«Justiciers»? Une loi sur l'avortement ravive le débat sur les chasseurs de primes américains

La Cour suprême des Etats-Unis ne s’est pas opposée à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi texane sur l’avortement (Photo, AFP).
La Cour suprême des Etats-Unis ne s’est pas opposée à l’entrée en vigueur de la nouvelle loi texane sur l’avortement (Photo, AFP).
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Publié le Dimanche 05 septembre 2021

«Justiciers»? Une loi sur l'avortement ravive le débat sur les chasseurs de primes américains

  • «Cela semble ridicule, presque anti-Américain», s'est indigné Joe Biden vendredi, y voyant un encouragement à la délation
  • La loi entrée en vigueur mercredi se distingue d'autres initiatives anti-avortement aux Etats-Unis car elle repose «exclusivement» sur les citoyens.

WASHINGTON: L'expression "chasseur de primes" rappelle les temps anciens des célèbres posters "Wanted" et des cow-boys justiciers du Far West américain. 

Mais ils existent encore aux Etats-Unis, où une nouvelle loi texane sur l'avortement a réveillé le débat sur cette activité controversée permettant à de simples citoyens de dénoncer, contre récompense, ceux qui aident les femmes à avorter.

"Cela semble ridicule, presque anti-Américain", s'est indigné Joe Biden vendredi, y voyant un encouragement à la délation. 

"La chose la plus pernicieuse dans cette loi au Texas est que cela crée une sorte de système de justiciers autoproclamés, avec des gens qui perçoivent des récompenses", a déploré le président américain.

La loi entrée en vigueur mercredi se distingue d'autres initiatives anti-avortement aux Etats-Unis car elle repose "exclusivement" sur les citoyens.

Elle encourage ainsi les habitants à porter plainte au civil contre ceux qui aideraient des femmes à avorter après six semaines de grossesse, quand la plupart ignorent être enceintes.

Cet entourage peut inclure le docteur mais aussi potentiellement le chauffeur du taxi qui a amené la patiente à la clinique, ou des proches qui l'ont aidée à financer la procédure. 

En cas de condamnation, le citoyen qui a dénoncé, devenu plaignant, percevra au moins 10.000 dollars de "dédommagement". 

Dénoncer anonymement

Saisie en urgence par des associations de planning familial, la Cour suprême a refusé de bloquer cette loi, portant le coup le plus sévère au droit à l'avortement en près d'un demi-siècle aux Etats-Unis.

Parmi ceux qui auraient voulu s'y opposer, la magistrate progressiste Sonia Sotomayor a dénoncé une décision "stupéfiante", prise par cinq magistrats sur neuf: "Dans les faits, (le Texas) a mandaté les citoyens de cet Etat pour devenir des chasseurs de primes". 

Déjà, des associations appellent à dénoncer anonymement ceux qui "aident ou soutiennent" des femmes cherchant à avorter. Et des responsables conservateurs d'autres Etats américains ont dit vouloir suivre l'exemple texan.  

Si la tradition des chasseurs de récompense remonte au Moyen-Age en Europe, cette pratique est désormais largement illégale à travers le monde. 

Mais elle existe bien aux Etats-Unis, où les "bounty hunters" sont chargés de rechercher les fugitifs. 

Il s'agit essentiellement d'accusés libérés sous caution dans l'attente de leurs comparutions devant un juge et qui ont emprunté cette somme auprès d'entreprises spécialisées. Une activité controversée qu'on ne retrouve ailleurs dans le monde qu'aux Philippines.

Si l'accusé décide de fuir, c'est cette entreprise qui mandate des chasseurs de primes pour le retrouver et récupérer sa caution. 

Gilet pare-balles, menottes... Certains peuvent être armés jusqu'aux dents et même autorisés à entrer dans des résidences privées. 

"Aujourd’hui, beaucoup sont en fait de véritables détectives privés, formés dans des écoles accréditées", explique à l'AFP Tristan Cabello, historien et professeur à l'université Johns Hopkins. "Ils sont un rouage essentiel du système judiciaire américain mais les régulations pour cette profession sont différentes selon les Etats". 

"Traumatisme" de l'esclavage

S'il est difficile d'évaluer exactement leur nombre, une organisation du secteur, la "Professional Bail Agents of the United States", l'estime à 15.000 tandis qu'une autre (la "National Association of Fugitive Recovery Agents") avance que 30.000 fugitifs sont appréhendés chaque année grâce à ces méthodes.

Cette profession est devenue célèbre avec les westerns des années 1950. "C’est un discours qui parle aux citoyens américains les plus conservateurs", remarque M. Cabello. 

Mais pour d'autres d'Américains, la loi texane a réveillé un "traumatisme", souligne Michele Goodwin, professeure de droit à l'université de Californie: le souvenir des récompenses offertes à ceux qui capturaient les Noirs tentant d'échapper à l'esclavage.

"Aux Etats-Unis, il existe très peu de jurisprudence qui donne le pouvoir à des citoyens de saper la liberté" constitutionnelle d'autres citoyens comme le fait la loi du Texas selon elle.

"La seule fois où nous l'avons vu auparavant, c'est lorsque le Congrès a (...) mis en oeuvre ces lois qui permettaient de traquer et de chasser les personnes noires cherchant leur liberté". 

Pour Ken White, un ancien procureur fédéral, la "loi est calculée pour submerger quiconque est perçu par les conservateurs comme lié à l'avortement avec des poursuites coûteuses, accablantes".

Et même si ce "déluge de petits procès sans fondement" n'aboutit pas au final, ce parcours juridique sera à lui seul, pour les personnes visées, "destructeur".


A l'ONU, l'enquêtrice en chef sur Gaza a encore espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés

Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés. (AFP)
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  • Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide"
  • Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger"

GENEVE: Navi Pillay, la présidente de la commission d'enquête indépendante de l'ONU qui a accusé cette semaine Israël de commettre un génocide à Gaza, ne perd pas espoir que les dirigeants israéliens soient un jour jugés.

"La justice est lente", a affirmé l'ancienne juge sud-africaine, dans un entretien à l'AFP.

Mais "comme l'a dit (Nelson) Mandela, cela semble toujours impossible, jusqu'à ce qu'on le fasse. Je considère qu'il n'est donc pas impossible qu'il y ait des arrestations et des procès" à l'avenir, a-t-elle ajouté.

La commission d'enquête, qui ne s'exprime pas au nom de l'ONU, a établi qu'Israël commet un génocide à Gaza depuis le début de la guerre déclenchée par l'attaque sans précédent du Hamas du 7-Octobre.

Selon les enquêteurs, le président israélien, Isaac Herzog, le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, et l'ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, ont "incité à commettre un génocide".

Israël a "rejeté catégoriquement" ce "rapport biaisé et mensonger".

La Cour pénale internationale (CPI) avait déjà émis des mandats d'arrêt contre MM. Netanyahu et Gallant.

Mme Pillay reconnaît que la CPI dépend des Etats pour la mise en œuvre des mandats d'arrêt car elle n'a "ni shérif, ni forces de police".

Mais elle veut y croire, faisant une comparaison : "Je n'aurais jamais pensé que l'apartheid prendrait fin de mon vivant".

"Tellement douloureux" 

Jeune avocate d'origine indienne dans l'Afrique du Sud de l'apartheid, devenue juge et Haute-Commissaire aux droits de l'homme à l'ONU (2008-2014), Mme Pillay, 83 ans, a l'art de traiter des dossiers difficiles.

Sa carrière l'a menée des cours sud-africaines, où elle a défendu les activistes anti-apartheid et obtenu des droits cruciaux pour les prisonniers politiques, au Tribunal pénal international pour le Rwanda, en passant par la CPI.

Sa mission est des plus ardues depuis qu'elle préside, depuis sa création en 2021, la commission chargée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU d'enquêter sur les atteintes aux droits dans les territoires palestiniens et en Israël.

Elle déplore d'avoir été qualifiée d'"antisémite" depuis et dénonce les appels sur les réseaux sociaux de ceux qui réclament que les Etats-Unis la sanctionnent, comme Washington l'a fait pour une rapporteure de l'ONU, des juges de la CPI et des ONG palestiniennes.

Mais le plus dur, pour elle et son équipe, est de visionner les vidéos provenant de Gaza.

"Nous nous inquiétons pour notre personnel. Nous les surmenons et c'est traumatisant ces vidéos", dit-elle, citant "des violences sexuelles contre les femmes" et "les médecins qui sont dénudés par l'armée".

"C'est tellement douloureux" à regarder même si "on ne peut pas comparer notre souffrance à celle de ceux qui l'ont vécue", poursuit-elle.

Alors qu'elle présidait le Tribunal pénal international pour le Rwanda, des vidéos de civils abattus ou torturés l'ont aussi "marqué à vie".

Selon elle, la comparaison entre le Rwanda et Gaza ne s'arrête pas là : "Je vois des similitudes. Ce sont les mêmes méthodes".

Du Rwanda à Gaza 

"Dans le cas du Rwanda, c'était le groupe des Tutsi qui était visé. Ici, tous les éléments de preuve montrent que c'est le groupe palestinien qui est visé", dit-elle.

Elle mentionne aussi les propos de dirigeants israéliens qui "déshumanisent" les Palestiniens en les comparant à des "animaux". Comme lors du génocide rwandais, lorsque les Tutsi étaient "traités de cafards", ce qui revient à dire qu'"il est acceptable de les tuer", dénonce-t-elle.

Mme Pillay a indiqué qu'à l'avenir la commission entendait se pencher aussi sur des crimes supposés commis par d'autres "individus", expliquant qu'une grande partie des preuves a été publiée par les soldats israéliens eux-mêmes sur les réseaux sociaux.

Elle déplore toutefois que, faute de financements, la commission n'ait pas pu encore examiner si certains Etats qui fournissent de l'armement à Israël pouvaient être considérés complices.

Un travail qu'elle laisse à son successeur. Elle quitte la commission le 3 novembre en raison de son âge et de problèmes de santé.

Avant cela, elle doit présenter un dernier rapport devant l'Assemblée générale de l'ONU à New York. "J'ai déjà un visa", confie-t-elle.


Gaza: Bruxelles propose de taxer des biens importés d'Israël dans l'UE et de sanctionner deux ministres

La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.  "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu. "Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas. (AFP)
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  • L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres
  • Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE

BRUXELLES: La Commission européenne a proposé mercredi de renchérir le coût de certaines importations en provenance d'Israël et de sanctionner deux ministres d'extrême droite du gouvernement de Benjamin Netanyahu.

"Je veux être très claire, le but n'est pas de punir Israël. Le but est d'améliorer la situation humanitaire à Gaza", a affirmé lors d'un point presse la cheffe de la diplomatie de l'UE, Kaja Kallas.

Les mesures commerciales devraient, si elles étaient adoptées par les pays de l'UE, renchérir de quelque 227 millions d'euros le coût de certaines importations israéliennes, principalement d'origine agricole.

La Commission européenne a également proposé de sanctionner deux ministres israéliens d'extrême droite, Itamar Ben-Gvir, chargé de la Sécurité nationale, et Bezalel Smotrich chargé des Finances, selon un responsable de l'UE.

L'exécutif européen avait déjà proposé en août 2024 de sanctionner ces deux ministres. Une tentative vaine, faute d'accord au sein des 27 Etats membres. Ces sanctions pour être adoptées requièrent l'unanimité des pays de l'UE.

"Tous les États membres conviennent que la situation à Gaza est intenable. La guerre doit cesser", a toutefois plaidé mercredi Mme Kallas. Ces propositions seront sur la table des représentants des 27 Etats membres dès mercredi.

Les sanctions dans le domaine commercial ne nécessitent que la majorité qualifiée des Etats membres. Mais là encore, un accord sera difficile à obtenir, jugent des diplomates à Bruxelles.

Des mesures beaucoup moins ambitieuses, également présentées par la Commission européenne il y a quelques semaines, n'avaient pas trouvé de majorité suffisante pour être adoptées. Avait notamment fait défaut le soutien de pays comme l’Allemagne ou l'Italie.

Les exportations israéliennes vers l'UE, son premier partenaire commercial, ont atteint l'an dernier 15,9 milliards d'euros.

Seuls 37% de ces importations seraient concernés par ces sanctions, si les 27 devaient donner leur feu vert, essentiellement dans le secteur agro-alimentaire.


Trump s'en prend à des magistrats après l'assassinat de Charlie Kirk

Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
Cette capture d'écran provenant de la diffusion en direct du tribunal de l'Utah montre Tyler Robinson, suspect dans le meurtre du militant politique Charlie Kirk, assistant à une audience à distance depuis sa cellule de prison à Provo, dans l'Utah, le 16 septembre 2025. (AFP)
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  • Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X
  • Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre

WASHINGTON: Le président américain Donald Trump a de nouveau stigmatisé mercredi des magistrats qui l'avaient poursuivi et jugé durant le mandat de Joe Biden, prenant prétexte du récent assassinat de l'influenceur ultraconservateur Charlie Kirk.

Dans le viseur du locataire de la Maison Blanche, sur son réseau Truth, se trouvent deux de ses cibles privilégiées : l'ex-procureur spécial Jack Smith, et le juge Juan Merchan qui avait présidé son procès pour des paiements cachés à une star du X.

Donald Trump reproche à Jack Smith d'avoir ouvert il y a quelques années une enquête sur Turning Point, le mouvement créé par l'influenceur ultraconservateur américain Charlie Kirk, assassiné le 10 septembre.

"Pourquoi le merveilleux Turning Point a-t-il été mis sous ENQUÊTE par le +Dérangé+ Jack Smith et l'administration Biden Corrompue et Incompétente ?", s'interroge Donald Trump dans un message sur Truth.

"Ils ont essayé de forcer Charlie, ainsi que de nombreuses autres personnes et mouvements, à cesser leurs activités. Ils ont instrumentalisé le ministère de la Justice contre les opposants politiques de Joe Biden, y compris MOI!", s'offusque-t-il encore.

Jack Smith, lui-même visé par une enquête administrative depuis le retour au pouvoir de Donald Trump, avait été nommé procureur spécial en 2022.

Il avait lancé des poursuites fédérales contre Donald Trump, pour tentatives illégales d'inverser les résultats de l'élection de 2020 et rétention de documents classifiés après son départ de la Maison Blanche.

Les poursuites avaient été abandonnées après la réélection de Trump, en vertu de la tradition consistant à ne pas poursuivre un président en exercice. Jack Smith avait ensuite démissionné du ministère de la Justice.

Sans jamais le citer nommément, le président Trump s'en prend également sur le réseau Truth à Juan Merchan, qui a présidé le procès Stormy Daniels. Le président avait été reconnu coupable de 34 chefs d'accusation, pour des paiements cachés de 130.000 dollars à l'ex-star du X.

Donald Trump exprime le souhait que le juge "corrompu" paie "un jour un prix très élevé pour ses actions illégales".

Depuis l'assassinat de Charlie Kirk, le camp républicain redouble de véhémence contre les démocrates et organisations progressistes, accusés de promouvoir la violence politique.

"La gauche radicale a causé des dégâts énormes au pays", a affirmé le président républicain mardi, avant son départ au Royaume-Uni. "Mais nous y remédions".

Selon le Washington Post, un élu républicain du Wisconsin a déposé une proposition de loi visant à bloquer les fonds fédéraux aux organisations employant des personnes "qui tolèrent et célèbrent la violence politique".

Le New York Times précise pour sa part que sont notamment dans le viseur l'Open Society Foundation du milliardaire George Soros ainsi que la Ford Foundation, qui toutes deux financent des organisations de gauche.