Les relations entre la France et ses anciennes colonies du Maghreb sont au plus bas

Le président français Emmanuel Macron, le 20 septembre 2021 à l'Elysée. (Photo, Pool/AFP)
Le président français Emmanuel Macron, le 20 septembre 2021 à l'Elysée. (Photo, Pool/AFP)
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Publié le Jeudi 14 octobre 2021

Les relations entre la France et ses anciennes colonies du Maghreb sont au plus bas

Les relations entre la France et ses anciennes colonies du Maghreb sont au plus bas
  • Le porte-parole du gouvernement français a tenu des propos effrayants, déclarant que des visas étaient refusés aux Algériens, Marocains et Tunisiens car trop peu de leurs compatriotes étaient expulsés de l’Hexagone
  • Macron semble chaque jour se rapprocher un peu plus de la droite, quelques mois avant les élections d'avril 2022, pour séduire l’électorat de Marine Le Pen

Ramener de nombreuses politiques d'immigration réactionnaires à leur niveau le plus élémentaire peut être résumé par ces mots: «Renvoyez-les chez eux». Ces paroles sont scandées lors de rassemblements populistes à travers le monde. Des foules déchaînées demandent que ceux qui ne se conforment pas à leurs normes de citoyenneté xénophobes soient expulsés.

Ces derniers temps, le changement est certainement populaire en France, où le sentiment nationaliste est plus fort que jamais. Qu'ils soient partisans de mouvements d'extrême droite comme le Rassemblement national (RN) ou simplement racistes sans affiliation politique, les fauteurs de trouble appellent continuellement ceux qui peuvent associer leur héritage à des rivages étrangers à y retourner.

Début octobre, le porte-parole du gouvernement, Gabriel Attal, a tenu des propos particulièrement effrayants, déclarant que des visas étaient refusés aux Algériens, Marocains et Tunisiens parce que trop peu de leurs compatriotes étaient expulsés de l’Hexagone. Celui qui était autrefois considéré comme un centriste modéré a ainsi signifié que trop de personnes se trouvaient déjà illégalement en France, de sorte que même celles ayant des raisons légitimes de voyager devraient se voir refuser l'entrée dans le pays.

«C'est une décision drastique, inédite, mais nécessaire, car ces pays n'acceptent pas de faire revenir chez eux des ressortissants que nous ne voulons pas et ne pouvons pas garder en France», a déclaré Attal, l’un des plus proches collaborateurs du président Emmanuel Macron.

Une telle déclaration serait en toutes circonstances très préoccupante, mais le fait qu'elle s'applique aux anciennes colonies françaises d'Afrique du Nord est encore plus alarmant. Le Maghreb est une région du monde associée non seulement à l'islam et au monde arabe, mais également à des années d'exploitation impitoyable par l'Occident.

Les Algériens, en particulier, ont subi des dommages incalculables commis par les impérialistes français, qui ont utilisé des armes notamment le napalm et les gaz toxiques – pour exterminer de vastes pans de la population. De nombreuses autres personnes ont été torturées ou lésées, leurs terres ayant été volées pour être transformées en domaines rentables pour les colons européens, qui étaient aussi réputés pour leur brutalité que pour leur cupidité.

Dans de telles circonstances, il n'est pas surprenant que l'Algérie, qui a finalement obtenu son indépendance à la suite d'une guerre violente de huit ans qui s'est achevée en 1962, ait réagi avec colère à la dernière provocation de son ancienne puissance colonisatrice.

Dans des propos tenus en privé, Macron a également dénigré le «système politico-militaire» actuel en Algérie. Il a affirmé que l'histoire mouvementée du pays avait été «totalement réécrite» et fondée «sur un discours de haine envers la France». Il a même insinué que l'Algérie n'était pas un véritable État-nation avant l'arrivée des Français.

Macron a fait preuve d’une attitude postcoloniale classique, rappelant la nostalgie de l'ancien temps, lorsque les administrateurs gaulois étaient en charge, et non des responsables issus de la population locale.

L’Algérie, à son tour, a rappelé son ambassadeur à Paris, tandis qu'un porte-parole du gouvernement à Alger a évoqué les «innombrables crimes coloniaux en Algérie qui correspondent à un génocide et des crimes contre l'humanité».

Le porte-parole a déclaré que les commentaires de Macron constituaient une «ingérence inadmissible» dans les affaires algériennes et constituaient un «affront intolérable» pour ceux qui sont morts en combattant le colonialisme. L'Algérie a également interdit aux avions militaires français son espace aérien, que la France utilise pour atteindre la région du Sahel en Afrique, où elle combat des milices extrémistes.

La France n’établit pas de statistiques basées sur l'origine ethnique, mais il existe une importante diaspora algérienne, marocaine et tunisienne dans le pays, et ses membres se plaignent toujours de préjugés et de discrimination dans tous les aspects de leur vie. Réduire le nombre de visas accordés aux membres de leurs familles, leurs amis et leurs contacts commerciaux du Maghreb entraînera d’innombrables difficultés.

Les fanatiques utilisent les réductions de visas pour répandre l’idée d’une culpabilité collective des communautés maghrébines respectueuses des lois, en affirmant qu'elles ont trop de liens avec des criminels radicalisés et d'autres inadaptés pour être vraiment françaises.

Macron semble chaque jour se rapprocher un peu plus de la droite, quelques mois avant les élections d'avril 2022. Alors qu’il espère être à nouveau élu pour cinq ans, les ordres d'expulsion tombent à point nommé dans certaines régions.

Il ne fait aucun doute qu'il cherche à séduire les partisans du RN qui votent pour sa candidate à la présidentielle, Marine Le Pen, déjà présente au second tour en 2017. Cela explique clairement les réductions de visas par Macron et ses affirmations venimeuses sur l'Algérie.

Macron a essayé de calmer le jeu, affirmant que «l'apaisement» est important et que «la vie consiste à parler des désaccords et à échanger les avis». Peu de personnes diraient le contraire, mais, malgré d’autres promesses, il ne s'est toujours pas excusé pour bon nombre des crimes coloniaux commis par la France au Maghreb. Une telle négligence creuse sans aucun doute le fossé.

Peter Allen est un journaliste britannique basé à Paris. Twitter: @peterallenparis

 

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com