l'Elysée une réunion de la "Coalition des volontaires", qui rassemble les principaux soutiens militaires de Kiev - une trentaine de pays, essentiellement européens - en présence de son homologue ukrainien Volodymyr Zelensky.

Les dirigeants s'entretiendront ensuite par téléphone à 14H00 (12H00 GMT) avec Donald Trump. Avec deux sujets à l'ordre du jour: un appel à plus de sanctions américaines contre la Russie et les contributions de chacun aux garanties de sécurité futures à apporter à l'Ukraine.

Outre M. Zelensky, le président finlandais Alexander Stubb sera présent à l'Elysée, de même que les Premiers ministres polonais Donald Tusk, espagnol Pedro Sanchez, danoise Mette Frederiksen ou encore les présidents des institutions de l'Union européenne Ursula von der Leyen et Antonio Costa.

Le Premier ministre britannique Keir Starmer, coprésident de la réunion, interviendra en visioconférence de même que les autres dirigeants européens, de l'Allemand Friedrich Merz à l'Italienne Georgia Meloni.

- Réserves -

Les Européens vont acter qu'ils sont "prêts" sur l'octroi de garanties de sécurité à l'Ukraine, pour mieux signifier qu'ils attendent désormais des gestes concrets des Américains dans le même sens.

"Nous sommes prêts pour ces garanties de sécurité. L'Europe est au rendez-vous, pour la première fois avec ce niveau d'engagement et d'intensité", a déclaré le président français en accueillant son homologue ukrainien dès mercredi soir à l'Elysée pour un tête-à-tête.

Les alliés de l'Ukraine attendent maintenant "de voir ce que les Américains souhaitent apporter concernant leur participation", a renchéri le secrétaire général de l'Otan, Mark Rutte, à Bruxelles.

La Coalition des volontaires est disposée à contribuer au renforcement de l'armée ukrainienne, voire pour certains pays - dont la France, le Royaume-Uni et la Belgique - à déployer des soldats en Ukraine, une fois un cessez-le-feu conclu, pour dissuader la Russie de toute nouvelle agression.

Mais certains alliés se sont montrés hésitants dans l'attente de la contribution américaine, que plusieurs pays européens jugent indispensable avant tout engagement de leur part.

Jusqu'à un cessez-le-feu, "il n'y aura certainement pas de déploiement de troupes en Ukraine et même après, j'ai des réserves considérables à ce sujet concernant l'Allemagne", a lancé le chancelier Merz sur la chaîne Sat1.

La Russie a répété jeudi qu'elle n'accepterait aucune "intervention étrangère quelle qu'en soit la forme", la porte-parole de sa diplomatie Maria Zakharova qualifiant les protections demandées par Kiev de "garanties de danger pour le continent européen".

- "A l'offensive" -

Donald Trump a promis lors d'une réunion avec six dirigeants européens le 18 août à Washington que les Etats-Unis apporteraient des garanties de sécurité, sans préciser lesquelles.

Ce "filet de sécurité" américain, ou "backstop" en anglais, pourrait prendre différentes formes - renseignement, soutien logistique, communications -, le président américain ayant exclu l'envoi de troupes américaines au sol.

Il a affirmé mercredi qu'il "se passerait quelque chose" si Vladimir Poutine ne répondait pas à ses attentes, deux semaines après leur rencontre en Alaska qui n'a abouti à aucun progrès substantiel sur une issue à la guerre en Ukraine.

En attendant, Vladimir Poutine, qui affiche un retour en force sur la scène internationale avec une présence très remarquée mercredi au côté du président chinois Xi Jinping et du dirigeant nord-coréen Kim Jong Un à Pékin, après le sommet d'Anchorage le 15 août avec Donald Trump, multiplie les déclarations offensives.

Moscou atteindra ses objectifs en Ukraine par la voie militaire si les négociations avec Kiev échouent, a-t-il averti depuis la Chine, assurant que ses troupes demeuraient "à l'offensive" sur l'ensemble du front.

Au même moment, la Russie lançait une vaste attaque avec plus de 500 drones et missiles sur l'Ukraine, tuant au moins neuf personnes et privant des milliers de foyers d'électricité.

"Malheureusement, nous n'avons pas encore vu de signes de la part de la Russie indiquant qu'ils veulent mettre fin à la guerre", a déploré Volodymyr Zelensky à Paris, se disant toutefois convaincu que l'Europe et les Etats-Unis aideraient Kiev à "accroître la pression sur la Russie pour avancer vers une solution diplomatique".


Turquie: nouveau coup judiciaire contre le principal parti d'opposition

Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel. (AFP)
Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel. (AFP)
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  • Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) a remporté une large victoire face à l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections municipales de 2024 et progresse dans les sondages
  • Le tribunal annule les résultats du congrès provincial du CHP, excluant son chef à Istanbul, Özgür Celik, ainsi que 195 membres de la direction et délégués de ce parti

ISTANBUL: Un tribunal turc a révoqué mardi la direction d'Istanbul du principal parti de l'opposition, le CHP, pour des irrégularités présumées lors de son congrès en 2023. Une décision dénoncée comme "un coup d'Etat judiciaire" par le parti qui va faire appel.

Cette mesure apparaît comme un nouvel épisode de la guerre que livrent les autorités turques au premier parti d'opposition et surtout à ses figures populaires, dont le maire d'Istanbul emprisonné, Ekrem Imamoglu.

Le Parti républicain du peuple (CHP, social-démocrate) a remporté une large victoire face à l'AKP du président Recep Tayyip Erdogan lors des élections municipales de 2024 et progresse dans les sondages.

Dans son jugement, dont l'AFP a pu consulter une copie, le tribunal annule les résultats du congrès provincial du CHP, excluant son chef à Istanbul, Özgür Celik, ainsi que 195 membres de la direction et délégués de ce parti.

Par ces procédures, l'objectif est d'évincer l'actuel président du parti, Özgür Özel, en faisant annuler le résultat du congrès national du CHP.

S'exprimant mardi soir à l'issue d'une réunion d'urgence des instances du parti à Ankara, M.Özel a juré de "ne pas capituler" et dénoncé une "décision politiquement et légalement nulle et non avenue".

"Nous sommes confrontés à un coup d'Etat judiciaire", a-t-il enchainé lors d'un entretien à la chaine de télévision privée Halk TV, accusant les autorités de vouloir "modifier les résultats électoraux par voie de justice".

"Ils menacent de me retirer la direction du parti. Je vais me battre en retour". a-t-il promis.

Pression judiciaire croissante 

Le CHP subit une pression judiciaire croissante via un grand nombre d'enquêtes et d'interpellations visant ses élus, accusés de corruption, comme au sein de la municipalité d'Istanbul, la plus riche et la plus importante ville de Turquie, dont le maire est depuis mars derrière les barreaux.

L'arrestation de l'édile, Ekrem Imamoglu, figure populaire de l'opposition et principal adversaire potentiel du président Recep Tayyip Erdogan à la prochaine échéance présidentielle, avait déclenché un mouvement de contestation inédit dans ce pays depuis douze ans.

Sont de fait suspendues mardi "toutes les décisions prises au cours du congrès provincial d'Istanbul" du CHP qui avait eu lieu le 8 octobre 2023, d'après le jugement rendu.

La mesure suppose également "la réintégration temporaire" des personnes élues lors du précédent congrès ou la nomination d'un comité provisoire qui serait jugé approprié par le tribunal.

Au congrès d'octobre 2023, Özgür Celik, élu à la direction du parti à Istanbul avec le soutien d'Ekrem Imamoglu, l'avait emporté face à son concurrent, Cemal Canpolat, un proche de l'ancien président du CHP, Kemal Kilicdaroglu.

Ce dernier avait été le candidat malheureux de l'opposition à la présidentielle de 2023.

Le parquet a ouvert une enquête contre M. Celik et neuf autres responsables du parti pour des allégations de "fraude électorale", ce qui peut leur valoir jusqu'à trois ans de prison.

Pour l'analyste politique Berk Esen joint par l'AFP, la décision de mardi contre la direction d'Istanbul est une "répétition" avant une nouvelle procédure judiciaire contre le CHP lui-même, afin de l'affaiblir en tant que force d'opposition dans la perspectives des prochaines élections.

M. Esen y voit le signe d'une "évolution vers une autocratie totale (qui) signale la fin du multipartisme dans le pays tel que nous le connaissons".

"Le gouvernement prend des mesures calculées pour éliminer Ekrem Imamoglu, qu'il considère comme la seule véritable menace électorale, et pour réduire le CHP à une opposition sous contrôle", assure-t-il.

 


Les «doubles standards» occidentaux sur Gaza et l'Ukraine sont un «échec» : Premier ministre espagnol

 Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'adresse aux journalistes après une réunion avec le roi Felipe VI d'Espagne au Palais Marivent à Palma de Majorque, le 29 juillet 2025. (AFP)
Le Premier ministre espagnol Pedro Sanchez s'adresse aux journalistes après une réunion avec le roi Felipe VI d'Espagne au Palais Marivent à Palma de Majorque, le 29 juillet 2025. (AFP)
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  • Pedro Sanchez : Gaza représente "l'un des épisodes les plus sombres des relations internationales" de ce siècle
  • Son pays encourage l'Europe à prendre des mesures plus sévères à l'encontre d'Israël

LONDRES : La politique de deux poids deux mesures de l'Occident sur l'Ukraine et Gaza menace sa position mondiale, a déclaré le premier ministre espagnol au Guardian.

Pedro Sanchez, qui a accusé Israël de commettre un génocide à Gaza, s'exprimait avant de s'entretenir avec son homologue britannique Keir Starmer à Londres mercredi.

M. Sanchez s'est réjoui que d'autres pays européens suivent l'Espagne dans la reconnaissance d'un État palestinien, mais il a critiqué la réaction générale du continent à la guerre.

"C'est un échec", a-t-il déclaré. "C'est un échec. La réalité, c'est aussi qu'au sein de l'UE, certains pays sont divisés sur la manière d'influencer Israël.

"Mais à mon avis, ce n'est pas acceptable et nous ne pouvons pas durer plus longtemps si nous voulons accroître notre crédibilité face à d'autres crises, comme celle à laquelle nous sommes confrontés en Ukraine.

Il a ajouté : "Les racines de ces guerres sont complètement différentes mais, en fin de compte, le monde regarde l'UE et la société occidentale et demande : "Pourquoi faites-vous deux poids deux mesures quand il s'agit de l'Ukraine et quand il s'agit de Gaza ?"

M. Sanchez a déclaré qu'il encourageait l'Europe à prendre des mesures plus sévères à l'encontre d'Israël, y compris sur le plan financier.

"Ce à quoi nous assistons actuellement à Gaza est peut-être l'un des épisodes les plus sombres des relations internationales du 21ème siècle, et à cet égard, je dois dire que l'Espagne a été très active au sein de l'UE et de la communauté internationale", a-t-il ajouté.

"Au sein de l'UE, ce que nous avons fait jusqu'à présent, c'est préconiser la suspension du partenariat stratégique que l'UE entretient avec Israël.