Frankly speaking: au sein de l'OPEP+, l'Arabie saoudite a contribué à une «forte reprise de l'économie mondiale»

Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer (Capture d'écran/Photo AN)
Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer (Capture d'écran/Photo AN)
Short Url
Publié le Jeudi 31 mars 2022

Frankly speaking: au sein de l'OPEP+, l'Arabie saoudite a contribué à une «forte reprise de l'économie mondiale»

Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer (Capture d'écran/Photo AN)
  • Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer, a fait ces remarques dans le cadre de la série de conversations vidéo avec des décideurs de premier plan
  • Yergin considère l'alliance des producteurs de pétrole comme une force stabilisatrice aidant à la relance après l'apocalypse économique

DUBAΪ: Le rôle de premier plan de l'Arabie saoudite au sein de l'alliance OPEP+ des producteurs de pétrole a été déterminant dans le rééquilibrage des marchés mondiaux, selon l'un des plus grands experts mondiaux de l'énergie. 

Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer, déclare à Arab News : « L'OPEP+ a apporté une sorte de prévisibilité, de stabilité et de prudence sur le marché, et de toute évidence, l'Arabie saoudite a été à l'avant-garde de cela. C’est une contribution à cette incroyable reprise économique mondiale forte à laquelle nous assistons en ce moment. » 

Yergin, qui est également vice-président du cabinet de conseil IHS Markit, a exprimé son point de vue dans Frankly Speaking, la série d'entretiens vidéo avec des décideurs politiques et des chefs d'entreprise. 

Il évoque les perspectives d'une résurgence de l'industrie américaine du schiste, le défi du changement climatique pour l'industrie de l'énergie et le récent « scénario » controversé de l'Agence internationale de l'énergie (AIE) qui suggère la fin de tout nouvel investissement dans les hydrocarbures. 

Concernant la reprise des marchés pétroliers, que de nombreux experts attribuent au rôle de l'Arabie saoudite en tant que plus grand exportateur de l'OPEP+, Yergin déclare : « N'oublions pas, ce n’est qu’il y a un peu plus d'un an seulement, que l'effondrement épouvantable s'est produit. Ce qui a non seulement été un choc pour les pays producteurs et exportateurs de pétrole, mais aussi pour l'Inde et le Japon, qui étaient profondément inquiets parce qu'ils craignaient la destruction, l'affaiblissement de l'industrie mondiale du pétrole et de l'industrie gazière desquelles leurs économies dépendent si fortement. 

1
Daniel Yergin, l'historien de l'industrie pétrolière lauréat du prix Pulitzer, qui est également vice-président du cabinet de conseil IHS Markit, a exprimé son point de vue dans Frankly Speaking (Capture d'écran/Photo AN)

Le prix du brut Brent a retrouvé ses niveaux d'avant la pandémie, et de nombreux analystes prévoient qu'il pourrait atteindre 100 $ (84,28 €) d'ici la fin de cette année, car la reprise post-pandémique accélère la demande d'énergie. 

« L'OPEP+ est une force modératrice et une force stabilisatrice, un réel mécanisme pour naviguer vers une reprise après une apocalypse économique épouvantable », dit Yergin. 

Les analystes d'IHS Markit prévoient une croissance économique mondiale de 6 % en 2021, l'économie américaine cruciale devant croître de 7,4 %, ajoute-t-il. 

La relation entre les deux plus grands producteurs de l'OPEP+ – l'Arabie saoudite et la Russie – est cruciale pour le rééquilibrage et la reprise de la demande, souligne Yergin, ajoutant que l'industrie pétrolière américaine est devenue moins importante pour la dynamique du marché mondial. 

« Les États-Unis faisaient partie des trois grands en avril 2020. Je pense que les États-Unis se sont maintenant écartés de cela en tant qu'acteur gouvernemental, ce qui signifie que cette relation entre l'Arabie saoudite et la Russie est très importante et constitue la base du bon fonctionnement de l'OPEP +.  Je pense qu'il est dans l'intérêt des deux pays de continuer », dit-il. 

Une récente visite au cœur de l'industrie pétrolière américaine à Houston, au Texas, l'a persuadé qu'une relance du schiste américain pourrait être en cours. « Le schiste fait face à une deuxième révolution. Il a dû changer sa relation avec les investisseurs et leur rendre de l'argent et c'est ce qu'il  a fait. Il y a un mantra de discipline du capital qui n'existait pas auparavant », précise Yergin. 

« Il est stabilisé et – tant que les prix se situent dans une fourchette raisonnable – nous connaîtrons une croissance modeste. Ce que nous ne verrons pas, c'est cette croissance explosive sans précédent qui a contribué à une offre excédentaire soudaine sur le marché pétrolier. Donc, on pourrait dire que le schiste s'est en quelque sorte installé dans un état plus mature. » 

1
«L'OPEP+ a apporté une sorte de prévisibilité, de stabilité et de prudence sur le marché, et de toute évidence, l'Arabie saoudite a été à l'avant-garde de cela. C’est une contribution à cette incroyable reprise économique mondiale forte à laquelle nous assistons en ce moment» (Capture d'écran/Photo AN)

L'industrie pétrolière américaine est également confrontée à une nouvelle situation de surveillance réglementaire et d'activisme des investisseurs qui remet en cause les perspectives à long terme. Yergin convient que l'attitude de l'administration Biden – contrairement à l'approche de la présidence Trump – équivaut à une nouvelle réticence envers l'industrie des hydrocarbures, et qu'il pourrait y avoir davantage de restrictions environnementales imposées. « Nous verrons un effort visant à utiliser des mécanismes réglementaires pour contraindre l'industrie. Je pense que les défis réglementaires sont encore à venir », dit-il. 

Mais l'administration a également dû considérer le fait de l'indépendance énergétique des États-Unis qui s'est produite dans le cadre de la révolution du schiste. « Les États-Unis ont dépensé 400 milliards de dollars pour importer du pétrole en 2008. Ils ne dépensent plus rien maintenant et je pense que Biden et certaines personnes autour de lui ne veulent plus de la dépendance énergétique », indique Yergin. 

La nouvelle alliance d'activisme environnemental et financier dans l'industrie pétrolière, qui a augmenté les défis des compagnies pétrolières, a récemment été mise en évidence lorsque l'AIE a présenté de manière controversée un scénario dans lequel tout nouvel investissement dans les combustibles fossiles a été immédiatement rejeté. 

« C'était très déroutant parce que quelques mois plus tôt seulement, l'AIE avait averti qu'il n'y avait pas assez d'investissements dans le pétrole et le gaz et que cela allait entraîner une crise de l'offre, des prix élevés et des turbulences », dit-il. 

« Je pense que l'industrie pétrolière et gazière considérerait l'AIE comme une sorte de source objective indépendante. Ils considèrent l'AIE différemment maintenant et se demandent ce qui s'est passé ? Pourquoi est-ce arrivé ? Donc, il y a eu une sorte de passage d'un côté à l'autre. » 

Mais Yergin est catégorique sur le fait que les soi-disant combustibles fossiles continueraient à jouer un rôle vital dans l'énergie mondiale longtemps encore. « Le mélange énergétique va changer. Le pétrole et le gaz naturel vont partager de plus en plus d'espace avec les énergies renouvelables et les alternatives. Donc, je pense que nous allons avoir un système mixte. Mais en 2050, je pense que le monde utilisera encore du pétrole et du gaz, ainsi que beaucoup d'autres choses », déclare-t-il. 

Le livre le plus récent de Yergin, « The New Map », publié l'année dernière, est une analyse de la corrélation entre l'énergie, le climat et la géopolitique. John Kerry, l'envoyé spécial du président sur le changement climatique, a récemment félicité l'Arabie saoudite pour sa contribution à la campagne mondiale contre les effets du changement climatique et ses efforts pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris. 

Le Royaume a annoncé son intention d'éliminer complètement le pétrole du bouquet énergétique national d'ici 2030, ainsi qu'un vaste programme de plantation d'arbres pour atténuer les émissions de CO2. 

« Ce que fait l'Arabie saoudite est conforme à ce que vous voyez dans le monde – un rôle beaucoup plus important des énergies renouvelables. De toute évidence, le solaire a un rôle important en Arabie saoudite. L'idée d'utiliser du gaz pour libérer des liquides destinés à l'exportation et les plans de plantation d'arbres sont des étapes qui, bien sûr, visent vraiment à éliminer le carbone de l'atmosphère », déclare Yergin. 

1
La relation entre les deux plus grands producteurs de l'OPEP+ – l'Arabie saoudite et la Russie – est cruciale pour le rééquilibrage et la reprise de la demande, souligne Yergin, ajoutant que l'industrie pétrolière américaine est devenue moins importante pour la dynamique du marché mondial (Capture d'écran/Photo AN)

« Donc, je pense que la direction que prend l'Arabie saoudite est conforme à ce que font d'autres pays en particulier dans le domaine de l'électricité. » 

Alors que la stratégie du Royaume d'une économie circulaire du carbone, dans laquelle les gaz à effet de serre sont réduits et finalement éliminés de l'atmosphère, est une approche viable du problème du changement climatique, Yergin met en garde : « Certains en Europe ne souhaitent pas la capture du carbone parce qu'ils n’aiment pas l'industrie des hydrocarbures. 

Il signale que les prix de sources d'énergie renouvelables telles que l'éolien et le solaire baissent pour devenir des options viables avec les hydrocarbures, et que de nouvelles sources d'énergie comme l'hydrogène pourraient également faire partie du bouquet énergétique au cours des 15 prochaines années. 

Dans « The New Map », Yergin explique comment les défis énergétiques et climatiques pourraient devenir des facteurs importants dans ce qu'il appelle le « choc des nations », remplaçant le « consensus de l'OMC » qui a aidé à harmoniser les relations entre, principalement, les États-Unis et la Chine. 

« Vous entendez aujourd'hui un discours que vous n'auriez pas eu il y a cinq ans et c'est inquiétant. Cela dit, vous savez que je suis de nature optimiste », ajoute-t-il. 

« À la fin du livre, j'ai essayé d'être réaliste, mais je suis également optimiste, car je crois qu'il y a des solutions. 

Twitter : @frankkanedubai 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com 


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Short Url
  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Short Url
  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
Short Url
  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".