Tunisie: gouvernants et gouvernés responsables de l’explosion de Covid-19

Une infirmière tunisienne prodigue les premiers soins aux patients atteints de Covid-19 aux urgences de l'hôpital Charles Nicole de la capitale Tunis, le 16 juillet 2021. FETHI BELAID / AFP
Une infirmière tunisienne prodigue les premiers soins aux patients atteints de Covid-19 aux urgences de l'hôpital Charles Nicole de la capitale Tunis, le 16 juillet 2021. FETHI BELAID / AFP
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Publié le Mardi 20 juillet 2021

Tunisie: gouvernants et gouvernés responsables de l’explosion de Covid-19

  • Les autorités tunisiennes n’ont cessé depuis dix-huit mois de louvoyer entre fermeté et laisser-aller
  • Pour beaucoup de Tunisiens, la Covid-19 est «une banale grippe» et le vaccin «un truc créé pour nous contrôler», explique un médecin

TUNIS: Les Tunisiens risquent de ne pas sortir de sitôt de la nouvelle flambée de Covid. Essentiellement pour deux raisons: les incohérences des dirigeants, et l’incivisme d’une bonne partie des citoyens.

Moins de 50 décès dus au Covid-19 en juin 2020, plus de 17 000 treize mois plus tard. Comment les Tunisiens s’y sont-ils pris pour se retrouver dans une situation sanitaire aussi catastrophique? Comment expliquer que la Tunisie paie aujourd’hui un si lourd tribut lors de la troisième vague de la pandémie, après avoir réussi à limiter les dégâts lors des deux premières?

Deux médecins, l’un généraliste et l’autre chirurgien, s’accordent pour imputer, sous le sceau de l’anonymat, la rapide et dangereuse aggravation de la crise sanitaire à la fois aux autorités et aux Tunisiens d’une façon générale.

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Moins de 50 décès dus au Covid-19 en juin 2020, plus de 17 000 treize mois plus tard. FETHI BELAID / AFP

Les deux premières erreurs commises dans la gestion de la pandémie l’ont été par le précédent gouvernement dirigé par Elyes Fakhfakh (janvier-juillet 2020). «L’autosatisfaction exprimée par ce dernier à la fin de la première vague nous a coûté cher, car elle a fait baisser le niveau de la vigilance, déjà très bas», explique un médecin.

Ensuite, la deuxième maladresse a consisté à ne pas exiger de test PCR des touristes et Tunisiens résidant à l’étranger à leur arrivée en Tunisie.

Le reproche adressé à l’actuel gouvernement, dirigé par Hichem Mechichi depuis le 2 septembre 2020, est autre: l’indécision. N’ayant pas les moyens d’assumer le coût économique, donc financier, d’une politique axée prioritairement sur la lutte contre la Covid-19, l’État n’a pas voulu ou pu mettre en place le dispositif nécessaire pour une lutte efficace contre la pandémie. Un dispositif comprenant la distribution gratuite de masques et de gel aux plus démunis, l’augmentation du nombre de bus et de rames de métro…

De ce fait, les autorités n’ont cessé depuis dix-huit mois de louvoyer entre fermeté et laisser-aller. Plus d’une fois, les pouvoirs publics ont manqué de fermeté, et sont revenus sous la pression sur certaines mesures, comme la fermeture des cafés et restaurants lors du confinement de mai. «La faiblesse du gouvernement permet aux lobbys touristique et industriel de dicter leur loi», explique un chirurgien.

Les Tunisiens reprochent enfin aux dirigeants actuels d’avoir ajouté à la crise sanitaire une crise politique, ne permettant pas la mise en place de mesures efficaces contre la pandémie.

Depuis près de vingt mois, la Tunisie est en effet paralysée par le bras de fer que se livrent au sommet de l’État le président Kaïs Saïed, le président de l’Assemblée des représentants du peuple (ARP), et le mouvement Ennahdha, Rached Ghannouchi étant tapi derrière le chef du gouvernement, Hichem Mechichi.

«Cette crise politique a été néfaste. Elle a retardé la prise de décision», note un médecin opérant dans le privé.  Si la Tunisie a entamé la campagne de vaccination seulement le 13 mars, soit près de cinq semaines après le Maroc (29 janvier 2021) et l’Algérie (1er février), c’est en particulier parce qu’elle a tardé à entreprendre à temps les démarches nécessaires pour obtenir des vaccins.

Le citoyen lambda, qui aime tant casser du sucre sur le dos des politiques, n’est pas non plus exempt de tout reproche. «Il est dans le déni total de la maladie», s’insurge un médecin tenant un cabinet dans un quartier populaire de Tunis. Pour beaucoup, la Covid-19 est «une banale grippe» et le vaccin «un truc créé pour nous contrôler».

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Pour beaucoup, la Covid-19 est «une banale grippe» et le vaccin «un truc créé pour nous contrôler». FETHI BELAID / AFP

Une mentalité qui complique la tâche des commerçants. Ceux qui veulent faire respecter les gestes barrières finissent souvent par y renoncer. «Au début de la première vague de Covid-19, j’ai posté un employé à l’entrée de ma supérette pour qu’il mesure la température des clients et leur fournisse du gel. Beaucoup ont protesté contre ces mesures jugées vexantes, et m’ont même boycotté. Aujourd’hui, je me limite à me protéger ainsi que mon équipe», témoigne la mort dans l’âme le gérant d’une supérette dans la médina de Tunis.

On comprend dès lors pourquoi les Tunisiens risquent de ne pas sortir de sitôt de la Covid-19.

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Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.