Après les affres de la pandémie, l'Italie veut croire au miracle économique

«L'économie continue à croître plus que prévu, mais il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Il faut réussir à maintenir un taux de croissance plus élevé qu'avant la pandémie», a prévenu le Premier ministre Mario Draghi. (Photo, AFP)
«L'économie continue à croître plus que prévu, mais il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Il faut réussir à maintenir un taux de croissance plus élevé qu'avant la pandémie», a prévenu le Premier ministre Mario Draghi. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 04 septembre 2021

Après les affres de la pandémie, l'Italie veut croire au miracle économique

  • Ces dernières années, l'Italie a souvent été à la traine en zone euro en termes de croissance: entre 1999 et 2019, son PIB n'a augmenté que de 7,9%
  • Cette année, «la hausse du PIB italien pourrait atteindre jusqu'à 6%, bien plus que prévu par le gouvernement en avril (4,5%)»

CERNOBBIO: Moral des entreprises au firmament, chômage en baisse malgré la levée de l'interdiction de licencier et une croissance économique inédite, supérieure à 5%: l'Italie de Mario Draghi surfe sur le haut de la vague, tournant le dos aux affres de la pandémie de coronavirus.

Un vent d'optimisme souffle sur le mini-Davos organisé par The European House-Ambrosetti à Cernobbio, sur les rives du lac de Côme, qui réunit jusqu'à dimanche le gotha de l'industrie italienne et des représentants de la finance internationale.

"Cela fait 20 ans que l'Italie n'a pas connu des taux de croissance pareils", s'enthousiasmait le président de la banque Intesa Sanpaolo, Gian Maria Gros-Pietro. "Cette année, on respire un nouvel air de changement et de reprise", a renchéri le ministre des Administrations publiques Renato Brunetta.

Et personne ne conteste qu'il y a un "effet Draghi", l'ancien président de la BCE crédité d'avoir sauvé la zone euro en 2012 en pleine crise de la dette et dont la nomination en février à la tête d'un gouvernement d'unité nationale avait été plébiscitée par les marchés.

"Les entrepreneurs le voient comme un élément de stabilité, compétence et crédibilité internationale", commente Giovanni Bossi, PDG du groupe financier italien Cherry 106.

Du coup, le moral des entrepreneurs s'en ressent, "ce qui les amène à affronter l'avenir avec optimisme et à investir, clef de la croissance économique", explique-t-il.

Autre facteur décisif, l'Italie a hérité de la plus grosse part du méga-plan de relance européen de 750 milliards d'euros et pourra dépenser 191,5 milliards d'euros puisés dans les fonds de Bruxelles.

Des victoires en série

Mario Draghi a cependant le triomphe modeste: "L'économie continue à croître plus que prévu, mais il ne faut pas se reposer sur ses lauriers. Il faut réussir à maintenir un taux de croissance plus élevé qu'avant la pandémie", a-t-il prévenu jeudi.

Et il n'a pas oublié que l'Italie revient de loin, avec une chute historique de 8,9% de son PIB en 2020, sa pire récession depuis la Seconde Guerre mondiale, d'où l'effet de rebond.

Le moral des Italiens a aussi été dopé par le sacre de la Squadra Azzurra à l'Euro de football, qui devrait avoir des retombées sur l'économie du pays, et le nombre record de médailles remportées aux Jeux Olympiques à Tokyo, sans parler de la victoire à l'Eurovision.

La péninsule est également bien partie pour gagner son pari de vacciner 80% de la population d'ici fin septembre, évitant ainsi de nouveaux confinements néfastes pour la reprise en cours, qualifiée de "petit miracle économique" par Carlo Bonomi, président de la Confindustria, principale organisation patronale du pays.

Retour de l'extrême droite?

L'Italie va-t-elle revivre un boom économique comme celui des années 1950 et 1960?

"On n'y est pas. On verra si le taux de croissance actuel se confirme en 2022 et 2023", nuance M. Bossi.

Ces dernières années, l'Italie a souvent été à la traine en zone euro en termes de croissance: entre 1999 et 2019, son PIB n'a augmenté que de 7,9%, contre respectivement 30,2%, 32,4% et 43,6% en Allemagne, France et Espagne.

Cette année, "la hausse du PIB italien pourrait atteindre jusqu'à 6%, bien plus que prévu par le gouvernement en avril (4,5%), pourvu qu'il n'y ait pas de nouveaux confinements", à déclaré l'économiste Carlo Cottarelli.

Et "le PIB devrait renouer avec son niveau d'avant la pandémie au premier trimestre 2022", prévoit-il.

Mais il y a une "incertitude politique" de taille qui le préoccupe: "Mario Draghi restera-t-il en place suffisamment longtemps pour mettre en route les réformes" prévues par le plan de relance?

Car il pourrait être tenté de se faire élire à la présidence de la République quand terminera le mandat de Sergio Mattarella fin janvier 2022, ce qui ouvrirait la voie à une prise de pouvoir de l'extrême droite de Matteo Salvini.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".