Construire des ponts: le designer saoudien Nawaf al-Nassar nous révèle les sources d’inspiration de son travail

Al-Nassar grandit à Djeddah, puis il se rend à Londres pour y effectuer ses études. Là, des icônes du design telles que Zaha Hadid, Philippe Starck et Gianfranco Ferré se chargent de l’encadrer. (Fourni)
Al-Nassar grandit à Djeddah, puis il se rend à Londres pour y effectuer ses études. Là, des icônes du design telles que Zaha Hadid, Philippe Starck et Gianfranco Ferré se chargent de l’encadrer. (Fourni)
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Publié le Vendredi 18 juin 2021

Construire des ponts: le designer saoudien Nawaf al-Nassar nous révèle les sources d’inspiration de son travail

  • Après avoir obtenu son diplôme en 1990, Al-Nassar retourne dans sa ville natale, où il travaille comme architecte d'intérieur
  • «Le design et l'art représentent un message de paix. Je suis déjà en train de construire ce pont, et j'espère qu'il sera bientôt terminé», confie le designer

DUBAΪ: Le design d'intérieur a une signification bien plus profonde pour Nawaf al-Nassar que pour quiconque. Pour le designer saoudien, c’est en portant son regard vers l'extérieur que l’on parvient à créer l'intérieur.

Al-Nassar grandit à Djeddah, puis il se rend à Londres pour y effectuer ses études. Là, des icônes du design telles que Zaha Hadid, Philippe Starck et Gianfranco Ferré se chargent de l’encadrer. «C'était incroyable», confie-t-il à Arab News.

Après avoir obtenu son diplôme en 1990, Al-Nassar retourne dans sa ville natale, où il travaille comme architecte d'intérieur. Il fonde son studio, le 3N Jeddah. Les trois N renvoient à son prénom, à celui de de son père (Nahar) et à leur nom de famille.

Sa popularité grimpe en flèche grâce à des projets résidentiels et commerciaux à Djeddah, à Riyad, au Caire, à Beyrouth, à Londres, à Paris et dans le sud de la France.

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Après avoir obtenu son diplôme en 1990, Al-Nassar est retourné dans sa ville natale pour devenir architecte d'intérieur, créant son studio, 3N Jeddah. (Fourni)

En 2017, Al-Nassar crée Tasmeem Fair, une plate-forme artistique saoudienne qui permet aux jeunes designers d’exprimer leur créativité. Cet événement rencontre un succès instantané: il attire 9 000 invités dès la première semaine. L’artiste le décrit comme «son projet préféré, et le meilleur de sa vie jusqu'à présent».

Les origines de sa famille (qui vient d’un petit village situé au nord de Riyad, dans le centre du Royaume) jouent un rôle majeur dans l'inspiration d'Al-Nassar. Il se souvient de ses promenades avec son grand-père dans la campagne saoudienne déserte, lorsqu'il était enfant.

«C'étaient nos réunions de famille. J’avais l'habitude de regarder les vieilles maisons dans le désert, cela m'attirait et me détendait. Quand j'entrais dans de vieux palais ou dans n'importe quel intérieur, je me sentais toujours plus à l’aise», se rappelle-t-il.

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Le design d'intérieur a une signification toute particulière pour Nawaf al-Nassar. (Fourni)

«Depuis que je suis jeune, j'ai toujours l'impression de me parler à moi-même quand je suis dans un intérieur. Ensuite, lorsque j’ai fréquenté le lycée, j’aimais m'asseoir dans un espace abouti. Nous vivons tous dans un espace intérieur, mais, parfois, lorsque nous regardons autour de nous, nous ne nous sentons pas à l'aise. Quand je ressentais cela dans ma jeunesse, je découvrais que c'était parce qu'il n'avait pas été conçu par un architecte d’intérieur, mais par quelqu’un dont l’expertise touche aux murs et plafonds. Sans proportion», raconte-t-il.

Peu de temps après, il suit quelques cours d'été au Royaume-Uni pour approfondir sa connaissance de l’architecture d'intérieur, et sa vocation n'a fait que grandir. «Quand je suis assis avec des gens, j'aime connaître leur intérieur, l'extérieur ne me parle pas. L'intérieur constitue un noyau pour mieux connaître la personne. J'ai donc commencé à vouloir en savoir plus sur l'intérieur des choses, ce qui m'a beaucoup aidé dans la conception des produits. Je crois profondément que, si l'intérieur de l'endroit où une personne travaille ou vit ne reflète pas son caractère, elle ne pourra jamais être elle-même», affirme-t-il.

Pour Al-Nassar, un artiste doit être capable d’évoquer son environnement et les sentiments qu’il éprouve à son égard. En tant que tel, il a commencé à insérer des motifs saoudiens locaux dans ses créations pour les transmettre aux générations à venir. «J'aime l'espace de mon studio. Il m’inspire vraiment. En tant qu'architecte d'intérieur, j'utilise des matériaux souples pour l'intérieur, comme des meubles en tissu, et je traite beaucoup avec des entreprises européennes», ajoute-t-il.

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Les origines de sa famille – venue d'un petit village au nord de Riyad, dans le centre du Royaume – ont joué un rôle majeur dans l'inspiration d'Al-Nassar. (Fourni)

Bien qu'il possède de nombreux tissus sertis de dessins européens, il a toujours rêvé de trouver un designer saoudien dont les propres motifs soient imprimés sur un tissu. Il a collaboré avec des fabricants et est parvenu à imprimer un motif saoudien sur les produits d'une entreprise de tissus française – une première.

«C'est très important, lorsque vous entrez dans un espace, de voir que certains détails, autour de vous, reflètent l’environnement de la ville où vous vous trouvez. C’est le cas à Paris, au Caire ou dans d'autres villes, mais, en Arabie saoudite, je n'ai remarqué aucun motif saoudien. C’est pourquoi je me suis décidé à créer cette ligne de tissus et nous avons commencé à fabriquer des pièces», explique-t-il.

Au mois de mai, il a conçu des meubles pour le Kingdom’s Misk Institute. Pour cette commande, il devait s'inspirer d'un bâtiment historique du pays. Il s'est donc tourné vers le palais historique de Salwa, la maison d'origine de la famille royale Al-Saud, située au nord-ouest de Riyad.

«J'ai commencé à apprécier la douceur de ses pièces et je l'ai regardée avec les yeux d’un architecte d’intérieur. C'est comme si j'étais dans un orchestre et que j’étais entouré de musique silencieuse. C'était tellement beau à voir!», confie-t-il, enthousiaste.

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Bien qu'il possède de nombreux tissus sertis de motifs européens, Al-Nassar a toujours rêvé de trouver un designer saoudien dont les propres motifs soient imprimés sur un tissu. (Fourni)

Après cette visite, il crée TakkeiAsseyons-nous»), inspiré par les pierres qui forment la base du palais. Il utilise de nouveaux matériaux afin d’obtenir un aspect plus industriel qui, selon lui, sera plus attrayant pour les jeunes générations. «Il s'agit de parler leur langue», estime-t-il.

Le processus créatif d'Al-Nassar se déroule à l'extérieur. Chaque fois qu'il a du mal à trouver l'inspiration, il saute dans sa voiture et se rend dans les montagnes, à deux heures et demie de Djeddah. Le paysage environnant et les vieilles maisons, dont certaines datent de deux cents ans, le revivifient.

«J’ai l’impression de pouvoir deviner la culture et le type de vie qu'ils avaient là-bas. Je suis totalement inspiré par l'Arabie saoudite – mais aussi par d’autres endroits, partout dans le monde. Il faut se rendre sur place et côtoyer les vieux endroits pour trouver l’inspiration», préconise-t-il.

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Il a collaboré avec des fabricants et est parvenu à imprimer un motif saoudien sur les produits d'une entreprise de tissus française – une première. (Fourni)

Il évoque le village pittoresque de Qaryat Al-Dehin, composé de quarante-neuf maisons construites en marbre blanc issu des montagnes et en quartz. Après de nombreuses recherches, il parvient à retrouver à un ami qui vient de ce village. Quatre heures de route plus tard, il s’immerge dans la beauté de ces paysages. Il compare cet émerveillement au moment où, à 16 ans, son père et lui écoutaient le ténor Luciano Pavarotti chanter à Milan. «Honnêtement, le même sentiment m'est venu lorsque j'ai regardé ces quarante-neuf superbes maisons au sommet de cette belle montagne. C'était la même énergie, la même musique; c'était incroyable», se rappelle-t-il, ému.

Il évoque également sa passion pour le plein air dans le cadre de son enseignement. Les universités l’invitent régulièrement à donner des conférences. Il n’hésite pas à emmener les étudiants sur le terrain, ce qu'il juge vital pour les jeunes d'aujourd'hui. «Ils doivent y aller eux-mêmes et appréhender la réalité sur le terrain. J'ai organisé des excursions partout en Arabie saoudite pour les étudiants et, ces derniers temps, pour d’autres personnes également.»

Al-Nassar constate un grand potentiel et un grand talent chez les jeunes architectes et décorateurs d'intérieur saoudiens. Il admire leur créativité, mais leur conseille d’être bien encadrés.

Il espère, au fond, que ces derniers pourront bâtir un pont entre le Royaume et le reste du monde. «Le design et l'art représentent un message de paix. Je suis déjà en train de construire ce pont, et j'espère qu'il sera bientôt terminé», conclut-il.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


La bibliothèque Jadal est une oasis culturelle dans la province orientale de l'Arabie saoudite

Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
Ali Al-Herz (photo) a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres. (Photo Fournie)
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  • Ali Al-Herz a transformé sa maison en une bibliothèque contenant plus de 37 000 livres, offrant aux visiteurs un espace où la mémoire, la philosophie et la culture prennent vie.
  • adal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

DHAHRAN : Dans le village tranquille d'Umm Al-Hamam, situé dans la province orientale de l'Arabie saoudite, une passion de longue date pour les livres s'est transformée en un havre culturel.

Ali Al-Herz, bibliophile et archiviste littéraire, a transformé sa maison en une bibliothèque d'exception nommée Jadal, un véritable trésor contenant plus de 37 000 livres, plus de 100 000 journaux et magazines, ainsi que des antiquités, dont certaines datent de plus d'un siècle.

Mais Jadal n'est pas seulement une bibliothèque, c'est bien plus que cela. C'est un musée à explorer, un espace philosophique propice à la réflexion et un rempart contre l'oubli des histoires culturelles importantes.

Al-Herz a déclaré à Arab News : « Depuis ma naissance, j'ai été entouré des livres de ma mère. J'ai grandi immergé dans cette passion, à tel point qu'elle m'a complètement envahi ; je suis devenu un rat de bibliothèque. »

L'étincelle qui a tout déclenché a été la rencontre d'Al-Herz avec l'épopée Sirat Antar à l'âge de 13 ans. « À partir de cette épopée, et à travers elle, j'ai commencé à explorer d'autres mondes », a-t-il déclaré. 

C'est cette curiosité et cette fascination qui ont finalement conduit Al-Herz à créer l'une des initiatives les plus originales du royaume d'Arabie saoudite.

Le nom « Jadal » signifie « débat » ou « discussion » en arabe, reflétant l'esprit curieux de la bibliothèque. Pour Al-Herz, l'objectif n'est pas seulement de préserver les textes, mais aussi l'idée de questionner et d'explorer les idées.

Al-Herz a déclaré : « J'ai choisi ce nom pour la bibliothèque, car il est profondément ancré dans l'histoire philosophique de la Grèce antique, ainsi que dans notre propre tradition culturelle arabo-islamique, en particulier dans notre héritage religieux. »

L'atmosphère philosophique imprègne les trois salles principales, nommées d'après Socrate, Platon et Aristote, qui accueillent les visiteurs dans un univers dédié à la lecture et à la réflexion. 

Des manuscrits rares, des textes anciens, des journaux et des antiquités ont été soigneusement archivés. Chaque pièce est un murmure du passé qui s'adresse à l'avenir. 

Al-Herz explique : « Même mon intérêt récent pour l'achat de livres s'est principalement orienté vers les éditions rares et les imprimés anciens, afin de créer une harmonie entre patrimoine et modernité. »

Mais Jadal ne se laisse pas envahir par la nostalgie, car Al-Herz organise toutes les deux semaines une réunion littéraire. Cet événement fait revivre une tradition qui était autrefois importante dans la vie intellectuelle des Arabes.

C'est un environnement où écrivains, universitaires et penseurs se réunissent autour d'un café arabe pour échanger des idées dans une atmosphère animée. 

À une époque où les gens recherchent des informations instantanées en ligne, Al-Herz continue d'utiliser des méthodes traditionnelles. « Il y a une lutte permanente entre deux générations », observe-t-il. « La victoire reviendra finalement à cette dernière génération, une fois que ma génération aura disparu. Les bibliothèques papier seront alors transformées en musées. »

Il a peut-être raison, mais pour l'instant, au cœur de la campagne de Qatif, la bibliothèque Jadal continue d'exister, et c'est un lieu où l'encre, la mémoire, le débat et le patrimoine continuent de façonner l'âme culturelle du Royaume. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Amin Maalouf apporte un soutien inattendu aux langues régionales

Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
Cette photographie montre la façade de l'Institut de France avant la présentation de la 9e édition du Dictionnaire de l'Académie française, qui est le dictionnaire officiel de la langue française, à Paris, le 14 novembre 2024. (Photo de Ludovic MARIN / POOL / AFP)
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  • Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs,
  • Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale.

PARIS : Une initiative d'un collectif visant à enseigner le patrimoine littéraire dans les langues régionales de France a reçu lundi  un soutien inattendu : celui du secrétaire perpétuel de l'Académie française, Amin Maalouf.

M. Maalouf, écrivain franco-libanais, a été élu en 2023 à la tête d'une institution dont la mission est de veiller au rayonnement et à l'intégrité de la langue française.

Toutefois, il soutient la démarche du Collectif pour les littératures en langues régionales, qui suggère un enseignement de ce type au collège ou au lycée, a indiqué ce collectif à l'AFP.

Ce dernier a écrit au Premier ministre François Bayrou et à la ministre de l'Éducation nationale, Elisabeth Borne, pour leur proposer un corpus d'œuvres en langues régionales destiné aux professeurs, afin de sensibiliser à la « richesse de la production littéraire » dans d'autres langues que le français. 

« M. Maalouf, comme nous, est convaincu qu'il est nécessaire que les élèves français découvrent ces trésors culturels », écrit ce collectif à M. Bayrou, qui parle lui-même le béarnais.

Le Collectif pour les littératures en langues régionales a constitué, avec l'aide de spécialistes, un recueil intitulé Florilangues, comprenant 32 textes en langue originale (de l'alsacien au tahitien, en passant par le basque ou le corse), traduits en français.

On y trouve entre autres un poème en provençal de Frédéric Mistral (prix Nobel de littérature en 1904) intitulé Mirèio, une chronique en breton de Pierre-Jakez Hélias intitulée Bugale ar Republik, un court récit en créole martiniquais de Raphaël Confiant intitulé Bitako-a, ainsi qu'une chanson en picard d'Alexandre Desrousseaux intitulée Canchon dormoire (plus connue sous le nom de P'tit Quinquin).

« Il ne s'agit pas de donner des cours de langues régionales, mais de présenter des œuvres issues des littératures en langues régionales, que ce soit en français ou en version bilingue », précise le collectif.

Idéalement, selon lui, les élèves aborderaient des langues issues d'autres régions que la leur. « Pourquoi seuls les élèves antillais apprendraient-ils qu'il existe une littérature en créole ? », demande ce collectif, qui présente son initiative à la presse lors d'une visioconférence lundi après-midi. 


L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle

L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
L'artiste saoudien Ahaad Alamoudi présente « The Social Health Club » à Bâle. (Photo Fournie)
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  • Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif.
  • « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018.

RIYAD : Ce mois-ci, l'artiste saoudienne Ahaad Alamoudi fait monter la température au Basel Social Club qui se tient jusqu'au 21 juin dans la ville suisse avec sa dernière installation, « The Social Health Club ». 

Fraîchement conçue, cette installation baignée de jaune, ancrée dans les œuvres passées de l'artiste, offre une expérience sensorielle riche et complexe ainsi qu'un commentaire culturel incisif. Elle marque également une première pour l'artiste avec un élément de performance en direct.

Basée à Djeddah, Alamoudi est connue pour créer des installations multimédias immersives s'inspirant de la dynamique complexe de son pays natal en pleine évolution. « The Social Health Club » s'articule autour d'objets trouvés au marché Haraj de Djeddah en 2018, notamment divers équipements de sport, dont un rameur.

« Ce sont des pièces que j'ai chinées dans des brocantes. J'aime le fait qu'aucune instruction n'accompagne ces machines : je ne connais ni leur nom, ni leur provenance, ni leur fabricant. Mais elles font désormais partie du paysage urbain dans lequel j'évolue. J'ai essayé de créer un espace ludique », a-t-elle déclaré à Arab News. 

Dans « The Social Health Club », les équipements, peints principalement dans un jaune vif et saturé, restent intacts, symbolisant une culture obsédée par l'auto-optimisation. Au cœur de l'installation se trouve un caméo représentant un fer à repasser peint en jaune, déjà présent dans son œuvre vidéo de 2020 intitulée « Makwah Man » (Makwah signifie « fer à repasser » en arabe).

« Beaucoup de mes œuvres sont issues d'un récit que je crée dans une vidéo. Dans « Makwah Man », cet homme vêtu d'une thobe jaune repasse un long morceau de tissu jaune au milieu du désert. Et pendant qu'il repasse, il nous dit comment vivre notre vie. Mais en nous disant comment vivre notre vie, il commence aussi à remettre en question la sienne, à comprendre le rôle du pouvoir, à prendre conscience de la pression du changement et de l'adaptation », explique Alamoudi. 

« Le jaune est présent dans la vidéo, mais l'artiste porte également une thobe jaune. Il y a aussi, dans cette version présentée à Art Basel, un portant de thobes jaunes qui tournent dans l'exposition. Pour moi, la thobe jaune est un symbole unificateur. J'essaie de dire que nous vivons tous cela différemment. Ainsi, dans la performance (pour « The Social Health Club »), un culturiste local vêtu d'une thobe jaune fera des exercices sur ces machines. Il n'a pas de règles à suivre. Il ne connaît rien, ne sait pas comment utiliser « correctement » l'équipement. Il entrera dans l'espace et utilisera les machines comme il le pourra.

« La performance sera enregistrée. Mais je pense que c'est plutôt une activation », a-t-elle poursuivi. « Ce n'est pas l'œuvre elle-même. L'œuvre existe sous la forme des machines. 

« Le Social Health Club » a été créé en étroite collaboration avec la conservatrice Amal Khalaf. Ensemble, ils se sont rendus à Djeddah où Alamoudi a pu découvrir avec elle des « machines un peu inhabituelles, différentes des machines classiques que l'on trouve dans les salles de sport et dont tout le monde connaît immédiatement l'utilité », explique Alamoudi.

« Elle est vraiment incroyable », a-t-elle poursuivi. « Nous avons vraiment construit cet espace ensemble. En gros, j'ai principalement créé la vidéo ; tout le reste a été construit à partir de là. Elle m'a beaucoup aidée. Elle s'est vraiment intéressée aux changements sociaux et à la manière dont nous les abordons. Notre collaboration a été parfaite. »

Le jaune domine chaque centimètre carré de l'œuvre, de manière délibérée et intense. 

« Je suis obsédé par les symboles dans certaines de mes œuvres. Et cela s'accompagne également d'une couleur », explique Alamoudi. « Je voulais mettre en valeur quelque chose de luxueux, de coloré, presque comme de l'or, mais qui n'est pas de l'or. Son apparence est assez austère. » 

Le jaune est à la fois une invitation et un avertissement. « Je pense que le jaune est également assez trompeur. J'aime cette couleur qui incite les gens à s'approcher pour voir ce qui se passe, mais qui les amène en même temps à se demander ce que c'est  elle est si agressive qu'elle en devient un peu inconfortable. »

L'interaction du spectateur est essentielle à la signification de l'œuvre. 

« Je pense que les machines représentent quelque chose et qu'elles véhiculent quelque chose, mais elles sont en réalité activées par les gens, par ce que les gens font avec elles », explique Alamoudi. « C'est pourquoi j'encourage beaucoup de spectateurs à interagir avec les œuvres, à les utiliser ou à essayer de les utiliser sans aucune instruction. Beaucoup de personnes qui entrent dans l'espace peuvent avoir peur de les toucher ou d'interagir avec elles. La présence de l'artiste qui active les structures ajoute une autre dimension à l'œuvre elle-même. »

Elle espère que les visiteurs se sentiront libres d'explorer les œuvres, sans être encombrés par des attentes.

« Les gens sont censés les utiliser à leur guise. Ils peuvent s'asseoir dessus, se tenir debout dessus, les toucher — ils peuvent aussi les laisser tranquilles », conclut-elle en riant. 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com