L'Iran s'inquiète de l'Afghanistan et se rapproche des talibans

Un drapeau iranien. Photo AFP/Archives/JOE KLAMAR
Un drapeau iranien. Photo AFP/Archives/JOE KLAMAR
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Publié le Samedi 17 juillet 2021

L'Iran s'inquiète de l'Afghanistan et se rapproche des talibans

  • A l'heure où le gouvernement de Kaboul peine à contenir l'offensive des «étudiants en religion», la République islamique, qui partage avec l'Afghanistan une frontière de plus de 900 km, redoute un nouvel afflux de réfugiés afghans sur son sol
  • Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la République islamique accueille déjà plus de 3,46 millions d'Afghans sur son sol, en grande majorité réfugiés ou clandestins, soit plus de 4% de la population du pays

TEHERAN : L'Iran s'inquiète de la dégradation de la situation en Afghanistan mais semble esquisser un rapprochement avec les talibans, au nom du pragmatisme.

A l'heure où le gouvernement de Kaboul peine à contenir l'offensive des "étudiants en religion", la République islamique, qui partage avec l'Afghanistan une frontière de plus de 900 km, redoute un nouvel afflux de réfugiés afghans sur son sol.

Le président des Etats-Unis, Joe Biden, a fixé au 31 août le départ des derniers soldats américains stationnées en Afghanistan après quasiment 20 ans d'occupation, et les talibans affirment contrôler désormais près de 85% du territoire du pays.

Selon le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), la République islamique accueille déjà plus de 3,46 millions d'Afghans sur son sol, en grande majorité réfugiés ou clandestins, soit plus de 4% de la population du pays.

En proie à une grave crise économique et sociale provoquée par le retour de sanctions américaines à son encontre depuis 2018, l'Iran est aussi durement frappé par la pandémie de Covid-19 et peine à contenir une cinquième vague de la maladie.

Si l'Iran ne cesse d'appeler au départ des troupes américaines d'Afghanistan, il s'inquiète aussi des conséquences de ce retrait. Pour les responsables iraniens, "il s'agit de gérer une position ambivalente entre d'un côté (...) l'antiaméricanisme militant (de la République islamique) et de l'autre l'impérieuse nécessité de préserver la sécurité sur le flanc est du pays", analyse pour l'AFP Clément Therme, chercheur associé à l'Institut universitaire européen de Florence.

«Groupe terroriste»

Téhéran assure que la frontière entre l'Iran et l'Afghanistan est parfaitement gardée par les forces de la République islamique, mais la situation en Afghanistan suscite en Iran des craintes face à une possible résurgence dans le pays voisin de mouvements jihadistes affiliés au groupe Etat islamique. "Notre pays devra faire face à des conséquences fâcheuses une fois que des mouvements extrémistes et violents comme les talibans seront au pouvoir, allant d'un afflux de réfugiés à la montée en puissance de dangereux mouvements sectaires (...) à notre frontière orientale", écrivait dimanche le quotidien réformateur Etemad.

Le veille, le journal ultraconservateur Kayhan notait que "les talibans assurent qu'ils n'ont rien contre les chiites et qu'ils respectent les frontières de l'Iran". "Néanmoins, s'inquiète le quotidien, leur approche, qui se fonde sur la force, fait peser un avenir incertain pour les chiites et les frontières de notre pays".

La République islamique d'Iran, chiite, a entretenu des relations conflictuelles avec les talibans pendant leur règne sur un Emirat islamique d'Afghanistan (1996-2001), que Téhéran n'a jamais reconnu. La tension a souvent été forte avec les "étudiants en religion", que l'Iran accuse d'être un "groupe terroriste", et de persécuter les chiites afghans au nom d'un islam sunnite radical.

«Moins dangereux que Daech»

Sous l'impulsion de l'actuel chef de la diplomatie iranienne, Mohammad Javad Zarif, alors vice-ministre des Affaires étrangères, Téhéran a même coopéré avec Washington contre les talibans, lorsque les Etats-Unis sont entrés en Afghanistan pour y traquer Oussama Ben Laden en 2001 après les attentats du 11-Septembre.

Signe que les temps ont changé, M. Zarif a organisé le 7 juillet à Téhéran une "rencontre interafghane", en présence d'une délégation talibane. Et Téhéran répète depuis plusieurs mois que si les talibans ne sont pas la solution aux problèmes de l'Afghanistan, ils sont "une réalité" du pays et doivent avoir "part à une future solution" décidée par les Afghans eux-mêmes.

Dans un entretien récent avec Etemad, l'universitaire Saïd Laylaz, proche du président sortant Hassan Rouhani, plaidait pour une "relation équilibrée" avec les talibans, jugeant que ceux-ci pouvaient "être un outil très puissant (pour faire avancer les objectifs diplomatiques) de l'Iran dans la région".

Pour M. Therme, cette "realpolitik" iranienne traduit une "analyse (...) partagée voire dominante, depuis l'émergence de Daech (le groupe Etat islamique, NDLR) en Afghanistan, par la Russie (et) les Etats d'Asie centrale en particulier".

Aux yeux de Téhéran, note ce spécialiste de l'Iran, les talibans "ont changé car ils apparaissent aujourd'hui comme moins dangereux que Daech: il s'agit en effet d'un mouvement islamo-nationaliste à comparer avec (les) forces militaires jihadistes transnationales de Daech", que l'Iran aide Damas et Bagdad à combattre en Syrie et en Irak.

L'idée d'un rapprochement avec les talibans est cependant loin de faire l'unanimité. Jeudi, le grand ayatollah Safi Golpayégani, figure de l'établissement religieux iranien, a mis en garde le gouvernement en affirmant que  ce serait "une erreur grave et irréparable que de (leur) faire confiance".   


Un médecin syrien condamné à perpétuité en Allemagne pour crimes contre l'humanité sous Assad

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle. (AFP)
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  • Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups
  • "Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad"

FRANCFORT: Un médecin syrien, accusé de tortures d'opposants au régime de Bachar al-Assad, a été condamné à la prison à vie lundi par la justice allemande, après un procès fleuve de plus de trois ans à Francfort.

Arrivé en Allemagne en 2015, où il a exercé comme chirurgien orthopédique jusqu'à son arrestation en 2020 après avoir été reconnu par d'autres réfugiés syriens, Alaa Moussa était jugé pour de multiples crimes sur des détenus dans des hôpitaux militaires de Damas et de Homs durant la guerre civile en Syrie.

Agé de 40 ans, il réfutait toutes les accusations, parmi lesquelles celles d'avoir mis le feu aux parties génitales d'un adolescent et d'avoir administré une injection létale à un détenu qui avait résisté aux coups.

"Il a tué deux personnes et blessé grièvement neuf autres", a affirmé en rendant son verdict le juge Christoph Koller, soulignant que ces actes commis en 2011 et 2012 "s'inscrivaient dans la réaction brutale du régime dictatorial et injuste d'Assad" aux manifestations des opposants.

Dénonçant "une violation massive des droits de l'Homme" par l'accusé, le juge a souligné que le verdict était aussi une façon de montrer "que la souffrance des victimes n'est pas oubliée".

"Outre les difficultés inhérentes à un délai de 12 ans, le régime syrien a tenté jusqu'à sa chute (en décembre 2024, ndlr) d'exercer une influence sur la procédure" allemande, a-t-il poursuivi, évoquant des menaces sur des proches des témoins.

Etant donné la gravité des faits, la condamnation à la perpétuité d'Alaa Moussa a été assortie d'une peine de sûreté pour une durée non encore définie (qui sera décidée au bout de quinze ans d'incarcération).

Lors de son procès commencé le 19 janvier 2022, entouré de hautes mesures de sécurité, Alaa Moussa avait été confronté à plus d'une cinquantaine de témoins et d'anciennes victimes.

Certains avaient témoigné masqués et beaucoup avaient fait état de menaces et d'intimidation à l'encontre de leur famille restée au pays alors que l'ombre des services secrets syriens planait sur les audiences.

Une situation qui s'est détendue après la chute, durant le procès, du dictateur Bachar al-Assad, renversé en décembre 2024 et désormais réfugié en Russie.

Parmi les témoins, un ancien lieutenant d'Alep, âgé aujourd'hui d'une quarantaine d'années, emprisonné après avoir refusé de tirer sur des manifestants en novembre 2011.

"Puni pour ses actes" 

Il avait affirmé avoir vu Alaa Moussa infliger des injections à des malades allongés sur le sol, qui sont décédés peu après, dans l'hôpital militaire où il sévissait.

"Aucun tortionnaire, quel que soit le lieu où il a commis son crime, ne peut être certain d'échapper à la justice. Il devra toujours s'attendre à être puni pour ses actes", a asséné le juge Christoph Koller lors de son verdict.

L'Allemagne a déjà poursuivi et jugé des auteurs de crimes contre l'humanité et de crimes de guerre commis hors de son territoire, notamment des Syriens et des Irakiens, au nom du principe juridique de compétence universelle.

Il y a deux semaines, la justice allemande avait ainsi condamné à la prison à vie un ancien chef d'une milice syrienne soutenant l'ex-président Bachar al-Assad, reconnu coupable notamment de meurtre, d'actes de torture et de séquestration entre 2012 et 2014.

Lors du premier procès au monde sur des exactions du régime de Bachar al-Assad tenu en Allemagne, Anwar Raslan, un ex-gradé des services de renseignement syriens, avait été condamné en janvier 2022 à la prison à vie pour le meurtre de 27 prisonniers et des faits de torture sur au moins 4.000 autres, en 2011 et 2012, dans la prison Al-Khatib.

Des procès sur les crimes commis en Syrie ont également eu lieu ailleurs en Europe, notamment en France et en Suède.

Le conflit en Syrie, déclenché par des protestations pacifiques violemment réprimées en 2011, a fait plus d'un demi-million de morts, déplacé des millions de personnes et ravagé l'économie et les infrastructures du pays.


Ukraine: l'aide européenne compense le désengagement américain, selon le Kiel Institute

Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
Gabriel Felbermayr, économiste autrichien et président de l'Institut de Kiel pour l'économie mondiale, participe à une conférence de presse le 11 mars 2020 à Berlin afin de commenter l'impact économique et politique de l'épidémie du nouveau coronavirus. (Photo de Tobias SCHWARZ / AFP)
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  • « L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.
  • Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

PARIS : Selon l'institut de recherche allemand Kiel Institute, une hausse de l'aide des pays européens à l'Ukraine a permis début 2025 de combler le vide laissé par le désengagement de la nouvelle administration américaine de Donald Trump.

« L'Europe comble largement le retrait de l'aide américaine », écrit l'institut dans un communiqué, qui recense l'aide militaire, financière et humanitaire promise et livrée à l'Ukraine depuis l'invasion russe du 24 février 2022.

Alors que « les États-Unis, qui étaient auparavant le plus gros donateur à l'Ukraine, n'ont pas annoncé de nouvelle enveloppe depuis début janvier », l'Ukraine a tout de même reçu plus d'aide de janvier à avril 2025 qu'en moyenne les années précédentes sur la même période. 

« Reste à savoir s'il s'agit d'une hausse temporaire ou du début d'une évolution plus durable du rôle de l'Europe en tant que principal soutien de l'Ukraine », a déclaré Christoph Trebesch, qui dirige l'équipe du Kiel Institute chargée de suivre les engagements en faveur de l'Ukraine, cité dans le communiqué.

Début 2025, les données du Kiel Institute montrent que « la récente augmentation de l'aide européenne a été tirée par un petit groupe de pays », au premier rang desquels se trouvent « les pays nordiques et le Royaume-Uni ».

En revanche, « il est frappant de constater le peu d'aide allemande allouée ces derniers mois », a-t-il commenté. « Au lieu d'augmenter son soutien après l'arrivée de Trump au pouvoir, nous observons une forte baisse de l'aide allemande par rapport aux années précédentes. »

« La tendance est la même pour l'Italie et l'Espagne », a-t-il précisé. 

Au 30 avril 2025, 294 milliards d'euros au total ont été alloués à des dépenses précises en faveur de l'Ukraine (sur 405 milliards promis), selon les derniers chiffres du Kiel Institute. Les 111 milliards restants ont été promis à long terme, mais pas encore alloués.

Sur la somme déjà donnée, 140 milliards d'euros correspondent à de l'aide militaire, 133 milliards à de l'aide financière et 21 milliards à de l'aide humanitaire.

Les principaux donateurs sont l'Union européenne et ses membres (131 milliards d'euros donnés ou alloués), les États-Unis (115 milliards) et le Royaume-Uni (19 milliards).

En matière d'aide militaire, l'Europe, le Royaume-Uni compris, « dépasse pour la première fois depuis juin 2022 les États-Unis », selon le Kiel Institute. Les Européens ont déjà donné ou alloué 72 milliards d'euros d'aide militaire à l'Ukraine depuis le début de la guerre, contre 65 milliards pour les États-Unis. 


Les dirigeants du G7, dont Trump, se rejoignent au Canada tandis qu'un conflit oppose l'Iran et Israël

Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
Le logo du G7 2025 est visible sur la pelouse devant le centre des médias de Banff, à l'approche du sommet du Groupe des Sept (G7) qui se tiendra à Kananaskis, dans la province canadienne de l'Alberta, le 16 juin 2025. (Photo : Ben Sheppard / AFP)
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  • Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël.
  • La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

KANANASKIS, CANADA : Les pays du G7 ont entamé dimanche des négociations dans l'espoir de trouver un langage commun concernant le conflit entre l'Iran et Israël, alors que leurs dirigeants, dont le président américain, se retrouvent pour un sommet sous tension dans les Rocheuses canadiennes.

Il s'agit du premier grand sommet depuis que Donald Trump est revenu au pouvoir en janvier, ce qui a fragilisé l'unité du club des grandes démocraties industrialisées (Allemagne, Royaume-Uni, Canada, États-Unis, France, Italie et Japon).

Le président américain, qui n'a cessé de menacer le Canada ces derniers mois, est arrivé en fin de journée dans ce pays, avec sur la tête une casquette blanche portant son slogan « Make America Great Again » (« Rendre sa grandeur à l'Amérique »).

Pour cette réunion qui se déroule à Kananaskis, dans le parc national de Banff, dans l'ouest du Canada, il retrouvera ses alliés du G7 ainsi que les dirigeants de nombreux autres pays invités : l'Inde, l'Ukraine, le Mexique, l'Afrique du Sud et l'Australie seront notamment présents.

La priorité absolue pour tous sera d'éviter les drames, malgré les nombreux sujets de frictions, des droits de douane imposés par Donald Trump à la guerre en Ukraine, ou encore à celle du Moyen-Orient.

Mais parviendront-ils à parler d'une voix commune, notamment sur cette région du monde ?

Israël a stupéfié le monde vendredi en ouvrant un nouveau front avec une campagne militaire surprise et massive contre l'Iran.

Selon une source gouvernementale citée par l'AFP, les dirigeants du G7 travaillent à une déclaration commune. Reste à décider s'il s'agit d'appeler à la désescalade ou simplement de soutenir Israël en affirmant que le pays a le droit de se défendre. 

Mais cette guerre n'est pas le seule enjeu des discussions à Kananaskis. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky est parmi les invités et doit s'entretenir avec Donald Trump

Le président américain, qui s'est rapproché de façon spectaculaire de Moscou, a de nouveau eu un entretien téléphonique samedi avec le président russe Vladimir Poutine. Ce dernier lui a dit être prêt à un nouveau round de négociations.

De leur côté, les Européens tentent de convaincre Donald Trump de promulguer de nouvelles sanctions contre Moscou, ciblant plus précisément les ventes de pétrole russe. 

Tous les pays souhaitent par ailleurs aborder l'aspect commercial avec le président Trump. En imposant des taxes douanières d'au moins 10 % sur la plupart des produits entrant aux États-Unis, ce dernier a dévié le cours de la mondialisation et menacé l'économie mondiale d'un ralentissement général. 

Ce sommet du G7 est la première visite du président américain sur le sol canadien depuis qu'il a menacé son voisin du nord, estimant qu'il serait préférable qu'il devienne le 51^e État américain.

Le Premier ministre canadien, Mark Carney, et Donald Trump se rencontreront lundi matin lors d'un tête-à-tête. Outre MM. Carney et Zelensky, le dirigeant américain doit aussi rencontrer la présidente mexicaine Claudia Sheinbaum.