DUBAÏ : Nombreux sont les photographes de presse qui se rendent chaque week-end près des silos du port. Mais je pense que ma visite était particulière parce que j'y ai mis beaucoup de moi-même. Il s’agit des routes que j'ai empruntées et des expériences que j'ai vécues. C'est ce que les autres photographes n'ont pas pu faire, notamment parce que j'ai eu la chance d'accompagner Emmanuel, un ingénieur français. Nous nous sommes approchés de l'endroit et avons même réussi à entrer dans l'un des silos, chose que peu de photographes ont pu faire.
C'est Emmanuel qui m'a contacté et m'a demandé si je voulais l'accompagner dans son investigation, basée sur le balayage laser. Nous devions faire des scans et les comparer pour voir si la structure bougeait. Ma première visite sur place a été très perturbante. Emouvante. J'ai donc pris des tas de photos. C'est ma façon de travailler. Je les revois par la suite et je les analyse. J'étais là lorsque l'explosion est survenue, et la première chose que j'ai faite a été de sortir mon appareil et de prendre des photos. Franchement, je pensais que nous allions mourir.
Les arbres étaient l'une des scènes les plus captivantes de cet endroit, que j'appelle « le désert de Beyrouth ». On dirait qu'une route les sépare. C'est comme s'ils montaient la garde du site. Derrière eux, c'est l'enfer, une véritable scène d'apocalypse. En avançant vers les arbres, on a l'impression d'être envahi, tellement ils sont grands. On dirait des géants avec de grandes mains, qui nous ordonnent de rester à l'écart.
Je n'y vois ni espoir ni pessimisme. C'est une représentation concrète et réelle. Les silos lui confèrent un sens différent. En quelque sorte, ils ont protégé tout ce qui se trouvait derrière eux. Ces arbres se dressent du côté opposé à l'explosion et, bien qu'ils aient survécu à l’explosion – comme une bonne partie de la ville –, leur âme est écrasée.
Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com.