Afghanistan: le nouveau gouvernement taliban au défi des manifestations

Les talibans ont proclamé lundi en avoir pris le contrôle et prévenu que toute nouvelle tentative d'insurrection serait «durement réprimée». (AFP)
Les talibans ont proclamé lundi en avoir pris le contrôle et prévenu que toute nouvelle tentative d'insurrection serait «durement réprimée». (AFP)
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Publié le Mercredi 08 septembre 2021

Afghanistan: le nouveau gouvernement taliban au défi des manifestations

  • Les États-Unis ont relevé l'absence de femmes et se sont dits «préoccupés» par «les affiliations et les antécédents de certains de ces individus»
  • Plusieurs des nouveaux ministres, dont certains étaient déjà très influents dans le régime taliban des années 1990, figurent sur des listes de sanction de l'ONU

KABOUL: Les talibans doivent s'attacher mercredi à convaincre de leurs bonnes intentions les Afghans qui manifestent dans les grandes villes, après avoir présenté un gouvernement intérimaire composé exclusivement de membres du mouvement islamiste et sans femmes, qui tranche avec leurs promesses d'ouverture.


De retour au pouvoir depuis la mi-août, deux décennies après avoir imposé un régime fondamentaliste et brutal à l'Afghanistan entre 1996 et 2001, les talibans ont annoncé mardi la composition d'un gouvernement qui n'a rien d'"inclusif", contrairement à ce à quoi ils s'étaient engagés.


Tous les membres de ce gouvernement qui sera dirigé par Mohammad Hassan Akhund, un ancien proche collaborateur et conseiller politique du fondateur du mouvement, le mollah Omar, décédé en 2013, sont des talibans qui, à de très rares exceptions près, appartiennent à l'ethnie pachtoune.


Plusieurs des nouveaux ministres, dont certains étaient déjà très influents dans le régime taliban des années 1990, figurent sur des listes de sanction de l'ONU. Quatre sont passés par la prison américaine de Guantanamo, selon Bill Roggio, rédacteur en chef du Long War Journal (LWJ), un site américain consacré à la guerre contre le terrorisme.


Le Premier ministre, Mohammad Hassan Akhund, est connu pour avoir approuvé la destruction des bouddhas géants de Bamiyan (centre), célèbres statues du VIe siècle sculptées dans des falaises que les islamistes ont dynamitées en 2001, selon cette même source.


Abdul Ghani Baradar, co-fondateur du mouvement, devient vice-Premier ministre, et le mollah Yaqoub, fils du mollah Omar, ministre de la Défense.


Le portefeuille de l'Intérieur revient à Sirajuddin Haqqani, leader du réseau éponyme, qualifié de terroriste par Washington et historiquement proche d'Al-Qaïda.


En annonçant ce gouvernement, le porte-parole taliban, Zabihullah Mujahid, a affirmé qu'il n'était "pas complet" et que le mouvement essaierait d'inclure par la suite "des gens venant d'autres régions du pays".

Absence de femmes 
Même si cela s'avère finalement le cas, "clairement, le pouvoir et la prise de décision appartiendront aux dirigeants talibans", observe toutefois Michael Kugelman, expert au cercle de réflexion américain Wilson Center.


Les États-Unis ont relevé l'absence de femmes et se sont dits "préoccupés" par "les affiliations et les antécédents de certains de ces individus".


Lors de leur premier passage au pouvoir, les talibans avaient bafoué les droits des femmes, qui étaient quasiment exclues de l'espace public. Nombre d'Afghanes et la communauté internationale craignent qu'il en soit une nouvelle fois de même.


Pramila Patten, responsable d'ONU Femmes, l'agence créée pour promouvoir la parité et l'autonomisation des femmes, a ainsi estimé que leur absence de ce gouvernement "faisait douter du récent engagement à protéger et à respecter les droits des femmes et des filles d'Afghanistan".


Depuis leur prise du pouvoir, les talibans n'ont cessé d'affirmer qu'ils gouverneraient de manière différente que dans les années 1990. Mais leurs promesses peinent à convaincre.


Le retour du ministère pour la Promotion de la vertu et la Répression du vice, qui faisait à l'époque régner la terreur, devrait ainsi susciter bien des inquiétudes dans la population.


"Tous les Afghans, sans distinction ni exception, auront le droit de vivre dans la dignité et la paix dans leur propre pays", a affirmé mardi le chef suprême des talibans, Hibatullah Akhundzada, resté silencieux jusque-là, sans toutefois jamais mentionner le mot femmes.


Il a invité le nouveau gouvernement à "faire respecter la charia" et à tout faire pour "éradiquer la pauvreté et le chômage". Ravagée par des décennies de conflit, l'économie afghane est en lambeaux, privée d'une aide internationale dont elle dépend et qui a été largement gelée.

La société s'est libéralisée 
Habitués dans les années 1990 à gouverner sans être contestés, les talibans sont confrontés depuis quelques jours à un défi nouveau pour eux. Signe que la société afghane s'est libéralisée en 20 ans, plusieurs manifestations contre le nouveau régime ont eu lieu dans de grandes villes.


Pour la première fois mardi, elles ont pris un tour mortel à Hérat (ouest), où deux personnes ont été tuées et huit blessées par balle lors d'un rassemblement anti-taliban, selon un médecin local.


"Ces manifestations sont illégales tant que les bureaux du gouvernement n'ont pas ouvert et que les lois ne sont pas proclamées", a ensuite mis en garde Zabihullah Mujahid, en demandant aux médias de "ne pas (les) couvrir".


Des coups de feu ont aussi été tirés en l'air mardi à Kaboul pour disperser des manifestations dénonçant notamment la violente répression des talibans dans le Panchir, où un mouvement de résistance s'est dressé contre eux, et l'ingérence supposée du Pakistan dans les affaires afghanes.


D'après l'Association afghane des journalistes indépendants (AIJA), 14 journalistes, afghans et étrangers, ont brièvement été détenus durant ces défilés, qui rassemblaient une majorité de femmes, puis relâchés par les talibans.


La rébellion dans la vallée du Panchir, bastion anti-taliban de longue date, est menée par le Front national de résistance (FNR) et son chef Ahmad Massoud, fils du célèbre commandant Ahmed Shah Massoud, assassiné en 2001 par Al-Qaïda.


Les talibans ont proclamé lundi en avoir pris le contrôle et prévenu que toute nouvelle tentative d'insurrection serait "durement réprimée".


Mais le FNR a assuré retenir des "positions stratégiques" dans la vallée et "continuer" la lutte. Après la présentation du gouvernement taliban, il a annoncé qu'il formerait bientôt le sien, après avoir consulté "d'importantes personnalités afghanes".


Tanzanie : la présidente investie malgré les violences électorales

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan. (AFP)
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  • Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021
  • Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin

NAIROBIE: Samia Suluhu Hassan a été investie lundi présidente de la Tanzanie, où l'internet reste coupé depuis les manifestations réprimées dans le sang contre son élection, l'opposition évoquant au moins 800 morts.

Mme Hassan, 65 ans, avait été promue à la tête de la Tanzanie à la mort de John Magufuli en 2021. Saluée au début pour avoir assoupli les restrictions instaurées par son prédécesseur, elle a été accusée ensuite de réprimer ses détracteurs, notamment en amont du scrutin.

"Moi, Samia Suluhu Hassan, jure que je remplirai mes fonctions de présidente de la République (...) avec diligence et un cœur sincère", a-t-elle affirmé. La cheffe de l'Etat, qui portait un voile rouge et un long vêtement noir, a également prôné dans un discours "l'unité et la solidarité".

Lors de son investiture, elle a regretté "les actes de violence qui ont entraîné des pertes de vies humaines", reconnaissant pour la première fois des décès, sans donner de bilan.

La cérémonie, qui n'était pas ouverte au public, contrairement aux précédentes, s'est tenue dans un espace ressemblant à un terrain de parade militaire de la capitale Dodoma, où quelques podiums dressés ne réussissaient pas à masquer un grand vide.

Des chanteurs et chanteuses se sont succédé, avant l'arrivée de la présidente, pour chanter les louanges de "Mama Samia", son surnom parmi ses soutiens, devant un parterre de dignitaires et de militaires. Parmi les invités étaient notamment présents les présidents de la Zambie, de la Somalie et du Burundi.

Mme Hassan a, selon la commission électorale, obtenu 97,66% des suffrages. L'élection a été qualifiée de "parodie de démocratie" par l'opposition, les deux principaux opposants ayant été soit emprisonné, soit disqualifié.

L'opposition a également dénoncé d'importantes tricheries le jour de l'élection, mais aussi sur le taux de participation de 87% selon la commission électorale.

Le scrutin a surtout été marqué par un fort niveau de violence, des manifestations anti-régime ayant été réprimées dans le sang et la Tanzanie mise sous cloche: l'internet reste coupé depuis mercredi, ce qui ralentit considérablement la sortie d'informations.

Cadavres 

De premières photos et vidéos de cadavres, parfois empilés les uns sur les autres, mais aussi d'hommes en uniforme usant de leur arme à feu, commencent à apparaître sur les réseaux sociaux.

Le service de fact-checking de l'AFP a pu vérifier que certaines d'entre elles n'avaient jamais été postées auparavant. Plusieurs éléments montrent qu'elles ont été prises en Tanzanie.

Un porte-parole du principal parti d'opposition, Chadema, a estimé vendredi qu'au moins 700 manifestants hostiles au régime ont été tués en Tanzanie en trois jours. Un chiffre estimé crédible par une source sécurité, qui a alors mentionné "des centaines de morts".

Le samedi, ce porte-parole, John Kitoka, a ensuite fait état d'au moins 800 tués.

Des informations crédibles corroborent l'idée que des centaines, et peut-être même des milliers de personnes ont été tuées lors des violences électorales, a de son côté estimé une source diplomatique interrogée par l'AFP.

D'après des "rapports préoccupants", la police utilise également le blocage d'internet pour "traquer les membres de l'opposition et les manifestants qui pourraient avoir des vidéos" de ses atrocités, a poursuivi cette source.

La Mission d'observation électorale de la Communauté de développement de l'Afrique australe (SADC), dont la Tanzanie fait partie, a pointé lundi dans un rapport préliminaire "un faible nombre d'électeurs dans tous les bureaux de vote" où ses observateurs se trouvaient, avec parfois "plus de policiers que de votants", des irrégularités et des incidents violents "au cours desquels des membres de la police ont fait usage d'armes à feu".

Les écoles restent fermées lundi et les transports publics à l'arrêt. La capitale économique Dar es Salaam et les principales villes du pays ont retrouvé un peu de calme depuis le week-end.

Dimanche, le pape Léon XIV a indiqué prier "pour la Tanzanie" et évoqué les "nombreuses victimes" des affrontements ayant éclaté après les élections.

L'élection présidentielle était couplée avec les législatives.

Le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres a réclamé vendredi une "enquête minutieuse et impartiale sur les accusations d'utilisation excessive de la force".


Islamabad assure que le cessez-le-feu avec l'Afghanistan «tient»

Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères. (AFP)
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  • "Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu"
  • Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite

ISLAMABAD: Le cessez-le-feu entre Islamabad et Kaboul, prolongé jeudi à l'issue d'un cycle de négociations en Turquie "tient", a affirmé le ministère pakistanais des Affaires étrangères.

"Le cessez-le-feu tient mais toute provocation entraînera une riposte adaptée à la nature de la violation du cessez-le-feu", a assuré Tahir Andrabi, porte-parole de ce ministère. Un nouveau cycle de discussions est prévu à Istanbul le 6 novembre pour tenter d'instaurer une trêve durable à la frontière entre les deux pays après des affrontements d'une ampleur inédite.

 


Soudan: le Conseil de sécurité de l'ONU condamne «l'assaut» des paramilitaires sur El-Facher

Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils". (AFP)
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  • Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher"
  • El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir"

NATIONS-UNIES: Le Conseil de sécurité de l'ONU a condamné jeudi "l'assaut" des paramilitaires soudanais sur la ville d'El-Facher, au Darfour, et ses "impacts dévastateurs sur les civils".

Dans cette déclaration, le Conseil exprime sa "profonde inquiétude concernant l'escalade de la violence dans et autour d'El-Facher", dont les paramilitaires des Forces de soutien rapide viennent de prendre le contrôle, et condamne les "atrocités qu'auraient commises les FSR contre la population civile, y compris exécutions sommaires et détentions arbitraires".

El-Facher, dernière grande ville du Darfour qui échappait au contrôle des Forces de soutien rapide (FSR), "déjà le théâtre de niveaux catastrophiques de souffrance humaine, a plongé dans un enfer encore plus noir, avec des informations crédibles d'exécutions de masse" après l'entrée des paramilitaires, a dénoncé devant le Conseil de sécurité le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher.

"Nous ne pouvons pas entendre les cris, mais pendant que nous sommes assis ici, l'horreur se poursuit. Des femmes et des filles sont violées, des gens mutilés et tués, en toute impunité", a-t-il ajouté.

Mais "la tuerie n'est pas limitée au Darfour", a-t-il alerté, s'inquiétant notamment de la situation dans le Kordofan voisin.

"Des combats féroces au Kordofan-Nord provoquent de nouvelles vagues de déplacement et menacent la réponse humanitaire, y compris autour de la capitale El-Obeid".

Des informations font état "d'atrocités à large échelle commises par les Forces de soutien rapide à Bara, dans le Kordofan-Nord, après la récente prise de la ville", a également dénoncé Martha Ama Akyaa Pobee, sous-secrétaire générale de l'ONU chargée de l'Afrique.

"Cela inclut des représailles contre des soi-disant collaborateurs, souvent ethniquement motivées", a-t-elle déploré.

"Au moins 50 civils ont été tués ces derniers jours à Bara, à cause des combats et par des exécutions sommaires. Cela inclut l'exécution sommaire de cinq bénévoles du Croissant rouge", a-t-elle indiqué.

Le Kordofan "est probablement le prochain théâtre d'opérations militaires pour les belligérants", a-t-elle mis en garde.

"Des attaques de drones de la part des deux parties touchent de nouveaux territoires et de nouvelles cibles. Cela inclut le Nil Bleu, Khartoum, Sennar, le Kordofan-Sud et le Darfour-Ouest, ce qui laisse penser que la portée territoriale du conflit s'élargit", a ajouté la responsable onusienne.

Décrivant la situation "chaotique" à El-Facher où "personne n'est à l'abri", elle a d'autre part noté qu'il était difficile d'y estimer le nombre de victimes.

La guerre au Soudan a fait des dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué la pire crise humanitaire actuelle, selon l'ONU.

Elle a été déclenchée en avril 2023 par une lutte de pouvoir entre deux anciens alliés: le général Abdel Fattah al-Burhane, commandant de l'armée et dirigeant de facto du Soudan depuis le coup d'Etat de 2021, et le général Mohamed Daglo, à la tête des FSR.