Processus de Paix : Israël, l’Algérie, la Turquie et les options de la France

Maurice GourdaultMontagne
Maurice GourdaultMontagne
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Publié le Lundi 07 septembre 2020

Processus de Paix : Israël, l’Algérie, la Turquie et les options de la France

  • Sherpa et conseiller diplomatique du président Chirac pendant cinq ans, ambassadeur de France à Londres, Berlin, Tokyo et Pékin, Maurice GourdaultMontagne a été jusqu’en juin dernier secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, avant de prend
  • Dans le cadre des tensions qui agitent le Moyen-Orient et la Méditerranée orientale, le diplomate chevronné, fait part à Arab News en Français du point de vue de la France

PARIS : Pour l’ambassadeur Maurice GourdaultMontagne, qui a été longtemps aux manettes de la diplomatie française auprès du président Jacques Chirac, que le chef de l’OLP Yasser Arafat aimait appeler « Dr. Chirac »,  « la situation entre Israël et les Palestiniens s’est dégradée de plus en plus avec une politique israélienne de colonisation et d’annexion agressive qui relève du fait accompli systématique. La France a d’ailleurs systématiquement dénoncé cette politique de colonisation, l’Union européenne aussi. Nous ne sommes pas seuls dans cette dénonciation. Néanmoins, nous pensons que la politique des deux États est la seule qui soit soutenable dans la durée, à la fois pour Israël et pour les Palestiniens. C’est la raison pour laquelle nous essayons de rappeler systématiquement les paramètres d’une solution à deux États, avec une solution pour les réfugiés, bien que devenue extrêmement complexe à réaliser mais faisant partie néanmoins des paramètres agrées par la communauté internationale (et si on reconnait cette communauté internationale on doit y adhérer). Nous rappelons aussi que la fin de l’occupation doit être mise en œuvre. Il y a des résolutions de l’ONU pour ça, comme le statut de Jérusalem. Il y a eu ce transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem, alors qu’il est reconnu dans les paramètres que Jérusalem doit être la capitale des deux États. Pour nous, il y a un droit d’Israël à exister en paix et sécurité. Mais il y a parallèlement un droit des Palestiniens, qui est inaliénable, à vivre dans des frontières sûres et reconnues, en sécurité au côté d’Israël.

Paramètres d’un dialogue de paix entre Israéliens et Palestiniens

Il faut sans cesse rappeler ces paramètres. La France y a toujours tenu, et le bon sens nous y amène, à défaut d’une situation dans laquelle le déni de justice ne peut qu’entrainer des débordements et de la violence. Donc nous souhaitons que toute occasion possible soit mise en œuvre pour pouvoir reprendre le dialogue entre Israéliens et Palestiniens. Cela nécessite un état d’esprit qui bouge chez les uns et les autres. Est-ce que les Palestiniens font le nécessaire aujourd’hui pour pouvoir se mettre en situation de négocier ? C’est une question que je pose. La France s’est félicitée de l’accord Émirien avec Israël. Les EAU, qui sont grand État arabe avec lequel nous avons une importante coopération, reconnaissent Israël. La conditionnalité qui a été posée est simplement qu’il y ait report de l’annexion. Nous souhaitons que ce ne soit pas seulement une suspension, mais une mesure définitive. Car sinon nous ne sortirons jamais d’une situation caractérisée par une injustice. Donc ce qui est important c’est la paix, la sécurité, vivre ensemble, dialoguer, négocier. Je suis certain qu’autant chez les Israéliens que chez les Palestiniens il y a un grand désir de paix, et que ce désir de paix est souvent confisqué par ceux qui ont intérêt à ce que cette situation se poursuive.

La France et l’Algérie, ou comment panser la mémoire et repenser le présent

 Sur les changements en Algérie, GourdaultMontagne explique que le président Chirac s’intéressait de très près à l’Algérie parce qu’il faisait partie de cette génération, comme le président Bouteflika, qui avait fait la guerre d’Algérie. Il était conscient, comme ses interlocuteurs, de cette mémoire émotionnelle collective entre Français et Algériens. C’est une relation très particulière, pas seulement d’État à État, mais une relation de peuple à peuple, car des millions de Français ont une mémoire d’Algérie, des millions d’Algériens ont une connaissance et une mémoire de la France. C’est une relation très singulière, très difficile parce qu’elle a été marquée par la guerre, la violence. Donc il s’agit de mettre fin à une sorte de défiance, de trouver les moyens de se parler, de créer des coopérations qui surmontent un passé encore très présent et que certains, parfois, à mon sens, ont intérêt à entretenir. Je ne me prononcerais pas sur les changements du système algérien depuis la fin du président Bouteflika. Ce que je vois, c’est qu’il y a un nouveau président, un gouvernement nouveau et que la France est décidée à travailler sur des symboles. La politique, c’est d’abord beaucoup de symboles. Nous avons des commissions qui travaillent sur des symboles historiques. Nous avons notamment restitué les crânes de certains combattants du 19e siècle qui s’étaient opposés à la conquête française. Ce sont des manières de reprendre langue sur des sujets extrêmement sensibles et qui touchent au respect que nous devons avoir les uns pour les autres. »

Si GourdaultMontagne croit à la repentance du côté français, « ce n’est pas le sujet, nous sommes prêts à travailler les uns avec les autres en disant que le passé a existé, que le passé n’était sans doute pas ce qu’on en a dit ». Le diplomate ajoute : « J’ai travaillé avec le président Chirac sur un traité entre la France et l’Algérie dans lequel la France reconnaissait que les trois départements français qu’on disait tels en considérant que l’Algérie c’est la France, ce n’était pas exactement cela. Car en Algérie, il y avait des citoyens qui avaient le droit de vote et d’autres qui ne l’avaient pas. Il y avait des hommes et des femmes dans des conditions et statuts différents. Ça, ce n’était pas la République. Ce n’était pas la France. Le reconnaitre n’est pas de la repentance ; c’est reconnaître un état de fait qui nous a amenés là où nous sommes. »

Sur le fait que le traité d’amitié n’a jamais été signé, GourdaultMontagne confirme : « Il n’a jamais été signé ; il est resté dans les cartons. On y a beaucoup travaillé, on avait travaillé les symboles, certaines données qui vont nous permettre de mieux comprendre et donner un nouveau coup d’envoi à la relation entre les deux pays en réglant les problèmes du passé, en s’entendant sur les problèmes du passé. Vous avez vu que le président Macron a décidé de nommer Benjamin Stora, un historien, pour créer une étude conjointe sur le passé franco algérien. Nous l’avons fait avec succès avec les Allemands avec qui nous avons un livre d’histoire rédigé par des historiens français et des historiens allemands. Même si l’Allemagne et l’Algérie ce n’est pas la même chose, ce sont des sujets d’adversité, d’hostilité, d’approche différente qui montrent que dans un cas ça a marché. Pourquoi pas avec les Algériens un jour ? Benjamin Stora n’écrit pas un livre d’histoire commun avec l’Algérie, mais on essaye de rapprocher les points de vue. Il faut donc y travailler car, à la clé, c’est le sort de million d’Algériens en France, devenus français, nés français, c’est le sort des Français et du travail que nous pouvons exercer encore en Algérie, des coopérations qu’on peut monter, de la circulation des personnes ; c’est les intérêts communs de la France et de l’Algérie en Méditerranée pour la sécurité, la lutte contre le terrorisme - car nous avons été atteints et les Algériens ont vécu des années effroyables de terrorisme- , de stabilité en Afrique où nous avons aussi des intérêts, donc il y a pour la France et l’Algérie avec ce qui est en train de se passer aujourd’hui ,une nécessité plus que jamais d’ aller de l’avant et travailler ensemble. »

De l’importance de parler et traiter avec la Turquie, à condition…

Au sujet du rôle turc en Libye, en Syrie et en Méditerranée orientale et l’impression donnée par le président Erdogan d’avoir l’ambition de recréer l’empire ottoman, GourdaultMontagne commente : « D’abord, la Turquie est un pays essentiel non seulement dans la région du Moyen Orient mais également en Méditerranée, même si son littoral est très étroit. Mais c’est un pays qui a une façade méditerranéenne. C’est un pays essentiel aux confins de l’Europe balkanique, c’est un pays essentiel en Asie centrale, donc c’est un pays carrefour. Pour nous, il est très important de traiter et parler avec la Turquie. Nous avons à faire aujourd’hui avec une Turquie en plein changement qui confirme des évolutions, avec par ailleurs le passé glorieux de l’Empire ottoman vécu comme une perte, puisqu’en 1920 il y a eu le traité de Sèvres, et en 1923 le traité de Lausanne demeurés dans la mémoire turque comme autant de traumatismes. D’un autre côté, la Turquie vit aussi avec ses réalisations modernes tout à fait exceptionnelles, celles de Mustapha Kemal pacha, d’Atatürk. Il y a en Turquie une cohabitation entre la Turquie du passé et la Turquie moderne. Il faut dans ce cadre parler avec la Turquie mais faire comprendre à nos amis turcs qu’exercer la menace, l’intimidation, ne pas respecter l’embargo des armes sur la Libye, n’est pas acceptable quand on est un grand pays, un pôle de puissance de cette nature. Pour nous la Turquie est un partenaire avec lequel il faut continuer à dialoguer. C’est un pays qui a un statut de candidat pour l’Europe. La Turquie est membre de l’Otan ; la Turquie est présente. Erdogan a une politique agressive, conquérante et nationaliste. Cela ne veut pas dire que nous devons couper les ponts avec la Turquie. Il est important de rappeler à la Turquie qu’il y a des règles de comportement, des règles multilatérales à respecter, qu’il y a un contexte qui a été tracé, que la Turquie doit avoir sa place en Méditerranée. Mais sur Chypre et d’autres sujets, quand on a affaire à un partenaire de cette importance dont les comportements ne sont pas conformes à ce qu’on peut attendre, il est important de remettre cent fois l’ouvrage sur le métier pour pouvoir aboutir à des points d’équilibre et ne jamais renoncer et ne pas être dans une vindicte, à condition que le partenaire le veuille bien ».


Le ministre israélien de la Défense promet de ne "jamais quitter" Gaza

Des enfants jouent dans le camp de Nuseirat pour Palestiniens déplacés, dans le centre de la bande de Gaza, le 22 décembre 2025. (Photo : Eyad Baba / AFP)
Des enfants jouent dans le camp de Nuseirat pour Palestiniens déplacés, dans le centre de la bande de Gaza, le 22 décembre 2025. (Photo : Eyad Baba / AFP)
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  • Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a déclaré qu’Israël « ne quitterait jamais Gaza » et évoqué la création d’avant-postes, avant que son ministère ne précise qu’il n’y a aucune intention de recolonisation
  • Ces propos interviennent alors qu’une trêve fragile est en vigueur et que les médiateurs appellent à la mise en œuvre du plan Trump, qui prévoit un retrait complet israélien de Gaza

JERUSALEM: Le ministre de la Défense israélien Israël Katz a affirmé mardi qu'Israël "ne quitterait jamais Gaza", évoquant la possible création d'avant-postes dans le territoire palestinien ravagé par la guerre, avant que ses services ne modèrent ses propos.

"Nous sommes au cœur de Gaza et nous ne quitterons jamais Gaza", a déclaré M. Katz en déplacement dans la colonie de Beit-El en Cisjordanie occupée, lors d'un discours filmé par des médias israéliens.

"Nous sommes là-bas pour empêcher ce qui s'est passé" de se reproduire, a-t-il ajouté, en référence à l'attaque meurtrière du Hamas palestinien en Israël le 7 octobre 2023.

M. Katz a évoqué l'installation d'avant-postes dans le nord de Gaza, pour remplacer des colonies évacuées par Israël lors de son retrait unilatéral de 2005, citant le modèle de "Nahal", associant présence militaire et implantation agricole.

"Au moment opportun (...) nous établirons dans le nord de Gaza, des avant-postes Nahal à la place des communautés (des anciennes colonies) qui ont été déracinées", a-t-il dit.

Ses services ont rapidement tempéré ses propos, assurant qu'ils "s'inscrivaient exclusivement dans un contexte sécuritaire."

"Le gouvernement n'a aucune intention d'établir des colonies dans la bande de Gaza", selon un communiqué.

Les déclarations du ministre interviennent dans le contexte d'une fragile trêve entrée en vigueur le 10 octobre entre Israël et le Hamas, sous l'égide de Washington et de médiateurs régionaux.

Les pays médiateurs --Qatar et Égypte-- appellent à la mise en œuvre de la deuxième phase du plan de paix du président américain Donald Trump. Cette étape prévoit notamment un retrait complet des forces israéliennes de la bande de Gaza, et le plan stipule qu'"Israël ne va ni occuper ni annexer Gaza."

Les propos de M. Katz ont suscité de vives critiques dans l'opposition.

"Le gouvernement vote d'une main en faveur du plan Trump, et de l'autre il vend des fables sur des centres de peuplement isolés à Gaza", a assené sur X Gadi Eizenkot, ancien ministre et ancien chef d'état-major.

Jeudi dernier, quelques dizaines d'Israéliens ont pénétré illégalement dans la bande de Gaza, en violation des consignes de l'armée, et y ont planté symboliquement un drapeau israélien, pour appeler à la réoccupation et à la recolonisation du territoire palestinien, réclamée notamment par les ministres d'extrême droite du gouvernement Netanyahu.


Liban: l'Italie souhaite maintenir sa présence militaire après le départ de la force de l'ONU

L'Italie est le deuxième pays contributeur à la force de maintien de la paix de la FINUL dans le sud du Liban. (AFP/Archives)
L'Italie est le deuxième pays contributeur à la force de maintien de la paix de la FINUL dans le sud du Liban. (AFP/Archives)
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  • L’Italie confirme qu’elle maintiendra une présence militaire au Liban même après le retrait progressif de la Finul à partir du 31 décembre 2026
  • Rome met en avant le rôle clé des forces armées libanaises pour la stabilité du Liban et de la région, et appelle à des résultats concrets pour éviter toute exploitation de l’instabilité

ROME: L'Italie souhaite maintenir sa présence militaire au Liban, après le départ des Casques bleus de l'ONU qui commence le 31 décembre 2026, a indiqué lundi le ministère italien de la Défense.

"Même après" le départ de la force de maintien de la paix dans le sud du Liban (Finul) de l'ONU, l'Italie continuera à jouer son rôle soutenant avec conviction la présence internationale" dans ce pays, selon les propos du ministre de la Défense Guido Crosetto sur X.

Interrogé par l'AFP pour savoir si cela signifiait une "présence militaire" italienne, un porte-parole du ministère a confirmé que oui.

M. Crosetto a également souligné "le rôle fondamental" des forces armées libanaises "pour garantir la stabilité non seulement au Liban mais dans toute la région".

Le ministre a en outre assuré que Rome œuvrait à ce que les discussions en cours dans la région se traduisent par "des résultats concrets et que personne ne puisse tirer des avantages d'une situation d'instabilité dans le sud du Liban".

L'Italie est, avec 1.099 militaires, le deuxième contributeur de la Finul, derrière l'Indonésie (1.232) et cinq généraux italiens ont été parmi les chefs des Casques bleus au cours des 20 dernières années.


Un mort dans des frappes israéliennes au Liban (ministère)

Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
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  • Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé, Israël affirmant viser des membres du Hezbollah malgré le cessez-le-feu de novembre 2024
  • Sous pression internationale, le Liban s’est engagé à désarmer le Hezbollah au sud du Litani, mais Israël accuse le mouvement de se réarmer, une accusation relayée par le sénateur américain Lindsey Graham

BEYROUTH: Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé dimanche, a annoncé le ministère libanais de la Santé, tandis que l'armée israélienne a déclaré avoir visé des membres du Hezbollah.

Israël continue à mener régulièrement des frappes au Liban et affirme viser le mouvement islamiste soutenu par l'Iran, malgré un cessez-le-feu qui a mis fin le 27 novembre 2024 à plus d'un an d'hostilités, en marge de la guerre dans la bande de Gaza.

Israël maintient également des troupes dans cinq positions frontalières du sud du Liban qu'il estime stratégiques.

Selon le ministère libanais de la Santé, deux frappes israéliennes ont touché dimanche un véhicule et une moto dans la ville de Yater, à environ cinq kilomètres de la frontière avec Israël, tuant une personne et en blessant une autre.

L'armée israélienne a déclaré avoir "frappé un terroriste du Hezbollah dans la zone de Yater" et ajouté peu après avoir "frappé un autre terroriste du Hezbollah" dans la même zone.

Dimanche également, l'armée libanaise a annoncé que des soldats avaient découvert et démantelé "un dispositif d'espionnage israélien" à Yaroun, une autre localité proche de la frontière.

Sous forte pression américaine et par crainte d'une intensification des frappes israéliennes, le Liban s'est engagé, comme prévu par l'accord de cessez-le-feu, à désarmer le Hezbollah et à démanteler d'ici la fin de l'année toutes ses structures militaires entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres plus au nord.

Israël a mis en doute l'efficacité de l'armée libanaise et accusé le Hezbollah de se réarmer, tandis que le mouvement chiite a rejeté les appels à abandonner ses armes.

En visite en Israël dimanche, le sénateur américain Lindsey Graham a lui aussi accusé le mouvement de se réarmer. "Mon impression est que le Hezbollah essaie de fabriquer davantage d'armes (...) Ce n'est pas un résultat acceptable", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Plus de 340 personnes ont été tuées par des tirs israéliens au Liban depuis le cessez-le-feu, selon un bilan de l'AFP basé sur les chiffres du ministère libanais de la Santé.