La réticence du Royaume-Uni à désigner les Gardiens de la révolution iraniens comme des terroristes laisse perplexe

Selon Suella Braverman, le CGRI iranien représente la plus grande menace pour la sécurité nationale du Royaume-Uni (Photo, AFP).
Selon Suella Braverman, le CGRI iranien représente la plus grande menace pour la sécurité nationale du Royaume-Uni (Photo, AFP).
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Publié le Lundi 02 octobre 2023

La réticence du Royaume-Uni à désigner les Gardiens de la révolution iraniens comme des terroristes laisse perplexe

La réticence du Royaume-Uni à désigner les Gardiens de la révolution iraniens comme des terroristes laisse perplexe
  • Le CGRI est un participant actif dans les conflits sectaires au Moyen-Orient et il semble désormais que son influence considérable s'étende plus loin
  • Le régime iranien s'appuie fortement sur le CGRI pour maintenir sa mainmise sur le pouvoir

Le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) d'Iran représente la plus grande menace pour la sécurité nationale du Royaume-Uni, selon la ministre britannique de l'Intérieur, Suella Braverman, après l’apparition de nouvelles preuves de son influence dans le pays.

Mme Braverman s'est déclarée préoccupée par l'intensification des activités du groupe et par les rapports des services de renseignement qui suggèrent que des agents iraniens s'efforcent d'enrôler des membres de syndicats du crime organisé pour cibler les opposants au régime.

Le MI5 (service de renseignement responsable de la sécurité intérieure du Royaume-Uni) avait déjà prévenu que Téhéran était responsable de dix complots l'année dernière, impliquant des meurtres et des enlèvements planifiés, un nombre qui était passé à quinze en février de cette année, selon la police métropolitaine de Londres. Un avertissement de Scotland Yard concernant la protection insuffisante des cibles potentielles a contraint Iran International, une chaîne de télévision dissidente, à cesser ses activités sur sa base britannique.

Le CGRI est un provocateur bien connu et un participant actif dans les conflits sectaires au Moyen-Orient, et il semble désormais que son influence considérable s'étende plus loin. Il collabore avec des groupes terroristes interdits et supervise de vastes réseaux criminels, dont un réseau de trafic de stupéfiants utilisé pour financer sa violence politique.

Fonctionnant comme une entité distincte dans le cadre de l'État iranien, plutôt que comme une branche officielle du gouvernement, le CGRI est un hybride entre une force de police religieuse et une organisation terroriste internationale. Il emploie des tactiques répressives contre les manifestants iraniens à l'intérieur du pays tout en s'engageant simultanément dans une guerre sectaire à grande échelle à l'étranger.

Bien qu'elles aient dû faire face à une quinzaine de menaces crédibles contre la vie de résidents britanniques au cours des deux dernières années, les autorités britanniques ont encore refusé de classer le CGRI parmi les organisations terroristes, la dernière occasion manquée étant survenue ce mois-ci.

Alors que les manifestations se poursuivent en Iran, où elles entrent dans leur onzième mois, l'influence violente et omniprésente du CGRI est de plus en plus évidente.

Dr Azeem Ibrahim

La division des opérations extérieures du CGRI, connue sous le nom de «Force al-Qods», a acquis une grande notoriété sous la direction de Qassem Soleimani. Il a orchestré la création de milices sectaires au Liban, en Irak, en Syrie et au Yémen, impliquant le groupe dans les conflits politiques internes et les guerres civiles de ces pays.

La Force al-Qods a également orchestré l'assassinat d'opposants politiques et de manifestants, tout en échappant aux sanctions et aux condamnations internationales.

M. Soleimani lui-même était un symbole et une figure de proue qui parcourait les champs de bataille et orchestrait de violentes actions de représailles telles que le siège brutal d'Alep en Syrie et la prise de Kirkouk aux Kurdes irakiens. Ses actions sont devenues si gênantes que les États-Unis ont fini par le prendre pour cible au moyen d’une attaque de drone à Bagdad pour l’éliminer en janvier 2020. Depuis lors, les actes de terrorisme du CGRI se sont poursuivis sous une direction moins visible.

Au cours de la dernière décennie, le groupe a directement participé à l'assassinat de personnalités politiques et de journalistes au Liban et en Irak, ou il a ordonné à ses milices affiliées de le faire. Parmi ses victimes, des personnalités notables telles que l'historien irakien et expert en sécurité Hicham al-Hachimi et l'activiste libanais Lokman Slim. Ses actions répondent indubitablement aux critères de la définition du terrorisme international.

En outre, le CGRI est entré dans une nouvelle phase de son programme en préparant l'assassinat de dissidents iraniens et d'autres ennemis présumés du régime en Europe et en Amérique. Le ministère américain de la Justice a averti un certain nombre de critiques virulents du régime de Téhéran, dont l'ancien conseiller à la sécurité nationale John Bolton et le journaliste irano-américain Masih Alinejad, qu'ils avaient été la cible de tels complots au cours des dernières années.

Au Royaume-Uni, des employés d'organisations d'opposition telles qu'Iran International ont été informés par la police que des criminels et des tueurs à gages menaçaient leur vie et que leurs bureaux et leurs résidences étaient surveillés.

Il est impératif que ces activités soient reconnues comme des actes de terrorisme. Le fait que ces tentatives d'assassinat aient échoué jusqu'à présent n’atténue absolument pas leur nature terroriste.

Des pays comme le Royaume-Uni, qui déploient déjà des efforts pour contrer les complots terroristes d'organisations interdites telles qu'Al-Qaïda, Daech et ceux des extrémistes nationaux, doivent interdire et imposer des sanctions aux forces iraniennes du CGRI et à leurs mandataires, s'ils continuent à adopter un comportement similaire.

Dans le monde entier, de nombreuses nations sont confrontées à des défis semblables. L'Australie, en particulier, est engagée dans un vif débat sur la question.

Alors que les manifestations se poursuivent en Iran, où elles entrent dans leur onzième mois, l'influence violente et omniprésente du CGRI est de plus en plus évidente. Ses forces servent à faire respecter le régime, à perpétuer la violence, la torture et le meurtre étant leurs principales activités.

La campagne d'expansion de l'Iran représente l’effort prolongé d'une force révisionniste pour reconfigurer l'ordre international.

Azeem Ibrahim

Alors que le groupe continue d'importer et de déployer des miliciens pour brutaliser et cibler les civils, les autorités du monde entier réévaluent leur perception des Gardiens de la révolution. Au lieu de considérer le groupe comme une branche non conventionnelle de l'État iranien, elles le reconnaissent désormais comme une entité militaire au sein de l'Iran, mue par son propre passé de violence et ses motivations internes. En résumé, le CGRI est un groupe armé, et non une force militaire nationale légitime.

La proscription n'est pas qu'une simple question de terminologie. Elle a de profondes implications pour la sécurité nationale, la diplomatie internationale et la vie de nombreuses personnes prises dans le feu croisé des actions du CGRI.

Le groupe contrôle une grande partie des ressources naturelles et des richesses minérales de l'Iran. Prendre des mesures décisives et proscrire le CGRI en tant qu'organisation terroriste pourrait donc conduire à des sanctions visant un pilier essentiel du régime de Téhéran. Il s'agit manifestement d'une priorité pour le Royaume-Uni, comme en témoigne l'élargissement par le gouvernement britannique de ses critères pour soumettre les partisans et les entreprises de l'Iran à des sanctions.

La proscription contribuerait également à contrecarrer les attentats au Royaume-Uni en permettant l'utilisation de la législation antiterroriste pour geler les avoirs et faciliter la surveillance des personnes soupçonnées d'avoir commis des attentats. Elle pourrait également encourager d'autres pays à faire de même, ce qui permettrait des politiques de collaboration telles que celles liées aux pouvoirs en matière d'immigration, entravant ainsi les mouvements internationaux des agents du CGRI et faisant obstacle à leurs opérations.

Compte tenu des actes de terrorisme continus et planifiés perpétrés par ce groupe armé iranien dans d'autres pays, il est tout à fait raisonnable que des pays tels que la Grande-Bretagne réévaluent leur position à l'égard du CGRI, une organisation qui ne s'en tiendra jamais à un comportement militaire typique et qui n'opérera jamais de manière légitime.

La conclusion inéluctable est que le régime iranien s'appuie fortement sur le CGRI, une organisation terroriste, pour maintenir sa mainmise sur le pouvoir. Pour aider le peuple iranien à se libérer de l'oppression du CGRI, la proscription est donc essentielle.

La campagne d'expansion de l'Iran représente l’effort prolongé d'une force révisionniste pour reconfigurer l'ordre international. Les frontières géographiques ne limitent pas sa portée, car son influence s'étend à travers le monde par le biais de réseaux criminels et d'actes de terrorisme qui laissent des empreintes sur tous les continents.

 

Azeem Ibrahim est directeur des initiatives spéciales au New Lines Institute for Strategy and Policy à Washington, D.C., et l'auteur de The Rohingyas : Inside Myanmar's Genocide (Hurst, 2017). Twitter : @AzeemIbrahim

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com