Les résultats ont été annoncés et le perdant est… l’Iran

Des Irakiens passent devant une affiche du religieux chiite Moqtada al-Sadr à Bagdad. (Photo, AFP)
Des Irakiens passent devant une affiche du religieux chiite Moqtada al-Sadr à Bagdad. (Photo, AFP)
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Publié le Mardi 19 octobre 2021

Les résultats ont été annoncés et le perdant est… l’Iran

Les résultats ont été annoncés et le perdant est… l’Iran
  • Le mouvement sadriste, dirigé par le religieux chiite populiste, Moqtada al-Sadr, est arrivé en tête du scrutin avec 73 des 329 sièges du Parlement
  • Que ce soit par leurs votes ou par leur refus de voter, la majorité des Irakiens ont rejeté l’influence iranienne dans leur pays

Après une semaine de suspense, de menaces, de querelles et d’accusations entre les partis politiques en lice pour les élections législatives anticipées du 10 octobre en Irak, la commission électorale du pays a mis fin aux spéculations sur les réseaux sociaux en proclamant les résultats définitifs.

Le mouvement sadriste, dirigé par le religieux chiite populiste, Moqtada al-Sadr, est arrivé en tête du scrutin avec 73 des 329 sièges du Parlement. Le Parti du progrès, dirigé par le président du Parlement, Mohammed al-Halbousi, arrive en deuxième position avec 37 sièges, suivi de la coalition de l’État de droit de l’ancien Premier ministre, Nouri al-Maliki, avec 35 sièges.

À première vue, ce résultat est honorable pour M. Al-Maliki, qui a gagné 10 sièges par rapport aux dernières élections de 2014. Il aurait même pu espérer un retour au pouvoir avec le soutien de l’Alliance Fatah, liée à l’Iran et habituellement puissante. Cependant, il y a deux problèmes à cela. Premièrement, la coalition de Nouri al-Maliki est encore loin des 92 sièges obtenus lors des élections législatives de 2014. Deuxièmement, l’Alliance Fatah, dont les candidats sont principalement issus des factions armées Hachd al-Chaabi soutenues par l’Iran, a obtenu des résultats catastrophiques lors du scrutin de la semaine dernière. Rejetée en bloc par les électeurs irakiens, elle a vu son nombre de sièges parlementaires chuter de 48 à 14.

 

Que ce soit par leurs votes ou par leur refus de voter, la majorité des Irakiens ont rejeté l’influence iranienne dans leur pays, ce qui fait de Téhéran le plus grand perdant des élections irakiennes de 2021.

Dalia al-Aqidi

 

Comme on pouvait s’y attendre, les forces politiques alliées de Téhéran ont rejeté les résultats des élections, qu’elles ont qualifiés de douteux. «Nous déclarons notre rejet total de ces résultats (...) qui affecteront négativement la voie démocratique et l’harmonie sociale dans le pays», peut-on lire dans leur communiqué.

Telles sont les vraies couleurs des partis politiques soutenus par l’Iran qui disposent de factions armées sur le terrain et pour qui la «démocratie» n’est rien de plus qu’un slogan électoral déployé en supposant que le résultat sera en leur faveur. Le message clair qu’ils adressent à M. Al-Sadr est que si la démocratie ne sert pas leurs objectifs, leurs armes financées par l’Iran le feront, et qu’aucun gouvernement ne sera formé sans leur participation. En privé, ils continueront à exercer une pression maximale sur Moqtada al-Sadr pour l’empêcher de mettre en place le gouvernement de son choix, et de former à la place une alliance similaire à celle dirigée par Adel Abdel-Mehdi de 2018 à 2020.

Que ce soit par leurs votes ou par leur refus de voter, la majorité des Irakiens ont rejeté l’influence iranienne dans leur pays, ce qui fait de Téhéran le plus grand perdant des élections irakiennes de 2021, mais cela n’augmente pas l’influence des États-Unis. Moqtada al-Sadr s’oppose à toute ingérence étrangère en Irak, qu’elle vienne de Téhéran ou de Washington, et il souhaite que les États-Unis entament un dialogue sérieux sur leur présence militaire sur le sol irakien. «Nous ne sommes ni orientaux ni occidentaux. Nous, Irakiens, voulons vivre en paix, et quiconque s’y oppose devra faire face à une réaction appropriée», a-t-il déclaré après les élections.

Avec M. Al-Sadr au pouvoir, un homme connu pour ses caprices, ses choix et ses alliés changeants, le résultat des élections retarde la construction d’un État institutionnel en Irak qui respecte les accords internationaux et les droits de l’homme. L’avenir du pays n’est pas plus radieux qu’il ne l’était avant le 10 octobre. Il est sur le point de faire face à une vague de représailles iranienne menée par des milices brutales, tandis que la communauté internationale reste incapable de protéger un peuple sans défense qui a perdu la foi en la démocratie. L’Histoire se répétera une fois de plus.

* Dalia al-Aqidi est chercheure principale au Center for Security Policy.

 

Twitter : @DaliaAlAqidi

 

NDLR : Les opinions exprimées dans cette rubrique sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com