Le procès des attentats du 13-Novembre, un moment historique à la fois attendu et redouté

Si le plus grand procès de la cour d’assises de Paris était attendu par les victimes des attentats et par leurs familles, il est également redouté. Photo Hakima Bedouani.
Si le plus grand procès de la cour d’assises de Paris était attendu par les victimes des attentats et par leurs familles, il est également redouté. Photo Hakima Bedouani.
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Publié le Jeudi 09 septembre 2021

Le procès des attentats du 13-Novembre, un moment historique à la fois attendu et redouté

  • Si le plus grand procès de la cour d’assises de Paris était attendu par les victimes des attentats et par leurs familles, il est également redouté
  • La lecture du verdict est prévue les 24 et 25 mai 2022

PARIS: Le procès des attentats du 13 novembre 2015 s’est ouvert hier devant la cour d’assises spéciale de Paris dans l’ancien palais de justice de Paris, sur l’île de la Cité. Au cours de ce procès hors norme, qui se déroulera sur plus de huit mois (du 8 septembre au 25 mai 2022), plus de cent quarante-cinq journées d’audience sont programmées, trois cent trente avocats défendront mille sept cent soixante-cinq personnes de différentes nationalités qui se sont constituées parties civiles.

Un dispositif à la hauteur de l’événement

Pour les besoins des archives audiovisuelles de la justice, le procès est filmé par huit caméras installées dans une salle d’audience de 700 mètres carrés spécialement conçue pour accueillir le nombre très important de parties civiles ainsi que dans dix-sept salles annexes. En outre, une webradio sécurisée a été mise en place de manière à ce que les victimes puissent suivre les débats de chez elles.

Sur les vingt personnes qui seront jugées, quatorze seront présentes dans le box des accusés. Parmi elles, onze sont actuellement détenues. Six accusés seront absents, dont cinq sont présumés morts, comme les frères Fabien et Jean-Michel Clain, les deux personnes identifiées dans un message audio qui revendique les attentats du 13-Novembre, ou encore Oussama Atar, considéré comme l’un des responsables de la filière renseignement du groupe État islamique (EI) et ordonnateur des attentats parisiens.

Mohamed Abrini est accusé d’avoir accompagné en région parisienne les commandos du 13-Novembre et d’avoir participé au financement et à l’achat d’armes; Mohamed Amri, lui, est soupçonné d’être allé chercher Salah Abdeslam en voiture le soir des attentats afin de le conduire en Belgique. Mohamed Bakkali est l’un des logisticiens présumés des commandos et Osama Krayem le compagnon de cavale de Salah Abdeslam à Bruxelles après les attentats.

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Selon de nombreuses personnes interrogées lors du premier jour du procès, l’un des moments forts sera incontestablement l’audition de Salah Abdeslam, qui aura lieu les 13 et 14 janvier 2022. Photo Hakima Bedouani.

Selon de nombreuses personnes interrogées lors du premier jour du procès, l’un des moments forts sera incontestablement l’audition de Salah Abdeslam, qui aura lieu les 13 et 14 janvier 2022. Le Franco-Marocain, qui s’est muré dans le silence durant toute la période l’instruction, a déclaré, alors qu’il était interrogé par le président de la cour sur son identité, «être un combattant de l’État islamique» et ne pas reconnaître la justice des hommes, mais celle de Dieu. Considéré comme proche d’Abdelhamid Abaaoud, le chef opérationnel des commandos, il sera défendu par Olivia Ronen, une avocate de 31 ans désignée au mois de novembre 2020. Il risque la perpétuité.

Jean-Louis Périès assurera la présidence du procès. Ce magistrat expérimenté de 65 ans a pris en charge le dossier depuis un an et demi. Il sera aidé dans sa tâche par deux autres présidents d’assises, l’assesseure Frédérique Aline et la magistrate honoraire Xavière Siméoni. Trois avocats généraux représenteront l’accusation portée par le parquet national antiterroriste: Camille Hennetier, Nicolas Le Bris et Nicolas Braconnay.

«Juger des hommes»

Si le plus grand procès de la cour d’assises de Paris était attendu par les victimes des attentats et par leurs familles, il est également redouté. Ces dernières sont en effet partagées entre l’impatience et l’anxiété. Philipe Duperron, père de l’une des quatre-vingt-dix victimes du Bataclan et président de l’association «13onze15 Fraternité et vérité», a souligné qu’une préparation au procès avait été nécessaire pour les membres des parties civiles. Des groupes de parole et des réunions d’informations ont été organisés. «L’association portera la voix de tous ceux qui ne peuvent être là, au prétoire, celles des victimes et des proches de victimes», assure-t-il. De son côté, Arthur Dénouveaux, président de l’association «Life for Paris», déclare ne pas avoir d’attentes; il considère toutefois que ce procès va permettre «de juger des hommes, et non des monstres».

Interrogée par Arab News en français lors de ce premier de procès, Me Véronique Bayssières, avocate au barreau de Montpellier, constituée partie civile par la mère d’une des victimes du Bataclan, nous explique: «Le procès est important pour les victimes car il permet d’essayer de comprendre ce qui peut être compris dans ce qui apparaît comme absurde. On peut aussi opposer notre justice démocratique – avec un droit à la parole, même pour les accusés, un droit à la défense, puisque la plupart ont trois avocats payés par l’État français – à leur système d’intolérance et de violation des droits.» Elle ajoute: «Salah Abdeslam a commencé à revendiquer très fort, dès les premières minutes, son appartenance au groupe islamique et son statut de soldat de l’État islamique», en précisant qu’il y a là de quoi appréhender la suite des événements. Me Bayssières rappelle que, «dans la mentalité française, la victime a sa place dans le procès en tant que partie prenante de cet événement». «Elle doit faire entendre sa voix et, a contrario, son absence n’aurait pas été comprise par la société française», ajoute-elle.

Une longue instruction

Me Stéphane Maugendre, avocat au barreau de Bobigny, en Seine-Saint-Denis, explique que ce procès fleuve a nécessité une longue instruction. Pour lui, il est essentiel de relater le parcours des accusés et de détecter dans la sécurité française d’éventuelles failles relatives au suivi des personnes qui sont aujourd’hui poursuivies. «En tant qu’avocat des parties civiles, j’attends que, à la fin du procès, les gens puissent enfin essayer, tant bien que mal, de passer à autre chose, car la procédure pénale et l’enquête empêchent le deuil. La fin de ce procès va permettre à certaines victimes d’avoir, enfin, un deuil serein», nous explique-t-il.

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Les deux premiers jours sont consacrés à l’appel des parties civiles constituées et de plus d’une centaine de témoins. Photo Hakima Bedouani.

Les deux premiers jours sont consacrés à l’appel des parties civiles constituées et de plus d’une centaine de témoins. Lors du troisième jour, le président de la cour d’assises spéciale procédera à la lecture du rapport, qui résume plus de cinq cents tomes de dossiers.

Témoignage des rescapés

Dès le début du procès – à partir du 13 septembre –, l’enquête franco-belge va permettre d’entendre les témoins et de faire part des premiers éléments recueillis sur les neuf scènes de crime des attentats. À partir du 28 septembre, et durant cinq semaines, la cour entendra le témoignage des rescapés et des proches des victimes. La parole sera donnée ensuite aux accusés au sujet de leur personnalité et de leur parcours.

L’ancien président de la république François Hollande et son ancien ministre Bernard Cazeneuve seront entendus respectivement les 10 et 17 novembre prochain.

Quant aux trois cents avocats des parties civiles, ils commenceront leurs plaidoiries entre le 6 et le 22 avril. Les peines sollicitées par le parquet à l’encontre des accusés seront divulguées après le réquisitoire à trois voix qui aura lieu du 2 au 5 mai 2020. La défense, elle, sera entendue du 6 au 23 mai. La lecture du verdict est prévue les 24 et 25 mai 2022.


France: les députés rejettent l'emblématique taxe Zucman, au grand dam de la gauche

Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
Des députés du Rassemblement national applaudissent lors de l'examen des textes par la "niche parlementaire" du groupe d'extrême droite Rassemblement national, à l'Assemblée nationale, la chambre basse du parlement français, à Paris, le 30 octobre 2025. (AFP)
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  • L’Assemblée nationale a refusé la proposition de taxe de 2 % sur les patrimoines supérieurs à 100 millions d’euros (228 voix contre 172), symbole des tensions entre gauche et droite sur la justice fiscale
  • Le Premier ministre Sébastien Lecornu tente d’éviter une censure et de sauver le budget 2026 en multipliant les concessions à la gauche

PARIS: Les députés français ont rejeté vendredi l'emblématique taxe Zucman sur la taxation des ultra-riches, au grand dam de la gauche, à laquelle le Premier ministre Sébastien Lecornu a tenté de donner des gages pour parvenir à faire voter un budget.

Les parlementaires sont engagés dans de difficiles débats pour arriver à un compromis sur ce sujet qui relève du casse-tête dans un paysage politique très fragmenté, sans majorité nette à l'Assemblée nationale depuis la dissolution décidée en juin 2024 par Emmanuel Macron.

Défendue par la gauche, la taxe Zucman, qui visait à instaurer un impôt minimum de 2% sur les patrimoines de plus de 100 millions d'euros, a été rejetée par 228 députés contre 172.

Cette proposition, qui cristallisait les débats budgétaires, s'inspire des travaux du discret économiste Gabriel Zucman, chantre de la justice fiscale pour la gauche et adversaire des entreprises pour la droite et les libéraux, jusqu'au patron de LVMH, qui le qualifie de "pseudo universitaire".

Les députés ont également rejeté une version de compromis de cette taxe, proposée par les socialistes.

"Vous faites, par votre intransigeance, je le crains, le mauvais chemin", a dénoncé le socialiste Boris Vallaud. Le chef des députés PS a appelé dans la foulée à voter le rétablissement de l'Impôt de solidarité sur la fortune (ISF) supprimé en 2017.

De son côté, la droite s'est réjouie: "On est contre les augmentations d'impôts qui vont tuer de l'emploi et tuer de l'activité économique", a réagi le chef des députés Les Républicains (LR), Laurent Wauquiez.

Le Premier ministre Lecornu a réfuté l'existence d'un "impôt miracle pour rétablir la justice fiscale", et demandé à ses ministres de réunir les représentants de groupes politiques pour tenter de trouver une voie d'atterrissage et s'accorder sur un budget pour 2026.

Minoritaire, le quatrième gouvernement en moins d'un an et demi, le sixième depuis la réélection de M. Macron en mai 2022, a promis de laisser le dernier mot au Parlement. Mais la recherche d'un compromis reste très difficile entre un camp présidentiel fracturé, une gauche traversée de tensions et une extrême droite favorable à une union des droites.

- Le PS maintient la pression -

La pression est forte entre des délais très courts et l'inquiétude croissante sur la situation des finances publiques de la deuxième économie de l'UE dont la dette atteint 115% du PIB.

Tout en insistant sur la nécessité de réaliser d'importantes économies, le Premier ministre doit donc accepter des concessions, au risque de ne pas parvenir à doter l'Etat français d'un budget dans les temps ou de tomber comme ses prédécesseurs.

Pour convaincre les socialistes de ne pas le renverser, Sébastien Lecornu a déjà accepté de suspendre la réforme des retraites adoptée au forceps en 2023, une mesure approuvée vendredi en commission parlementaire.

Face à la colère froide de la gauche après les votes de vendredi, il s'est dit prêt en outre à renoncer au gel des pensions de retraite et des minimas sociaux, des mesures parmi les plus contestées de cette séquence budgétaire et dont la suppression était dans le même temps votée en commission des Affaires sociales.

Le gouvernement comptait faire jusqu'à 3,6 milliards d'économies sur ces sujets, et pourrait compenser cela, au moins en partie, par une hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) sur le patrimoine.

Pour Sébastien Lecornu, il s'agit d'échapper à une censure du PS, qui maintient son étreinte et l'appelle à "encore rechercher le compromis" sous peine de devoir "repartir aux élections". A ce stade, "il n'y a pas de possibilité de voter ce budget", a lancé le patron des socialistes, Olivier Faure.

Si le Parlement ne se prononce pas dans les délais, le gouvernement peut exécuter le budget par ordonnance. Une loi spéciale peut aussi être votée permettant à l'Etat de continuer à percevoir les impôts existants l'an prochain, tandis que ses dépenses seraient gelées, en attendant le vote d'un réel budget.


France: le cimentier Lafarge jugé à partir de mardi pour financement du terrorisme

Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie. (AFP)
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  • Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires
  • Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales

PARIS: Une multinationale en procès, dans une affaire inédite: le groupe français Lafarge et d'anciens hauts responsables comparaissent à partir de mardi à Paris, soupçonnés d'avoir payé des groupes jihadistes, dont l'État islamique (EI), en Syrie jusqu'en 2014 dans le but d'y maintenir l'activité d'une cimenterie.

Aux côtés de Lafarge, avalé en 2015 par le groupe suisse Holcim, seront jugés au tribunal correctionnel de Paris l'ancien PDG du cimentier, Bruno Lafont, cinq ex-responsables de la chaîne opérationnelle ou de la chaîne de sûreté et deux intermédiaires syriens, dont l'un est visé par un mandat d'arrêt international et devrait donc être absent au procès.

Dans ce dossier, ils devront répondre de financement d'entreprise terroriste et, pour certains, de non-respect de sanctions financières internationales.

Le groupe français est soupçonné d'avoir versé en 2013 et 2014, via sa filiale syrienne Lafarge Cement Syria (LCS), plusieurs millions d'euros à des groupes rebelles jihadistes dont certains, comme l'EI et Jabhat al-Nosra, ont été classés comme "terroristes", afin de maintenir l'activité d'une cimenterie à Jalabiya, dans le nord du pays.

La société avait investi 680 millions d'euros dans ce site, dont la construction a été achevée en 2010.

Plaintes 

Alors que les autres multinationales avaient quitté le pays en 2012, Lafarge n'a évacué cette année-là que ses employés de nationalité étrangère, et maintenu l'activité de ses salariés syriens jusqu'en septembre 2014, date à laquelle l'EI a pris le contrôle de l'usine.

Dans ce laps de temps, LCS aurait rémunéré des intermédiaires pour s'approvisionner en matières premières auprès de l'EI et d'autres groupes, et pour que ces derniers facilitent la circulation des employés et des marchandises.

L'information judiciaire avait été ouverte à Paris en 2017 après plusieurs révélations médiatiques et deux plaintes en 2016, une du ministère de l'Économie pour violation d'embargo, et l'autre de plusieurs associations et de onze anciens salariés de LCS pour financement du terrorisme.

Le nouveau groupe, issu de la fusion de 2015, qui a toujours pris soin de dire qu'il n'avait rien à voir avec les faits antérieurs à cette opération, avait entretemps lancé une enquête interne.

Confiée aux cabinets d'avocats américain Baker McKenzie et français Darrois, elle avait conclu en 2017 à des "violations du code de conduite des affaires de Lafarge".

Et en octobre 2022, Lafarge SA avait plaidé coupable aux États-Unis d'avoir versé à l'EI et Jabhat Al-Nosra près de 6 millions de dollars, et accepté d'y payer une sanction financière de 778 millions de dollars.

Une décision dénoncée par plusieurs prévenus du dossier français, à commencer par Bruno Lafont, qui conteste avoir été informé des paiements aux groupes terroristes.

Plus de 200 parties civiles 

Selon ses avocats, ce plaider-coupable, sur lequel s'appuient en partie les juges d'instruction français dans leur ordonnance, "est une atteinte criante à la présomption d'innocence, qui jette en pâture les anciens cadres de Lafarge" et avait "pour objectif de préserver les intérêts économiques d'un grand groupe".

Pour la défense de l'ex-PDG, le procès qui s'ouvre permettra d'"éclaircir" plusieurs "zones d'ombre du dossier", comme le rôle des services de renseignement français.

Les magistrats instructeurs ont estimé que si des remontées d'informations avaient eu lieu entre les responsables sûreté de Lafarge et les services secrets sur la situation autour du site, cela ne démontrait "absolument pas la validation par l'Etat français des pratiques de financement d'entités terroristes mises en place par Lafarge en Syrie".

Au total, 241 parties civiles se sont à ce jour constituées dans ce dossier. "Plus de dix ans après les faits, les anciens salariés syriens pourront enfin témoigner de ce qu'ils ont enduré: les passages de check-points, les enlèvements et la menace permanente planant sur leurs vies", souligne Anna Kiefer, de l'ONG Sherpa.

Lafarge encourt jusqu'à 1,125 million d'euros d'amende pour le financement du terrorisme. Pour la violation d'embargo, l'amende encourue est nettement plus lourde, allant jusqu'à 10 fois le montant de l'infraction qui sera retenu in fine par la justice.

Un autre volet de ce dossier est toujours à l'instruction, le groupe ayant aussi été inculpé pour complicité de crimes contre l'humanité en Syrie et en Irak.


Gérald Darmanin visé par une plainte d'avocats pour son soutien implicite à Sarkozy

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent". (AFP)
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  • Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique
  • Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy

PARIS: Ils accusent Gérald Darmanin de "prendre position": un collectif d'avocats a porté plainte auprès de la Cour de justice de la République (CJR) contre le ministre de la Justice pour son soutien implicite à Nicolas Sarkozy, à qui il a rendu visite en prison.

Le garde des Sceaux a rencontré mercredi à la prison de la Santé à Paris l'ancien président de la République, un de ses mentors en politique.

Mais la plainte des avocats est née bien avant, juste après des déclarations de M. Darmanin sur France Inter le 20 octobre, à la veille de l'incarcération de M. Sarkozy.

En confiant ce jour-là sa "tristesse" après la condamnation de M. Sarkozy et en annonçant lui rendre prochainement visite en prison, ce qu'il a fait depuis, M. Darmanin a "nécessairement pris position dans une entreprise dont il a un pouvoir d'administration", stipule la plainte que l'AFP a pu consulter.

M. Darmanin indiquait qu'il irait "voir en prison" M. Sarkozy pour s'inquiéter "de ses conditions de sécurité". Et d'ajouter: "J'ai beaucoup de tristesse pour le président Sarkozy", "l'homme que je suis, j'ai été son collaborateur, ne peut pas être insensible à la détresse d'un homme".

Ce collectif d'une trentaine d'avocats se dit dans sa plainte, portée par Me Jérôme Karsenti, "particulièrement indigné par les déclarations du garde des Sceaux" faisant part "publiquement de sa compassion à l'égard de M. Sarkozy en soulignant les liens personnels qu'ils entretiennent".

En "s'exprimant publiquement quant à sa volonté de rendre visite à M. Sarkozy en détention" ainsi "qu'en lui apportant implicitement son soutien", M. Darmanin a "nécessairement pris position" dans une entreprise dont il a aussi "un pouvoir de surveillance en tant que supérieur hiérarchique du parquet", déroulent les plaignants.

Juridiquement, ce collectif d'avocats porte plainte contre M. Darmanin pour "prise illégale d'intérêts", via une jurisprudence considérant que "l'intérêt" peut "être moral et plus précisément amical".

"Préjudice" 

"Il ne fait pas de doute que cet intérêt est de nature à compromettre l'impartialité et l'objectivité de M. Darmanin qui, en tant que ministre de la Justice, ne peut prendre position de cette manière dans une affaire pendante", argumentent les avocats.

Condamné le 25 septembre à cinq ans d'emprisonnement dans le dossier libyen pour association de malfaiteurs, l'ancien président a depuis déposé une demande de remise en liberté, que la justice doit examiner dans les prochaines semaines, avant son procès en appel en 2026.

Les propos de M. Darmanin sur France Inter avaient déjà ému la magistrature. Le plus haut procureur de France, Rémy Heitz, y avait vu un "risque d'obstacle à la sérénité" et donc "d'atteinte à l'indépendance des magistrats".

"S'assurer de la sécurité d'un ancien président de la République en prison, fait sans précédent, n'atteint en rien à l'indépendance des magistrats mais relève du devoir de vigilance du chef d'administration que je suis", s'était déjà défendu M. Darmanin sur X.

Pour le collectif d'avocats, "les déclarations" du ministre de la Justice, "suivies" de sa "visite rendue à la prison de la Santé", sont "susceptibles de mettre à mal la confiance que les justiciables ont dans la justice et leurs auxiliaires", que sont notamment les avocats.

Les "agissements" de M. Darmanin leur causent "ainsi un préjudice d'exercice et d'image qui rend nécessaire le dépôt de cette plainte auprès de la commission des requêtes" de la CJR, peut-on encore lire dans la plainte.

La CJR est la seule juridiction habilitée à poursuivre et juger les membres du gouvernement pour les crimes et délits commis dans l'exercice de leurs fonctions.