Comment les Frères musulmans égyptiens ont perdu la bataille des réseaux sociaux

Depuis leur chute en 2013, les Frères musulmans n'ont pas réussi à dominer la communication en ligne malgré leurs appels répétés à la protestation. (Photo, Reuters/Archives)
Depuis leur chute en 2013, les Frères musulmans n'ont pas réussi à dominer la communication en ligne malgré leurs appels répétés à la protestation. (Photo, Reuters/Archives)
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Publié le Jeudi 30 septembre 2021

Comment les Frères musulmans égyptiens ont perdu la bataille des réseaux sociaux

  • Bien qu'environ la moitié des Égyptiens soient actifs sur les réseaux sociaux, ils penchent pour des tendances loin de celles des Frères musulmans
  • Une telle expérience a menacé la paix civile quotidienne et a déstabilisé l'identité égyptienne bien établie, une identité qui ne trouve aucune différence entre la religion et la race

LE CAIRE : Il fut un temps où un Égyptien ouvrait Facebook ou Instagram pour découvrir que la grande part du contenu était lié aux Frères musulmans. Aujourd'hui, tout cela est loin de la réalité.

Depuis leur chute en 2013, les Frères musulmans n'ont pas réussi à dominer la communication en ligne malgré leurs appels répétés à la protestation. Une décennie après le printemps arabe qui a vu les réseaux sociaux agir comme des mécanismes de mobilisation, pourquoi les médias sociaux en général, et Facebook en particulier, ne sont-ils plus aujourd'hui un déclencheur potentiel de révolution en Égypte?

Bien qu'environ la moitié des Égyptiens soient actifs sur les réseaux sociaux, ils penchent pour des tendances loin de celles des Frères musulmans et en contraste avec ce qui dominait les réseaux sociaux en 2011.

Depuis lors, les fidèles des Frères musulmans ont déployé des efforts considérables pour tirer parti de l'utilisation intensive des médias sociaux par les Égyptiens. Ils profitent de toute crise nationale et l'utilisent comme un cheval de Troie pour leurs revendications, et comme cela a été vu à plusieurs reprises dans les fausses vidéos diffusées par Al Jazeera et d'autres tendances pro-Frères musulmans aussi récents qu'en septembre 2020.

Au départ, on peut affirmer que les Frères musulmans subissent leur crise la plus profonde depuis leur création en 1928 à cause de leur chute en juin 2013.

Cette crise s'incarne dans la chute politique populaire des frères musulmans puisque la Tunisie et l'Égypte ont contrecarré leurs tentatives pour avoir un rôle politique ou social à l'avenir. L'opinion populaire et les forces laïques leur ont témoigné peu de sympathie.

Le cas de l'Égypte a été similaire à celui de la Tunisie. Malgré leur énorme machine médiatique, leurs cellules dormantes et leurs plateformes et organes médiatiques qui appuyaient leur programme, les Frères musulmans n'ont pas réussi à regagner leur présence ou à maintenir leur influence sur la société égyptienne. De plus, ils ont perdu leur pouvoir de mobiliser les masses ou d'attiser des soulèvements comme ils le faisaient autrefois au plus fort du printemps arabe.

Selon l'expert politique et ancien consul général d'Égypte à Riyad, Fawzi Ashmaoui, le principal espace d'action et d'expression des Égyptiens, les médias sociaux, s'est élargi. Il constate que cela est dû au déclin de la mobilité et des performances des partis et des politiques d'une part et à la levée partielle des restrictions de la société civile et d'autres lois dans le cadre de la stratégie nationale officielle des droits de l'homme du pays qui a été lancée plus tôt ce mois-ci.

En janvier 2021, la population égyptienne s'élevait à environ 103,3 millions d'habitants, soit une augmentation de 1,9 million de personnes par rapport à janvier de l'année dernière. Le nombre d'internautes a toutefois atteint 59,9 millions avec une augmentation de 4,9 millions de plus qu'en janvier 2020, une augmentation qui a dépassé l'augmentation de la population, selon plusieurs sources officielles.

Parmi ces internautes, 49 millions sont des consommateurs réguliers de médias sociaux jusqu’en janvier 2021, soit une augmentation de 7 millions par rapport à 2020, ou 17% par rapport à l'année    précédente, indiquant à quel point l'augmentation du nombre d'utilisateurs de médias sociaux est rapidement supérieure à celle de la population.

Les médias sociaux sont une piste réelle, quoique virtuelle, où l'opinion publique égyptienne se développe. C'est une plate-forme majeure qui permet aux gens d'exprimer des points de vue critiques, des douleurs et des interactions non seulement à l’échelle nationale mais aussi sur les événements régionaux et internationaux qui les affectent directement et indirectement.

Pour la première fois dans l'histoire, les Frères musulmans étaient arrivés au pouvoir lors d'élections libres en 2012 par l'intermédiaire de Mohammed Morsi, le premier président du groupe, qui dominait le Parlement et les organisations syndicales civiles du pays.

Au lieu de mettre en œuvre leur prétendu programme de 100 jours, connu sous le nom de programme présidentiel «Al-Nahda» (Renaissance) des Frères musulmans,  qui devrait s'attaquer aux problèmes quotidiens de carburant, de nourriture, de sécurité et de circulation, le groupe s’est accaparé de toutes les autorités pour renforcer son emprise sur le pouvoir en Égypte, ce qui l'a amené à beaucoup tarder pour former un gouvernement.

Cela n’a fait que discréditer les principes du groupe et alimenter le ressentiment du public à son encontre. Le discours des Frères musulmans et leur stratégie à double face pour répondre aux exigences des citoyens ont entraîné une montée de la fureur publique contre eux. Voici donc les raisons pour lesquelles les Frères musulmans ont perdu leur pouvoir sur les réseaux sociaux :

 

Premièrement : la stabilité de l'Égypte à l’échelle nationale

Les positions des Égyptiens sur les réseaux sociaux sont équilibrées entre soutenir et critiquer leur gouvernement, en particulier en ce qui concerne le coût de la vie via les services de base tels que l'épicerie, le carburant et l'électricité. Toutefois, les Égyptiens n'hésitent pas à louer et à soutenir ce qu'ils considèrent comme des mesures positives pour créer et attirer des investissements.

Selon un sondage de Reuters, l'économie égyptienne devrait augmenter de 5% au cours de l'exercice qui se termine en juin de l'année prochaine, sans changement par rapport aux attentes des analystes dans un sondage similaire il y a six mois et légèrement en dessous de l'objectif du gouvernement de 5,4%. En plus de cela, le produit intérieur brut du pays le plus peuplé du monde arabe a augmenté de 5,5% au cours de l'exercice qui se terminera le 30 juin 2023.

Deuxièmement : La distinction entre l'islam et les islamistes

Quoique les Égyptiens sont énormément connus pour leur nature religieuse et conservatrice qui inclut des réserves quant à toute confrontation en ligne à ce qu'ils considèrent comme sacré ou religieux, ils font principalement la différence entre l'islam et les islamistes ainsi qu'entre la religion et l'extrémisme.

Bien de nombreux groupes islamistes tentent de mettre en œuvre tout appel à renouveler le discours religieux et d’incliner toute critique de l'histoire religieuse en leur faveur, ils n'ont pas pu atteindre leurs objectifs à cause de la réticence des Égyptiens à répéter leur expérience précédente sous le règne de Morsi.

Une telle expérience a menacé la paix civile quotidienne et a déstabilisé l'identité égyptienne bien établie, une identité qui ne trouve aucune différence entre la religion et la race. C'est la même identité qui est opposée à reléguer la patrie «l'Égypte» et à promouvoir le concept d'une nation islamique ou du califat islamique en sa faveur. Cela est clair chaque année en septembre, lorsque les plateformes médiatiques des Frères musulmans appellent à des protestations et à des manifestations mais ne parviennent toujours pas à attirer un public important.

En plus de cela, la riposte et le discours critique contre l'idéologie des groupes islamistes, par les arguments et les notions fondamentales ont été actifs, passionnés et vivants, grâce à la révolution de l'information et aux débouchés numériques. Les Égyptiens sont désormais capables de lire et de prendre conscience de la critique de l'intégrisme et de la distinction entre islam, islamistes et histoire islamique.

Troisièmement : La stagnation et l'hostilité du discours

En classant continuellement l'État égyptien comme takfiri (apostat) et en maintenant un ton discriminatoire à l'égard des minorités chrétiennes et des groupes de la société civile laïque, le récit des Frères musulmans est devenu latent et stagnant dans la communication avec les changements actuels qui se produisent au sein de la société égyptienne en évolution.

L'exemple le plus clair en est celui de Wagdy Ghoneim, un prédicateur des Frères musulmans qui s'est vu interdire l'entrée en Tunisie en 2019 après avoir qualifié l'ancien président tunisien Beji Caid Essebsi d'«apostat» qui s'était battu contre Dieu et l'islam.

Dans la compréhension de nombreux Égyptiens, l'expérience sous le règne des Frères musulmans en 2013 reste la principale raison de la peur des citoyens de leur retour, ou de répondre à nouveau à leur appel à la mobilisation et aux manifestations.

Quatrièmement : L’ampleur de l'expérience : l'Égypte dans une perspective panarabe

La sécurité, l'ordre et la stabilité sont les trois exigences fondamentales des Égyptiens et sont au cœur de leurs discussions sur les plateformes de médias sociaux. Des voix critiques s'expriment à travers le cadre de l'État qui maintient l'ordre et la sécurité, et les Égyptiens prennent sérieusement en considération les modèles voisins d'États défaillants ainsi que la montée des groupes islamistes dans les pays voisins ou d'autres pays de la région.

Le rôle diplomatique de l'Égypte dans la région joue également un rôle important, car les citoyens louent leur gouvernement en raison de son rôle régional actif dans le conflit entre la Palestine et Israël, en Irak et envers la Libye, dans ses liens étroits avec les pays du Golfe et dans leurs efforts stratégiques pour mettre fin à toute occasion pour un retour des extrémistes dans le pays. Cela n'aurait certainement pas été possible grâce à un gouvernement dirigé par les Frères musulmans ou à travers un récit en ligne dominé par le groupe.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Le chef de la diplomatie jordanienne accuse Israël «de tuer les perspectives de la paix» dans la région

Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza. (AFP)
Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza. (AFP)
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  • "La paix est un objectif stratégique pour nous tous. C'est le seul chemin vers la stabilité dans la région", a souligné le ministre jordanien des Affaires étrangères
  • Bien que la Jordanie ne soit pas limitrophe de la bande de Gaza, elle fait partie des pays de la région touchés par le conflit entre Israël et le Hamas, déclenché par l'attaque sans précédent de ce groupe islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023

MOSCOU: Le chef de la diplomatie jordanienne, Ayman Safadi, en visite en Russie, a accusé mercredi Israël de "tuer les perspectives de la paix" dans la région, alors que le gouvernement israélien a donné son feu-vert à la prise de la ville de Gaza.

"Nous voyons le gouvernement israélien non seulement tuer des Palestiniens et tuer les perspectives de la paix dans la région, mais aussi étendre le conflit au Liban et en Syrie", a déclaré M. Safadi lors d'une rencontre avec son homologue russe Sergueï Lavrov à Moscou.

Il a dénoncé une "réalité complètement inhumaine créée à Gaza par l'agression israélienne", en indiquant vouloir évoquer avec M. Lavrov "les efforts visant à mettre fin" aux "massacres et à la famine".

"La paix est un objectif stratégique pour nous tous. C'est le seul chemin vers la stabilité dans la région", a souligné le ministre jordanien des Affaires étrangères.

Bien que la Jordanie ne soit pas limitrophe de la bande de Gaza, elle fait partie des pays de la région touchés par le conflit entre Israël et le Hamas, déclenché par l'attaque sans précédent de ce groupe islamiste palestinien en Israël le 7 octobre 2023.

Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné mercredi le rappel de 60.000 réservistes après avoir donné son feu vert à la prise de la ville de Gaza, en pleine médiation en vue d'une trêve dans le territoire palestinien et la libération d'otages israéliens.

Depuis le début de la guerre, Israël assiège à Gaza plus de deux millions de Palestiniens menacés de famine selon l'ONU, des accusations rejetées par Israël.

L'attaque du 7 octobre 2023 a entraîné la mort côté israélien de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

L'offensive de représailles israélienne a fait au moins 62.064 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.

 


L'armée israélienne resserre son étau sur la ville de Gaza

Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires. (AFP)
Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires. (AFP)
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  • Cette opération est lancée alors qu'Israël n'a pas formellement réagi à la proposition des médiateurs sur une trêve associée à une libération d'otages retenus à Gaza, et acceptée par le mouvement islamiste palestinien Hamas
  • "Nous allons intensifier nos frappes contre le Hamas à Gaza. Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque", a annoncé mercredi le porte-parole de l'armée, le général Effie Defrin

JERUSALEM: L'armée israélienne resserre son étau sur la ville de Gaza, où ses troupes ont lancé de premières opérations et poursuivi leurs bombardements jeudi avec l'objectif de prendre, selon elle, ce dernier grand bastion du Hamas dans le territoire palestinien.

Cinq divisions de l'armée, composées de dizaines de milliers de soldats, doivent participer à cette offensive, selon l'armée, qui va rappeler pour début septembre 60.000 réservistes supplémentaires.

Cette opération est lancée alors qu'Israël n'a pas formellement réagi à la proposition des médiateurs sur une trêve associée à une libération d'otages retenus à Gaza, et acceptée par le mouvement islamiste palestinien Hamas.

"Nous allons intensifier nos frappes contre le Hamas à Gaza. Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque", a annoncé mercredi le porte-parole de l'armée, le général Effie Defrin. "Nos forces sont en périphérie de la ville. Nous allons créer les conditions pour ramener les otages."

Le cabinet de sécurité présidé par le Premier ministre Benjamin Netanyahu a approuvé début août un plan pour s'emparer de Gaza-ville et de camps de réfugiés du centre du territoire, pour prendre le contrôle sécuritaire de toute la bande de Gaza et libérer les otages.

Quarante-neuf otages, dont 27 morts selon l'armée, y sont toujours captifs sur les 251 enlevés lors de l'attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 par le Hamas contre Israël, qui a déclenché la guerre à Gaza.

"Guérilla en difficulté" 

L'armée israélienne assiège les plus de deux millions d'habitants dans la bande de Gaza depuis le début de la guerre et contrôle aujourd'hui environ 75% du territoire palestinien, où elle a lancé une offensive dévastatrice en riposte à l'attaque du Hamas, qui a fait des dizaines de milliers de morts et provoqué un désastre humanitaire.

Depuis plus d'une semaine, plusieurs quartiers de Gaza, la plus grande ville du territoire située dans le nord, sont soumis à d'intenses bombardements aériens et d'artillerie, notamment ceux de Zeitoun et al-Sabra dans l'est.

Les bombardements se poursuivent jeudi, en particulier à Jabalia al-Balad et dans la zone d'al-Nazla (nord-ouest) et à al-Sabra, selon des témoins. De nombreux habitants à Gaza-ville ont fui les raids vers l'ouest et le sud.

"Le Hamas aujourd'hui n'est plus le même Hamas qu'avant. D'une organisation terroriste militaire structurée, il a été réduit à un groupe de guérilla affaibli et en difficulté", selon le général Defrin.

Depuis mi-mai, "de hauts responsables (du Hamas) et environ 2.000 terroristes ont été éliminés, cinq divisions opèrent sur le terrain, deux corridors clés ont été établis, et environ 10.000 cibles ont été frappées", a-t-il dit.

Mercredi, le ministre de la Défense Israël Katz "a approuvé" le plan d'attaque à Gaza-ville, et selon la presse israélienne, M. Netanyahu devait réunir jeudi son gouvernement pour une approbation finale.

Le Premier ministre a ordonné "que le délai pour s'emparer des derniers bastions terroristes et vaincre le Hamas soit raccourci", sans donner de date.

"Mépris flagrant" 

Pour le Hamas, l'opération contre Gaza-ville "témoigne d'un mépris flagrant des efforts déployés par les médiateurs", en vue d'un accord de cessez-le-feu. Le mouvement a accusé M. Netanyahu d'être "le véritable obstacle à tout accord" et de "ne pas se soucier de la vie" des otages.

Lundi, le Hamas a annoncé avoir accepté cette proposition des médiateurs - Egypte, Qatar et Etats-Unis- pour une trêve de 60 jours assortie de la libération des otages en deux étapes.

Une source gouvernementale israélienne a affirmé que le gouvernement n'avait "pas changé" de politique et continuait "d'exiger la libération" de tous les otages "conformément aux principes fixés par le cabinet pour mettre fin à la guerre".

La proposition, basée sur un précédent plan américain, prévoit une trêve de 60 jours, la remise de 10 otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l'entrée de plus d'aide humanitaire à Gaza, selon des sources du Hamas et du Jihad islamique, son allié.

Les captifs restants seraient libérés lors d'une deuxième échange, dans le délai de la trêve, durant laquelle doivent se tenir des négociations en vue d'un cessez-le-feu permanent.

Selon le Bureau de l'ONU des droits de l'Homme dans les territoires palestiniens occupés, les bombardements israéliens sur Gaza-ville "ont entraîné un grand nombre de victimes civiles et des destructions à grande échelle".

"Des centaines de familles ont été contraintes de fuir (...) sans refuge sûr, dans des conditions humanitaires désastreuses, d'autres seraient encore piégées", s'alarme cette agence, pour qui l'opération israélienne "risque de déclencher une crise humanitaire sans précédent".


Israël ordonne le rappel de 60.000 réservistes pour la prise de la ville de Gaza

Des volutes de fumée se dégagent après une frappe israélienne sur un bâtiment à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 20 août 2025. Le 20 août, le ministre israélien de la défense a approuvé un plan de conquête de la ville de Gaza et a autorisé l'appel d'environ 60 000 réservistes, accentuant ainsi la pression sur le Hamas alors que les médiateurs s'efforcent d'obtenir un cessez-le-feu. (AFP)
Des volutes de fumée se dégagent après une frappe israélienne sur un bâtiment à Jabalia, dans le nord de la bande de Gaza, le 20 août 2025. Le 20 août, le ministre israélien de la défense a approuvé un plan de conquête de la ville de Gaza et a autorisé l'appel d'environ 60 000 réservistes, accentuant ainsi la pression sur le Hamas alors que les médiateurs s'efforcent d'obtenir un cessez-le-feu. (AFP)
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  • Le ministre israélien de la Défense a validé une offensive militaire majeure sur la ville de Gaza et rappelé 60 000 réservistes, ciblant les derniers bastions du Hamas malgré une trêve en discussion
  • Le Hamas accuse Israël de saboter les efforts de médiation (Égypte, Qatar, USA), alors même qu’une proposition de trêve de 60 jours et de libération d’otages a été acceptée de son côté

Jérusalem: Le ministre israélien de la Défense, Israël Katz, a ordonné mercredi le rappel de 60.000 réservistes après avoir donné son feu vert à la prise de la ville de Gaza, le Hamas dénonçant un "mépris flagrant" pour les efforts de médiation en cours en vue d'une trêve et la libération d'otages.

Le cabinet de sécurité présidé par le Premier ministre, Benjamin Netanyahu, a approuvé début août un plan pour s'emparer de cette ville et de camps de réfugiés du centre du territoire, considérés comme les derniers bastions du Hamas, prendre le contrôle sécuritaire de toute la bande de Gaza et libérer les otages qui y sont toujours retenus.

Ces derniers - 49 dont 27 morts selon l'armée - ont été enlevés lors d'une attaque sans précédent menée le 7 octobre 2023 par le mouvement islamiste palestinien Hamas contre Israël, qui a déclenché la guerre.

Mercredi, la Défense civile locale a fait état de 21 Palestiniens tués par des frappes et tirs israéliens dans la bande de Gaza affamée, assiégée et ravagée par la guerre.

Compte tenu des restrictions imposées aux médias à Gaza et des difficultés d'accès sur le terrain, l'AFP n'est pas en mesure de vérifier de manière indépendante les bilans et affirmations de la Défense civile ou de l'armée israélienne.

M. Katz "a approuvé le plan d'attaque de l'armée à Gaza-ville", a indiqué son ministère. Il a également "approuvé l'émission des ordres de rappel des réservistes nécessaires", environ 60.000 hommes.

Pour le Hamas, "l'annonce aujourd'hui par l'armée d'occupation terroriste du début [d'une] opération contre la ville de Gaza et ses près d'un million d'habitants et de déplacés [...] témoigne [...] d'un mépris flagrant des efforts déployés par les médiateurs", en vue d'un accord de cessez-le-feu et de libération des otages.

"Alors que le [Hamas] a annoncé son accord sur la dernière proposition présentée par les médiateurs, [Israël] insiste sur la poursuite de sa guerre barbare", a ajouté le mouvement islamiste palestinien dans un communiqué.

Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu "démontre qu'il est le véritable obstacle à tout accord, qu'il ne se soucie pas de la vie [des otages israéliens] et qu'il n'a pas sérieusement l'intention de les récupérer", ajoute le texte.

Lundi, le Hamas a annoncé avoir accepté une nouvelle proposition des médiateurs - Egypte, Qatar et Etats-Unis- pour une trêve de 60 jours assortie de la libération des otages en deux étapes.

Israël n'a pas réagi, mais une source gouvernementale a affirmé que le gouvernement n'avait "pas changé" de politique et continuait "d'exiger la libération" de tous les otages "conformément aux principes fixés par le cabinet pour mettre fin à la guerre".

La proposition, basée sur un précédent plan américain, prévoit une trêve de 60 jours, la remise de 10 otages vivants et des dépouilles de 18 otages décédés en échange de la libération de prisonniers palestiniens, ainsi que l'entrée de plus d'aide humanitaire, selon des sources du Hamas et du Jihad Islamique.

Les captifs restants seraient libérés lors d'un deuxième échange, dans le délai de la trêve, durant laquelle doivent se tenir des négociations en vue d'un cessez-le-feu permanent.

Or, depuis plus d'une semaine, l'armée israélienne, qui s'est emparée en plus de 22 mois de guerre d'environ 75% du territoire palestinien, a intensifié ses frappes et opérations dans la ville de Gaza, dans le nord du territoire.

- Des milliers de déplacés -

Les quartiers périphériques voisins de Zeitoun et Sabra y sont la cible d'intenses bombardements, selon des habitants.

"Nous avons commencé des opérations préliminaires pour l'attaque. Nos forces sont en périphérie de la ville. Nous allons créer les conditions pour ramener les otages", a déclaré mercredi le porte-parole de l'armée israélienne, Effie Defrin, à la télévision.

Selon un communiqué de ses services, M. Netanyahu "a ordonné que le délai pour s'emparer des derniers bastions terroristes et vaincre le Hamas soit raccourci", sans donner de date.

De nombreux habitants ont fui Zeitoun et d'autres quartiers orientaux vers l'ouest de la ville et plus au sud, selon des témoins.

L'armée israélienne "a détruit la plupart des bâtiments à Zeitoun et poussé à la fuite des milliers de personnes", a déclaré au téléphone à l'AFP Anis Dalloul, 64 ans, réfugié dimanche dans un autre secteur. "Nous avons peur que (l'armée) occupe la ville et d'être déplacés à nouveau".

Mostafa Qazaat, chef du comité d'urgence de la municipalité de Gaza, a confirmé la fuite "d'un grand nombre" d'habitants.

Dans le sud du territoire, l'armé israélienne a affirmé mercredi avoir tué dans le secteur de Khan Younès une dizaine de combattants du Hamas en repoussant une attaque de sa branche armée, qui assure avoir tué un nombre indéterminé de soldats israéliens.

Faisant fi des protestations internationales, Israël a aussi approuvé mercredi un projet clé de construction de 3.400 logements en Cisjordanie occupée, qui empêcherait la création d'un éventuel Etat palestinien avec une continuité territoriale.

L'Autorité palestinienne a fustigé une décision qui va selon elle faire de ce territoire une "véritable prison". Londres l'a aussi condamnée, appelant Israël à revenir dessus.

L'attaque du 7-Octobre a entraîné la mort côté israélien de 1.219 personnes, en majorité des civils, selon un décompte de l'AFP réalisé à partir de données officielles.

La riposte israélienne a fait 62.122 morts à Gaza, majoritairement des civils, selon les données du ministère de la Santé du Hamas, jugées fiables par l'ONU.