En Jordanie, des milliers de débiteurs menacés de prison

Mohammad Sabha, un ouvrier d'usine jordanien de 43 ans, trie des papiers avec ses deux enfants, Fathia, 17 ans (à gauche) et Khader, 18 ans (à droite) dans la maison familiale de la capitale Amman, le 22 juin 2021. KHALIL MAZRAAWI / AFP
Mohammad Sabha, un ouvrier d'usine jordanien de 43 ans, trie des papiers avec ses deux enfants, Fathia, 17 ans (à gauche) et Khader, 18 ans (à droite) dans la maison familiale de la capitale Amman, le 22 juin 2021. KHALIL MAZRAAWI / AFP
Short Url
Publié le Vendredi 25 juin 2021

En Jordanie, des milliers de débiteurs menacés de prison

  • Selon un rapport sur la question publié par l'ONG Human Rights Watch (HRW) en mars, plus d'un quart de million de Jordaniens font actuellement l'objet de plaintes pour défaut de paiement
  • Pour HRW, la Jordanie devrait remplacer l’article 22 de la loi qui autorise l’emprisonnement par une législation enjoignant aux juges d'explorer des alternatives

AMMAN: Pour soigner ses deux enfants handicapés, Mohammad Sabha a dû contracter des prêts mais ce Jordanien risque l'incarcération en raison de son incapacité à les rembourser, dans un pays où ne pas honorer une dette, aussi petite soit-elle, est passible de prison.

"Il s'agit de l'un des problèmes sociaux les plus graves du royaume", souligne l'économiste jordanien Musa al-Saket.

En Jordanie, seuls les fonctionnaires et les retraités bénéficient d'une assurance maladie, et Mohammad, âgé de 43 ans, a déjà fait de la prison à cause de ses dettes. 

Sa femme est employée dans un service de nettoyage, et à deux ils gagnent mensuellement 650 dinars (767 euros), ce qui couvre à peine leurs dépenses.

"Ma femme et moi travaillons mais nous sommes obligés d'emprunter pour soigner nos deux enfants, car les soins coûtent annuellement 5.000 dinars (5.900 euros) et nous ne les avons pas", explique à l'AFP Mohammad, installateur de structures en aluminium.

Sa fille, Fathia, 17 ans, souffre d'une paralysie à un bras et une jambe et Khader, 18 ans, a perdu un œil en tombant lorsqu'il était enfant. Il doit changer régulièrement sa prothèse.

"Pour soigner nos enfants, nous avons emprunté depuis cinq ans 12.000 dinars auprès de cinq établissements. Nous sommes harcelés par les créanciers qui se sont adressés aux tribunaux. Aujourd'hui, nous sommes aux abois", explique-t-il.

S'ils ont échappé au cachot c'est en raison de la pandémie. Le gouvernement a instauré en mars un moratoire jusqu'à la fin de l'année pour l'exécution des peines de prison à condition que la dette de la personne concernée n'excède pas 100.000 dinars. 

Mais Mohammad est convaincu que dès que la loi entrera de nouveau en vigueur, lui et sa femme seront les premiers à aller en prison.

"Il faut réviser la loi car l'emprisonnement ne profite ni au créancier ni au débiteur. Qu'est ce qu'il gagne en me mettant en prison? Qui s'occupera de mes enfants malades?", dit-il.

Modifier la loi

Selon un rapport sur la question publié par l'ONG Human Rights Watch (HRW) en mars, plus d'un quart de million de Jordaniens font actuellement l'objet de plaintes pour défaut de paiement. 

Il cite des statistiques officielles selon lesquelles, le nombre de personnes qui risquent l'incarcération pour des dettes impayées a décuplé en seulement quatre ans, passant de 4.352 en 2015 à 43.624 en 2019 dans un contexte économique difficile.

En outre, en 2019, environ 2.630 personnes, soit 16% de la population carcérale, se trouvaient derrière les barreaux pour non paiement de prêts ou pour avoir émis des chèques sans provision.

"Au lieu d’aider ceux qui en ont besoin, les autorités les jettent en prison", s'insurge Sara Kayyali, chercheuse à HRW.

L'ONG souligne qu'en l'absence d'une réelle protection sociale, des dizaines de milliers de Jordaniens sont contraints d'emprunter "pour payer services publics, courses, frais de scolarité et frais médicaux" et "ont souvent recours à des prêteurs informels échappant à toute réglementation".

Pour HRW, la Jordanie devrait remplacer l’article 22 de la loi qui autorise l’emprisonnement par une législation enjoignant aux juges d'explorer des alternatives.

Quand la pandémie est arrivée, il ne restait plus à Majdi Mohammad, vendeur ambulant de parfums et cosmétiques, que 247 dinars à rembourser sur les 6.000 qu'il avait empruntés en 2018. 

"Mais, mon travail s'est arrêté en mars 2020 lorsque les gens se sont souciés davantage de la nourriture que des parfums", dit cet homme de 53 ans.

"Le prêteur a porté plainte auprès du tribunal et j'attends le verdict. Mais que gagne-t-il si je suis en prison", maugrée-t-il. Même minime, une dette non payée est passible de jusqu'à 90 jours de prison tandis qu'un an d'incarcération est prévu pour l'émission d'un chèque sans provision.

Face à cette situation dramatique, s'est constitué en 2019 un comité pour défendre ces personnes endettées.

"Nous cherchons à faire pression pour que le gouvernement modifie la loi. Le débiteur ne doit pas être emprisonné avec des criminels. L'emprisonnement viole la dignité humaine", souligne à l'AFP un membre du comité Mahmoud al-Qatami.

Selon ce commerçant, des milliers de Jordaniens ont fui vers l'Égypte, la Turquie ou la Géorgie pour éviter les peines de prison. "Certains vivent leur exil dans des conditions difficiles. Ils dorment dans les jardins publics ou sous les ponts".


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Short Url
  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.


Pour Aoun, le Liban «n'a pas d'autre choix que de négocier avec Israël»

Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
Israël a bombardé le Liban à plusieurs reprises malgré le cessez-le-feu de novembre 2024 qui visait à mettre fin à plus d'un an d'hostilités avec le Hezbollah, multipliant les attaques ces derniers jours. (Reuters)
Short Url
  • Joseph Aoun réaffirme l'engagement de Beyrouth en faveur d'un dialogue sans guerre, tout en admettant qu'Israël reste un "ennemi"
  • Les frappes aériennes israéliennes tuent deux personnes, dont un commandant du Hezbollah précédemment blessé dans l'explosion d'un téléavertisseur

BEYROUTH : Le président libanais Joseph Aoun a réaffirmé lundi son engagement à négocier avec Israël, affirmant que son pays n'avait "aucune option" en la matière.

Toutefois, il a ajouté : "La négociation n'est pas menée avec Israël : "La négociation ne se fait pas avec un ami ou un allié, mais avec un ennemi.

"Le langage de la négociation est plus important que celui de la guerre, dont nous avons vu ce qu'elle nous a fait subir.

Selon le bureau des médias du palais présidentiel, M. Aoun a réaffirmé son attachement au "langage diplomatique adopté par nous tous, du président du Parlement Nabih Berri au Premier ministre Nawaf Salam".

Le Liban reste attaché au cadre de négociation "à travers le Comité du mécanisme", qui est limité aux représentants militaires, avec la possibilité d'inclure des civils conformément à une proposition américaine présentée la semaine dernière par Morgan Ortagus aux responsables libanais.

Les remarques de M. Aoun font suite à l'intensification des attaques israéliennes sur le Sud-Liban visant à accroître la pression sur le Hezbollah pour qu'il désarme.

Une frappe aérienne israélienne a visé une moto à Aita Al-Shaab, tuant son conducteur. Il s'agit de la deuxième frappe en l'espace de quelques heures.

Des médias proches du Hezbollah ont rapporté que l'homme tué était Youssef Naameh, le frère de deux autres personnes tuées précédemment dans des frappes israéliennes.

Lors d'une frappe précédente, les forces de défense israéliennes ont visé la ville de Doueir dans le district de Nabatieh, tuant une personne et en blessant sept autres, selon un communiqué du ministère libanais de la santé.

Plusieurs médias libanais ont rapporté que l'homme tué était le commandant du Hezbollah Mohammed Ali Hadid, qui avait déjà été blessé lors de l'explosion d'un téléavertisseur par le Mossad en septembre 2024 - une opération dont Israël n'a jamais officiellement revendiqué la responsabilité.

Selon certaines informations, M. Hadid avait survécu à une première frappe israélienne dimanche dans la ville de Zefta, dans le sud du pays, au cours de laquelle des drones israéliens avaient lancé au moins trois missiles sur une cible. Ces frappes n'ont toutefois pas atteint l'objectif visé.

Des images diffusées en ligne montrent la voiture visée en proie à de violentes flammes, tandis que les équipes de pompiers luttent contre les effets de la frappe, qui a également provoqué l'incendie de plusieurs voitures en stationnement.

Un complexe commercial contenant des magasins et des restaurants a également été endommagé.

La chaîne israélienne Channel 12 a rapporté que les récentes attaques israéliennes faisaient suite aux commentaires d'une "source de sécurité israélienne" dimanche.

Cette source a déclaré que "l'État libanais ne pénètre pas dans certaines zones où le Hezbollah opère et, si l'on nous demande d'agir, nous savons comment augmenter le rythme des attaques au Liban si nécessaire".

L'escalade des frappes israéliennes a porté à 16 le nombre de morts en moins d'une semaine, la plupart étant des membres du Hezbollah.

Samedi, une frappe aérienne meurtrière sur la ville de Kfar Roummane à Nabatieh a tué quatre membres du Hezbollah et blessé trois passants.

Une source de sécurité s'attend à une escalade des attaques israéliennes au cours des derniers mois de l'année, qui est la date limite fixée par l'armée libanaise pour achever le plan de désarmement au sud de la ligne Litani.

Le ministre israélien de la défense, Israël Katz, a accusé dimanche le Hezbollah de "jouer avec le feu". Il a déclaré qu'il tenait le gouvernement et le président libanais "responsables des atermoiements dans le respect de leurs engagements concernant le désarmement du parti et son retrait du sud".

Il a également affirmé qu'"Israël continuera à appliquer une politique de riposte maximale dans ses opérations militaires et n'autorisera aucune menace visant les résidents du nord", appelant les autorités libanaises à "assumer pleinement leurs responsabilités pour assurer la stabilité et empêcher l'escalade".


Israël: des élus favorables à une loi instaurant la peine de mort pour les «terroristes»

 La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir. (AFP)
Short Url
  • Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative
  • La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture

JERUSALEM: La commission de Sécurité nationale de la Knesset a voté lundi en faveur d'une proposition de loi instaurant la peine de mort pour les auteurs d'attaques jugées "terroristes", une mesure soutenue par le ministre israélien de la Sécurité nationale d'extrême droite Itamar Ben Gvir.

La commission a approuvé un amendement au Code pénal, qui sera maintenant transmis au Parlement pour un vote en première lecture, une loi étant instaurée en Israël après une vote en troisième lecture.

Selon le médiateur israélien chargé des otages, Gal Hirsch, le Premier ministre Benjamin Netanyahu soutient cette initiative.

Dans une note explicative de la commission, il est indiqué que "son objectif est de couper le terrorisme à sa racine et de créer une forte dissuasion".

Le texte propose qu'un "terroriste reconnu coupable de meurtre motivé par le racisme ou la haine (...) soit condamné à la peine de mort - de manière obligatoire", ajoutant que cette peine serait "non optionnelle".

La proposition de loi a été présentée par une élue du parti Otzma Yehudit (Force Juive) d'Itamar Ben Gvir.

Ce dernier a menacé de cesser de voter avec la coalition de droite de Benjamin Netanyahu si ce projet de loi n'était pas soumis à un vote parlementaire d'ici le 9 novembre.

"Tout terroriste qui se prépare à commettre un meurtre doit savoir qu'il n'y a qu'une seule punition: la peine de mort", a dit le ministre lundi dans un communiqué.

M. Ben Gvir avait publié vendredi une vidéo de lui-même debout devant une rangée de prisonniers palestiniens allongés face contre terre, les mains attachées dans le dos, dans laquelle il a appelé à la peine de mort.

Dans un communiqué, le Hamas a réagi lundi soir en affirmant que l'initiative de la commission "incarne le visage fasciste hideux de l'occupation sioniste illégitime et constitue une violation flagrante du droit international".

"Nous appelons les Nations unies, la communauté internationale et les organisations pertinentes des droits de l'Homme et humanitaires à prendre des mesures immédiates pour arrêter ce crime brutal", a ajouté le mouvement islamiste palestinien.

Le ministère palestinien des Affaires étrangères et des expatriés, basé à Ramallah, a également dénoncé cette décision, la qualifiant de "nouvelle forme d'extrémisme israélien croissant et de criminalité contre le peuple palestinien".

"C'est une étape dangereuse visant à poursuivre le génocide et le nettoyage ethnique sous le couvert de la légitimité", a ajouté le ministère.