Un pays ravagé par la guerre et noyé sous les armes: terreau fertile pour Daech?

Sur cette photo prise le 17 novembre 2019, des membres du groupe Daech se tiennent devant leurs armes, après leur reddition au gouvernement afghan, à Jalalabad. (Fichier/AFP)
Sur cette photo prise le 17 novembre 2019, des membres du groupe Daech se tiennent devant leurs armes, après leur reddition au gouvernement afghan, à Jalalabad. (Fichier/AFP)
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Publié le Jeudi 09 septembre 2021

Un pays ravagé par la guerre et noyé sous les armes: terreau fertile pour Daech?

Sur cette photo prise le 17 novembre 2019, des membres du groupe Daech se tiennent devant leurs armes, après leur reddition au gouvernement afghan, à Jalalabad. (Fichier/AFP)
  • Un groupe terroriste actif parmi d’autres en Afghanistan, où chacun entretient des relations différentes avec les talibans
  • «Nous luttons contre la menace de Daech par tous les moyens possibles et imaginables», déclare Jake Sullivan, conseiller à la sécurité nationale du président Biden

LONDRES/ LE CAIRE: Trois mois seulement après les attaques meurtrières contre New York et Washington en 2001, Oussama ben Laden et un petit groupe de partisans sont contraints de fuir la région montagneuse de Tora Bora dans l’est de l’Afghanistan à mesure que les forces spéciales américaines et leurs alliés locaux se rapprochent.  

Le leader d’Al-Qaïda se trouvait en Afghanistan depuis cinq ans lorsqu’il a supervisé les attentats du 11-Septembre qui ont coûté la vie à plus 3 000 personnes aux États-Unis. En 1996, Oussama ben Laden rentre en Afghanistan, sous la protection du premier régime taliban dirigé par le mollah Omar. 

Depuis l’époque de la guerre sainte contre les Soviétiques, il est en charge de former et d’armer des milliers de recrues arabes dans le pays au nom de l’extrémisme. 

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Une capture d'écran (G) prise le 29 octobre 2004 à partir d'une cassette vidéo diffusée par la chaîne d'informations Al-Jazeera, montrant le chef d'Al-Qaïda, Oussama ben Laden. (Fichier/AFP) 

Près de vingt ans plus tard, et sous le règne de nouveaux dirigeants talibans, l’Afghanistan demeure un refuge pour les terroristes venus d’Asie centrale ou du Moyen-Orient à l’instar d’Al-Qaïda et de Daech. Depuis que les talibans se sont emparés du pouvoir à la mi-août, les espoirs et les promesses d’un Afghanistan plus moderne et plus pacifique ne sont plus qu’une illusion lointaine. 

Le 26 août, l’État islamique au Khorassan (EI-K) revendique la responsabilité du double attentat suicide visant les militaires américains et les civils afghans à l’aéroport de Kaboul et dans les environs. Dans le chaos et la confusion, Daech et son rival Al-Qaïda identifient de nouvelles possibilités, tout comme Ben Laden l’a fait il y a deux décennies. 

Une équipe de surveillance des sanctions de l’Organisation des nations unies (ONU) rapporte en juin que de nombreux dirigeants d’Al-Qaïda ont élu domicile le long de la frontière entre l’Afghanistan et le Pakistan et que l’EI-K «demeure actif et dangereux». L’EI-K est le plus violent de tous les groupes. 

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Un membre de l’équipe de sécurité afghane inspecte une maison endommagée lors d'une fusillade entre les forces de sécurité et des combattants  de Daech, à Jalalabad, le 15 février 2021. (Fichier/AFP) 

Bien que sérieusement malmené par les forces américaines et celles de l’ancien gouvernement afghan, ce groupe a la capacité d’attirer et de motiver des combattants venus du monde entier. On le craint de Moscou à Pékin, en passant par Tachkent, Damas et Kaboul. Le groupe a un nouveau leader ambitieux, Shahab al-Muhajir, rapporte l’équipe de l’ONU. 

Sa présence en Afghanistan remonte à 2015, à l’époque durant laquelle Abou Bakr al-Baghdadi avait déclaré l’État islamique en Irak et en Syrie, s’autoproclamant calife des musulmans aux quatre coins du monde. 

En Afghanistan, Hafiz Saeed Khan, ancien chef de la branche pakistanaise des talibans (mieux connue sous le nom de Tehrik-i-Taliban Pakistan ou TTP) prête serment d’allégeance à Al-Baghdadi et fonde l’EI-K, un groupe affilié au mouvement. 

11 sept

La région du Khorassan englobe historiquement des parties de l’Iran, de l’Afghanistan et du Pakistan actuels, faisant du groupe le bras droit de Daech en Asie centrale. Le Khorassan joue un rôle légendaire durant les premiers temps de l’Histoire islamique puisqu’il sert de base au califat abbasside qui gouverne tout le monde musulman. 

Au départ, l’EI-K est limité en termes de présence et d’influence. Cependant, compte tenu de son rôle comme ancien chef du TTP, Hafiz Saeed Khan réussit à rassembler d’autres membres influents du TTP, ainsi que de petites organisations qui ont rompu les liens avec les talibans au Pakistan. 

À son apogée en 2016, l’EI-K dispose de 2 500 à 8 500 combattants en Afghanistan, ce qui permet au groupe de mener des attaques de haut niveau concentrées, pour la plupart, à Kaboul et à Nangarhar, une province située à l’est de l’Afghanistan, à la frontière avec le Pakistan. 

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Des responsables de sécurité afghans inspectent des armes saisies près d'une habitation endommagée, de laquelle des hommes de Daech armés tiraient des obus de mortier, alors qu'un autre groupe faisait une descente dans une prison, à Jalalabad, le 4 août 2020. (Fichier/AFP) 

Le groupe est cependant considérablement affaibli suite à l’élimination progressive des hauts dirigeants par les forces américaines et les attaques menées par les talibans. Hafiz Saeed Khan est lui-même tué par une frappe américaine en 2016. 

Kirill Nourzhanov, maître de conférences au Centre d’études arabes et islamiques de l’Université nationale australienne (ANU), déclare à Arab News que même si le groupe a «presque été anéanti dans les principales zones d’influence fin 2019, le retour de l’EI-K dans les provinces orientales de l’Afghanistan n’est peut-être qu’une question de temps. La violence sectaire perpétrée par le groupe devrait s’intensifier». 

Au cours des six premiers mois de cette année, l’EI-K a revendiqué plus de 20 attaques ciblant la communauté chiite des Hazaras dans la région, ce qui a provoqué la mort de 500 personnes au moins. De telles attaques sont susceptibles de déstabiliser le régime à Téhéran. 

Depuis le début du retrait américain il y a deux mois, l’EI-K a mené plus de 91 attaques, tuant approximativement 345 civils et policiers afghans, selon quelques rapports. 

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Sur cette photo prise le 25 novembre 2019, les forces de sécurité afghanes participent à une opération contre des militants de Daech dans le district d'Achin, de la province de Nangarhar. (Fichier/AFP) 

Shahram Akbarzadeh, directeur du Middle East Studies Forum à l’université Deakin, déclare à Arab News: «Le retrait des forces des États-Unis et de l’Otan a favorisé l’effondrement du gouvernement afghan, créant un vide au niveau du pouvoir.» 

«Les talibans sont facilement entrés à Kaboul mais d’autres groupes comme l’EI-K y ont également vu une possibilité d’étendre leur sphère d’influence. Ce groupe salafiste devrait gagner beaucoup de terrain», poursuit-il. 

Ce vide ne permet pas uniquement de renforcer la présence de l’EI-K mais également d’attirer d’autres groupes terroristes et extrémistes. On pense que le chef d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri, est malade et qu’il vit dans les régions tribales du Pakistan. Le groupe entretient des liens étroits avec les talibans par l’intermédiaire du réseau Haqqani qui contrôle la sécurité de Kaboul. 

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Une photo du 11 juin 2014 avec un militant de Daech brandissant le drapeau du groupe. (Fichier/AFP) 

Les réponses médiatiques d’Al-Qaïda, contrairement à celles des talibans, de Daech et de Hayat Tahrir al-Sham au nord de la Syrie, sont lentes, ce qui suppose des capacités nettement réduites. Il semble qu’un autre haut dirigeant d’Al-Qaïda, Saïf al-Adel – ancien numéro 3 du groupe après Ben Laden et Al-Zawahiri – réside actuellement en Iran sous la protection du régime. Cependant, la prise de contrôle par les talibans devrait donner un coup de pouce à Al-Qaïda et Daech. 

Arie Kruglanski, expert en psychologie du terrorisme et en militantisme politique, affirme: «Al-Qaïda a une forte présence dans d’autres parties du monde comme l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb et la Syrie. Avec l’arrivée au pouvoir des talibans, le mouvement pourrait bénéficier d’un autre refuge pour se réorganiser dans la zone Afghanistan-Pakistan.»  

La facilité de mouvement qu’offre l’Afghanistan rend le pays attrayant à la fois pour Daech et Al-Qaïda, surtout par rapport à d’autres régions où ils sont actuellement concentrés. Les faibles contrôles aux frontières permettent aux combattants de se déplacer facilement, notamment en provenance du Pakistan à travers les régions montagneuses que les forces de l’Otan et de l’ancien gouvernement afghan trouvaient difficiles – voire impossible – à contrôler. 

À l’ouest, la frontière iranienne constitue un autre point de passage pour les terroristes qui entrent en Afghanistan. L’EI-K propose un emplacement alternatif pour les combattants et les cellules dormantes d’Irak et de Syrie pour reprendre leurs opérations. 

Gulbuddin Hekmatyar, chef du Hezb-e-Islami et ancien leader des moudjahidines, aurait déclaré que le départ des troupes américaines et de leurs alliés donne la possibilité de créer une «nouvelle version de Daech». 

Néanmoins, la région pose des défis à l’EI-k, notamment la présence des talibans qui, pour le moment, contrôlent la quasi-totalité de l’Afghanistan. Le nouveau régime taliban a tenu à asseoir tout de suite son autorité religieuse en proclamant l’Émirat islamique d’Afghanistan – le même nom que le groupe avait utilisé pour régner sur le pays entre 1996 et 2001. 

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Une photo du 11 juin 2014 montrant des militants de Daech posant avec le drapeau du groupe. (Fichier/AFP) 

De nombreux analystes pensent que l’Afghanistan sera le terrain de violents affrontements entre les talibans et l’EI-K dans les semaines à venir. 

Jonathan Goodhand, professeur en études de conflit et de développement à la School of Oriental and African Studies explique: «Il existe une hostilité profonde entre Daech et les talibans. Si des groupes comme Al-Qaïda, le TPP et le Mouvement islamique d’Ouzbékistan parmi d’autres célèbrent la victoire des talibans, il est fort peu probable que Daech puisse étendre son influence en Afghanistan.» 

Les talibans sont principalement composés de Pachtounes qui proviennent uniquement d’Afghanistan et du Pakistan alors que Daech regroupe une multitude de nationalités: des Arabes, des Ouzbeks, des Turkmènes, des Tchétchènes, des Kurdes, des Kazakhs, des Tadjiks et des Ouïghours. 

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Une photo du 11 juin 2014 montrant des militants de Daech accrochant leur drapeau à un poteau au sommet d'un ancien fort militaire. (Fichier/AFP) 

«Les talibans combattent l’EI-K fermement et de manière continue depuis 2015. En réalité, c’est précisément l’efficacité des talibans dans la lutte contre ce que la Russie, l’Iran et les républiques d’Asie centrale considèrent comme l’ennemi numéro un, qui a poussé les voisins de l’Afghanistan à adopter une position flexible et pragmatique vis-à-vis des talibans», précise M. Nourzhanov. 

M. Akbarzadeh s’attend à ce que l’EI-K tente d’étendre son influence, exacerbant ainsi les tensions avec les talibans. Il précise: «Les talibans et l’EI-k sont des rivaux. L’EI-K considère les talibans comme de faux musulmans tout comme il accuse tous les autres groupes musulmans de corruption et de fausseté. Ils se sont affrontés par le passé. Les talibans essayent de prendre leurs distances par rapport à l’EI-K, un groupe ouvertement sectaire et violent.» 

«Avec le départ des États-Unis, ces tensions risquent de s’exacerber à mesure que l’EI-K étend son influence et entre en conflit direct avec les talibans», conclut M. Akbarzadeh. 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com 


L'ONU fustige l'«apathie» du monde en lançant son appel humanitaire 2026

L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
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  • Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026
  • Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars

NATIONS-UNIES: L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre.

"C'est une époque de brutalité, d'impunité et d'indifférence", s'est emporté lors d'une conférence de presse à New York le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, dénonçant la "férocité et l'intensité des tueries", le "mépris total du droit international "et les "niveaux terrifiants de violences sexuelles".

"Une époque où notre sens de la survie a été engourdi par les distractions et corrodé par l'apathie, où nous mettons plus d'énergie et d'argent pour trouver de nouveaux moyens de nous entretuer, tout en démantelant les moyens durement gagnés de nous protéger de nos pires instincts, où les politiciens se vantent de couper les aides", a-t-il accusé, en présentant le plan humanitaire 2026.

Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026 à Gaza, au Soudan, en Haïti, en Birmanie, en RDC ou en Ukraine.

Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars pour sauver au moins 87 millions des personnes les plus en danger.

Ce plan "hyperpriorisé", qui passe également par des réformes pour améliorer l'efficacité du système humanitaire, est "basé sur des choix insoutenables de vie ou de mort", a commenté Tom Fletcher, espérant qu'avoir pris ces "décisions difficiles qu'ils nous ont encouragés à prendre" convaincra les Américains de revenir.

"Le plus bas en une décennie" 

En 2025, l'appel humanitaire de plus de 45 milliards de dollars n'a été financé qu'à hauteur d'un peu plus de 12 milliards, "le plus bas en une décennie". Permettant d'aider seulement 98 millions de personnes, soit 25 millions de moins que l'année précédente.

Selon les chiffres de l'ONU, les Etats-Unis sont restés en 2025 le premier pays donateur des plans humanitaires dans le monde, mais avec une chute majeure: 2,7 milliards de dollars, contre 11 milliards en 2024.

En haut des crises prioritaires en 2026, Gaza et la Cisjordanie pour lesquels l'ONU réclame 4,1 milliards de dollars pour aider 3 millions de personnes, ainsi que le Soudan (2,9 milliards pour 20 millions de personnes) où le nombre de déplacés par le conflit sanglant entre généraux rivaux ne cesse d'augmenter.

Parmi ces déplacés, cette jeune mère que Tom Fletcher a récemment rencontrée au Darfour, à Tawila, où affluent les survivants des combats dans la grande ville voisine d'El-Facher.

Elle a vu son mari et son enfant tués sous ses yeux, avant de s'enfuir, avec le bébé affamé de ses voisins morts eux-aussi, puis d'être attaquée et violée "sur la route la plus dangereuse du monde" qui la conduira enfin à Tawila, a-t-il raconté.

"Est-ce que quiconque, quel que soit d'où vous venez, ce que vous pensez, pour qui vous votez, pense qu'on ne devrait pas l'aider!".

L'ONU va désormais frapper à la porte des gouvernements de la planète, pendant les 87 prochains jours, un jour pour chaque million de vie à sauver.

Et s'il y a toujours un trou, Tom Fletcher prévoit une campagne plus large vers la société civile, les entreprises et les gens normaux qu'il estime abreuvés par de fausses informations surestimant la part de leurs impôts destinés à l'aide à l'étranger.

"Nous ne demandons qu'à peine un peu plus de 1% de ce que le monde dépense en armes et en programmes de défense. Je ne demande pas aux gens de choisir entre un hôpital à Brooklyn ou un hôpital à Kandahar. Je demande au monde de dépenser moins en défense et plus en humanitaire".


Kajsa Ollongren : Cessez d’armer le Soudan, la CPI doit agir à Gaza

Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
Kajsa Ollongren, représentante spéciale de l'UE pour les droits de l'homme. (Fourni)
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  • La représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme avertit que des gouvernements bafouent les règles multilatérales conçues pour protéger les civils en temps de conflit
  • Kajsa Ollongren déclare que l’UE doit travailler avec des États engagés dans le multilatéralisme et le droit humanitaire pour préserver un ordre mondial fondé sur des règles

​​​​​​NEW YORK CITY : Kajsa Ollongren, la représentante spéciale de l’UE pour les droits de l'homme, a averti que le Soudan endure des « atrocités inimaginables », appelant tous les pays fournissant des armes aux factions belligérantes à cesser immédiatement leurs transferts.

S’exprimant à Arab News après des missions au Liban et en Égypte et un dialogue sur les droits humains avec l’Arabie saoudite, Ollongren a déclaré que les armes étrangères alimentent l’un des conflits les plus dévastateurs et les moins médiatisés au monde, sans issue politique en vue.

Ses propos interviennent peu après que Volker Turk, haut-commissaire des Nations unies aux droits humains, ait lancé l’un de ses avertissements les plus sévères, estimant que le Soudan pourrait connaître « une nouvelle vague d’atrocités », avec des civils confrontés à l’épuration ethnique et aux déplacements massifs.

Turk a à plusieurs reprises prévenu que la violence pourrait atteindre des « niveaux catastrophiques » si le flux d’armes se poursuivait. Ollongren a déclaré que ces avertissements correspondaient à ce qu’elle avait entendu de la part du personnel régional des droits humains.

« Les atrocités dépassent vraiment l’imagination », a-t-elle confié à Arab News. « Pendant longtemps, le monde n’a pas prêté suffisamment attention à ce qui se passait au Soudan. Nous y prêtons attention maintenant, au moins, mais l’attention seule ne suffira pas à les arrêter. »

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Des familles soudanaises déplacées depuis El-Fasher tendent la main alors que des travailleurs humanitaires distribuent des vivres dans le camp nouvellement créé d’El-Afadh à Al Dabbah, dans l’État du Nord du Soudan, le 16 novembre 2025. (Photo AP/Archives)

Elle a affirmé que les gouvernements facilitant le conflit devaient être confrontés. « Il doit également y avoir une véritable interaction avec ces pays qui fournissent des armes. Sans ces armes, nous verrions la fin des atrocités plus rapidement … C’est inacceptable. »

Elle a ajouté que la pression coordonnée de l’Europe, du Golfe et de la communauté internationale au sens large est essentielle. « Il est très important, au niveau du Golfe, en Europe et globalement, d’appeler à l’arrêt des exportations d’armes », a-t-elle souligné.

Le conflit au Soudan a débuté en avril 2023 lorsqu’une lutte de pouvoir entre le chef des forces armées Abdel Fattah Al-Burhan et son ancien adjoint Mohammed Hamdan Dagalo, chef des Forces de soutien rapide (RSF), a dégénéré en conflit ouvert.

Selon les chiffres de l’ONU, environ 12 millions de personnes ont été déplacées, créant ce que beaucoup considèrent comme la pire catastrophe humanitaire au monde. Les estimations du nombre de morts varient largement, l’ancien envoyé américain pour le Soudan évoquant jusqu’à 400 000 victimes.

Bien que les forces armées soudanaises aient repris la capitale, Khartoum, aux RSF, le pays est effectivement divisé en deux, le gouvernement dirigé par les SAF contrôlant l’est et les RSF et milices alliées dominant l’ouest, y compris la région troublée du Darfour.

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En octobre, l’un des épisodes les plus brutaux du conflit a eu lieu lorsque les combattants des RSF ont capturé El-Fasher, capitale du Nord-Darfour, et ont commencé à massacrer des civils, déclenchant des déplacements massifs.

Le Soudan est revenu sur le devant de la scène diplomatique après la récente visite du prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane à Washington, où il a discuté des développements avec le président américain Donald Trump et a appelé à un rôle plus actif pour mettre fin au conflit et prévenir les répercussions régionales.

Peu après, Trump a annoncé que les États-Unis « allaient immédiatement lancer un nouvel effort » pour mettre fin au conflit au Soudan, qu’il a qualifié de « lieu le plus violent sur Terre et de plus grande crise humanitaire », une décision largement interprétée comme une réponse à l’appel du prince héritier.

« Le fait que le président américain s’exprime ainsi sur les atrocités est important et sera entendu au Soudan », a déclaré Ollongren.

Mais elle a averti que les déclarations seules sont vaines sans suivi sérieux. « Il ne suffit pas de déclarer la fin d’une guerre ou d’un conflit », a-t-elle précisé. « Il doit y avoir un plan — qui inclut la reconstruction, la responsabilité et la reconstruction des sociétés tout en donnant du pouvoir aux victimes. »

Concernant le Liban, Ollongren a indiqué avoir ressenti un « élan » lors de ses récentes rencontres à Beyrouth, où l’engagement diplomatique s’est intensifié depuis le cessez-le-feu dans la guerre Israël-Hezbollah il y a un an.

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Kajsa Ollongren rencontre le président libanais Joseph Aoun. (Fournie)

Cela intervient malgré le refus d’Israël de se retirer du sud du Liban et ses frappes continues contre des positions supposées du Hezbollah, y compris l’attaque du mois dernier dans un quartier de Beyrouth qui a tué un commandant de milice.

Les dirigeants du Hezbollah insistent pour ne pas se désarmer tant qu’Israël n’aura pas retiré ses troupes.

« Il y a un élan pour davantage de paix et de stabilité et pour un avenir stable pour de nombreux pays de la région », a déclaré Ollongren. « Je vois le rôle que l’Arabie saoudite joue dans tout cela, ainsi que les efforts de l’Égypte pour négocier entre les parties. »

Elle a toutefois souligné la fragilité de la situation. « Il reste une incertitude quant au respect du cessez-le-feu et il n’existe pas encore de plan clair pour le désarmement du Hezbollah », a-t-elle dit.

« La responsabilité est cruciale. Au Liban, nous avons beaucoup parlé des assassinats politiques et de l’explosion au port de Beyrouth. Tout cela doit être traité avec justice, car sans cela l’impunité persiste, ce qui peut entraîner d’autres problèmes à l’avenir. »

Concernant la Syrie, qu’elle prévoit de visiter début 2026, Ollongren a déclaré que la situation reste instable.

« Nous avons constaté des violences et des victimes dans plusieurs régions du pays. La situation n’est pas sous contrôle », a-t-elle indiqué, en faisant référence aux attaques contre les minorités ethniques et religieuses au cours de l’année écoulée depuis que le régime d’Assad a été évincé.

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Des habitants agitent des drapeaux syriens dans le centre de Hama le 5 décembre 2025, lors des célébrations marquant un an depuis une offensive éclair menée par des islamistes ayant renversé le dirigeant de longue date du pays. (AFP)

Bien qu’elle se soit félicitée du retour récent de réfugiés syriens depuis le Liban comme d’un « bon signe », elle a averti que la stabilisation plus large reste lointaine alors que le gouvernement de transition du président Ahmad Al-Sharaa poursuit la réintégration nationale et l’allégement des sanctions.

Ollongren a également souligné l’influence diplomatique croissante de l’Arabie saoudite comme l’un des changements les plus significatifs dans la région. « L’Arabie saoudite suit une voie différente », a-t-elle dit, évoquant les réformes Vision 2030 et l’engagement mondial accru du Royaume.

« L’Arabie saoudite s’engage également avec l’Europe et l’UE, établissant des liens qui pourraient être très importants pour un Moyen-Orient plus stable. »

« Bien sûr, cela reconfigure aussi l’influence d’autres puissances. L’Égypte joue un rôle de longue date mais lutte avec son économie et la pression démographique. L’engagement saoudien pourrait être très impactant. »

À Gaza, Ollongren a décrit une « destruction complète » et un accès extrêmement limité comme des obstacles pour les médias et les efforts humanitaires. « Nous n’avons pas eu de journalistes indépendants pouvant rendre compte des victimes ou des destructions », a-t-elle dit.

« Petit à petit, les informations émergent, et nous voyons une destruction complète dans de nombreuses parties de Gaza. Les habitants n’ont plus de maisons où retourner et ont perdu un très grand nombre de civils, y compris des enfants. Il doit y avoir des comptes à rendre. »

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Des Palestiniens recherchent des décombres dans des bâtiments lourdement détruits par les bombardements israéliens à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, alors qu’un cessez-le-feu tient le 12 octobre 2025. (AFP/Archives)

Israël a lancé ses opérations militaires à Gaza après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas dans le sud d’Israël, qui a fait 1 200 morts et 250 otages. Depuis lors, environ 70 000 Palestiniens ont été tués, selon le ministère de la Santé de Gaza.

Un cessez-le-feu fragile est entré en vigueur le 10 octobre, avec un recul des opérations israéliennes en échange de la libération des otages restants par le Hamas. Un petit flux d’aide humanitaire a été autorisé dans le territoire, mais les besoins médicaux, alimentaires et en abris restent immenses.

Ollongren a insisté sur le fait que la responsabilité pour les crimes de guerre allégués par les deux parties doit être assurée par la Cour pénale internationale.

« La CPI doit jouer un rôle dans ce dossier », a-t-elle déclaré. « Ils ont examiné à la fois le Hamas et Israël. C’est le bon lieu pour chercher justice et responsabilité. »

Interrogée sur le soutien des États européens aux mandats d’arrêt de la CPI visant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, Ollongren a répondu : « Nous sommes signataires du Statut de Rome, donc nous sommes liés par le traité.

« La cour décide des arrestations, des affaires et des poursuites de manière indépendante. Notre rôle est de garantir son indépendance et son bon fonctionnement. Donc oui. »

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Des manifestants défilent devant le siège des Nations unies à New York alors que le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu s'exprime le 26 septembre 2025. (AFP/Archives)

Un nombre croissant de juristes, y compris une commission d’enquête internationale indépendante de l’ONU, ont conclu qu’un génocide a eu lieu à Gaza au cours des deux dernières années.

Francesca Albanese, rapporteur spécial de l’ONU sur la situation des droits humains dans les territoires palestiniens, a récemment déclaré à Arab News que les réponses de l’UE et de l’Occident au génocide à Gaza ont été « pathétiques, hypocrites et marquées par des doubles standards ».

Elle a ajouté que les mêmes gouvernements invoquant le droit international pour condamner les actions de la Russie en Ukraine sont restés largement silencieux sur Gaza, permettant à des « violations flagrantes » de se dérouler.

Ollongren a répondu à cette critique. « Nous devrions, et nous devons, appliquer le droit international de manière cohérente dans tous les cas », a-t-elle affirmé.

« Nous ressentons l’accusation de doubles standards. Après les attaques du 7 octobre par le Hamas, l’Europe a soutenu Israël, reconnaissant son droit à se défendre. Mais au fur et à mesure que la guerre à Gaza se déroulait et que les victimes civiles augmentaient, nous sommes devenus plus critiques.

« L’UE a de plus en plus appelé Israël à respecter le droit humanitaire international et a travaillé pour garantir que l’aide humanitaire parvienne aux personnes dans le besoin.

« En même temps, nous soutenons l’Autorité palestinienne dans son rôle de gouvernance. Je pense que nous sommes désormais un partenaire beaucoup plus critique et équitable pour les deux parties. »

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Des Palestiniens font la queue pour un repas chaud dans une cuisine caritative gérée par le Programme alimentaire mondial des Nations unies (PAM) au camp de réfugiés de Nuseirat, dans le centre de Gaza, le 26 avril 2025. (AFP/Archives)

Interrogée sur l’échec du système international, elle a indiqué que le problème ne vient pas des institutions mais des gouvernements.

« L’architecture que nous avons doit être protégée », a-t-elle déclaré. « Nous n’avons pas besoin d’un nouveau système. Le problème est qu’il n’est pas respecté. C’est pourquoi il est important que l’UE s’engage avec les pays qui soutiennent le système multilatéral, l’état de droit et le droit humanitaire international.

« Ces cadres ont été conçus pour protéger les plus vulnérables dans les conflits, pas pour empêcher les guerres. »

Elle a conclu par un message aux civils de Gaza et du Soudan.

« Je comprends que vous ayez perdu confiance dans le système international car il n’était pas là pour vous protéger lorsque vous avez été attaqués et que vous avez perdu vos proches », a-t-elle déclaré.

« C’est encore le meilleur système dont nous disposons. De mon côté, je me concentrerai sur la responsabilité et la justice, car du point de vue des droits de l'homme, c’est ce que je dois faire pour vous. »

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Plus de 200 personnalités demandent la libération du dirigeant palestinien Marwan Barghouti

Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002. (AFP)
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  • Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille
  • La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza

PARIS: Plus de 200 célébrités, dont l'écrivaine prix Nobel Annie Ernaux, la réalisatrice Justine Triet ou le chanteur Sting, ont demandé mercredi dans une lettre ouverte la libération de Marwan Barghouti, dirigeant palestinien emprisonné en Israël depuis 2002.

Marwan Barghouti, 66 ans et ancien cadre du Fatah, défend une résolution politique au conflit israélo-palestinien. Parfois surnommé par ses partisans le "Mandela palestinien", il est connu pour sa lutte contre la corruption et est cité comme un possible successeur du président palestinien Mahmoud Abbas.

La lettre ouverte, consultée par l'AFP, réunit des stars du cinéma comme Josh O'Connor, Benedict Cumberbatch et Javier Bardem, ainsi que des musiciens tels que Fontaines D.C. et Sting. Les autrices à succès Sally Rooney, Annie Ernaux ou Margaret Atwood ont également apporté leur soutien, tout comme les anciens footballeurs Éric Cantona et Gary Lineker.

"Nous exprimons notre vive inquiétude face à la détention continue de Marwan Barghouti, à ses mauvais traitements et au déni de ses droits légaux en prison", écrivent-ils, appelant "les Nations Unies et les gouvernements du monde à œuvrer activement" pour sa libération.

Cette initiative fait partie de la campagne internationale "Free Marwan", lancée par sa famille. La plupart des signataires se sont déjà exprimés publiquement pour mettre fin à la guerre dans la bande de Gaza.

Marwan Barghouti a été condamné à cinq peines de prison à vie par un tribunal israélien, qui l'a reconnu coupable d'implication dans des attaques meurtrières durant la seconde intifada (2000-2005).

Israël a refusé de le libérer dans le cadre des échanges de prisonniers, effectués depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée après l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre 2023.

Son fils a déclaré en octobre qu'il avait été violemment battu par des gardiens israéliens lors d'un transfert de prison. En août, le ministre israélien d'extrême droite Itamar Ben Gvir a diffusé une vidéo où il prend à partie et sermonne Marwan Barghouti, apparaissant affaibli dans sa cellule.