Comment prévenir la guerre civile au Myanmar

Alors que les civils birmans forment des milices pour combattre l'armée, la guerre civile semble de plus en plus probable. (photo d'archive Reuters)
Alors que les civils birmans forment des milices pour combattre l'armée, la guerre civile semble de plus en plus probable. (photo d'archive Reuters)
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Publié le Vendredi 23 juillet 2021

Comment prévenir la guerre civile au Myanmar

Comment prévenir la guerre civile au Myanmar
  • Moscou dispose d'une opportunité commerciale parfaite pour vendre des armes à un régime désespéré, tout en contrariant les efforts de la communauté internationale pour faire pression sur les militaires
  • La méfiance entre les puissances internationales fait obstacle à l'adoption de mesures de bon sens afin d’éviter la pire issue possible

La Russie s’est rangée au cours du mois dernier du côté de la junte militaire qui a pris le contrôle au Myanmar (ex-Birmanie). Moscou n'a aucun lien avec la région et le Myanmar ne figure dans aucun plan géopolitique cohérent. Mais les dirigeants de la junte – des parias internationaux qui sont même évités par Pékin et la Thaïlande – ont toujours besoin d'armes pour réprimer la résistance civile au coup d'État.

Moscou dispose ainsi d'une opportunité commerciale parfaite pour vendre des armes à un régime désespéré, tout en contrariant les efforts de la communauté internationale pour faire pression sur les militaires afin qu'ils se retirent et laissent le peuple du Myanmar se gouverner démocratiquement. Pour Moscou, c'est une situation gagnant-gagnant.

Le parallèle alarmant ici est celui de la situation en Syrie. Le régime génocidaire d'Assad était à bout de souffle, et presque aussi isolé sur le plan international, lorsque la Russie est entrée dans le conflit et a consolidé la position de Bachar al-Assad. Au Myanmar, Moscou semble apprécier de s'immiscer dans le conflit aux côtés d'un régime autoritaire en perte de vitesse, contribuant ainsi à ouvrir la voie à une guerre civile qui pourrait durer indéfiniment.

Et comme les civils du Myanmar forment des milices pour combattre l'armée, la guerre civile semble de plus en plus probable. Si la communauté internationale veut réussir un ultime effort pour éviter que le Myanmar ne devienne un État défaillant comme la Syrie, le rôle que joue Moscou dans cette dynamique doit être au cœur des préoccupations de chacun.

Normalement, c'est dans ce contexte que les États-Unis et leurs alliés occidentaux devraient faire des ouvertures diplomatiques à Moscou. Mais si nous avons appris quelque chose au cours de la dernière décennie, c'est que le président russe, Vladimir Poutine, refuse de céder à tout effort diplomatique de la part de pays qu'il considère comme «ennemis». Aussi étrange que cela puisse paraître, le seul acteur qui pourrait réussir à mettre un terme à la guerre civile qui se prépare est la Chine.

 La méfiance entre les puissances internationales fait obstacle à l'adoption de mesures de bon sens afin d’éviter la pire issue possible.

Dr Azeem Ibrahim

Pékin et Moscou conservent toujours des liens étroits, bien que quelque peu compétitifs, mais Pékin conserve un énorme degré d'influence économique sur Moscou, à la fois en tant que client du gaz naturel russe et en tant qu'investisseur dans les infrastructures du réseau commercial chinois Belt and Road (Nouvelle route de la soie).

Heureusement, Pékin a également toutes les raisons d'essayer d'empêcher une guerre civile à sa frontière Sud, notamment parce que le Chine pourrait raisonnablement s'attendre à un afflux de millions de réfugiés si le conflit éclatait. De plus, Pékin a investi des sommes considérables dans la Belt and Road au Myanmar, et tout cela serait vain si le pays sombrait dans une guerre civile prolongée. En outre, il y a aussi la perspective d'une instabilité en chaîne dans d'autres pays déjà fragiles de la région, ce qui pourrait également poser des risques supplémentaires pour Pékin.

Le principal problème est que la Chine n'a pas l'instinct et l'expérience pour intervenir dans ce genre de différends afin d'assurer une médiation et de prévenir de telles catastrophes. C’est donc l'Occident qui devra persuader et soutenir Pékin dans tout effort visant à isoler la Russie de la zone de conflit et à maintenir la pression sur le régime birman.

Toutefois, si l'Occident se rapproche de Pékin à cet effet, ce dernier le verrait d’un mauvais œil. Nous nous trouvons donc dans une situation où la guerre civile est encore évitable, mais la méfiance entre les puissances internationales fait obstacle à l’adoption de mesures de bon sens afin d’éviter la pire issue possible.

Le Dr Azeem Ibrahim est directeur du Newlines Institute for Strategy and Policy à Washington et professeur de recherche au Strategic Studies Institute US Army War College.

Twitter : @AzeemIbrahim

 NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com