Californie: combattre le feu par le feu pour sauver les forêts

Une série d'incendies massifs dans le nord et le centre de la Californie ont forcé davantage d'évacuations alors qu'ils se sont rapidement propagés le 20 août, assombrissant le ciel et affectant dangereusement la qualité de l'air. (Document / Image satellite ©2020 Maxar Technologies / AFP)
Une série d'incendies massifs dans le nord et le centre de la Californie ont forcé davantage d'évacuations alors qu'ils se sont rapidement propagés le 20 août, assombrissant le ciel et affectant dangereusement la qualité de l'air. (Document / Image satellite ©2020 Maxar Technologies / AFP)
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Publié le Dimanche 26 septembre 2021

Californie: combattre le feu par le feu pour sauver les forêts

  • L'avancée des flammes a notamment pu être freinée grâce aux "feux contrôlés qui ont été prescrits durant ces 25 à 30 dernières années", selon Mark Garrett, porte-parole des pompiers californiens
  • Par ailleurs, les séquoias, pour certains âgés de 2.000 à 3.000 ans, ont besoin des incendies pour se reproduire: la chaleur des flammes fait éclater les cônes tombés au sol comme du pop-corn pour en libérer des centaines de graines

LOS ANGELES, États-Unis : Les séquoias millénaires de Californie en sont témoins: pour sauver les forêts des incendies de plus en plus fréquents et violents qui dévastent l'Ouest américain, il faut parfois combattre le mal par le mal. En l'occurrence par le feu.

"Ça paraît un peu étrange à dire mais voici un siècle qu'il n'y a pas suffisamment d'incendies en Californie", dit Rebecca Miller, chercheuse à l'Université de Californie du Sud (USC) de Los Angeles.

"Durant presque tout le 20e siècle, les politiques publiques ont interdit tous les feux en Californie parce que l'on croyait, à tort, que c'était mauvais pour l'environnement", explique-t-elle, plaidant pour un recours accru aux brûlages contrôlés.

Pratiqués de manière ancestrale par les tribus amérindiennes de la région, ces brûlages sont destinés à éclaircir les sous-bois en consumant broussailles et troncs morts tombés au sol, autant de combustibles qui peuvent attiser l'intensité des feux de forêt.

Cette politique d'écobuages a porté ses fruits la semaine dernière lorsque la "Forêt géante" du parc national de Séquoia, qui abrite les arbres les plus volumineux du monde dont le recordman baptisé "Général Sherman" (11 mètres de diamètre à la base, 83 mètres de haut), a été menacé par l'incendie baptisé "KNP", très violent.

L'avancée des flammes a notamment pu être freinée grâce aux "feux contrôlés qui ont été prescrits durant ces 25 à 30 dernières années", selon Mark Garrett, porte-parole des pompiers californiens.

"C'est le meilleur outil dont nous disposions", estime le pompier, favorable à cette stratégie.

Les flammes se sont approchées à seulement 30 à 40 mètres du "Général Sherman", dont la base avait été enveloppée d'une couverture de protection ignifugée. Du jamais vu, selon Mark Garrett.

"Le problème, c'est qu'il y a des milliers de km2 qui n'ont pas été traités" par des brûlages dirigés dans la Sierra Nevada, le seul endroit au monde où les séquoias géants poussent, déplore-t-il.

Les incendies de faible intensité ne sont en général pas suffisants pour nuire à ces arbres hors norme, naturellement adaptés à ces sinistres avec leur écorce très épaisse et des premières branches pouvant pousser à trente mètres de haut, hors d'atteinte des flammes.

Au contraire, ces arbres pour certains âgés de 2.000 à 3.000 ans ont besoin des incendies pour se reproduire: la chaleur des flammes fait éclater les cônes tombés au sol comme du pop-corn pour en libérer des centaines de graines.

Ces géants qui ne poussent qu'en Californie ne sont en revanche pas adaptés aux feux plus intenses qui ont eu tendance à se déclarer ces dernières années à la faveur du changement climatique.

- Panacée? -

La pratique des feux dirigés ne fait cependant pas l'unanimité.

"Ce n'est pas une stratégie efficace et elle a été surévaluée", tranche l'écologiste George Wuerthner.

A ses yeux, le principal défaut de l'écobuage est qu'il doit être mis en œuvre très régulièrement si on veut qu'il soit efficace. "Étant donné qu'on ne peut pas remodeler le paysage avec une telle fréquence, c'est un peu trompeur de présenter ça comme une panacée contre les incendies de grande ampleur", estime-t-il.

L'expert pointe aussi du doigt l'impact que ces incendies dirigés peuvent avoir s'ils s'emballent à cause d'un changement dans les conditions météorologiques, sans oublier la pollution des fumées.

Pour Andy Stahl, de l'ONG Forest Service Employees for Environmental Ethics, "le plus gros défi est le coût". "On parle de millions de dollars, de milliards. Et ce n'est pas comme si on devait faire ça une fois par siècle. Il faut recommencer tous les cinq ou dix ans", souligne-t-il.

"Par conséquent, personne dans l'ouest des États-Unis ne procède à des brûlages contrôlés en quantité suffisante pour faire une différence sur les incendies", hormis à un niveau très local comme dans le parc national de Sequoia, assure cet ancien employé de l'office des forêts.

Rebecca Miller estime quant à elle que les obstacles financiers et logistiques peuvent être surmontés si l'on met en place un cadre légal propice aux brûlages contrôlés.

Une réforme attendue avec impatience par Mark Garrett sur le front des incendies. "On a besoin de plus d'argent et d'effectifs. On doit faire ces brûlages dans les montagnes, sur les terres fédérales et sur les terrains privés", insiste le porte-parole des pompiers.


« Palestine 36 », soutenu par l’Arabie saoudite, présenté en avant-première au TIFF 2025

Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
Le film a été présenté en avant-première au Festival international du film de Toronto. (AFP)
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  • Le film Palestine 36 d’Annemarie Jacir, présenté au TIFF 2025, revient sur le soulèvement palestinien de 1936 contre le mandat britannique
  • Financé en partie par le Red Sea Film Fund d’Arabie saoudite, le film explore un moment décisif pour la région

DUBAÏ : Le film Palestine 36 de la réalisatrice Annemarie Jacir a été présenté cette semaine en avant-première au Festival international du film de Toronto (TIFF) 2025 lors d’une projection de gala.

Le film a été en partie financé par le Red Sea Film Fund, soutenu par l’Arabie saoudite.

Situé aux abords de Jérusalem, Palestine 36 raconte l’histoire du soulèvement arabe contre le mandat britannique.

Le synopsis officiel indique : « En 1936, alors que les villages de la Palestine mandataire se soulèvent contre la domination coloniale britannique, Yusuf erre entre son village rural et l’énergie bouillonnante de Jérusalem, aspirant à un avenir au-delà des troubles croissants.

Mais l’Histoire est implacable. Avec l’arrivée massive de réfugiés juifs fuyant l’antisémitisme en Europe, et la population palestinienne unie dans le plus vaste et le plus long soulèvement contre les 30 ans de domination britannique, toutes les parties glissent vers une collision inévitable — un moment décisif pour l’Empire britannique et pour l’avenir de toute la région. »

Le film réunit une distribution internationale : l’acteur oscarisé Jeremy Irons, la star de Game of Thrones Liam Cunningham, l’acteur tunisien Dhafer L’Abidine, ainsi que les talents palestiniens Hiam Abbass, Yasmine Al-Massri, Kamel El Basha et Saleh Bakri.

La première a réuni de nombreuses personnalités, dont les acteurs britanniques Billy Howle et Robert Aramayo, l’acteur palestinien Karim Daoud Anaya, le producteur de cinéma palestino-jordanien Ossama Bawardi, ainsi que Jacir, Bakri, Al-Massri et Abbass.

Jacir, à qui l’on doit Salt of the Sea, When I Saw You, Wajib et des épisodes de la série Ramy, a entamé le travail sur ce projet avant la pandémie mondiale.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Riyad accueille sa toute première représentation de l’opéra « Carmen »

La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC) a fait venir le célèbre opéra "Carmen" pour la première fois en Arabie saoudite. (Fourni)
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  • L’événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, célébrant le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre les deux pays.

RIYAD : La Commission royale pour la ville de Riyad (RCRC), en collaboration avec la China National Opera House (CNOH), a présenté jeudi soir l’opéra mondialement connu de Georges Bizet, « Carmen », au Centre culturel Roi Fahd de Riyad. Il s'agit de la toute première représentation de ce chef-d'œuvre en Arabie saoudite.

Cet événement s’inscrit dans le cadre de l’Année culturelle sino-saoudienne, qui célèbre le 35e anniversaire des relations diplomatiques entre l’Arabie saoudite et la Chine. Plus de 2 500 invités et dignitaires étaient présents pour la soirée d’ouverture.

Le public a salué cette représentation historique. Thomas Dang, résident à Riyad, a décrit la soirée comme remarquable :

« C’était extraordinaire — une troupe chinoise jouant une œuvre d’un compositeur français sur une histoire espagnole, ici en Arabie saoudite. Ce mélange culturel était incroyable. »

Mise en scène par l’équipe du CNOH, la production a donné vie à l’histoire intemporelle de passion, de jalousie et de destin de Bizet, à travers des costumes vibrants et une distribution internationale.

Créée à Paris en 1875, « Carmen » est l’un des opéras les plus célèbres de l’histoire. Son début en Arabie saoudite marque une étape importante dans le développement culturel du Royaume, illustrant son ouverture croissante aux arts mondiaux.

Huixian, une résidente chinoise de Riyad, a partagé son enthousiasme :

« C’était ma première fois à l’opéra en Arabie saoudite, et aussi la première fois que je voyais ‘Carmen’ en chinois. La performance était très bonne, même si le chant aurait pu être plus puissant. Une soirée mémorable. »

« Carmen » se poursuivra au Centre culturel Roi Fahd jusqu’au 6 septembre 2025, offrant aux spectateurs une opportunité rare d’assister à l’un des opéras les plus emblématiques sur une scène saoudienne.

Selon la RCRC, cette première historique reflète l’engagement continu de la Commission à enrichir l’offre culturelle de Riyad, à travers des événements de classe mondiale, en cohérence avec la Vision 2030 du Royaume.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Villa Hegra, où le patrimoine devient moteur d’innovation et de diplomatie culturelle

De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
De gauche à droite, Ingrid Périsset, Hervé Lemoine et Fériel Fodil. (Photo Arlette Khouri)
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  • La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle
  • En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà

PARIS: Dans le cadre de la dixième édition de « Think Culture », un rendez-vous incontournable qui interroge les liens entre culture, innovation et société, une table ronde posait une question centrale : comment préserver l’identité d’un site patrimonial exceptionnel tout en l’inscrivant dans le présent et l’avenir ?

Pour y répondre, les organisateurs ont choisi un exemple emblématique : la Villa Hegra, première institution franco-saoudienne dédiée à la coopération culturelle, implantée au cœur du site d’AlUla, au nord-est de l’Arabie saoudite.

Trois voix se sont relayées pour éclairer les enjeux de ce projet : Ingrid Périsset, directrice de la recherche archéologique et du patrimoine pour l’Agence française de développement d’AlUla (AFALULA) ; Fériel Fodil, directrice générale de la Villa Hegra ; et Hervé Lemoine, président de l’Établissement public des manufactures nationales et du Mobilier national.

En introduction, Ingrid Périsset a rappelé les racines profondes de la coopération franco-saoudienne dans le domaine archéologique, soulignant que, depuis près d’un quart de siècle, des chercheurs français travaillent sur le site d’Hegra, « petite sœur de Pétra », joyau nabatéen classé au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette présence pionnière, amorcée au début des années 2000, a contribué à révéler la richesse exceptionnelle d’AlUla et à établir un climat de confiance entre les deux pays.

Pour l’archéologue, il n’existe pas de rupture entre passé et présent : « L’histoire de l’art est un continuum, une transmission permanente. Les artistes contemporains se retrouvent souvent bouleversés en découvrant des objets millénaires, comme s’ils partageaient une même mémoire créative avec ceux qui les ont façonnés. »

Cette vision inscrit la Villa Hegra dans une logique de dialogue entre héritage et création, où la préservation patrimoniale nourrit l’innovation culturelle.

Prenant la parole, Fériel Fodil a présenté la genèse et les spécificités de la Villa Hegra. Créée à la suite d’un accord intergouvernemental signé en 2021 et renforcée par un décret royal en 2024, lors de la visite du président Emmanuel Macron en Arabie saoudite, l’institution s’affirme comme un pilier de la diplomatie culturelle.

Sa singularité tient à sa gouvernance bicéphale, à la fois française et saoudienne, qui se traduit par une double direction curatoriale, des équipes mixtes et une programmation ouverte aux artistes francophones et arabophones. « C’est la première villa véritablement binationale du réseau français, souligne-t-elle. Elle incarne une volonté de coopération équilibrée et réciproque. »

La Villa Hegra rejoint ainsi les grandes villas françaises à l’étranger – de la Villa Médicis à Rome à la Casa de Velázquez à Madrid, en passant par la Villa Kujoyama à Kyoto et la Villa Albertine aux États-Unis. Mais, contrairement à ses sœurs, elle s’implante dans un territoire encore en devenir culturel, avec l’ambition d’être ancrée localement tout en restant ouverte sur le monde.

Pour Hervé Lemoine, l’intérêt de la Villa Hegra tient aussi à sa capacité à accueillir les métiers d’art et du design, trop souvent relégués au second plan derrière les arts visuels ou les arts vivants. Ces savoir-faire, estime-t-il, constituent pourtant un patrimoine matériel essentiel.

Le partenariat entre la Villa Hegra et les Manufactures nationales vise à valoriser cette dimension. Dès les premiers échanges, des pièces de mobilier français ont été installées sur place, non pas uniquement pour leur confort ou leur esthétique, mais pour témoigner de la richesse des traditions artisanales. « C’est une autre manière de créer des ponts, explique-t-il. En montrant le travail du bois ou des arts décoratifs, nous favorisons un échange culturel fondé sur la main, le geste et la matière. »

Ce dialogue se concrétise également par des résidences croisées : une jeune artiste saoudienne rejoindra bientôt les ateliers français pour découvrir la diversité des métiers représentés. Il s’agit là d’une transmission tangible des savoir-faire, vecteur d’innovation et de coopération durable.

La Villa Hegra n’est pas seulement un lieu d’exposition ou de résidence : elle s’affirme comme un outil de diplomatie culturelle. En réunissant artistes, chercheurs et institutions, elle favorise la circulation des idées et des pratiques entre la France, l’Arabie saoudite et au-delà.

Son inscription officielle dans le réseau des villas françaises, prévue à Paris en octobre prochain, ouvrira la voie à de nouveaux échanges artistiques entre les différents sites — qu’il s’agisse de l’Opéra de Paris invité à AlUla ou de collaborations entre designers, musiciens et écrivains.

À travers cette initiative, la France et l’Arabie saoudite affirment une ambition commune : relier le passé au présent et faire du dialogue interculturel un moteur de rayonnement international.