A 76 ans, l'artiste Christian Boltanski a rejoint ses fantômes

Sous la nef du Grand Palais, Christian Boltanski présente en 2010 une installation monumentale qui évoque la Shoah sans y faire directement allusion. La pince d'une grue prélève inlassablement des habits tirés d'une pile d'une quinzaine de mètres et les relâche au hasard. (Photo, AFP)
Sous la nef du Grand Palais, Christian Boltanski présente en 2010 une installation monumentale qui évoque la Shoah sans y faire directement allusion. La pince d'une grue prélève inlassablement des habits tirés d'une pile d'une quinzaine de mètres et les relâche au hasard. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 15 juillet 2021

A 76 ans, l'artiste Christian Boltanski a rejoint ses fantômes

  • Le plasticien à la renommée internationale étonnait avec ses œuvres mêlant objets hétéroclites, vidéos, photographies et installations
  • Parmi ses projets iconoclastes, l’artiste a vendu sa vie en viager à un collectionneur en Tasmanie et tenté de parler avec les baleines de Patagonie

PARIS : Il se voyait comme un artisan de la mémoire, travaillant sur l'absence et la mort : géant français de l'art contemporain, hanté par la Shoah, Christian Boltanski est décédé mercredi à l'âge de 76 ans.

"Il est mort ce matin à l'hôpital Cochin (à Paris), où il était depuis quelques jours", a indiqué à l'AFP Bernard Blistène, ancien directeur du musée d'art moderne au Centre Pompidou à Paris, qui lui avait consacré une rétrospective en 2019-2020.

"Il était malade. C'était un homme pudique, il a caché les choses aussi longtemps qu'il a pu", a détaillé M. Blistène, confirmant une information du journal Le Monde.

Autodidacte, le plasticien à la renommée internationale confiait avoir "lutté contre l'oubli et la disparition" avec ses œuvres accessibles mêlant objets hétéroclites, vidéos, photographies et installations. 

"C'est une très grande perte, a déploré M. Blistène. Il aimait par-dessus tout cette transmission entre les êtres, par des récits, par des souvenirs. Il restera comme un des plus grands conteurs de son temps. C'était un inventeur incroyable."

"A la fois monumentale et spectaculaire, son œuvre restait toujours à son image, humble, secrète et mystérieuse". Avec l'artiste "Annette Messager, sa compagne, il avait réussi à tracer une route reconnue internationalement, notamment à la Biennale de Venise, chacun d’eux trouvant la marque de sa propre mythologie", a salué de son côté l'ancien ministre de la Culture Jack Lang.

La galerie Marian Goodman, poids lourd de l'art contemporain avec ses antennes à New York, Paris et Londres, qui représentait Boltanski depuis la fin des années 80, a mis en avant ses "réponses uniques, contemplatives et méditatives face à la vie et son cheminement", et mis en ligne une photo en noir et blanc de l'artiste.

Le musée d'Orsay, le centre Pompidou ainsi que la Biennale de Venise se sont joints aux hommages sur les réseaux sociaux.

Fils d'un médecin juif converti d'origine ukrainienne et d'une Corse catholique, Christian-Liberté Boltanski naît le 6 septembre 1944. Pendant l'Occupation, sa mère atteinte de polio cache son père sous le plancher de l'appartement. Ils simulent un divorce et prétendent que le père a quitté Paris. Son neveu Christophe Boltanski raconte cette famille atypique dans "La Cache", salué par le prix Femina 2015.

En 2020, le Centre Pompidou avait consacré à cet homme chauve, silhouette massive et sourire pétillant, une exposition en forme de rétrospective, "Faire son temps", conçue comme une gigantesque œuvre unique.

Avec lui, "une exposition était comme un véritable récit, comme un grand mouvement", se souvient M. Blistène, qui le connaissait depuis une quarantaine d'années.

L'évènement s'ouvrait sur un choc visuel: une vidéo d'un homme assis qui ne cesse de vomir. Vidéo qui dit l'enfermement connu par sa famille durant la guerre et les années qui suivirent, imprégnées du récit de la Shoah omniprésent.

"Ce qui compte avant tout (dans son œuvre), c'est l'émotion. Il s'attachait à susciter cette émotion. Ils sont rares les artistes qui ont su faire ça, avec des outils simples, des matériaux simples, le goût du bricolage", décrit encore l'ancien directeur du Centre Pompidou.

Parmi ses œuvres, on retiendra aussi d'autres projets iconoclastes: Christian Boltanski avait ainsi compilé sur une île japonaise les battements de 75000 cœurs, vendu sa vie en viager à un collectionneur en Tasmanie et tenté de parler avec les baleines de Patagonie.

Montrée en début d'année, sa dernière exposition "Après", à la galerie Marian Goodman, à Paris, faisait cohabiter une installation avec des masses de tissus blancs sur des chariots avec des projections aux murs de visages d'enfants, dont les traits s'effacent doucement... comme des souvenirs fugaces.

Quelques œuvres emblématiques

Marqué dans son enfance par la Shoah, l'artiste Christian Boltanski, décédé mercredi à l'âge de 76 ans, a travaillé toute sa vie sur l'absence, la disparition et l'inquiétude universelle face à la mort.

Voici son cheminement en quelques œuvres emblématiques.

 

« L'album de la famille D 1939-1964 » (1971)

L'artiste réunit par ordre chronologique des photos en noir et blanc de la famille d'un de ses amis. Après avoir cherché à déceler l'histoire singulière de cette lignée, Christian Boltanski réalise que ces clichés n'enseignent rien sur l'identité profonde de chacun de ses membres. 

L'album pourrait être celui de n'importe quel foyer: des instantanés sur une plage, des jeux de ballons, une mère et son enfant....

La photographie n'est qu'une illusion, elle n'a pas le pouvoir de préserver la mémoire de ses sujets et ne tient pas la mort à distance. Cette thèse va guider nombre de ses recherches.

 

Les archives de C.B 1965-1988 (1989)

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Avec ce grand projet, l'artiste veut "garder une trace de tous les instants de notre vie et de tous les objets qui nous ont côtoyés".

Pour cela, il assemble 646 boîtes de biscuits en fer blanc plus ou moins rouillées, formant des piles de trois mètres de haut, éclairées par de simples lampes de bureau.

A l'intérieur de ces boîtes, des centaines de photos et de documents que Boltanski a retrouvés dans son atelier. C'est toute sa vie d'artiste qui y est consignée mais à l'abri du regard du visiteur, comme à l'intérieur de sa mémoire.

En 2001, il reprend ce thème des archives personnelles avec "La vie impossible", un ensemble de 20 vitrines dans lesquelles sont amassés des documents, cette fois présentés à la vue des spectateurs.

 

« Oeuvre ultime » (2009)

En 2009, l'artiste rencontre un collectionneur tasmanien qui veut lui acheter ses cendres. Boltanski lui propose plutôt d'acheter sa vie en viager, son « oeuvre ultime ».

Depuis, quatre caméras filment nuit et jour son atelier de Malakoff, aux portes de Paris. Les images sont stockées sur des DVD et le collectionneur ne peut en disposer du vivant de l'artiste.

Dès 1969, "j'ai écrit que je voulais mettre ma vie en boîte pour essayer de la conserver", explique-t-il. "Là encore, c'est l'idée d'essayer de conserver la vie tout en sachant que c'est impossible".

Joueur professionnel, David Walsh a calculé que le viager serait financièrement intéressant pour lui les huit premières années. Pari raté.

 

« Personnes » (2010)

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Sous la nef du Grand Palais, Christian Boltanski présente en 2010 une installation monumentale qui évoque la Shoah sans y faire directement allusion. La pince d'une grue prélève inlassablement des habits tirés d'une pile d'une quinzaine de mètres et les relâche au hasard.

Au sol, 69 "carrés" recouverts de vêtements étalés comme autant de pierres tombales. Le son, très fort, anime l'atmosphère glaciale de battements cardiaques recueillis par l'artiste à travers le monde.

Le visiteur, guidé par des médiateurs, est immergé dans l'oeuvre gigantesque selon le souhait du plasticien. Il n'est plus un simple spectateur.

 

« Chance » (2011)

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En 2011, il représente la France à la Biennale de Venise avec "Chance", jouant sur la double signification du mot (hasard/chance).

Dans un impressionnant dispositif industriel semblable à une imprimerie, vacarme compris, il installe un long ruban roulant orné de centaines de visages de nourrissons. Périodiquement, une sonnette retentit: le ruban s'arrête sur un visage qui est alors affiché sur un moniteur.

"Nous sommes tous le fruit du hasard: le fruit du moment où nos parents se sont jetés l'un sur l'autre. S'ils avaient fait l'amour trois secondes plus tôt, vous ne seriez pas là", explique-t-il.


Une nouvelle initiative cinématographique à AlUla vise à stimuler le talent créatif saoudien

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production. (SPA)
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  • Les efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume
  • Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives

ALULA : Villa Hegra, en collaboration avec Film AlUla, a lancé un programme spécialisé dans la réalisation de films pour développer les compétences cinématographiques et soutenir les talents créatifs, a rapporté lundi l'Agence de presse saoudienne.

Cette initiative reflète l'engagement de Villa Hegra à renforcer l'activité culturelle et cinématographique tout en favorisant un environnement inspirant pour les créateurs de contenu et les cinéphiles.

Le programme propose des cours de formation et des ateliers couvrant toutes les étapes de la production cinématographique, de l'écriture du scénario et de la réalisation à la cinématographie, au montage et à la post-production.

Ces efforts visent à soutenir les jeunes talents et à contribuer à la croissance du secteur cinématographique du Royaume, a ajouté la SPA.

Villa Hegra organise également des programmes éducatifs et interactifs pour les enfants afin de développer leurs talents et leurs capacités créatives.

Ces programmes comprennent des ateliers qui simplifient les concepts scientifiques et les intègrent aux pratiques artistiques modernes, créant ainsi un environnement d'apprentissage qui encourage la découverte et l'innovation.

Ils ont suscité une forte participation des élèves dans tout le gouvernorat en raison de leur approche pratique et interactive, qui renforce la réflexion et la créativité des enfants.

Les initiatives sont mises en œuvre en collaboration avec des institutions françaises et saoudiennes, reflétant ainsi la diversité culturelle et les partenariats internationaux tout en améliorant la qualité du contenu éducatif pour les jeunes générations.

Villa Hegra est la première fondation culturelle franco-saoudienne basée à AlUla. Lancée en octobre, elle soutient la scène culturelle de la région en proposant des plateformes éducatives qui développent les compétences des enfants et des jeunes saoudiens, tout en renforçant la présence d'AlUla sur la scène culturelle internationale.


Eurovision: Nemo rend son trophée 2024 pour protester contre la participation d'Israël

Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
Le chanteur suisse Nemo, qui représentait la Suisse avec la chanson « The Code », célèbre sur scène avec son trophée après avoir remporté la finale du 68e Concours Eurovision de la chanson (CEC) 2024, le 11 mai 2024 à la Malmö Arena de Malmö, en Suède. (AFP)
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  • L’artiste suisse Nemo, vainqueur de l’Eurovision 2024, rend son trophée pour protester contre la participation maintenue d’Israël, dénonçant une contradiction avec les valeurs d’unité et de dignité affichées par l’UER
  • Cinq pays — Islande, Espagne, Pays-Bas, Irlande et Slovénie — ont déjà annoncé leur boycott de l’édition 2026, sur fond de critiques liées à la guerre à Gaza et d’accusations d’irrégularités de vote

GENEVE: L'artiste suisse Nemo, qui a remporté l’Eurovision 2024 en Suède, a annoncé jeudi rendre son trophée pour protester contre le maintien de la participation d'Israël dans la compétition, qui a déjà provoqué le boycott de cinq pays.

"En tant que personne et en tant qu'artiste, aujourd'hui, je ne pense plus que ce trophée ait sa place sur mon étagère", a déclaré dans une vidéo postée sur Instagram Nemo, qui s'était déjà joint aux appels réclamant l'exclusion d'Israël du plus grand événement musical télévisé en direct au monde.

"L'Eurovision prétend défendre l'unité, l'inclusion et la dignité de tous (...) Mais la participation continue d'Israël, alors que la commission d'enquête internationale indépendante (mandatée par) l'ONU a conclu à un génocide, démontre un conflit évident entre ces idéaux et les décisions prises par" l'Union européenne de Radio-Télévision (UER), a déclaré le chanteur de 26 ans.

"Il ne s'agit pas d'individus ou d'artistes. Il s'agit du fait que le concours a été utilisé à maintes reprises pour redorer l'image d'un État accusé de graves atrocités", a ajouté Nemo, devenu en 2024 le premier artiste non binaire à être sacré à l'issue d'une édition déjà marquée par une controverses sur la participation d'Israël en pleine guerre dans la bande de Gaza.

Mercredi, la télévision publique islandaise RUV a annoncé boycotter l'édition 2026 de l'Eurovision après le feu vert donné à la participation d'Israël, devenant le cinquième pays à ne pas participer au prochain concours à Vienne.

Début décembre, la majorité des membres de l'UER avaient estimé qu'il n'était pas nécessaire de voter sur la participation d'Israël avec sa télévision publique KAN.

Cette décision a déclenché instantanément les annonces de boycott des diffuseurs de l'Espagne, des Pays-Bas, de l'Irlande et de la Slovénie, sur fond de critiques de la guerre dans la bande de Gaza mais aussi d'accusations d'irrégularités dans les votes lors des précédentes éditions.

"Quand des pays entiers se retirent, il est évident que quelque chose ne va pas du tout. C'est pourquoi j'ai décidé de renvoyer ce trophée au siège de l'UER à Genève, avec gratitude et un message clair : incarnez vos valeurs", a ajouté Nemo, avant de déposer son trophée dans une boite.


Layali Diriyah réchauffe le cœur historique du Royaume

Layali Diriyah est organisé dans l'une des fermes du district d'Al-Murayih, transformant ce site historique en une expérience vivante et en plein air. (Photo AN/Huda Bashatah)
Layali Diriyah est organisé dans l'une des fermes du district d'Al-Murayih, transformant ce site historique en une expérience vivante et en plein air. (Photo AN/Huda Bashatah)
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  • L’événement constitue un pilier de la Diriyah Season, célébration vibrante de la culture saoudienne
  • La gastronomie y occupe une place majeure, avec un large éventail de cuisines saoudiennes et internationales

​​​​​​RIYAD : Layali Diriyah est de retour comme pièce maîtresse de la Diriyah Season de cette année, attirant les visiteurs vers un Al-Murayih transformé en une célébration en plein air de la culture, de la cuisine et de l’artisanat saoudiens.

L’événement se tient tous les jours de 17h à 2h du matin jusqu’en mars 2026. Des allées bordées de palmiers illuminées de guirlandes scintillantes instaurent une atmosphère mêlant l’héritage traditionnel najdi à la créativité saoudienne contemporaine.

Pour de nombreux visiteurs, le cadre lui-même fait partie de l’expérience. Shatha Abdulaziz, une visiteuse, a confié à Arab News : « Mon expérience a été merveilleuse et très agréable. Ce qui m’a réellement impressionnée, c’est l’atmosphère paisible, le thème traditionnel, l’organisation et les détails.

« Bien que je sois déjà venue lors des saisons précédentes, je pense qu’il y a eu une amélioration significative cette année. »

La gastronomie est un attrait majeur, avec un large choix de cuisines saoudiennes et internationales, dont des spécialités italiennes et méditerranéennes proposées par des restaurants exclusifs présents cette année.

« Ce fut une excellente expérience », a déclaré le visiteur Mohammed Fahad, ajoutant que l’attention portée aux détails était remarquable, tout comme « l’authenticité historique dans chaque recoin de Diriyah Nights ».

Il a ajouté : « Cela mêle véritablement le présent et le passé avec une touche raffinée et artistique. »

Des boutiques et stands proposent des articles en édition limitée à ceux en quête d’une expérience de shopping singulière.

Rawan Alsubaie, habituée de Diriyah mais présente à Layali Diriyah pour la première fois, a souligné le caractère exclusif des produits.

Elle a expliqué : « J’ai regardé certaines boutiques et stands et je les ai trouvés uniques, avec des produits introuvables en dehors de Diriyah Nights.

« Il y a des parfums que je n’ai trouvés nulle part ailleurs. J’ai même demandé aux commerçants s’ils avaient d’autres points de vente, mais ils m’ont dit que non, ce que je trouve remarquable.

« Je suis venue en m’attendant à découvrir quelque chose d’exceptionnel et, effectivement, l’endroit est magnifique, surtout durant la saison hivernale. C’est parfait. »

La Diriyah Season de cette année continue de mettre en valeur la richesse de l’héritage najdi tout en embrassant la créativité qui façonne l’Arabie saoudite moderne.

À travers des spectacles, des expositions et des expériences immersives, les visiteurs découvrent les traditions qui définissent Diriyah, ainsi que l'énergie qui anime son renouveau culturel.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com