Le plus haut religieux musulman de Turquie agace les laïques

Ali Erbas a été reconduit à la tête de la Direction des affaires religieuses, connu sous le nom de Diyanet, la semaine dernière par le président turc Recep Tayyip Erdogan. (Photo, AFP)
Ali Erbas a été reconduit à la tête de la Direction des affaires religieuses, connu sous le nom de Diyanet, la semaine dernière par le président turc Recep Tayyip Erdogan. (Photo, AFP)
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Publié le Jeudi 23 septembre 2021

Le plus haut religieux musulman de Turquie agace les laïques

  • L’opposition fustige le rôle croissant d'Ali Erbas sur la scène politique, en contradiction avec la constitution laïque de la République turque
  • La constitution turque stipule que le Diyanet doit agir conformément aux principes de la laïcité, sans exprimer d'opinions politiques

ISTANBUL : Lorsque le président Tayyip Erdogan a inauguré un nouveau complexe judiciaire ce mois-ci, le plus haut responsable religieux turc a clôturé la cérémonie avec une prière musulmane, déclenchant des protestations et des critiques à l’encontre de ses actions qui enfreignent la constitution laïque.

«Faites que ce travail merveilleux soit bénéfique et béni pour notre nation, mon Dieu», a déclaré Ali Erbas dans son discours, ajoutant que de nombreux juges avaient «travaillé pour rendre la justice que (Dieu) a ordonnée».

L'apparition d'Erbas à la cérémonie du 1er septembre à Ankara et la vague de critiques de l'opposition à propos de ses commentaires reflètent son profil croissant à la tête d'une organisation religieuse gérée par l'État et l'influence croissante qu'elle a acquise sous Erdogan.

Le président, dont le Parti de la justice et du développement (AKP) au pouvoir est enraciné dans l'islam politique, a annulé les restrictions imposées à la religion depuis des décennies, par le fondateur de la Turquie moderne Mustafa Kemal Atatürk, en plaçant l'islam au centre de la vie politique.

L'année dernière, Erbas a prononcé le premier sermon à Sainte-Sophie d'Istanbul après que l'église byzantine transformée en musée a été reconvertie en mosquée. Il l'a fait en tenant une épée, affirmant que c'était la tradition des prédicateurs dans les mosquées prises par la conquête. L'église a été prise par les armées ottomanes en 1453.

L’organisation étatique d’Erbas, Diyanet, ou la Direction des affaires religieuses, possède sa propre chaîne de télévision qui recrute 30 nouveaux employés. Son budget, qui correspond déjà à celui d'un ministère moyen, augmentera d'un quart l'année prochaine pour atteindre 16,1 milliards de livres turques ($1,86 milliard), selon les données du gouvernement.

Erdogan a en outre exprimé son soutien à Erbas la semaine dernière en renouvelant son mandat à la tête du Diyanet. Il était de nouveau avec Erdogan lundi à New York, récitant une prière à l'ouverture d'un gratte-ciel qui abritera des diplomates turcs installés dans la ville.

Les adversaires politiques d'Erdogan affirment que le profil croissant d'Erbas est en contradiction avec la constitution laïque de la République turque et prouve que le président utilise la religion afin d’augmenter sa cote en baisse, avant les élections prévues pour 2023.

«Il est totalement inacceptable que la Direction des affaires religieuses soit utilisée politiquement par l'AKP », a souligné Bahadir Erdem, vice-président du parti d'opposition Iyi Parti.

«La raison pour laquelle Ali Erbas a fait à plusieurs reprises des déclarations qui divisent la nation est très claire : le gouvernement utilise les sensibilités religieuses des électeurs pour pouvoir gagner leurs votes», a-t-il expliqué.

Outre l'importance croissante du Diyanet, les laïcs s'inquiètent également d'une forte augmentation des écoles religieuses, appelées «Imam Hatip» en Turquie, ainsi que d'une augmentation de 10 % du nombre de mosquées au cours de la dernière décennie, de la levée de l'interdiction du foulard musulman dans les institutions de l'État et le contrôle de la puissante armée turque, autrefois bastion de la laïcité, tout cela pendant le règne d'Erdogan.

Répondant aux critiques concernant le Diyanet, la présidence turque a partagé une photo d'Atatürk debout en prière à côté d'un religieux musulman lors d'une cérémonie devant le nouveau parlement turc il y a 100 ans, indiquant que même le fondateur de la république laïque a laissé de la place à la religion aux côtés de la politique.

La principale opposition laïque, le Parti républicain du peuple (CHP), accuse Erdogan d'avoir délibérément utilisé Erbas pour détourner l'attention du public sur les difficultés économiques croissantes de la Turquie.

«Il a placé le président de la Direction des affaires religieuses sur le terrain comme un pion», a affirmé le porte-parole du CHP, Faik Oztrak.

La constitution turque stipule que le Diyanet doit agir conformément aux principes de la laïcité, sans exprimer d'opinions politiques.

Erbas, un ancien professeur de théologie qui a pris ses fonctions en 2017, n'a pas réagi directement aux critiques, mais a déclaré que son rôle se limitait à l'orientation religieuse.

«Conformément au devoir énoncé dans la constitution d’«éclairer la société en matière de religion», notre direction s'efforce de transmettre à notre peuple de la manière la plus correcte les principes de l'islam», a-t-il souligné dans un discours la semaine dernière.

Ce message n’a pas du tout rassuré les critiques laïques.

La présence habituelle d'Erbas aux côtés d'Erdogan révèle une «augmentation très significative du rôle de l'islam sunnite dans le gouvernement en Turquie», a affirmé Soner Cagaptay, directeur de l'Institut de Washington pour la politique au Proche-Orient.

«La barrière laïque du 20e siècle, établie par Atatürk et gardée par ses successeurs, qui a séparé la religion et le gouvernement, et la religion et l'éducation, s'est complètement effondré », a-t-il déclaré.

Erbas a cherché la polémique dans le passé. L'année dernière, sa suggestion que l'homosexualité cause les maladies a déclenché un affrontement entre l'AKP d'Erdogan et les associations d'avocats de Turquie au sujet de la liberté d'expression.

Mais il a obtenu le soutien de l'allié nationaliste d'Erdogan, Devlet Bahceli.

«La Turquie est un pays musulman», a-t-il affirmé. «L'allergie contre la religion islamique de ces méchants qui ont rompu les liens avec nos valeurs nationales et spirituelles est un cas clinique incurable».

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Un mort dans des frappes israéliennes au Liban (ministère)

Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
Une photographie montre l'épave d'un véhicule visé par une frappe aérienne israélienne sur la route reliant le village frontalier d'Odeisseh, dans le sud du Liban, à Markaba, le 16 décembre 2025. (AFP)
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  • Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé, Israël affirmant viser des membres du Hezbollah malgré le cessez-le-feu de novembre 2024
  • Sous pression internationale, le Liban s’est engagé à désarmer le Hezbollah au sud du Litani, mais Israël accuse le mouvement de se réarmer, une accusation relayée par le sénateur américain Lindsey Graham

BEYROUTH: Des frappes israéliennes dans le sud du Liban ont fait un mort et un blessé dimanche, a annoncé le ministère libanais de la Santé, tandis que l'armée israélienne a déclaré avoir visé des membres du Hezbollah.

Israël continue à mener régulièrement des frappes au Liban et affirme viser le mouvement islamiste soutenu par l'Iran, malgré un cessez-le-feu qui a mis fin le 27 novembre 2024 à plus d'un an d'hostilités, en marge de la guerre dans la bande de Gaza.

Israël maintient également des troupes dans cinq positions frontalières du sud du Liban qu'il estime stratégiques.

Selon le ministère libanais de la Santé, deux frappes israéliennes ont touché dimanche un véhicule et une moto dans la ville de Yater, à environ cinq kilomètres de la frontière avec Israël, tuant une personne et en blessant une autre.

L'armée israélienne a déclaré avoir "frappé un terroriste du Hezbollah dans la zone de Yater" et ajouté peu après avoir "frappé un autre terroriste du Hezbollah" dans la même zone.

Dimanche également, l'armée libanaise a annoncé que des soldats avaient découvert et démantelé "un dispositif d'espionnage israélien" à Yaroun, une autre localité proche de la frontière.

Sous forte pression américaine et par crainte d'une intensification des frappes israéliennes, le Liban s'est engagé, comme prévu par l'accord de cessez-le-feu, à désarmer le Hezbollah et à démanteler d'ici la fin de l'année toutes ses structures militaires entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, à une trentaine de kilomètres plus au nord.

Israël a mis en doute l'efficacité de l'armée libanaise et accusé le Hezbollah de se réarmer, tandis que le mouvement chiite a rejeté les appels à abandonner ses armes.

En visite en Israël dimanche, le sénateur américain Lindsey Graham a lui aussi accusé le mouvement de se réarmer. "Mon impression est que le Hezbollah essaie de fabriquer davantage d'armes (...) Ce n'est pas un résultat acceptable", a-t-il déclaré dans une vidéo diffusée par le bureau du Premier ministre Benjamin Netanyahu.

Plus de 340 personnes ont été tuées par des tirs israéliens au Liban depuis le cessez-le-feu, selon un bilan de l'AFP basé sur les chiffres du ministère libanais de la Santé.


Un sénateur américain réclame une action militaire contre le Hamas et le Hezbollah s'ils ne désarment pas

Le sénateur Lindsey Graham entre dans la salle du Sénat à Washington, DC, le 11 décembre 2025. (AFP)
Le sénateur Lindsey Graham entre dans la salle du Sénat à Washington, DC, le 11 décembre 2025. (AFP)
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  • Le sénateur américain Lindsey Graham appelle au désarmement du Hamas et du Hezbollah, menaçant d’une action militaire s’ils refusent, et conditionne toute paix durable à cette étape
  • Malgré des cessez-le-feu fragiles à Gaza (octobre) et avec le Hezbollah (novembre 2024), les tensions persistent, Israël poursuivant des frappes et les médiateurs poussant vers une phase 2 du plan de paix

Jérusalem: L'influent sénateur américain Lindsey Graham a réclamé dimanche une action militaire contre le Hamas palestinien et le Hezbollah libanais si ces deux mouvements ne démantelaient pas leur arsenal.

Après deux années d'une guerre dévastatrice dans la bande de Gaza, un fragile cessez-le-feu entre Israël et le Hamas est observé depuis octobre dans le territoire palestinien, bien que les deux parties s'accusent mutuellement de le violer.

Une trêve avec le Hezbollah est également entrée en vigueur en novembre 2024, après deux mois d'une guerre ouverte. Mais Israël continue de mener des frappes en territoire libanais, disant cibler le mouvement islamiste.

Concernant ses deux ennemis, alliés de l'Iran, Israël fait du démantèlement de leur arsenal militaire l'une des principales conditions à toute paix durable.

"Il est impératif d'élaborer rapidement un plan, d'impartir un délai au Hamas pour atteindre l'objectif du désarmement", a affirmé le sénateur républicain lors d'une conférence de presse à Tel-Aviv.

Dans le cas contraire, "j'encouragerais le président (Donald) Trump à laisser Israël achever le Hamas", a-t-il dit.

"C'est une guerre longue et brutale, mais il n'y aura pas de succès où que ce soit dans la région, tant que le Hamas n'aura pas été écarté du futur de Gaza et tant qu'il n'aura pas été désarmé", a estimé M. Graham.

Depuis le cessez-le-feu entré en vigueur le 10 octobre à Gaza, les médiateurs appellent à accentuer les efforts pour passer à la prochaine phase d'un plan de paix américain.

Celle-ci prévoit le désarmement du Hamas, le retrait progressif de l'armée israélienne de tout le territoire, la mise en place d'une autorité de transition et le déploiement d'une force internationale.

"La phase deux ne pourra pas réussir tant que le Hamas n'aura pas été désarmé", a martelé M. Graham.

- "Grand ami d'Israël" -

Tout en se disant "optimiste" sur la situation au Liban où le gouvernement s'est engagé à désarmer le Hezbollah, M. Graham a brandi la menace d'une "campagne militaire" contre le mouvement.

"Si le Hezbollah refuse d'abandonner son artillerie lourde, à terme nous devrions engager des opérations militaires", a-t-il estimé, allant jusqu'à évoquer, en coopération avec le Liban, une participation des Etats-Unis aux côtés d'Israël.

Plus tôt dimanche, le sénateur a été reçu par le Premier ministre Benjamin Netanyahu, qui a salué en lui "un grand ami d'Israël, un grand ami personnel".

Samedi, les Etats-Unis et les garants du cessez-le-feu --Egypte, Qatar et Turquie-- ont appelé Israël et le Hamas à "respecter leurs obligations" et à "faire preuve de retenue" à Gaza.

Le Hamas appelle de son côté à stopper les "violations" israéliennes du cessez-le-feu.

Vendredi, six personnes, dont deux enfants, ont péri dans un bombardement israélien sur une école servant d'abri à des déplacés, d'après la Défense civile à Gaza, un organisme de secours dépendant du Hamas.


Israël approuve la création de 19 nouvelles colonies en Cisjordanie

Cette photo montre des moutons dans un champ à Kafr al-Labad, avec la colonie israélienne d'Avnei Hefetz en arrière-plan, près de la ville de Tulkarem, en Cisjordanie occupée, le 18 décembre 2025. (FICHIER/AFP)
Cette photo montre des moutons dans un champ à Kafr al-Labad, avec la colonie israélienne d'Avnei Hefetz en arrière-plan, près de la ville de Tulkarem, en Cisjordanie occupée, le 18 décembre 2025. (FICHIER/AFP)
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  • Israël a approuvé l’installation de 19 nouvelles colonies en Cisjordanie, portant à 69 le nombre de colonies validées en trois ans, dans une démarche visant selon le gouvernement à empêcher la création d’un État palestinien
  • Cette décision, critiquée par l’ONU et de nombreux pays, intervient dans un contexte d’intensification de la colonisation et de fortes violences depuis le 7 octobre 2023

JÉRUSALEM: Les autorités israéliennes ont annoncé dimanche avoir approuvé l'installation de 19 colonies en Cisjordanie, une mesure visant selon elles à "bloquer l'établissement d'un Etat palestinien terroriste", dans un contexte d'intensification de la colonisation depuis le 7-octobre.

Cette annonce porte à 69 le nombre total de colonies ayant obtenu un feu vert ces trois dernières années, d'après un communiqué publié par les services du ministre des Finances d'extrême droite Bezalel Smotrich, lui-même colon et partisan d'une annexion de ce territoire occupé par Israël depuis 1967.

Elle intervient quelques jours après un rapport du secrétaire général des Nations unies faisant état d'une croissance record des colonies israéliennes depuis le début du suivi en 2017.

"La proposition du ministre des Finances Bezalel Smotrich et du ministre de la Défense Israël Katz de déclarer et formaliser 19 nouvelles colonies en Judée et Samarie (la Cisjordanie, NDLR) a été approuvée par le cabinet" de sécurité du gouvernement, ont annoncé les services de M. Smotrich.

Selon lui, cette initiative doit permettre d'empêcher l'émergence d'un Etat palestinien.

"Sur le terrain, nous bloquons l'établissement d'un Etat palestinien terroriste. Nous continuerons à développer, construire et à nous implanter sur la terre de notre patrimoine ancestral", est-il écrit dans le communiqué.

Hormis Jérusalem-Est, occupée et annexée par Israël, plus de 500.000 Israéliens vivent aujourd'hui en Cisjordanie dans des colonies que l'ONU juge illégales au regard du droit international, au milieu de quelque trois millions de Palestiniens.

Sur les colonies dévoilées dimanche, cinq sont des avant-postes qui existent déjà depuis plusieurs années, c'est-à-dire des colonies déjà implantées en territoire palestinien, sans avoir obtenu les autorisations nécessaires des autorités israéliennes.

Ces 19 colonies se trouvent dans des zones "hautement stratégiques", ont précisé les services du ministre. Deux d'entre elles, Ganim et Kadim, dans le nord de la Cisjordanie, seront réinstallées après avoir été démantelées il y a deux décennies.

- "Expansion implacable" -

La colonisation s'est poursuivie sous tous les gouvernements israéliens, de gauche comme de droite depuis 1967, et s'est nettement intensifiée sous l'exécutif actuel, en particulier depuis le début de la guerre à Gaza déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement islamiste palestinien Hamas en Israël.

Dans le rapport de l'ONU consulté mi-décembre par l'AFP, son secrétaire général Antonio Guterres avait "condamné l'expansion implacable de la colonisation israélienne en Cisjordanie occupée, y compris Jérusalem Est, qui continue à alimenter les tensions, empêcher l'accès des Palestiniens à leur terre et menace la viabilité d'un Etat palestinien totalement indépendant, démocratique, continu et souverain".

"Ces développements enracinent encore l'occupation israélienne illégale et viole le droit international et le droit des Palestiniens à l'autodétermination", a-t-il ajouté.

L'avancée de la colonisation s'accompagne en outre d'une augmentation "alarmante" des violences des colons, dénonce-t-il dans le document, évoquant des attaques parfois "en présence ou avec le soutien des forces de sécurité israéliennes".

Depuis le 7-octobre, plus d'un millier de Palestiniens, parmi lesquels des combattants, mais aussi beaucoup de civils, ont été tués en Cisjordanie par des soldats ou des colons israéliens, selon un décompte de l'AFP établi à partir de données de l'Autorité palestinienne.

Dans le même temps, selon des données officielles israéliennes, au moins 44 Israéliens, parmi lesquels des civils et des soldats, y ont été tués dans des attaques palestiniennes ou lors de raids militaires israéliens.

Les nouveaux projets de colonies dévoilés par Israël provoquent régulièrement un tollé international, Paris y voyant une "menace existentielle" pour un Etat palestinien.

Fin septembre, le président américain Donald Trump, pourtant un soutien indéfectible d'Israël, avait averti qu'il "ne lui permettrait pas d'annexer la Cisjordanie".