Logistique, énergie, emploi... Crises en série pour l'économie britannique

Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'exprimant lors de la session hebdomadaire des questions à la Chambre des communes à Londres le 28 septembre 2021. (Photo, AFP)
Le Premier ministre britannique Boris Johnson s'exprimant lors de la session hebdomadaire des questions à la Chambre des communes à Londres le 28 septembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Mercredi 29 septembre 2021

Logistique, énergie, emploi... Crises en série pour l'économie britannique

  • La Banque d'Angleterre s'attend à ce que l'inflation dépasse «légèrement» 4% au quatrième trimestre, le double de son objectif
  • La livre sterling, après avoir bien résisté ces derniers mois, a finalement commencé à ployer mardi face au dollar

LONDRES : Prix de l'énergie en hausse, pénuries de travailleurs, chauffeurs, biens et maintenant d'essence, fin des aides gouvernementales à l'emploi... L'économie britannique fait face à une série de crises qui pourraient freiner la reprise post-covid et assombrir Noël.

LOGISTIQUE

Des pubs qui déplorent le manque de certaines bières, les fast-food McDonald's en panne de milk-shakes, la chaîne de restaurants Nando's de poulets, des magasins de vélos ou des supermarchés en manque de certains produits... Les retards de livraison s'accumulent depuis des mois au Royaume-Uni.

Le problème est attribué à un manque de chauffeurs qui touche de nombreux pays d'Europe, notamment à cause de conditions de travail et de salaires peu attractives.

La pandémie a par ailleurs incité beaucoup de chauffeurs routiers étrangers à rentrer dans leur pays, et retardé l'attribution de dizaines de milliers de permis de conduire en forçant les centres d'examens à fermer.

Facteur aggravant au Royaume-Uni, le Brexit force désormais les chauffeurs-routiers européens à demander un visa au terme de procédures compliquées.

Si le gouvernement nie fermement l'impact du Brexit, l'association sectorielle du transport routier (RHA) en fait l'une des principales causes du problème.

ENERGIE

Les retards de livraisons ont pris un tour plus critique depuis une semaine, avec de premières pénuries d'essence dans quelques dizaines de stations-services. L'information a déclenché des achats de panique à travers le pays. Résultat: lundi, une majorité de stations services dans le pays étaient à court de carburant, avec des conducteurs excédés faisant la queue pendant des heures.

Mardi, les représentants de médecins et soignants, enseignants, livreurs, personnels pénitentiaires et autres travailleurs essentiels demandaient à bénéficier d'un approvisionnement prioritaire sous peine de ne plus pouvoir assurer les services de base.

A cela s'ajoute une flambée des cours du gaz sur les marchés mondiaux. Le Royaume-Uni est particulièrement touché car il en dépend bien plus que d'autres pays pour son mix énergétique (en France, la part du nucléaire par exemple est bien supérieure).

Cette flambée a déjà entraîné une série de faillites de petits distributeurs d'électricité, tandis qu'avec une augmentation des prix de l'électricité prévue au 1er octobre, les habitants et entreprises du Royaume-Uni s'attendent à une forte augmentation de leurs factures cet hiver, en plus d'une baisse décriée des minimas sociaux.

Les prix du gaz ont aussi eu pour conséquence indirecte de forcer certaines usines chimiques à débrayer, dont le premier fournisseur pour le pays de CO2, utilisé pour l'abattage des animaux et la chaine du froid, ajoutant aux difficultés d'une industrie agroalimentaire qui manque déjà de bras.

EMPLOI

Outre les routiers, les pénuries de travailleurs touchent l'agroalimentaire, le tourisme, la restauration, la distribution...

Parallèlement, les aides qui ont gardé le marché de l'emploi sous perfusion pendant les confinements se terminent le 30 septembre, alors qu'environ un million de personnes environ en bénéficiaient encore ces dernières semaines. Cela pourrait entraîner une hausse du chômage, sans pour autant soulager les pénuries de travailleurs, selon les économistes.

Face à l'urgence, le gouvernement s'est résigné à amender sa politique migratoire post-Brexit et à accorder 10.000 visas de trois mois pour des chauffeurs routiers ou des ouvriers dans l'industrie de la volaille, mais les secteurs concernés craignent que ces permis soient trop courts et pas assez nombreux pour changer les choses.

INFLATION

Energie, matières premières, salaires relevés pour tenter d'attirer des travailleurs dans les secteurs qui manquent de bras... Les entreprises sont confrontées à une série de hausses de coûts qu'elles répercutent en partie sur les consommateurs. L'inflation a ainsi enregistré une poussée record au Royaume-Uni pour les douze mois terminés en août, à 3,2%, au plus haut depuis 2012.

La Banque d'Angleterre (BoE) s'attend à ce que l'inflation au Royaume-Uni dépasse "légèrement" 4% au quatrième trimestre, le double de son objectif. Elle martèle toutefois que cette envolée devrait n'être que temporaire et ne veut pas remonter les taux d'intérêt trop vite pour ne pas tuer dans l’œuf la reprise post-covid.

Pour Jonathan Portes, professeur d'économie à Kings College, les nuages qui s'accumulent sur l'économie britannique ne devraient pas plomber durablement la reprise, mais la freiner. La livre sterling, après avoir bien résisté ces derniers mois, a finalement commencé à ployer mardi face au dollar.


Taxe Zucman : «truc absurde», «jalousie à la française», selon le patron de Bpifrance

Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française". (AFP)
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  • M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde"
  • Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier"

PARIS: Nicolas Dufourcq, patron de Bpifrance, la banque publique d'investissement, a critiqué avec virulence mercredi l'idée d'une taxe Zucman, évoquant un "truc absurde", et "une histoire de jalousie à la française".

M. Dufourcq, qui était interrogé sur RMC, a estimé que la taxe, dont le principe est d'imposer chaque année les contribuables dont la fortune dépasse 100 millions d'euros à hauteur de 2% de celle-ci, était "un truc complètement absurde", mais qui selon lui "n'arrivera pas".

Mais "ça panique les entrepreneurs : ils ont construit leur boîte et on vient leur expliquer qu'on va leur en prendre 2% tous les ans. Pourquoi pas 3? Pourquoi pas 4? C'est invraisemblable!", a-t-il déclaré.

Notant qu'avec la taxe Zucman, ils "paieraient tous en papier (en actions, NDLR) leurs 2%", M. Dufourcq a observé : "C'est moi, c'est la Bpifrance qui va gérer ce papier" : "Donc demain j'aurai 2% du capital de LVMH, dans 20 ans 20%, 20% du capital de Pinault-Printemps-Redoute (Kering, NDLR), 20% du capital de Free. C'est délirant, c'est communiste en réalité, comment est-ce qu'on peut encore sortir des énormités comme ça en France!?"

"Ces gens-là tirent la France. Il faut les aider (...) au lieu de leur dire qu'on va leur piquer 2% de leur fortune".

Il a observé que "si on pique la totalité de celle de Bernard Arnault, ça finance 10 mois d'assurance-maladie", mais qu'après "il n'y a plus d'Arnault".

"Il n'y a pas de trésor caché", a estimé M. Dufourcq, qui pense que cette taxe "n'arrivera jamais", et n'est évoquée que "pour hystériser le débat" politique.

Pour lui, il s'agit "d'une pure histoire de jalousie à la française, une haine du riche, qui est soi-disant le nouveau noble", rappelant les origines modestes de François Pinault ou Xavier Niel: "c'est la société française qui a réussi, on devrait leur dresser des statues".

"Il y a effectivement des fortunes qui passent dans leur holding des dépenses personnelles", a-t-il remarqué, "c'est ça qu'il faut traquer, et c'est ce sur quoi le ministère des Finances, je pense, travaille aujourd'hui".

Mais il y a aussi "beaucoup de Français qui passent en note de frais leurs dépenses personnelles", a-t-il observé. "Regardez le nombre qui demandent les tickets dans les restaus", pour se les faire rembourser.


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".