Pour l'Iran et la Turquie, l'arrivée des talibans est synonyme de risques

A la frontière entre la Turquie et l'Iran, des réfugiés afghans attendent la nuit pour pouvoir franchir la frontière dans l'espoir d'une vie meilleure. (Photo, AP)
A la frontière entre la Turquie et l'Iran, des réfugiés afghans attendent la nuit pour pouvoir franchir la frontière dans l'espoir d'une vie meilleure. (Photo, AP)
Des Afghans font la queue à l'entrée de l'ambassade d'Iran à Kaboul pour présenter des demandes de visas. (Photo, AFP)
Des Afghans font la queue à l'entrée de l'ambassade d'Iran à Kaboul pour présenter des demandes de visas. (Photo, AFP)
Short Url
Publié le Mercredi 18 août 2021

Pour l'Iran et la Turquie, l'arrivée des talibans est synonyme de risques

  • Les deux pays peuvent saisir une occasion de renforcer leur influence, mais redoutent un afflux de réfugiés
  • Ils auront à perdre si les nouveaux maitres de Kaboul reviennent à leurs anciennes habitudes et offrent un refuge sûr aux extrémistes de tous bords

PARIS : La prise de contrôle rapide de l'Afghanistan par les talibans a laissé l'Iran et la Turquie, deux poids lourds de la région, face à une situation à risques.

Les deux pays y voient une occasion de renforcer leur influence, mais aucun ne souhaite un nouvel afflux de réfugiés alors qu'ils luttent contre la pandémie de coronavirus et sont confrontés à des difficultés économiques.

Selon les analystes, tout dépendra de la principale inconnue: les talibans adopteront-ils une position plus modérée, propice à une coopération internationale, ou renoueront-ils avec l'extrémisme débridé de leur régime jusqu'à son renversement au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 ?

"La situation représente un risque énorme pour la Turquie (...) L'Iran aura également à perdre si les talibans reviennent à leurs anciennes habitudes et offrent un refuge sûr" aux extrémistes islamistes, a déclaré à l'AFP Asli Aydintasbas, chercheuse au Conseil européen des relations étrangères (ECFR).

L'Iran et la Turquie pourraient tous deux connaître un afflux important de réfugiés, dont beaucoup passent de l'Iran à la Turquie dans l'espoir de rejoindre ensuite l'Europe.

L'un et l'autre accueillent déjà d'importantes populations de réfugiés - 3,6 millions de Syriens en Turquie, 3,5 millions d'Afghans en Iran - et la tolérance de cet accueil est en train de s'épuiser au sein de leur propre population.

La pandémie de Covid-19 a atteint l'Iran de plein fouet, enfonçant un peu plus ce pays frappé par les sanctions dans la crise économique, tandis qu'en Turquie, la croissance économique, qui fut le socle de la popularité du président turc Recep Tayyip Erdogan, s'est encore estompée. 

La semaine dernière, M. Erdogan a déclaré qu'il était prêt à rencontrer les dirigeants talibans pour tenter d'instaurer la paix, tandis que le nouveau président iranien Ebrahim Raïssi, partisan d'une ligne dure, a estimé que la "défaite" militaire américaine en Afghanistan était une chance d'instaurer la paix dans le pays.

Mardi, le ministre turc des Affaires étrangères, Mevlut Cavusoglu, a parlé de "messages positifs" de la part des talibans concernant la protection des civils et des étrangers, exprimant l'espoir que cela se reflèterait "dans leurs actes" à l'avenir.

Mais les analystes estiment que la prise de pouvoir par les talibans a privé Erdogan d'une carte stratégique précieuse qu'il escomptait jouer, dans l'espoir d'améliorer les relations avec le président américain Joe Biden: la sécurisation militaire de l'aéroport de Kaboul.

"Toute la mission turque est en danger ainsi que l'idée d'utiliser l'aéroport de Kaboul comme levier pour relancer les relations de la Turquie avec Washington", commente Asli Aydintasbas, ajoutant qu'il était "difficile d'imaginer" que les talibans laissent la Turquie contrôler l'aéroport. "Il y a quelques jours, cela semblait être une opportunité en or pour la Turquie. Maintenant, c'est une énorme bombe à retardement", selon la chercheuse. 

Et "la question la plus urgente" pour Erdogan est l'éventuel flux de réfugiés à venir en provenance d'Afghanistan alors que, déjà, la présence de longue durée ces dernières années de Syriens dans le pays provoque des remous, relève-t-elle.

Pour l'Iran, les bouleversements afghans ne sont pas non plus forcément entièrement bienvenus, même si Téhéran a atteint son objectif de voir les forces américaines quitter la région, analyse Rouzbeh Parsi, responsable du programme Moyen-Orient et Afrique du Nord à l'Institut suédois des affaires internationales.

"Le soutien des Etats-Unis aux gouvernements afghan et irakien a été utile à l'Iran dans la mesure où il a permis d'assurer une certaine stabilité et où les États-Unis ont fait le gros du travail", indique-t-il.

Mais l'Iran, très majoritairement chiite, qui partage une frontière de plus de 900 kilomètres avec l'Afghanistan, semble désireux de parvenir à un modus vivendi avec les talibans sunnites, ajoute-t-il.

"L'Iran a depuis un certain temps, pragmatique comme toujours, accepté que les talibans ne vont pas disparaître et qu'aucun étranger ne sera en mesure de les vaincre militairement", explique-t-il.

"L'Iran est un pays lourdement atteint par le Covid, la corruption et une économie chancelante. Sa capacité et sa volonté d'accueillir davantage de réfugiés afghans ne sont probablement pas grandes".

Pour Marc Pierini, chercheur invité à Carnegie Europe et ancien ambassadeur de l'UE en Turquie, l'Europe observe avec anxiété les flux potentiels de migrants après qu'un million de personnes eurent atteint ses côtes, principalement par la Turquie, en 2015, lorsque le conflit syrien était à son apogée. 

"Gérer cette urgence nécessitera un degré de coopération humanitaire et de confiance entre l'UE et l'Iran-Turquie, ce qui sera difficile à atteindre", dit-il à l'AFP.


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
Short Url
  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Short Url
  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.


Ouragan Melissa: près de 50 morts dans les Caraïbes, l'aide afflue

Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Un homme passe devant les débris d'une maison endommagée après le passage de l'ouragan Melissa dans le village de Boca de Dos Rios, province de Santiago de Cuba, Cuba, le 30 octobre 2025. (AFP)
Short Url
  • L’ouragan Melissa, le plus puissant à frapper la Jamaïque en près de 90 ans, a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque, laissant derrière lui des destructions massives et des centaines de milliers de sinistrés
  • L’aide internationale afflue vers les Caraïbes, avec des secours venus des États-Unis, du Venezuela, de la France et du Royaume-Uni, alors que les experts rappellent le rôle du réchauffement climatique dans l’intensification de ces catastrophes

CUBA: L'aide internationale afflue vendredi vers les Caraïbes dévastées par le passage de l'ouragan Melissa qui a fait près de 50 morts en Haïti et en Jamaïque.

Habitations en ruines, quartiers inondés et communications coupées... L'heure est à l'évaluation des dégâts causés par Melissa qui devrait désormais faiblir au dessus dans l'Atlantique nord après avoir passé les Bermudes.

Selon le Centre national américain des ouragans (NHC), les inondations devraient s'atténuer aux Bahamas, mais les crues pourraient demeurer à un niveau élevé à Cuba, en Jamaïque, en Haïti et en République dominicaine voisine.

Rendu plus destructeur par le réchauffement climatique, l'ouragan a été le plus puissant à toucher terre en 90 ans lorsqu'il a frappé la Jamaïque mardi en catégorie 5, la plus élevée sur l'échelle Saffir-Simpson, avec des vents d'environ 300 km/h.

"Le bilan confirmé est désormais de 19 morts" dont neuf à l'extrémité ouest de l'île, a déclaré jeudi soir la ministre jamaïcaine de l'Information Dana Morris Dixon, citée par les médias locaux.

De nombreux habitants n'ont toujours pas pu contacter leurs proches, ont expliqué les autorités. L'armée jamaïcaine s'emploie à dégager les routes bloquées, selon le gouvernement.

"Il y a eu une destruction immense, sans précédent, des infrastructures, des propriétés, des routes, des réseaux de communication et d'énergie", a déclaré depuis Kingston Dennis Zulu, coordinateur pour l'ONU dans plusieurs pays des Caraïbes. "Nos évaluations préliminaires montrent que le pays a été dévasté à des niveaux jamais vus auparavant".

- Melissa "nous a tués" -

A Haïti, pas directement touché par l'ouragan mais victime de fortes pluies, au moins 30 personnes, dont dix enfants, sont mortes, et 20 portées disparues, selon le dernier bilan des autorités communiqué jeudi. Vingt-trois de ces décès sont dus à la crue d'une rivière dans le sud-ouest du pays.

A Cuba, les communications téléphoniques et routières restent largement erratiques.

A El Cobre, dans le sud-ouest de l'île communiste, le son des marteaux résonne sous le soleil revenu: ceux dont le toit s'est envolé s'efforcent de réparer avec l'aide d'amis et de voisins, a constaté l'AFP.

Melissa "nous a tués, en nous laissant ainsi dévastés", a déclaré à l'AFP Felicia Correa, qui vit dans le sud de Cuba, près d'El Cobre. "Nous traversions déjà d'énormes difficultés. Maintenant, évidement, notre situation est bien pire."

Quelques 735.000 personnes avaient été évacuées, selon les autorités cubaines.

- Secouristes -

L'aide promise à l'internationale s'achemine dans la zone dévastée.

Les États-Unis ont mobilisé des équipes de secours en République dominicaine, en Jamaïque et aux Bahamas, selon un responsable du département d'État. Des équipes étaient également en route vers Haïti.

Le secrétaire d'État Marco Rubio a également indiqué que Cuba, ennemi idéologique, est inclus dans le dispositif américain.

Le Venezuela a envoyé 26.000 tonnes d'aide humanitaire à son allié cubain.

Le président du Salvador Nayib Bukele a annoncé sur X envoyer vendredi "trois avions d'aide humanitaire en Jamaïque" avec "plus de 300 secouristes" et "50 tonnes" de produits vitaux.

Kits de première nécessité, unités de traitement de l'eau: la France prévoit de livrer "dans les prochains jours" par voie maritime une cargaison d'aide humanitaire d'urgence en Jamaïque, selon le ministère des Affaires étrangères.

Le Royaume-Uni a débloqué une aide financière d'urgence de 2,5 millions de livres (2,8 millions d'euros) pour les pays touchés.

Le changement climatique causé par les activités humaines a rendu l'ouragan plus puissant et destructeur, selon une étude publiée mardi par des climatologues de l'Imperial College de Londres.

"Chaque désastre climatique est un rappel tragique de l'urgence de limiter chaque fraction de degré de réchauffement, principalement causé par la combustion de quantités excessives de charbon, de pétrole et de gaz", a déclaré Simon Stiell, secrétaire exécutif de l'ONU chargé du changement climatique, alors que la grande conférence climatique des Nations unies COP30 s'ouvre dans quelques jours au Brésil.

Avec le réchauffement de la surface des océans, la fréquence des cyclones (ou ouragans ou typhons), les plus intenses augmente, mais pas leur nombre total, selon le groupe d'experts du climat mandatés par l'ONU, le Giec.