La pandémie creuse un fossé politique de plus en plus profond aux États-Unis

Une manifestation contre la vaccination obligatoire devant l’hôtel de ville de New York à Manhattan le 16 août 2021. (Photo, Reuters)
Une manifestation contre la vaccination obligatoire devant l’hôtel de ville de New York à Manhattan le 16 août 2021. (Photo, Reuters)
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Publié le Samedi 28 août 2021

La pandémie creuse un fossé politique de plus en plus profond aux États-Unis

La pandémie creuse un fossé politique de plus en plus profond aux États-Unis
  • La question de savoir si le gouvernement a le droit d’imposer des restrictions de liberté est au cœur du débat
  • On assiste à une sorte de va-et-vient émotionnel entre démocrates et républicains pour réduire au silence les rivaux politiques

Les États-Unis sont un pays divisé, et pas seulement entre ceux qui détestent l’ancien président, Donald Trump, et ceux qui abhorrent son successeur, Joe Biden.

La pandémie de Covid-19 n’a pas uniquement chamboulé la politique américaine. Elle a également donné naissance à un schisme politique qui change les modes de vie au sein du pays.

Passer à côté de ce nouveau phénomène dans l’inconscient américain, c’est risquer de se retrouver dans un pétrin politique, notamment pour les pays ou dirigeants étrangers qui cherchent le soutien des États-Unis.

Aux États-Unis, la Covid-19 n’est pas considérée par tous comme une maladie mortelle. En réalité, les Américains ne sont pas convaincus que le virus puisse tuer n’importe qui. Il ne serait mortel que pour ceux qui souffrent déjà de nombreux problèmes de santé comme le cancer, les maladies cardiaques ou l’asthme. En conséquence, ils pensent que la pandémie menace surtout les personnes de plus de 50 ans puisque la plupart des maladies ont tendance à s’aggraver avec l’âge.

La question de savoir si le gouvernement a le droit d’imposer des restrictions de liberté comme la vaccination obligatoire, le port du masque ou la limitation des interactions sociales est au cœur de ce débat.

Certains pensent que ces mesures préventives sont plus que de simples initiatives visant à limiter des problèmes de santé graves. Ils les considèrent plutôt comme des efforts déployés par le gouvernement pour restreindre les libertés que la Constitution garantit pour l’ensemble des 328 millions de citoyens.

Cependant, le virus est mortel. Cette réalité ne peut être contestée. 630 000 Américains sont morts après avoir contracté le virus qui, selon de nombreuses personnes, aurait vu le jour dans un laboratoire contrôlé par le gouvernement chinois à Wuhan en décembre 2019. Plus de 37 millions d’Américains ont déjà attrapé le virus. Par ailleurs, le nombre de morts et de cas d’infections ne cesse d’augmenter.

La pandémie s’intègre parfaitement aux fondements des deux grands partis politiques.

Les républicains – plus conservateurs – pensent que les individus devraient êtres récompensés en fonction de leur travail et que personne ne peut leur imposer des restrictions quant à ce qu’ils peuvent dire ou la manière dont ils vivent. Les gens doivent travailler pour pouvoir vivre sans que quelqu’un leur dise ce qu’ils doivent ou ne doivent pas aimer.

Les démocrates – plus attentifs aux questions sociales – estiment que c’est au gouvernement de fournir une aide financière et des soins de santé aux pauvres et que les frais devraient être couverts par les riches.

«Les républicains sont convaincus que la menace du coronavirus est exagérée et que les démocrates en tirent profit pour contrôler le système politique du pays, accordant ainsi plus de pouvoirs à leur parti.»- Ray Hanania

Il n’est pas surprenant que la démographie des deux partis politiques reflète ces paramètres généralisés. Les républicains sont convaincus que la menace du coronavirus est exagérée et que les démocrates en tirent profit pour contrôler le système politique du pays, accordant ainsi plus de pouvoirs à leur parti. Les démocrates pensent que les républicains se servent de la pandémie pour exposer les électeurs démocrates à des défis qui affecteront leur motivation pour voter et favoriseront le militantisme politique réduisant ainsi le nombre de gens qui votent.

Dans les États où les démocrates sont au pouvoir, les gouvernements font face à la pandémie en imposant le port du masque et la vaccination obligatoire. Les autorités des États républicains mettent tout en œuvre pour que ces mesures ne soient pas appliquées.

Les restrictions que le président peut imposer sont limitées. Il exige que les employés du gouvernement fédéral portent le masque au travail et soient vaccinés.

L’exploitation d’une crise nationale ou d’un débat politique controversé par les deux partis ne date pas d’hier. Ce phénomène dure depuis des décennies – voire des siècles – aux États-Unis. Au cours du XVIIIe siècle, on recourait à l’esclavage pour séparer les gens en fonction de la race. Les restrictions étaient également adoptées pour séparer les citoyens en fonction du sexe. Les Noirs et les femmes n’avaient aucun droit avant les changements qui ont découlé d’une guerre civile contre l’esclavage au XIXe siècle, puis d’une campagne pour les droits de la femme au XXe siècle.  

Aujourd’hui, deux sujets divisent les Américains autant que la Covid-19. L’avortement, qui est soutenu par les démocrates et auquel les républicains s’opposent; et la question de la limitation des armes à feu, appuyée par les démocrates et rejetée par les républicains.

Le débat polarisé sur la pandémie prend parfaitement sa place entre les deux comme une pièce de puzzle.

« Les questions qui suscitent des batailles politique sont précises et bien identifiées: les enfants doivent-ils être contraints de porter le masque à l’école? Faut-il imposer la vaccination obligatoire à tous? La Covid-19 est-elle véritablement une menace sanitaire ou est-elle exagérée par les politiques pour profiter de la situation?

Ces questions sont abordées dans une sorte de va-et-vient émotionnel entre les démocrates et les républicains pour saper les droits individuels et réduire au silence et à la soumission les rivaux politiques.

Pire encore, les données sont traitées comme tous les tableaux statistiques et sont régulièrement manipulées pour refléter un point de vue personnel plutôt que la preuve d’une réalité universelle.

Internet n’aide pas non plus. Vous y trouvez toutes les données possibles et imaginables pour soutenir l’argument que la Covid-19 constitue une menace uniquement pour les personnes qui souffrent de problèmes de santé ou, au contraire, pour confirmer que l’absence de vaccination ou de port du masque est une menace nationale pour le bien-être des autres.

Cette polarisation a rendu presque impossible l’éradication du virus puisque la moitié du pays est soumise à des restrictions et des vaccinations obligatoires qui ne semblent pas protéger tout le monde, tandis que l’autre moitié vit comme si la menace n’est qu’une simple question de choix individuel.

La moitié des Américains pensent que le virus est utilisé par l’extrême gauche pour rediriger les ressources des services gouvernementaux vers l’action sociale tandis que l’autre moitié est convaincue que la pandémie est sérieuse au point que le gouvernement devrait adopter de conséquents programmes d’aide sociale pour permettre à des millions de personnes de rester chez elles plutôt que de travailler.

Pendant ce temps, les fabricants des trois grands vaccins font profil bas, jouissant de gains astronomiques. La semaine dernière, Pfizer a annoncé que son vaccin a généré plus de 3,5 milliards de dollars américains (près de 3 milliards d’euros) au cours des trois seuls premiers mois de 2021. Les deux autres sociétés pharmaceutiques qui ont développé des vaccins – Moderna et Johnson & Johnson – devraient enregistrer des gains similaires.

L’ampleur des profits a également alimenté les soupçons quant à l’exploitation de la pandémie par les géants pharmaceutiques et renforcé les théories du complot et les craintes sur les éventuels effets à long terme inconnus des vaccins.

En fin de compte, le débat politique entrave la campagne pour l’éradication du coronavirus, Certains pensent que les divisions ébranlent la détermination de la nation.

Ray Hanania est un ancien journaliste et chroniqueur politique primé à l’hôtel de ville de Chicago. Il peut être contacté sur son site Internet personnel à l’adresse www.hanania.com. Twitter: @RayHanania

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com