Exploités, battus, drogués: le calvaire des ouvriers agricoles étrangers en Italie

Des ouvriers migrants travaillent dans les champs du village de Bella Farnia près de la ville côtière de Sabaudia, au sud de Rome. (AFP)
Des ouvriers migrants travaillent dans les champs du village de Bella Farnia près de la ville côtière de Sabaudia, au sud de Rome. (AFP)
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Publié le Dimanche 11 juillet 2021

Exploités, battus, drogués: le calvaire des ouvriers agricoles étrangers en Italie

  • L'histoire de ce ressortissant indien est particulièrement sordide mais, comme lui, ils sont des dizaines de milliers d'ouvriers agricoles à connaître des conditions de vie et de travail proches de l'esclavage
  • L'homme a été libéré dans la région de Latina, au sud de Rome, le 17 mars 2017 après avoir lancé un appel au secours sur Facebook et Whatsapp à des responsables de la communauté indienne locale et à un militant italien des droits humains

SABAUDIA, Italie : Pendant six longues années, Balbir Singh a touché une paye misérable, vécu dans une épave de caravane et s'est nourri des déchets alimentaires qu'il volait aux porcs ou que jetait son patron, un agriculteur italien.

L'histoire de ce ressortissant indien est particulièrement sordide mais, comme lui, ils sont des dizaines de milliers d'ouvriers agricoles à connaître des conditions de vie et de travail proches de l'esclavage.

"Je travaillais 12-13 heures par jour, y compris le dimanche, sans vacances, sans repos (...). Et il (le propriétaire de la ferme) me payait 100, 150 euros" par mois, raconte Balbir Singh à l'AFP. Le salaire minimum des employés agricoles en Italie est d'environ 10 euros l'heure.

L'homme a été libéré dans la région de Latina, au sud de Rome, le 17 mars 2017 après avoir lancé un appel au secours sur Facebook et Whatsapp à des responsables de la communauté indienne locale et à un militant italien des droits humains.

Les policiers l'ont trouvé dans une caravane, sans gaz, ni eau chaude, ni électricité. Il mangeait les restes que son employeur jetait aux ordures ou donnait aux poulets et aux cochons.

"Quand j'ai trouvé un avocat disposé à m'aider, (l'agriculteur) m'a dit +je vais te tuer, je creuserai un trou, je te jetterai dedans et je le refermerai+ (...). Il avait une arme, je l'ai vue", se souvient-il.

Il était parfois battu et ses papiers d'identité lui avaient été confisqués.

Son ancien employeur est maintenant jugé pour exploitation. Singh, lui, vit dans un lieu tenu secret, par peur de représailles.

Le rapporteur spécial des Nations unies sur les formes contemporaines d'esclavage estimait en 2018 que plus de 400.000 ouvriers agricoles en Italie étaient exposés à l'exploitation et que près de 100.000 vivaient dans des "conditions inhumaines".

Le mois dernier, un Malien de 27 ans est mort dans les Pouilles (sud-est) après une journée de travail aux champs par des températures dépassant 40°C.

Opiacés 

Dans la région d'Agro Pontino, tapissée d'entreprises maraîchères et floricoles, réputée pour sa mozzarella produite à base de lait de buffle, les Indiens sont présents depuis les années 1980.

Le sociologue Marco Omizzolo, le militant des droits humains qui a contribué à affranchir Balbir Singh, estime entre 25.000 et 30.000 le nombre d'Indiens vivant aujourd'hui dans la région, en majorité des Sikhs du Pendjab.

Ils vivent sous la coupe de "caporali", des intermédiaires sans scrupules qui recrutent de la main d'oeuvre servile pour le compte des propriétaires. En général, les ouvriers se voient offrir un contrat mais ils ne reçoivent qu'une fraction de ce qui leur est dû.

"Tu peux travailler 28 jours, ils n'en consignent que quatre sur ton bulletin de salaire, donc à la fin du mois tu reçois 200, 300 euros", explique Marco Omizzolo à l'AFP.

La réalité est encore plus sombre: une récente enquête de police a mis en évidence la consommation à grande échelle d'opiacés parmi les Indiens. 

Un médecin arrêté dans la station balnéaire de Sabaudia est soupçonné d'avoir prescrit à 222 ouvriers agricoles indiens plus de 1.500 boîtes de Depalgos, un traitement normalement réservé aux patients souffrant d'un cancer.

"Le médicament est censé les aider à travailler plus longtemps aux champs en soulageant la douleur et la fatigue", précise à l'AFP le procureur en chef de Latina, Giuseppe De Falco.

Lutte pour les droits 

Le Parlement s'est saisi du fléau de l'exploitation des travailleurs agricoles. Une loi anti-"caporali" de 2016 a par exemple permis de poursuivre l'employeur de Singh.

Mais pour les syndicats, les contrôles de l'inspection du travail sont encore trop rares.

Le sociologue Marco Omizzolo, qui travaille avec le groupe de réflexion Eurispes, a passé des années à enquêter sur les abus dans la filière agroalimentaire dans la région de Latina.

Il a vécu pendant trois mois à Bella Farnia, un village majoritairement occupé par des Indiens, travaillant incognito dans les champs. Lui aussi vit désormais sous protection policière, après avoir été la cible de menaces de mort.

En 2019, il a été fait chevalier de l'ordre du Mérite par le président Sergio Mattarella, en reconnaissance de son "travail courageux".

Trois ans plus tôt, il a contribué, avec le syndicat Flai Cgil, à l'organisation de la toute première grève des travailleurs indiens d'Agro Pontino.

Depuis, leur salaire est passé de 2,5-3 euros à 5 euros l'heure. La moitié du minimum légal.


Nouvelle date pour la conférence sur l’État palestinien relancée par la France et l’Arabie saoudite

Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
Un drapeau palestinien flotte face aux colonies israéliennes en Cisjordanie occupée. La conférence franco-saoudienne sur la création d'un État palestinien, qui avait été reportée, a été reprogrammée pour les 28 et 29 juillet. (AFP/File Photo)
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  • Initialement prévue du 17 au 20 juin, la conférence a été reportée après le lancement par Israël, le 13 juin, d'une guerre de 12 jours contre l'Iran
  • L'objectif de la conférence, reprogrammée pour les 28 et 29 juillet, est l'adoption urgente de mesures concrètes conduisant à la mise en œuvre d'une solution à deux États

NEW YORK : Une conférence internationale organisée et coprésidée par l'Arabie saoudite et la France pour discuter de la création d'un État palestinien, qui avait été reportée le mois dernier, a été reprogrammée pour la fin du mois.

"La conférence ministérielle sur la solution des deux États reprendra les 28 et 29 juillet ; les détails seront communiqués sous peu", ont confirmé des diplomates à Arab News vendredi.

Initialement prévu du 17 au 20 juin, l'événement, officiellement intitulé "Conférence internationale de haut niveau pour le règlement pacifique de la question de Palestine et la mise en œuvre de la solution à deux États", a été reporté après le lancement par Israël, le 13 juin, de son opération militaire de 12 jours contre l'Iran.

L'événement, convoqué par l'Assemblée générale des Nations unies, aura lieu au siège des Nations unies à New York. L'objectif est l'adoption urgente de mesures concrètes qui conduiront à la mise en œuvre d'une solution à deux États et mettront fin à des décennies de conflit entre Israéliens et Palestiniens.

Au moment du report, le mois dernier, le président français Emmanuel Macron avait déclaré que la conférence était repoussée pour des raisons logistiques et de sécurité, mais avait insisté sur le fait qu'elle se tiendrait "dès que possible".

Ce report ne "remet pas en cause notre détermination à aller de l'avant dans la mise en œuvre de la solution des deux États", avait-il ajouté

M. Macron devrait annoncer officiellement la reconnaissance par la France d'un État palestinien lors de cet événement. Cette semaine, il a exhorté les autorités britanniques à faire de même.

La Palestine est officiellement reconnue par 147 des 193 États membres de l'ONU. Elle bénéficie du statut d'observateur au sein de l'organisation, mais n'en est pas membre à part entière.

Lors d'une réunion préparatoire des Nations unies en mai, Manal Radwan, conseillère au ministère saoudien des affaires étrangères, a déclaré que la conférence intervenait à un moment "d'urgence historique", alors que Gaza "endurait des souffrances inimaginables".

Elle a déclaré que l'Arabie saoudite était honorée de se tenir aux côtés des autres nations engagées dans des efforts diplomatiques pour apporter "un changement réel, irréversible et transformateur, afin d'assurer, une fois pour toutes, le règlement pacifique de la question de la Palestine".

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Russie: le suicide apparent d'un ministre sème la peur au sein de l'élite

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin. (AFP)
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  • Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement
  • Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours

SAINT-PETERSBOURG: Le suicide probable du ministre russe des Transports, Roman Starovoït, annoncé peu après son limogeage lundi par Vladimir Poutine sur fond d'allégations de corruption, a profondément choqué l'élite politique, où chacun redoute de faire les frais de la chasse aux profiteurs.

Ses funérailles ont eu lieu vendredi dans un cimetière de Saint-Pétersbourg en présence de sa famille et de collègues, mais en l'absence de M. Poutine qui n'a pas non plus participé à la cérémonie d'adieu jeudi.

Si les circonstances de la mort de Roman Starovoït, âgé de 53 ans, restent floues, les médias russes ont évoqué une enquête pour corruption le visant, assurant qu'il devait être arrêté prochainement.

Limogé par le président Vladimir Poutine, il s'est probablement donné la mort, selon les premiers résultats de l'enquête, qui est en cours.

"C'est une grande perte pour nous, très inattendue. Nous sommes tous choqués", a déclaré à l'AFP Vassilissa, 42 ans, l'épouse d'un collègue de M. Starovoït, lors de la cérémonie de jeudi.

"Il était tellement actif, joyeux, il aimait énormément la vie. Je ne comprends pas comment cela a pu arriver", ajoute cette femme, les larmes aux yeux.

Après avoir déposé devant le cercueil de grands bouquets de roses rouges, des anciens collègues de M. Starovoït, en costumes sombres, sont repartis très vite dans leurs luxueuses voitures noires.

Dans une ambiance très lourde rappelant les funérailles dans le film culte "Le Parrain" de Francis Ford Coppola, d'autres personnes interrogées par les journalistes de l'AFP dans la foule ont refusé de parler.

"Bouc émissaire" 

Roman Starovoït avait été gouverneur de la région russe de Koursk, frontalière de l'Ukraine, avant d'être promu ministre à Moscou en mai 2024, trois mois avant que les troupes ukrainiennes ne prennent le contrôle d'une petite partie de ce territoire lors d'une offensive surprise. Une attaque qui avait été un revers pour le Kremlin.

Son successeur à la tête de cette région, Alexeï Smirnov, a lui été arrêté au printemps pour le détournement des fonds destinés à renforcer les fortifications à la frontière. Celle-là même que les Ukrainiens ont traversé facilement, pour n'être repoussés que neuf mois plus tard.

Les autorités "ont essayé de faire de lui (Roman Starovoït) un bouc émissaire", accuse auprès de l'AFP Andreï Pertsev, analyste du média indépendant Meduza, reconnu "indésirable" et interdit en Russie.

L'incursion ukrainienne "s'est principalement produite parce qu'il n'y avait pas assez de soldats pour protéger la frontière", mais c'était "plus facile de rejeter la faute sur un responsable civil", explique-t-il.

L'affaire Starovoït s'inscrit dans une vague récente de répression visant de hauts responsables soupçonnés de s'être enrichis illégalement pendant l'offensive russe en Ukraine. Et selon des analystes, si les scandales de corruption on toujours existé en Russie, la campagne militaire a changé les règles du jeu politique.

"Il existait des règles auparavant, selon lesquelles les gens savaient: une fois qu'ils montaient suffisamment haut, on ne les embêtait plus", estime M. Pertsev. "Mais elles ne fonctionnent plus."

"On ne vole pas" 

Alors que Vladimir Poutine promettait régulièrement de s'attaquer à la corruption - étant lui même accusé de s'être enrichi illégalement par ses détracteurs -, les rares arrestations médiatisées ont été davantage utilisées pour cibler des opposants ou résultaient de luttes internes entre les échelons inférieurs du pouvoir en Russie.

Depuis l'offensive en Ukraine lancée en février 2022, "quelque chose dans le système a commencé à fonctionner de manière complètement différente", souligne la politologue Tatiana Stanovaïa du Centre Carnegie Russie Eurasie, interdit en Russie en tant qu'organisation "indésirable".

"Toute action ou inaction qui, aux yeux des autorités, accroît la vulnérabilité de l'État face aux actions hostiles de l'ennemi doit être punie sans pitié et sans compromis", estime Mme Stanovaïa en définissant la nouvelle approche du pouvoir.

Pour le Kremlin, la campagne en Ukraine est une "guerre sainte" qui a réécrit les règles, confirme Nina Khrouchtcheva, professeure à The New School, une université de New York, et arrière-petite-fille du dirigeant soviétique Nikita Khrouchtchev.

"Pendant une guerre sainte, on ne vole pas (...) on se serre la ceinture et on travaille 24 heures sur 24", résume-t-elle.

Signe des temps, plusieurs généraux et responsables de la Défense ont été arrêtés pour des affaires de détournement de fonds ces dernières années. Début juillet, l'ancien vice-ministre de la Défense Timour Ivanov a été condamné à 13 ans de prison.

Cette ambiance, selon Mme Stanovaïa, a créé un "sentiment de désespoir" au sein de l'élite politique à Moscou, qui est peu susceptible de s'atténuer.

"À l'avenir, le système sera prêt à sacrifier des figures de plus en plus en vue," avertit-elle.

 


Un trafic de stupéfiants démantelé entre Espagne et France, 13 arrestations

reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
reize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police. (AFP)
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  • 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations
  • Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN

LYON: Treize personnes, dont le "donneur d'ordres" présumé, ont été arrêtées par des policiers qui ont démantelé un "important" trafic de drogues importées d'Espagne pour alimenter la région Auvergne-Rhône-Alpes, au terme d'une enquête de près de deux ans, a annoncé vendredi la police.

Onze suspects ont été interpellés entre décembre 2023 et juillet 2024, notamment grâce à l'interception par les policiers de deux poids-lourds et d'un convoi de voitures "entre la région lyonnaise et le Gard", "au moment où les stupéfiants étaient remis à des équipes locales", explique la Direction interdépartementale de la police (DIPN) du Rhône dans un communiqué.

Dans le même laps de temps, 2,4 tonnes de résine de cannabis ont été saisies par les enquêteurs de Office anti-stupéfiants (OFAST) de la police judiciaire de Lyon, qui ont mené ces opérations.

Dans cette première phase, les 11 suspects ont été mis en examen et sont, depuis, en détention provisoire, selon la DIPN.

Puis l'enquête a permis l'interpellation, le 30 juin dernier, d'un homme "soupçonné d'être le donneur d'ordres" et, le lendemain, d'un autre suspect, "fugitif condamné en 2016" à sept ans de prison pour trafic de stupéfiants. A son domicile dans l'Ain, "54 kg de cocaïne et plusieurs dizaines de milliers d'euros" ont été saisis, précise le communiqué qui n'en dit pas plus sur le profil de ces hommes. Ils ont été mis en examen le 4 juillet et placés en détention provisoire.

La police considère ainsi avoir réussi le "démantèlement de ce groupe criminel organisé (...) réalisant des importations de stupéfiants depuis l'Espagne vers la région Auvergne-Rhône-Alpes" pour des "quantités importantes".