La page afghane tournée, Washington peut se concentrer sur la Chine

Signe du virage stratégique américain, qui veut se libérer de la guerre contre le terrorisme pour se recentrer sur la concurrence stratégique avec la Chine et la Russie, la vice-présidente Kamala Harris s'est rendue en Asie en pleine crise à Kaboul. (AFP)
Signe du virage stratégique américain, qui veut se libérer de la guerre contre le terrorisme pour se recentrer sur la concurrence stratégique avec la Chine et la Russie, la vice-présidente Kamala Harris s'est rendue en Asie en pleine crise à Kaboul. (AFP)
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Publié le Mercredi 01 septembre 2021

La page afghane tournée, Washington peut se concentrer sur la Chine

  • Pour Ryan Hass, de la Brookings Institution, les récents événements à Kaboul ne devraient pas avoir d'impact durable sur la crédibilité des Etats-Unis en Asie.
  • «La Chine veut probablement montrer sa façon unique de gérer la situation internationale qui tend -- souvent par simple réflexe -- à être le contraire de l'approche de Washington»

WASHINGTON: Partis d'Afghanistan où ils se sont embourbés pendant vingt ans, les Etats-Unis peuvent maintenant se tourner vers l'Asie orientale, où ils veulent contrer la montée en puissance de la Chine, désormais leur priorité numéro un.


Signe du virage stratégique américain, qui veut se libérer de la guerre contre le terrorisme pour se recentrer sur la concurrence stratégique avec la Chine et la Russie, la vice-présidente Kamala Harris s'est rendue en Asie en pleine crise à Kaboul, alors que des milliers d'Afghans prenaient d'assaut l'aéroport pour tenter de fuir les talibans.


Elle y a accusé Pékin de "saper l'ordre international basé sur le droit et (de) menacer la souveraineté des nations" avec ses revendications sur les eaux contestées de la mer de Chine méridionale.


Cette tournée a été vue comme un effort de l'administration américaine de rassurer des alliés asiatiques inquiets de voir le départ d'Afghanistan précipiter la chute du gouvernement de Kaboul.


Mais pour Ryan Hass, de la Brookings Institution, les récents événements à Kaboul ne devraient pas avoir d'impact durable sur la crédibilité des Etats-Unis en Asie.


"La réputation des Etats-Unis est fondée sur des intérêts communs avec leurs partenaires dans la région pour contrer la montée en puissance de la Chine et pour préserver la longue période de paix qui a permis le rapide développement économique de la région", explique ce spécialiste de l'Asie.


"La focalisation croissante de l'Amérique sur les événements en Asie va plutôt ouvrir de nouvelles opportunités aux Etats-Unis et à leurs partenaires dans la région pour approfondir leur coopération sur des intérêts commun", a-t-il indiqué à l'AFP.

Avancer ses pions 
Un avis partagé par l'élu démocrate Adam Smith, président de la commission des Forces armées de la Chambre des représentants.


Questionné mardi sur le risque de voir la Chine envahir Taïwan ou la Russie attaquer l'Ukraine, enhardies par l'image de faiblesse donnée par le chaotique retrait américain d'Afghanistan, l'influent élu démocrate Adam Smith s'est montré peu convaincu.


Certains pensent que les calculs de la Chine et de la Russie "ont changé simplement parce que nous avons retiré 2.500 soldats d'Afghanistan", a déclaré M. Smith lors d'une conférence virtuelle de la Brookings Institution. "Je ne le crois pas".


"Il y a beaucoup d'autres raisons pour lesquelles la Russie ou la Chine pourraient croire qu'elles peuvent se montrer agressives dans certaines parties du monde", a-t-il ajouté. "Je ne pense pas que le fait que nous ne sommes plus retenus en Afghanistan en fasse partie".


Pour Derek Grossman, un ancien responsable du Pentagone aujourd'hui expert à la Rand Corporation, la Chine pourrait cependant être tentée d'avancer ses pions en Afghanistan, maintenant que les Etats-Unis en sont partis.


Il est "peu probable que la Chine attende longtemps avant de reconnaître" le régime des talibans, souligne l'analyste de Rand.


"La Chine, en tant que nouvelle puissance mondiale en concurrence avec les Etats-Unis, veut probablement montrer sa façon unique de gérer la situation internationale qui tend -- souvent par simple réflexe -- à être le contraire de l'approche de Washington", a-t-il ajouté dans une récente note.


En outre, "reconnaître un Afghanistan dirigé par les talibans contribuerait à l'idée que c'est Pékin, et non plus Washington, qui décide de l'avenir de la région", ajoute-t-il.


«On a le coeur brisé»: A Erevan, la stupeur après la perte du Nagorny Karabakh

Des Arméniens participent à un rassemblement devant la Maison du gouvernement à Erevan le 21 septembre 2023, à la suite des opérations militaires azerbaïdjanaises (Photo, AFP).
Des Arméniens participent à un rassemblement devant la Maison du gouvernement à Erevan le 21 septembre 2023, à la suite des opérations militaires azerbaïdjanaises (Photo, AFP).
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  • Plusieurs milliers d'Arméniens se sont réunis jeudi soir dans le centre d'Erevan pour demander la démission du gouvernement
  • Les rumeurs les plus macabres, évoquant des enfants décapités ou des civils fusillés, circulent sur les réseaux sociaux

EREVAN: La sidération, la colère et la peur. Plusieurs milliers d'Arméniens se sont réunis jeudi soir dans le centre d'Erevan pour demander la démission du gouvernement, mais aussi pour tenter de comprendre comment aider le Nagorny Karabakh après la victoire éclair de l'Azerbaïdjan.

Les manifestants marchent en petits groupes, les yeux dans le vague, quelques uns enveloppés dans un drapeau de l'Arménie. Par moments, les cris "Artsakh! Artsakh!" (le nom arménien du Nagorny Karabakh) sont repris par la foule, mais le slogan retombe vite.

Peu écoutent les exhortations des dirigeants de l'opposition, sur une petite scène, qui appellent à bloquer les rues et déposer le Premier ministre, Nikol Pachinian. Sur la place de la République, cadre traditionnel des protestations dans la capitale arménienne, l'heure est au désarroi.

"On a le coeur brisé. C'est possible d'ouvrir un couloir (humanitaire), d'aider les gens, au moins d'évacuer les enfants. C'est possible !", veut croire Victoria, une dentiste de 26 ans qui préfère ne pas donner son nom de famille de peur, dit-elle, d'être la cible d'Azerbaïdjanais à l'étranger, où elle se rend souvent.

La jeune femme, un petit drapeau du Nagorny Karabakh à la main, en appelle sans trop d'espoir aux organisations internationales, "mais avant tout, on demande à notre gouvernement d'aider son peuple".

Nikol Pachinian, qui a refusé d'envoyer son armée aider les séparatistes du Nagorny Karabakh face à un ennemi mieux armé et beaucoup plus riche, est un "traître", assure-t-elle.

Une opinion partagée par la quasi-totalité des manifestants, parmi lesquels beaucoup de jeunes qui avaient pourtant porté au pouvoir en 2018 cet ancien journaliste réformateur, à la suite d'une révolution pacifique.

L'armée azerbaïdjanaise a lancé mardi une attaque contre la région séparatiste du Nagorny Karabakh, majoritairement peuplée d'Arméniens et déjà théâtre en 2020 d'une violente guerre qui avait permis à Bakou d'y reconquérir de larges portions de territoire.

Après seulement 24 heures de combat, les autorités du Karabakh, surpassées par la puissance de feu de Bakou et sans aide d'Erevan, ont déposé les armes mercredi et des négociations ont commencé jeudi, sous la médiation de Moscou, pour la réintégration dans l'Azerbaïdjan du territoire sécessionniste, où plus de 100.000 personnes sont bloquées.

«On est seuls»
Le sort de ces habitants, soumis à un blocus de l'Azerbaïdjan depuis décembre 2022 et où l'aide humanitaire arrive au compte-goutte, reste l'interrogation majeure des manifestants de la place de la République.

Les rumeurs les plus macabres, évoquant des enfants décapités ou des civils fusillés, circulent sur les réseaux sociaux. Le mot "génocide" est sur toutes les lèvres.

"Ils ont faim, ils n'ont pas d'eau courante, pas de lumière, ils n'ont plus de toit. Ce sont des Arméniens, on est un seul peuple et on doit être ensemble. Point", résume David Vartanian, un cuisinier de 32 ans avant de lâcher une insulte contre Nikol Pachinian.

Lui assure qu'une fois le Premier ministre parti, "on pourra combattre". Mais beaucoup reconnaissent qu'une victoire militaire face à Bakou, soutenu militairement par la Turquie, semble irréaliste.

Alors les manifestants de la place de la République s'interrogent sur l'avenir, accusent la Russie, l'allié dont l'aide n'est jamais venue, ou l'Union européenne, trop attachée au gaz azerbaïdjanais.

"On ne sait pas ce qu'on doit faire. On s'est tous réunis ici pour se dire +Allez, pensons à ce qu'on va faire+. Mais qu'est-ce qu'on peut faire ?", soupire, les larmes aux yeux, Angela Adamian, une avocate arméno-géorgienne.

"Nous n'avons pas d'amis. Personne ne veut nous sauver, nous n'avons pas une armée assez forte, nous n'avons aucun soutien. On est seuls, tout le monde nous a laissé tomber", poursuit-elle.

"On a peur que ça signifie la fin de notre nation, parce qu'on sait que l'Azerbaïdjan ne voudra pas s'arrêter là".


Nagorny Karabakh: La France exige de Bakou des «garanties tangibles»

La France a exigé jeudi de l'Azerbaïdjan qu'il donne des "garanties tangibles" pour ramener la paix au Nagorny Karabakh à l'ONU (Photo, AFP).
La France a exigé jeudi de l'Azerbaïdjan qu'il donne des "garanties tangibles" pour ramener la paix au Nagorny Karabakh à l'ONU (Photo, AFP).
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  • La cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna a exigé que Bakou «assure l'amnistie aux forces qui ont accepté le cessez-le-feu»
  • «Si l'Azerbaïdjan est réellement désireux de parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit dès à présent fournir des garanties tangibles»

NATIONS UNIES: La France a exigé jeudi de l'Azerbaïdjan qu'il donne des "garanties tangibles" pour ramener la paix au Nagorny Karabakh lors d'une réunion d'urgence du Conseil de sécurité de l'ONU deux jours après l'offensive éclair de Bakou contre les séparatistes arméniens dans cette enclave du Caucase du Sud.

"Si l'Azerbaïdjan est réellement désireux de parvenir à une solution pacifique et négociée, il doit dès à présent fournir des garanties tangibles", a déclaré la cheffe de la diplomatie française, Catherine Colonna, en s'adressant au Conseil de sécurité de l'ONU réuni à la demande de Paris.

Elle a appelé Bakou à "s'engager de bonne foi dans les discussions en excluant tout recours à la force (...) et en acceptant que ce dialogue porte sur les droits et garanties de la population" du Nagorny Karabakh.

Paris a vivement condamné l'offensive éclair de l'Azerbaïdjan dans cette région disputée depuis des décennies avec l'Arménie. L'opération a abouti à une capitulation des séparatistes arméniens et à l'instauration d'un cessez-le-feu.


Arrivée à Istanbul du premier navire de blé ukrainien depuis la fin de l'accord international

Le premier navire de blé parti d'un port d'Ukraine depuis la fin de l'accord international en mer Noire est arrivé jeudi à Istanbul (Photo, Reuters).
Le premier navire de blé parti d'un port d'Ukraine depuis la fin de l'accord international en mer Noire est arrivé jeudi à Istanbul (Photo, Reuters).
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  • Le cargo avait quitté le port de Tchornomorsk mardi selon le ministre ukrainien des Infrastructures
  • Il s'agit d'une première depuis la fin de l'accord le 17 juillet suite au retrait de la Russie

ISTANBUL: Le premier navire de blé parti d'un port d'Ukraine depuis la fin de l'accord international en mer Noire est arrivé jeudi à Istanbul, selon le relevé en temps réel du site spécialisé Marine Traffic.

Selon Marine Traffic, le "Resilient Africa", un vraquier de 76 m de long battant pavillon de Palau et transportant trois mille tonnes de blé destinées à Israël, est arrivé "à l'ancre" dans le Bosphore peu avant 16H00 locales (13H00 GMT).

Il s'agit d'une première depuis la fin de l'accord le 17 juillet suite au retrait de la Russie.

Le cargo avait quitté le port de Tchornomorsk mardi, avait annoncé le ministre ukrainien des Infrastructures, Oleksandre Koubrakov.

Moscou a claqué mi-juillet la porte de l'accord signé en juillet 2022 à Istanbul permettant l'exportation sécurisée en mer Noire des produits agricoles ukrainiens, essentiels pour l'économie du pays et la sécurité alimentaire mondiale.

En réaction, l'Ukraine cherche à établir des corridors maritimes longeant les côtes des pays alliés jusqu'au Bosphore, défiant les menaces russes de couler les navires entrant et sortant de ports ukrainiens.

Un deuxième bateau, "Aroyat", se trouvait toujours jeudi dans le port de Tchornomorsk, en train d'être chargé de blé pour l'Egypte, selon le ministre.

L'accord international passé sous l'égide de la Turquie et de l'ONU et dénoncé par la Russie avait permis d'exporter par la mer Noire en un an presque 33 millions de tonnes de céréales et autres produits alimentaires ukrainiens.

Depuis son expiration, la Russie mène une campagne de bombardements visant les infrastructures portuaires et céréalières de l'Ukraine, afin, accuse Kiev, d'empêcher toute tentative d'exportations. Moscou affirme de son côté toucher des cibles militaires.