En Allemagne, l'avenir incertain de la sacro-sainte rigueur budgétaire

Les dirigeants politiques Annalena Baerbock, Armin Laschet et Olaf Scholz se joignent à un débat télévisé des candidats à la succession d'Angela Merkel à la chancelière allemande le 12 septembre 2021. (Photo, Reuters)
Les dirigeants politiques Annalena Baerbock, Armin Laschet et Olaf Scholz se joignent à un débat télévisé des candidats à la succession d'Angela Merkel à la chancelière allemande le 12 septembre 2021. (Photo, Reuters)
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Publié le Jeudi 16 septembre 2021

En Allemagne, l'avenir incertain de la sacro-sainte rigueur budgétaire

  • Dans la dernière ligne droite avant les élections du 26 septembre, la question de l'endettement public est l'un des angles d'attaque favoris des conservateurs CDU/CSU
  • Le candidat du centre-gauche, Olaf Scholz, s'annonce comme « le chancelier de la dette »

FRANCFORT : Des milliards injectés pour soutenir les entreprises et sauver des emplois : l'Allemagne d'Angela Merkel a dû faire sauter tous ses verrous budgétaires durant la crise du Covid-19, faisant d'un retour à la discipline l'un des débats explosifs de la campagne électorale.

Dans la dernière ligne droite avant les élections du 26 septembre, la question de l'endettement public est l'un des angles d'attaque favoris des conservateurs CDU/CSU, menacés d'une défaite historique face aux sociaux-démocrates (SPD).

Le candidat du centre-gauche, Olaf Scholz, s'annonce comme "le chancelier de la dette", accuse le ténor de la CSU bavaroise Markus Söder quand Friedrich Merz, chargé des questions économiques, compare le programme du SPD à des promesses de "bière gratuite" dont l'addition sera payée par les contribuables.

Quelque soit le vainqueur des législatives, le futur gouvernement sera placé devant un "choix difficile", prévient Patrick Artus, chef économiste chez Natixis : "changer les règles budgétaires" qui ne sont plus compatibles avec la réalité, ou "réduire fortement le déficit public".

Car l'Allemagne, où l'équilibre budgétaire a valeur constitutionnelle, a connu une révolution inimaginable avant le choc de la pandémie : un plan d'aide économique sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale, de plus de mille milliards d'euros, a été mis sur pied pour limiter l'impact de la récession.

En deux ans de crise sanitaire, le pays a contracté 370 milliards d'euros de nouvelles dettes, dont 240 en 2021, et l'endettement public est passé de 59,7% du PIB à près de 75% attendu cette année.

Dépenses « colossales » à financer

Alors qu'une partie des Européens a régulièrement réclamé aux Allemands, ces dernières années, un peu moins de rigidité budgétaire, le Covid a contraint Berlin à déroger au frein à l'endettement ("Schuldenbremse"), une règle inscrite dans la Constitution depuis 2009.

Elle interdit en temps normal au gouvernement d'emprunter plus de 0,35% de son PIB... sauf lors de "circonstances exceptionnelles" validées par le Parlement.

Au premier semestre 2021, le déficit public a dépassé les 80 milliards d'euro – soit 4,7% du PIB, là aussi loin du "Schwarze Null", l'objectif du "zero déficit" scrupuleusement respecté de 2014 et 2019.

Simple parenthèse ou changement de cap durable de la première économie européenne ?

La pression était déjà forte, avant la pandémie, pour que l'Allemagne délie les cordons de la bourse et comble son sous-investissement chronique en matière d'infrastructures.

Avec le retour de la croissance, l'UE risque de se diviser de nouveau entre partisans d'un assouplissement des règles et défenseurs d'un retour rapide à l'orthodoxie.

Mais l'urgence de financer le défi climatique et le virage numérique ne plaident pas pour un retour rapide à l'austérité.

Pour ces deux priorités, l'Allemagne va devoir "dépenser des sommes colossales dans les prochaines années", a récemment reconnu Angela Merkel.

Quelque "40 à 50 milliards d'investissements publics par an, soit 1 à 1,5% du PIB, seront nécessaires au cours des 10 prochaines années", abonde Marcel Fraztscher, président de l'institut de conjoncture berlinois DIW.

Pour résoudre l'équation budgétaire, "il faudrait revoir fondamentalement le frein à l'endettement (et aller) vers une règle nationale conforme à la norme européenne" qui tolère un déficit de 3% du PIB, affirme à l'AFP M. Fratzscher.

Quelle majorité ? 

Le hic : ce changement devrait être approuvé par une majorité des deux-tiers au Parlement, ce qui semble "mission impossible lors de la prochaine législature", ajoute l'expert.

"Les partis au pouvoir devront trouver d'autres moyens pour contourner le frein à l'endettement", analyse-t-il.

Les équilibres au sein de la future coalition, qui pourrait compter trois forces politiques, seront déterminants.

Comme par le passé, la CDU-CSU continue de se présenter comme la garante de l'orthodoxie budgétaire. 

Mais "il sera impossible de revenir au frein à l'endettement sans hausses massives d'impôts", rétorque M. Fratzscher - ce que les conservateurs ont exclu.

Les Verts, bien placés pour entrer dans un futur gouvernement, veulent supprimer le frein à l'endettement pour permettre une forte hausse des dépenses publiques et financer 50 milliards d'euros d'investissements par an jusqu'en 2030. 

Olaf Scholz, ministre des Finances depuis 2018, est également ouvert à une augmentation des dépenses publiques, mais dans les limites permises par le cadre constitutionnel.

 


Trump temporise face à Zelensky et sa demande de missiles Tomahawk

Le président américain Donald Trump rencontre le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) dans la salle du cabinet de la Maison Blanche à Washington, le 17 octobre 2025. (AFP)
Le président américain Donald Trump rencontre le président ukrainien Volodymyr Zelensky (G) dans la salle du cabinet de la Maison Blanche à Washington, le 17 octobre 2025. (AFP)
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  • Donald Trump a temporisé face à la demande de missiles Tomahawk formulée par Volodymyr Zelensky, affichant une volonté de mettre fin au conflit sans nouvelle escalade militaire
  • La position ambivalente de Trump, entre compliments à Zelensky et échanges positifs avec Poutine, inquiète Kiev

WASHINGTON: Donald Trump, qui affiche une proximité retrouvée avec Vladimir Poutine, a temporisé vendredi face à Volodymyr Zelensky, venu à la Maison Blanche lui demander des missiles Tomahawk pour renforcer l'armée ukrainienne face aux forces russes.

"J'espère qu'ils n'en auront pas besoin. J'espère que nous pourrons mettre fin à la guerre sans avoir à penser aux Tomahawk", a déclaré à la presse le président américain, assis face à son homologue ukrainien, autour d'une grande table dressée pour le déjeuner.

En février , Volodymyr Zelensky avait quitté la Maison Blanche prématurément, après avoir été rudoyé publiquement par Donald Trump et sans participer au repas prévu.

Il était revenu en août, pour une entrevue plus cordiale. Et cette fois, il est resté près de deux heures et demie à la Maison Blanche.

"Nous avons besoin de Tomahawk", a-t-il dit à Donald Trump, à propos de ces missiles d'une portée de 1.600 kilomètres qui permettraient à l'Ukraine de frapper en profondeur et en Russie, en proposant un échange avec des "milliers" de drones ukrainiens.

Il a aussi montré au président américain, très friand de schémas et plans, des "cartes" montrant "des points de pression de la défense russe et de l'économie militaire qui peuvent être ciblés pour contraindre Poutine à mettre fin à la guerre", a expliqué une source ukrainienne à des journalistes dont ceux de l'AFP.

- Poutine "pas prêt" à la paix -

Volodymyr Zelensky a estimé que le président russe n'était "pas prêt" à la paix, mais Donald Trump a soutenu le contraire.

"Je pense que le président Poutine veut mettre fin à la guerre", a déclaré le président américain, qui a eu jeudi une longue conversation avec le maître du Kremlin.

Ce dernier en a profité pour l'avertir que la livraison de Tomahawk à l'Ukraine "nuirait considérablement" à la relation entre Washington et Moscou.

Les dirigeants russe et américain ont convenu de se voir prochainement à Budapest en Hongrie, pendant cet entretien qualifié de "très productif" côté américain, d'"extrêmement franc et empreint de confiance" côté russe.

Donald Trump a jugé "possible" que Vladimir Poutine essaie de jouer la montre, en réponse à la question d'une journaliste de l'AFP, mais il a également dit: "Pendant toute ma vie, les meilleurs ont essayé de se jouer de moi. Et je m'en suis vraiment bien sorti."

La Russie, à l'entrée de l'hiver, intensifie ses attaques sur les infrastructures énergétiques ennemies. Vendredi, elle a aussi revendiqué la prise de trois villages ukrainiens.

Dans ce contexte, la proximité retrouvée du président américain avec Vladimir Poutine a de quoi inquiéter Kiev, d'autant que Donald Trump a fait vendredi face à Volodymyr Zelensky un compte-rendu très positif de son entretien de la veille avec son homologue russe.

Il a indiqué avoir évoqué avec lui le cessez-le-feu à Gaza, dans lequel il a joué un rôle de médiation.

- "Très généreux" -

Vladimir Poutine "pense que c'est incroyable. Il a été très généreux", a dit le président américain, toujours sensible aux compliments concernant ses efforts pacificateurs.

Le milliardaire new-yorkais a toutefois aussi eu des mots aimables pour Volodymyr Zelensky: "C'est un honneur d'être avec un dirigeant très fort, un homme qui a subi beaucoup de choses et un homme que j'ai appris à bien connaître."

"J'aime résoudre des guerres", a encore lancé Donald Trump, qui assure avoir mis fin à huit conflits depuis son retour au pouvoir, un chiffre que les experts jugent très exagéré.

Son dernier sommet avec Vladimir Poutine, le 15 août en Alaska, s'était conclu sans perspective concrète de paix.

Cet échec avait temporairement irrité Donald Trump, qui s'était dit par la suite "très déçu" par son homologue russe et qui a même estimé un moment que la Russie pourrait perdre la guerre.

Le président américain n'a pas pour autant mis à exécution ses menaces de lourdes sanctions contre Moscou.

Dès son retour au pouvoir en janvier, Donald Trump a rompu l'isolement dans lequel les puissances occidentales maintenaient Moscou depuis l'invasion russe de février 2022 et remis en cause l'aide militaire accordée à l'Ukraine par son prédécesseur Joe Biden.


Des survivants après une frappe américaine au large du Venezuela 

Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé. (AFP)
Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé. (AFP)
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  • Les Etats-Unis ont déployé plusieurs navires militaires dans la zone ces dernières semaines et lancé une série de frappes navales meurtrières contre des bateaux supposés transporter de la drogue
  • Mais la dernière attaque jeudi a laissé des survivants parmi les personnes à bord, selon des télévisions comme CBS, CNN et NBC, citant des responsables américains anonymes

WASHINGTON: Une frappe menée jeudi par l'armée américaine contre un navire dans les Caraïbes a laissé des survivants, selon des médias américains, une première depuis que Washington cible des embarcations de trafiquants de drogue vénézuéliens présumés.

Les Etats-Unis ont déployé plusieurs navires militaires dans la zone ces dernières semaines et lancé une série de frappes navales meurtrières contre des bateaux supposés transporter de la drogue.

Mais la dernière attaque jeudi a laissé des survivants parmi les personnes à bord, selon des télévisions comme CBS, CNN et NBC, citant des responsables américains anonymes.

Le Pentagone n'a pas immédiatement répondu aux sollicitations de l'AFP concernant le nombre de survivants et leur état de santé.

Au moins 27 personnes au total ont été tuées lors de frappes similaires dans les Caraïbes. Caracas accuse Washington de vouloir orchestrer un changement de régime au Venezuela.

Le président américain Donald Trump a indiqué mercredi avoir autorisé des actions clandestines de la CIA et envisager des frappes sur le territoire vénézuélien. "Nous envisageons certainement des opérations terrestres maintenant, car nous contrôlons très bien la mer", a-t-il précisé.

Ces propos ont déclenché la colère de Caracas, qui s'est insurgé contre "les coups d'Etats fomentés" par la principale agence américaine de renseignement extérieur.

Mercredi, la police de Trinité-et-Tobago, archipel au large du Venezuela, a indiqué à l'AFP enquêter sur la possibilité que deux ressortissants trinidadiens figurent parmi les six personnes tuées lors d'une frappe américaine annoncée mardi par Donald Trump.


Ouverture du procès de l'Afghan qui a attaqué au couteau des enfants en Allemagne

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes. (AFP)
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  • Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O
  • Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants

BERLIN: Son geste avait horrifié l'Allemagne, durci le débat sur l'immigration et fait le jeu de l'extrême droite: le procès d'un Afghan de 28 ans qui avait attaqué un groupe d'enfants au couteau, tuant l'un d'entre eux et un adulte, s'est ouvert jeudi.

Pendant six jours d'audience qui s'étaleront jusqu'au 30 octobre à Aschaffenbourg, en Bavière, les débats tourneront autour de l'état mental d'Enamullah O., une expertise ayant conclu à son irresponsabilité pénale en raison de troubles psychiatriques.

Au lieu d'une procédure pénale classique, le tribunal a donc ordonné une procédure de sûreté, à l'issue de laquelle un probable placement en établissement psychiatrique remplacera la peine de prison.

Le parquet a demandé l'internement permanent de l'accusé.

Commis en pleine campagne législative, son acte a choqué une opinion publique allemande déjà critique d'un accueil jugé trop généreux des migrants. Il a aussi mis en lumière les limites du règlement européen dit de Dublin, car Enamullah O. aurait dû être expulsé dès 2023 vers la Bulgarie, son pays d'entrée dans l'Union européenne.

Le 22 janvier 2025, deux éducatrices employées par un jardin d'enfants promènent cinq enfants, à bord d'une grande poussette collective, dans un parc de cette ville bavaroise.

Ils sont soudain attaqués par un homme qui les avait suivis.

Un enfant âgé de deux ans, d'origine marocaine, reçoit plusieurs coups de couteau à la gorge et sur le haut du corps. Une fillette du même âge, d'origine syrienne, est elle gravement blessée au cou.

Essayant de le tenir à distance, une des éducatrices est projetée au sol, le bras cassé. Deux hommes de 41 et 72 ans accourent pour s'interposer et reçoivent eux aussi des coups de couteau.

L'accusé s'enfuit à l'arrivée d'autres passants, avant d'être arrêté peu après. Le garçon et l'homme de 41 ans décèdent sur place.

Les enquêteurs n'avaient pas identifié de mobile politique ou religieux à cette attaque et ont aussitôt pointé la santé mentale du suspect. Mais elle est venue s'ajouter à une série d'actes meurtriers dont les auteurs présumés étaient des étrangers ou avaient des motivations islamistes.

"Remigration" 

Le drame a remis la politique migratoire au cœur de la campagne électorale.

"Remigration maintenant!", avait demandé la cheffe de file de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD), Alice Weidel. Un mot employé par l'extrême droite pour appeler à l'expulsion massive d'étrangers.

Devant l'émotion suscitée, les conservateurs de Friedrich Merz avaient été accusés de franchir un pas dans le rapprochement avec l'extrême droite du pays en tentant ensemble de faire adopter une proposition de loi sur l'immigration, du jamais vu dans l'Histoire post-1945 du pays.

Son initiative avait déclenché de vastes manifestations et M. Merz avait dû se défendre de toute idée d'alliance avec l'AfD.

Mais depuis son accession au poste de chancelier au printemps, il a assumé une ligne dure sur l'immigration pour enrayer la progression de l'extrême droite, désormais au coude à coude avec sa formation dans les sondages.