«Tout peut à tout instant s'interrompre»: le défi du pont aérien entre Kaboul et Paris

Les Marines américains apportent leur aide lors d'une évacuation à l'aéroport international Hamid Karzai, à Kaboul, en Afghanistan, le samedi 21 août 2021. (AP)
Les Marines américains apportent leur aide lors d'une évacuation à l'aéroport international Hamid Karzai, à Kaboul, en Afghanistan, le samedi 21 août 2021. (AP)
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Publié le Mardi 24 août 2021

«Tout peut à tout instant s'interrompre»: le défi du pont aérien entre Kaboul et Paris

  • Sous pression de ses alliés, le président américain Joe Biden a insisté sur le fait qu'il souhaitait s'en tenir à la date-butoir du 31 août, sans toutefois complètement exclure un éventuel report
  • Le ministre britannique de la Défense a indiqué que le Royaume-Uni avait évacué 8 600 personnes depuis le 14 août

PARIS: "Tout cela peut à tout instant s'interrompre": pour les diplomates et militaires chargés de mettre à l'abri des milliers d'Afghans menacés par les talibans, chaque évacuation tourne à l'exploit.


"Nous ne savons pas de combien de temps nous disposons encore", confie une source française alors que les embûches ne cessent de s'accumuler à l'entrée de l'aéroport et que la date butoir du 31 août se rapproche dangereusement.


Si les Etats-Unis suivent leur objectif de retrait total le 31 août, "pour nous, en termes de rétroplanning, cela veut dire que notre opération se termine jeudi soir. Donc il nous reste trois jours", a expliqué le directeur de cabinet du ministre français des Affaires étrangères, Nicolas Roche, au Premier ministre Jean Castex.


Les Etats-Unis, qui ont déployé 5.000 soldats pour sécuriser l'aéroport, n'excluent pas de rester au-delà. Mais les talibans, qui ont reconquis le pays au terme d'une offensive éclair, s'opposent à tout report.


"Les conditions sont de plus en plus difficiles, elles nous obligent à nous adapter en permanence, heure par heure, demi-journée par demi-journée", résume l'ambassadeur de France à Kaboul, David Martinon, lors d'un briefing à distance avec son ministre, Jean-Yves Le Drian, et la ministre des Armées, Florence Parly, venus visiter le dispositif français d'évacuation sur la base d'Al-Dhafra aux Emirats arabes unis.


Les trois portes d'accès à l'aéroport sont régulièrement fermées, compliquant d'autant la tâche pour les diplomates retranchés dans l'enceinte qui doivent récupérer les personnes sur leurs listes bloquées à l'extérieur.


"A la porte sud, le portail est tombé (dans une bousculade), il a été remplacé par des containers blindés qui obstruent complètement l'accès et obligent les parachutistes britanniques à faire des acrobaties pour faire rentrer" les Afghans qu'ils veulent exflitrer, raconte David Martinon. 


A l'extérieur, les candidats au départ doivent attendre des heures, parfois des jours dans une chaleur écrasante, avant de se frayer un chemin au milieu d'une foule compacte qui tente par tous les moyens de fuir. 

 

«Peu probable» que les Etats-Unis prolongent le délai pour les évacuations, estime Londres

Le gouvernement britannique a estimé "peu probable" mardi que les Etats-Unis reportent leur retrait d'Afghanistan au-delà de la date prévue du 31 août pour permettre la poursuite des évacuations, avant un sommet virtuel du G7 consacré à la crise dans ce pays.


"Je pense que c'est peu probable. Pas seulement à cause de ce que les talibans ont dit, mais je pense que c'est peu probable si vous regardez les déclarations publiques du président Biden", a déclaré le ministre britannique de la Défense, Ben Wallace, sur la chaîne Sky News.


Les dirigeants du G7 - Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni - ainsi que les secrétaires généraux de l'Otan et de l'ONU doivent se retrouver virtuellement mardi  après-midi pour un sommet convoqué en urgence par Londres, qui préside actuellement le groupe. 


Ils doivent faire le point sur les évacuations depuis l'aéroport de Kaboul, où des milliers de candidats au départ, terrifiés par le retour au pouvoir des islamistes, sont toujours massés dans de rudes conditions, dans l'espoir de s'envoler vers l'Occident.


Plusieurs pays du G7, dont le Royaume-Uni et la France, pourraient plaider auprès de Joe Biden pour qu'il maintienne des troupes américaines au-delà du 31 août, date fixée pour un retrait total des forces américaines d'Afghanistan, afin d'achever ces évacuations. 


"Cela vaut assurément la peine d'essayer, et nous allons le faire", a souligné Ben Wallace.


Sous pression de ses alliés, le président américain Joe Biden a insisté sur le fait qu'il souhaitait s'en tenir à la date-butoir du 31 août, sans toutefois complètement exclure un éventuel report. 


Les talibans se sont eux fermement opposés à délai du départ des Américains, prévenant qu'une prolongation entraînerait des "conséquences". 


Lors du sommet, le Premier ministre britannique Boris Johnson souhaite "convenir d'une approche commune à long terme" avec ses alliés sur l'Afghanistan, et a appelé dans un communiqué diffusé lundi soir les dirigeants des grandes puissances à renforcer leur "soutien aux réfugiés et l'aide humanitaire".


"Avec nos partenaires et alliés, nous continuerons à utiliser tous les leviers humanitaires et diplomatiques pour sauvegarder les droits humains et protéger les acquis des deux dernières décennies" en Afghanistan, a-t-il promis. Il a prévenu que les talibans seraient "jugés sur leurs actes".


Le ministre britannique de la Défense a indiqué que le Royaume-Uni avait évacué 8.600 personnes depuis le 14 août.

«Acrobaties»

"Ils subissent des tirs de balles en caoutchouc, des tirs de grenades de désencerclement, pour certains les coups des check-point talibans mais les plus déterminés y arrivent", souligne David Martinon.  


Les Etats-Unis, le Canada et les Britanniques exfiltrent les milliers d'auxiliaires qui travaillent pour eux et qui passent désormais pour autant de traîtres aux yeux des nouveaux maîtres de Kaboul. 


La France, qui n'a plus de présence militaire sur place depuis 2014, extrait surtout des Afghans menacés pour leur engagement en faveur des droits des femmes, de l'éducation ou de la culture.


Elle en a déjà exfiltré près de 2.000 dans un pont aérien désormais bien rôdé entre Kaboul, Abou Dhabi et Paris. Mais doit encore traiter des "milliers de signalements" d'Afghans menacés, vérifiant leur biographie en accéléré, par téléphone, auprès de sources françaises ou locales, explique une source au ministère des Affaires étrangères.


A l'aéroport même, la menace d'attentats est très prégnante et les Etats-Unis déconseillent désormais à leurs ressortissants de s'en approcher sauf consignes strictes en ce sens.


"Les talibans sont présents en ville, sur la partie civile de l'aéroport, donc à proximité des pistes. Ils n'ont pas démontré pour l'instant d'hostilité avérée, néanmoins (...) ils possèdent un certain nombre d'armements qui pourraient constituer des menaces pour nos avions", relève le colonel Yannick Desbois, qui commande la base 104 à Al-Dhafra.

Magistrats, médecins... un profil qui «va faciliter l'intégration» des Afghans évacués en France

Issus des élites, pour moitié des femmes, les Afghans qui ont fui le régime taliban présentent un visage différent de la demande d'asile afghane traditionnelle, des profils propices à une meilleure intégration, estime Didier Leschi, patron de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

Question: quel est le profil des Afghans exfiltrés vers la France ? 


Réponse: "Les personnes qui arrivent ont soit travaillé pour la France, soit appartiennent à l'ancienne structure administrative, comme des magistrats, ou sont des élites urbaines ou sociales comme les médecins. Il y a aussi des journalistes ou des artistes.


Ces dernières années, 90% des demandeurs d'asile afghans (en moyenne 10.000 par an) étaient des hommes célibataires ayant une moyenne d'âge de 27 ans.


Les dernières arrivées prises en charge par la France sont composées à 90% de familles, avec un équilibre femme/homme et un tiers d'enfants. C'est socialement et démographiquement une autre demande d'asile.


Il s'agit de personnes qui, pour des raisons de position sociale, d'activité dans la société civile ou de prise de position sont considérées comme hostiles par les talibans et donc sont manifestement en besoin de protection.

Q: Cela peut-il permettre une meilleure intégration que la moyenne des Afghans, premiers demandeurs d'asile en France ?


R: La présence de familles, grâce en particulier à la présence d'enfants, va faciliter l'intégration. De même qu'un niveau scolaire élevé facilite l'apprentissage du français, c'est une situation inverse à celle des hommes célibataires, non lecteurs, non scripteurs que nous avons eu à prendre en charge ces dernières années.


On peut donc espérer un accès plus rapide à l'autonomie, ce qui suppose en particulier d'accéder à un logement et un emploi.


Or, le logement n'est plus uniquement une compétence de l'Etat. C'est pour cela que nous n'attendons pas tant que les villes qui se déclarent ouvertes à l'accueil proposent de l'hébergement temporaire, mais plutôt qu'elles travaillent avec nous à l'accès au logement. 


Actuellement, la durée moyenne de séjour dans les hébergements (d'urgence) est de plus de 620 jours. Et les Afghans constituent la première nationalité dans cette situation qui peut être vécue comme une impasse frustrante.


La France est depuis plusieurs années le principal pays d'accueil des demandeurs d'asile afghans, avec un très haut taux de protection, supérieur à ceux pratiqués en Allemagne, en Suède et dans d'autres pays vers lesquels avaient souhaité se diriger les Afghans.


C'est pour cela qu'avant la chute de Kaboul, un sur deux avait déjà été débouté dans un autre pays ou relevait d'un autre pays.


L'enjeu pour la France, au-delà même du cas afghan, est l'harmonisation (européenne) dans les taux de protection et, pour les Afghans qui ont déjà été déboutés dans un autre pays, que les pays qui demeurent responsables de ces personnes réexaminent les décisions négatives.

Q: Qu'est-ce que l'expérience de la crise migratoire syrienne nous a appris pour mieux gérer l'accueil des Afghans ?


R: La poussée migratoire de 2015-2016 nous a appris que les passeurs utilisent les crises pour permettre l'arrivée de personnes qui ne sont pas nécessairement en besoin de protection.


Il faut rappeler que sur les 1,2 million de personnes rentrées en Allemagne à l'époque, seules 36% étaient Syriennes. Le même phénomène peut se reproduire, d'où la vigilance nécessaire car la prise en charge de ceux qui ont un réel besoin de protection peut être entravée par l'arrivée de personnes dont le motif de migration ne relève pas de la convention de Genève.


Enfin, elle a été la démonstration que les parcours migratoires sont aussi liés à l'appréciation que les personnes ont de leurs capacités à s'intégrer dans la société qu'ils souhaitent rejoindre.


C'est pour cela que les classes moyennes ou supérieures syriennes, souvent anglophones, ont préféré d'autres pays que la France. Nous allons voir ce qui va se passer avec les Afghans qui fuient aujourd'hui la prise de pouvoir par les talibans."

«Défi de l'empathie»

Le groupe Etat islamique, rival des talibans, revendique aussi régulièrement des attentats dans le pays.


Face à la menace, les A400M français descendent en piqué et sont équipés de leurres pour mieux esquiver d'éventuels tirs de missiles.


Une fois les portes de l'aéroport passées, les Afghans exfiltrés par les Français s'engouffrent dans l'un d'eux, destination les Emirats.


Sur la piste, l'appareil stationne une demi-heure tout au plus, au milieu d'une noria de gros porteurs.


"On arrive, on fait rentrer les personnes qu'on doit ramener et on repart tout de suite, sans quitter l'avion", raconte le commandant Stephen, aux commandes d'un A400M.


Outre le défi du vol, "il y a un vrai défi qui est celui de ne pas tomber dans le trop d'empathie, vouloir charger trop de réfugiés, dépasser les limitation de l'avion et puis finalement conduire jusqu'au drame", pointe le colonel Desbois.


La BBC, dans l'oeil du cyclone, sommée de s'expliquer

Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump. (AFP)
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  • La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire
  • La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès

LONDRES: Le président de la BBC, Samir Shah, doit s'expliquer lundi au lendemain de la démission retentissante du directeur général du groupe audiovisuel public britannique et de la patronne de sa chaîne d'information BBC News, après le montage trompeur d'un discours de Donald Trump.

La BBC, institution longtemps chérie des Britanniques mais cible régulière des médias et responsables politiques conservateurs, est dans la tourmente, accusée ces derniers jours d'avoir déformé des propos du président américain dans un documentaire de son magazine d'information phare, "Panorama", diffusé en octobre 2024, une semaine avant la présidentielle américaine.

La BBC est mise en cause pour avoir monté des passages différents d'un discours de Donald Trump datant du 6 janvier 2021, jour de l'assaut du Capitole à Washington, de telle façon qu'il semble inciter ses partisans à marcher vers le siège du Congrès pour se "battre comme des diables".

Or, dans la phrase originale, M. Trump disait: "Nous allons marcher vers le Capitole et nous allons encourager nos courageux sénateurs et représentants et représentantes au Congrès". L'expression "se battre comme des diables" correspondait à un autre passage du discours.

Face à la polémique grandissante, son directeur général, Tim Davie, et la patronne de la chaîne d'information du groupe BBC News, Deborah Turness, ont annoncé dimanche leur démission, qui fait la Une des journaux lundi.

Le président américain a dénoncé les "journalistes corrompus" et "malhonnêtes" de la BBC, sur son réseau Truth Social.

Le président du conseil d'administration du groupe, Samir Shah, doit s'excuser et s'expliquer dans une réponse écrite aux questions de la commission parlementaire sur la culture sur cette affaire, et sur d'autres accusations de partialité sur la couverture de la guerre à Gaza.

"La BBC doit répondre à de graves questions concernant ses normes éditoriales et la manière dont la direction gère les problèmes", a jugé la présidente de la commission, Caroline Dinenage, estimant que le groupe public "se devait d'être exemplaire" face à la montée de la désinformation.

Lundi, la patronne démissionnaire de BBC News a de nouveau assuré qu'il n'y avait "pas de partialité institutionnelle" sur la chaîne, qui a produit le programme mis en accusation.

 

- "Violation des règles" -

 

La classe politique a quasi unanimement critiqué la BBC pour sa gestion de l'affaire, qui tombe d'autant plus mal que le groupe audiovisuel doit renégocier d'ici fin 2027 son nouveau contrat de mission avec le gouvernement.

La cheffe de l'opposition, Kemi Badenoch, a déploré "un catalogue de graves défaillances". Le chef du parti d'extrême droite Reform UK, Nigel Farage, a appelé à "un changement de fond en comble" du groupe public.

La BBC tire une grande part de ses ressources de la redevance annuelle (174,50 livres, soit 198 euros), payée par 22,8 millions de foyers, soit 3,8 milliards de livres.

Samir Shah a dit espérer que le futur directeur général du groupe, dont la nomination pourrait prendre plusieurs mois, "façonnerait positivement" le prochain contrat de mission. la ministre de la Culture, Lisa Nandy, qui a qualifié la situation d'"extrêmement grave", a affirmé que le futur contrat aiderait la BBC à "garantir son rôle" auprès du public.

Le chef du parti libéral démocrate (centriste), Ed Davey, a appelé le Premier ministre Keir Starmer, et la classe politique en général, à défendre la BBC face à Donald Trump et la sphère Maga. "Il est facile de voir pourquoi Trump veut détruire la première source d'information dans le monde. Nous ne pouvons pas le laisser faire", a-t-il prévenu sur la plateforme X.

Le Telegraph a eu connaissance d'une note interne rédigée par l'ancien conseiller indépendant du comité des normes éditoriales de la BBC, Michael Prescott, dans laquelle il suggérait que des erreurs avaient été commises dans le montage. Il affirme que les responsables chargés des normes éditoriales du groupe auprès de qui il a soulevé le problème ont nié toute violation des règles.

En octobre, le régulateur des médias avait épinglé la BBC pour avoir "enfreint les règles de diffusion" à propos d'un reportage à Gaza dans lequel le narrateur principal, un enfant, était le fils d'un haut responsable du mouvement islamiste palestinien Hamas.


Trump reçoit le président syrien, une rencontre historique pour consacrer leur alliance

Le président syrien Ahmad Al-Sharaa, à droite, rencontre des représentants d'organisations syro-américaines à Washington. (Présidence syrienne via AP)
Le président syrien Ahmad Al-Sharaa, à droite, rencontre des représentants d'organisations syro-américaines à Washington. (Présidence syrienne via AP)
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  • Le président intérimaire syrien, dont la coalition islamiste a renversé le dirigeant de longue date Bachar al-Assad en décembre 2024, est arrivé à Washington samedi avec son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani
  • Dimanche, il a rencontré la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, et discuté "des potentiels domaines de coopération entre la Syrie et le FMI afin de soutenir le développement et la croissance économique dans le pays"

WASHINGTON: Donald Trump reçoit Ahmad al-Chareh lundi à la Maison Blanche, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Le président intérimaire syrien, dont la coalition islamiste a renversé le dirigeant de longue date Bachar al-Assad en décembre 2024, est arrivé à Washington samedi avec son ministre des Affaires étrangères, Assaad al-Chaibani.

Dimanche, il a rencontré la directrice générale du Fonds monétaire international, Kristalina Georgieva, et discuté "des potentiels domaines de coopération entre la Syrie et le FMI afin de soutenir le développement et la croissance économique dans le pays", selon la présidence syrienne.

Après de 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche en effet à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

Lors de cette visite historique, Damas devrait signer un accord pour rejoindre la coalition internationale antijihadiste menée par les Etats-Unis, selon l'émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack. Cette question figure "en tête de l'agenda", a confirmé à l'AFP une source diplomatique syrienne.

Les Etats-Unis, eux, prévoient d'établir une base militaire près de Damas, "pour coordonner l'aide humanitaire et observer les développements entre la Syrie et Israël", selon une autre source diplomatique en Syrie.

"Nouveau chapitre" 

La rencontre entre M. Trump et M. Chareh "ouvre un nouveau chapitre dans la politique américaine au Moyen-Orient", estime l'analyste Nick Heras, du New Lines Institute for Strategy and Policy.

Vendredi, les Etats-Unis ont retiré le dirigeant syrien de la liste noire des terroristes. Depuis 2017 et jusqu'à décembre dernier, le FBI offrait une récompense de 10 millions de dollars pour toute information menant à l'arrestation du leader de l'ancienne branche locale d'Al-Qaïda, le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS).

Jeudi, c'est le Conseil de sécurité de l'ONU qui avait levé les sanctions contre M. Chareh, à l'initiative des Etats-Unis, saluant l'engagement des autorités syriennes à "lutter contre le terrorisme".

Dès sa prise de pouvoir, M. Chareh a rompu avec son passé, multipliant les ouvertures vers l'Occident et les Etats de la région, dont Israël avec lequel son pays est théoriquement en guerre.

Donald Trump avait déjà rencontré le dirigeant syrien lors d'un voyage dans le Golfe en mai.

"Trump amène Chareh à la Maison Blanche pour dire qu'il n'est plus un terroriste (...) mais un dirigeant pragmatique et, surtout, flexible qui, sous la direction américaine et saoudienne, fera de la Syrie un pilier régional stratégique", explique Nick Heras.

M. Chareh, qui s'est rendu à l'ONU à New York en septembre, veut lui "la bénédiction de Trump pour débloquer des milliards de dollars (...) pour reconstruire la Syrie et consolider son contrôle sur le pays".

Liens avec Israël 

"Au niveau national, cette coopération risque d'accentuer le déséquilibre croissant entre Damas et les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes dans le nord-est du pays", analyse de son côté Nanar Hawach, spécialiste de la Syrie à l'International Crisis Group (ICG).

La majorité des troupes américaines sont basées dans les zones sous contrôle kurde. L'ouverture d'une base à l'aéroport militaire de Mazzeh, près de la capitale, changerait la donne.

Le groupe jihadiste Etat Islamique (EI) a été défait en 2019 en Syrie par la coalition internationale et les FDS, qui négocient les conditions de leur intégration dans l'armée.

Mais ces pourparlers "n'ont pas pas beaucoup avancé, ce qui complique les plans des Etats-Unis concernant le maintien de leurs troupes dans le nord-est du pays", ajoute Michael Hanna, directeur du programme américain de l'ICG.

M. Trump et M. Chareh devraient également évoquer les négociations entamées par les autorités syriennes avec Israël pour un accord de sécurité en vertu duquel l'Etat hébreu se retirerait des zones du sud du pays occupées après la chute de Bachar al-Assad.

En mai, le dirigeant américain a pressé son homologue syrien de rejoindre les accords d'Abraham, qui ont vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.

 


Le président syrien Ahmad al-Chareh arrive aux Etats-Unis

La visite du président Ahmed Al-Sharaa aux États-Unis est la première d'un président syrien depuis l'indépendance du pays en 1946, selon les analystes. (AP)
La visite du président Ahmed Al-Sharaa aux États-Unis est la première d'un président syrien depuis l'indépendance du pays en 1946, selon les analystes. (AP)
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  • Le président intérimaire syrien Ahmad al-Chareh a entamé une visite historique aux États-Unis après la levée des sanctions marquant un tournant diplomatique majeur
  • Cette visite, centrée sur la coopération antiterroriste, l’intégration à la coalition internationale et la reconstruction de la Syrie, symbolise la reconnaissance internationale du nouveau régime post-Assad et son rapprochement avec Washington

WASHINGTON: Le président intérimaire syrien, Ahmad al-Chareh, est arrivé aux Etats-Unis samedi pour une visite officielle inédite, a rapporté l'agence de presse officielle de son pays, au lendemain de son retrait de la liste noire américaine du terrorisme.

Le chef d'Etat par intérim, dont les forces rebelles ont renversé le dirigeant de longue date Bachar al-Assad en fin d'année dernière, doit rencontrer lundi le président américain, Donald Trump.

Il s'agit de la première visite bilatérale d'un chef d'Etat syrien aux Etats-Unis depuis l'indépendance du pays en 1946.

A son arrivée, M. Chareh a échangé des passes de basketball avec le commandant des forces américaines aux Moyen-Orient, Brad Cooper, ainsi qu'avec le chef de la coalition internationale anti-jihadistes, Kevin Lambert, selon des images qu'il a postées sur les réseaux sociaux.

Lors de cette visite, Damas devrait signer un accord pour rejoindre cette coalition menée par les Etats-Unis, selon l'émissaire américain pour la Syrie, Tom Barrack.

Le groupe jihadiste Etat Islamique (EI) avait été défait militairement en 2019 en Syrie par la coalition et les Forces démocratiques syriennes (FDS), conduites par les Kurdes, qui négocient actuellement leur intégration dans l'armée syrienne.

Les Etats-Unis prévoient pour leur part d'établir une base militaire près de Damas, a indiqué à l'AFP une source diplomatique en Syrie.

La Syrie, sortie de plus de 13 ans de guerre civile, cherche aussi à garantir des fonds pour sa reconstruction, un chantier dont le coût pourrait dépasser les 216 milliards de dollars (187 milliards d'euros), selon la Banque mondiale.

Jeudi, le Conseil de sécurité de l'ONU a levé les sanctions contre M. Chareh, qui jusqu'à présent avait besoin d'une exemption des Nations unies pour chaque déplacement international.

La résolution préparée par les Etats-Unis salue l'engagement des nouvelles autorités de M. Chareh, qui il y a encore un an dirigeait le groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), l'ancienne branche syrienne d'Al-Qaïda, à "lutter contre le terrorisme".

Le ministère syrien de l'Intérieur a annoncé samedi avoir mené 61 raids et procédé à 71 arrestations dans une "campagne proactive pour neutraliser la menace que représente l'EI", selon l'agence officielle Sana.

Ces raids ont eu lieu notamment dans les secteurs d'Alep, d'Idlib, de Hama, de Homs, de Deir ez-Zor, de Raqqa et de Damas, où demeurent des cellules dormantes de l'organisation, a-t-il été précisé.

C'est au titre de chef de HTS, qui à la tête d'une coalition islamiste a renversé Bachar al-Assad le 8 décembre 2024, que M. Chareh était inscrit depuis 2013 sur la liste des sanctions de l'ONU.

- Bouleversement -

Mais dès sa prise du pouvoir, il a clairement rompu avec son passé jihadiste, multipliant les ouvertures vers l'Occident et les pays de la région, notamment les riches monarchies arabes. Il a aussi engagé des négociations avec Israël, pays avec lequel la Syrie est théoriquement en état de guerre.

Donald Trump avait déjà rencontré le dirigeant syrien lors d'un voyage dans le Golfe en mai et avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie.

Les deux hommes vont également évoquer les négociations directes entamées par les autorités syriennes avec Israël.

M. Trump avait pressé en mai le dirigeant syrien de rejoindre les accords d'Abraham, qui ont acté en 2020 la reconnaissance d'Israël par plusieurs pays arabes.

Aux yeux de Michael Hanna, analyste de Crisis Group, "le président Trump a bouleversé de manière inattendue la politique de longue date des États-Unis concernant la Syrie en mai et a continué à soutenir le nouveau gouvernement à Damas, malgré des épisodes d'instabilité et de violence sectaire qui ont entamé la confiance envers les nouveaux dirigeants du pays".

La visite prévue à la Maison-Blanche de M. Chareh est "un témoignage supplémentaire de l'engagement des Etats-Unis envers la nouvelle Syrie et un moment hautement symbolique pour le nouveau dirigeant du pays, marquant ainsi une nouvelle étape dans sa transformation étonnante de chef militant en homme d’Etat mondial", ajoute l'analyste.