Dans le nord-est de la Syrie, la sécheresse décime les récoltes de blé

La Syrie a produit 900.000 tonnes de céréales cet été, soit moins de la moitié des deux millions nécessaires au pays, a déclaré mi-septembre le ministre syrien de l'Agriculture (Photo, AFP).
La Syrie a produit 900.000 tonnes de céréales cet été, soit moins de la moitié des deux millions nécessaires au pays, a déclaré mi-septembre le ministre syrien de l'Agriculture (Photo, AFP).
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Publié le Mardi 05 octobre 2021

Dans le nord-est de la Syrie, la sécheresse décime les récoltes de blé

  • Alors que le changement climatique augmente les probabilités de sécheresse et d'incendies dans le monde entier, la province de Hassaké attend la pluie avec impatience
  • Les dernières récoltes, dérisoires, dans cette région contrôlée par les Kurdes ont sonné le glas d'une sécurité alimentaire déjà mal en point dans ce pays déchiré par la guerre

TAL CHA’IR: Après avoir vu l'an dernier sa récolte de blé décimée par un incendie, Abdelbaki Souleiman espérait une meilleure récolte cet été. Mais l'absence de pluie durant le printemps a douché ses espoirs.

"L'an dernier, le champ que j'ai planté a été réduit en cendres", déplore cet agriculteur syrien âgé de 48 ans. Et "cette année, il n'y a pas eu assez de pluie et nous n'avons pas récolté de blé."

Alors que le changement climatique augmente les probabilités de sécheresse et d'incendies dans le monde entier, la province de Hassaké -- située dans le nord-est de la Syrie, dont elle est le grenier à blé -- attend la pluie avec impatience. 

Les dernières récoltes, dérisoires, dans cette région contrôlée par les Kurdes ont sonné le glas d'une sécurité alimentaire déjà mal en point dans ce pays déchiré par la guerre où 60% de la population peine à se nourrir.

La Syrie a produit 900.000 tonnes de céréales cet été, soit moins de la moitié des deux millions nécessaires au pays, a déclaré mi-septembre le ministre syrien de l'Agriculture. 

Si les importations de blé ont permis de combler le déficit au cours des dernières années, l'écart s'est creusé cette année, compromettant ce mécanisme palliatif. 

A Hassaké, la production agricole a chuté de plus de 95% sur un an dans plusieurs zones agricoles de la province, selon les estimations de plusieurs ONG lors d'un rapport commun publié en septembre. 

Outre l'absence de précipitations, le prix élevé des carburants, semences et engrais, transforme cette année l'agriculture en mission impossible, déplore Abdelbaki Souleiman. 

"Si ça continue comme ça, nous allons devoir arrêter de cultiver du blé", dit-il depuis son village de Tal Cha'ir, près de la ville de Qamichli, dans la région d'Hassaké.

"Les agriculteurs devront se tourner vers des cultures comme la coriandre, moins coûteuses et vendues plus cher" sur le marché, ajoute-t-il.

«Catastrophique»

A Kardim Halima, un petit village de la même région, Hajji Mohamad qualifie la situation actuelle de "catastrophique".

"S'il ne pleut pas cette année, la plupart des gens migreront", affirme cet agriculteur de 71 ans, qui laboure la terre depuis plus de quatre décennies.

Après plusieurs années de pertes en raison de la sécheresse, la famille n'a plus les moyens d'accueillir une nouvelle saison agricole, dit-il. "Nous essayons de vendre les meubles ou l'or de nos femmes pour acheter des graines."

Coprésident de l'autorité économique et agricole locale, Salmane Barodo s'inquiète que la récolte soit cette année bien en deçà de la demande.

"Le nord-est de la Syrie (...) a besoin de 550.000 à 600.000 tonnes de blé (par an) pour assurer suffisamment de farine, de semences pour les agriculteurs et un stock de réserve", explique-t-il à l'AFP. 

"Les années précédentes, nous récoltions plus de 600.000 tonnes de blé. Mais cette année, la récolte n'a représenté qu'entre 184.000 et 185.000" tonnes, souligne-t-il. 

Le nord-est syrien est déjà confronté à une baisse du niveau de l'Euphrate, principal fleuve du pays, ce qui a provoqué une catastrophe humanitaire, assurent des ONG.

La crise hydrique a compromis la production électrique, l'approvisionnement en eau potable et l'irrigation des terres agricoles dans la région.

Récolte «très faible»

Dans le village de Salhabiyya, dans la province voisine de Raqqa, Ahmad al-Houmeidi craint lui aussi de faibles récoltes, que ce soit cette année ou la suivante.

"Nous pensions puiser de l'eau dans l'Euphrate (...) mais nous n'avons pas pu le faire en raison du coût élevé" des équipements et du carburant, raconte cet agriculteur de 42 ans.  

Selon Mike Robson, représentant en Syrie de l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture des Nations unies (FAO), les précipitations inhabituellement faibles ont aggravé la situation d'agriculteurs faisant déjà face aux lourdes conséquences d'années de guerre et de crise économique.

"Nous n'avons pas encore les chiffres complets et définitifs concernant la récolte de cette année, mais nous nous attendons à ce qu'elle soit très faible", dit-il.

La récolte sera peut-être divisée par deux par rapport à celle de 2020, prévient-il, ce qui risque d'augmenter les prix et d'aggraver la crise alimentaire.

En février, selon les chiffres du Programme alimentaire mondial des Nations unies, 12,4 millions de personnes en Syrie --sur une population estimée à 20 millions-- souffraient déjà de l'insécurité alimentaire. 

"Nous nous attendons à une nouvelle hausse", signale M. Robson.


Le président syrien à la Maison Blanche le 10 novembre

Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
Le président syrien Ahmad al-Chareh rencontrera le président Trump à la Maison Blanche lundi. (Reuters/Archives)
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  • Le président syrien Ahmad al-Chareh sera reçu lundi à la Maison-Blanche par Donald Trump, une première historique qui s’inscrit dans les efforts américains pour la paix mondiale
  • Les discussions porteront sur la levée des sanctions, la lutte contre l’État islamique et la reconstruction de la Syrie, après plus de 14 ans de guerre

WASHINGTON: La porte-parole de la Maison Blanche Karoline Leavitt a indiqué mardi que le président syrien Ahmad al-Chareh serait reçu lundi à la Maison Blanche par Donald Trump.

Il sera le premier chef d'Etat syrien à faire cette visite, qui "fait partie des efforts" du président américain "pour la paix dans le monde", a déclaré la porte-parole pendant une conférence de presse.

Elle a rappelé que Donald Trump, pendant un voyage dans le Golfe en mai, avait annoncé la levée des sanctions américaines contre la Syrie, un sujet qui figurera très haut sur l'ordre du jour de la réunion lundi.

Karoline Leavitt a par ailleurs jugé que la Syrie avait fait "des progrès" sur la voie de la paix avec ce nouveau dirigeant.

Ce sera la deuxième visite aux Etats-Unis d'Ahmad al-Chareh après son passage en septembre à l'ONU à New York, où cet ancien jihadiste est devenu le premier président syrien depuis 1967 à s'adresser à l'Assemblée générale.

Selon le ministre syrien des Affaires étrangères Assaad al-Chaibani, la discussion avec Donald Trump portera aussi sur la lutte contre le groupe Etat islamique et sur la reconstruction en Syrie, après plus de 14 ans de guerre.

Le président américain avait dressé en mai un portrait élogieux d'Ahmad al-Chareh, parlant d'un "gars costaud" et assurant que leur première rencontre, qui a eu lieu en Arabie saoudite, s'était "très bien passée".

Il l'avait pressé à l'époque de rejoindre les accords d'Abraham, une initiative diplomatique dont Donald Trump est particulièrement fier, et qui avait vu plusieurs pays arabes reconnaître Israël en 2020.


Soudan: le ministre de la Défense affirme que la guerre va continuer

Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
Des Soudanais déplacés blessés qui ont fui les violences à El-Fasher sont soignés dans une clinique de fortune gérée par Médecins Sans Frontières (MSF), alors que les affrontements entre la RSF et l'armée soudanaise se poursuivent à Tawila, dans le nord du Darfour. (Reurters)
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  • Le ministre soudanais de la Défense, Hassan Kabroun, a annoncé la poursuite de la guerre contre les paramilitaires des FSR, malgré une proposition américaine de cessez-le-feu
  • Depuis la chute d’El-Facher, des exactions massives sont rapportées, tandis que l’aide humanitaire reste bloquée

PORT-SOUDAN: Le ministre soudanais de la Défense a affirmé mardi que la guerre contre les paramilitaires allait continuer, après une réunion gouvernementale qui a discuté d'une proposition américaine de cessez-le-feu.

"Les préparatifs pour la bataille du peuple soudanais sont en cours", a déclaré le ministre, Hassan Kabroun, dans un discours télévisé.

"Nous remercions l'administration Trump pour ses efforts et ses propositions afin de parvenir à la paix", a-t-il dit, tous en affirmant que la guerre était "un droit national légitime".

Aucun détail sur la proposition américaine n'a été rendu public.

Le gouvernement américain "est tout à fait impliqué" pour tenter de trouver une issue "pacifique" au conflit qui ravage le Soudan, a assuré mardi la porte-parole de la Maison Blanche, Karoline Leavitt, tout en reconnaissant que "la situation sur le terrain est très compliquée".

Le Soudan est déchiré depuis avril 2023 par une guerre opposant l'armée du général Abdel Fattah Al-Burhane à son ancien allié Mohamed Hamdane Daglo, chef des Forces de soutien rapide (FSR) qui ont pris le 26 octobre El-Facher, dernière ville de la vaste région du Darfour, dans l'ouest, qui échappait à leur contrôle.

Les combats se concentrent désormais sur la région voisine du Kordofan, dans le centre du Soudan, où l'ONU a fait état d'exactions et de déplacements massifs de population ces derniers jours.

- "Incontrôlable" -

Mardi, le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, a exhorté les belligérants à "venir à la table des négociations" et "mettre fin à ce cauchemar de violence, dès maintenant".

"La crise terrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il prévenu, alors que le Conseil de défense et de sécurité présidé par le général Burhane s'est réuni dans la journée pour étudier une proposition américaine de trêve.

L'émissaire américain pour l'Afrique, Massad Boulos, a mené ces derniers jours des entretiens au Caire dans le but de finaliser une proposition de trêve humanitaire formulée mi-septembre sous son égide par un groupe de médiateurs incluant l'Egypte, l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis.

Le groupe de médiation, dit du Quad, travaille sur un plan global de paix pour le Soudan, mais ses dernières propositions, présentées mi-septembre à Washington, sont restées lettre morte. Jusqu'à présent, le général Burhane a accueilli négativement ce plan prévoyant à la fois son exclusion et celle des FSR de la transition politique post-conflit.

- "Ne tuez pas les enfants" -

Depuis la chute d'El-Facher, après 18 mois de siège par les paramilitaires, les informations et les témoignages se multiplient sur les exécutions, les pillages, les viols, les attaques contre des humanitaires, documentés par des images satellite et par des vidéos publiées par les combattants eux-mêmes.

Le général Burhane a affirmé sa volonté de "se venger" de la prise de cette grande ville, tandis que le chef des FSR s'est dit déterminé à poursuivre les conquêtes sur le terrain.

Mardi, la représentante de l'ONU en charge des questions humanitaires, Denise Brown, a déploré que la ville d'El-Facher reste "barricadée" et fermée à l'aide humanitaire.

"La livraison d'aide de survie cruciale reste bloquée par les FSR contrairement à leurs obligations à l'égard des lois internationales", a-t-elle déclaré.

Près de 71.000 civils ont fui la ville depuis sa prise par les FSR, certains ayant trouvé refuge à Tawila, à environ 70 km à l'ouest.

"Ne tuez pas les enfants, ne tuez pas les femmes", pouvait-on lire en arabe sur une pancarte écrite à la main lors d'une manifestation lundi d'enfants à Khartoum, la capitale du pays sous contrôle de l'armée.

Le conflit, qui a fait des dizaines de milliers de morts et près de 12 millions de déplacés, selon l'ONU, se joue sur fond de rivalités régionales.

Les FSR ont reçu armes et drones des Emirats arabes unis, d'après des rapports de l'ONU, tandis que l'armée bénéficie de l'appui de l'Egypte, de l'Arabie saoudite, de l'Iran et de la Turquie, selon des observateurs. Tous nient leur implication.


Le chef de l'ONU appelle à mettre fin au «cauchemar de la violence» au Soudan

Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
Des abris érigés par des Soudanais déplacés qui ont fui El-Fasher après la chute de la ville aux mains des Forces de soutien rapide (RSF) composent le camp d'Um Yanqur, situé à la limite sud-ouest de Tawila, dans la région du Darfour occidental, déchirée par la guerre, au Soudan, le 3 novembre 2025. (AFP)
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  • Antonio Guterres appelle à des négociations immédiates pour mettre fin au conflit au Soudan, avertissant que la crise humanitaire et sécuritaire devient « incontrôlable » après deux ans de guerre entre l’armée et les Forces de soutien rapide (FSR)
  • La situation à El-Facher, au Darfour, illustre la gravité du drame, avec des civils pris au piège, des milliers de morts, des violations massives des droits humains et près de 12 millions de déplacés selon l’ONU

DOHA: Le patron de l'ONU, Antonio Guterres, a appelé mardi à des "négociations" pour un arrêt immédiat du conflit au Soudan, mettant en garde contre une crise "en train de devenir incontrôlable".

Le secrétaire général des Nations unies a exhorté les parties au conflit à "venir à la table des négociations, (et) mettre fin à ce cauchemar de violence, maintenant".

"La crise horrifiante au Soudan (...) est en train de devenir incontrôlable", a-t-il dit lors d'une conférence de presse en marge du deuxième sommet mondial pour le développement social à Doha.

Le conflit entre l'armée et les paramilitaires dure depuis deux ans et a fait des dizaines de milliers de morts, déplacé près de 12 millions de personnes et provoqué la pire crise humanitaire au monde, selon l'ONU.

Le 26 octobre, après 18 mois de siège, les paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR) ont pris la ville d'El-Facher, dernier verrou stratégique de l'armée au Darfour (ouest du Soudan).

Depuis, les informations et témoignages se multiplient sur les cas d'exécutions, viols, attaques contre des humanitaires et pillages qui y sont commis, documentés par des images satellites et par des vidéos d'exactions publiées par les combattants eux-même.

"El-Facher et les zones environnantes du Nord-Darfour ont été un épicentre de souffrance, de faim, de violence et de déplacements" a souligné M.Guterres, ajoutant que depuis l'entrée des FSR dans la ville, "la situation s'aggrave de jour en jour".

"Des centaines de milliers de civils sont pris au piège par ce siège. Les gens meurent de malnutrition, de maladie et de violence. Et nous continuons à entendre des rapports sur des violations du droit international humanitaire et des droits de l'homme", a affirmé M.Guterres.