L'Irak revient à petits pas dans le giron arabe

Les dirigeants de la région participent à la Conférence pour la coopération et le partenariat à Bagdad. (Photo AP)
Les dirigeants de la région participent à la Conférence pour la coopération et le partenariat à Bagdad. (Photo AP)
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Publié le Mercredi 01 septembre 2021

L'Irak revient à petits pas dans le giron arabe

L'Irak revient à petits pas dans le giron arabe
  • Après s'être engagé à outrance dans les affaires régionales sous le régime de Saddam Hussein, l’Irak s'est quasiment effacé du paysage depuis 2003
  • L'invasion américaine, en 2003, à la fois ratée et contestable sur le plan légal, a considérablement influencé la politique de la région

Pays fondateur de la Ligue arabe et bastion du nationalisme arabe, l'Irak a joué à travers l'histoire un rôle prépondérant sur la scène politique régionale. Toutefois, après s'être engagé à outrance dans les affaires régionales sous le régime de Saddam Hussein, ce pays s'est quasiment effacé du paysage depuis 2003.

Aussi le gouvernement, dirigé par le Premier ministre, Moustafa al-Kazimi, a-t-il voulu inverser cette tendance dans une période pendant laquelle la conjoncture politique interne se stabilisait et que l’Irak était en train de devenir un acteur régional et international de plus en plus dynamique. Le sommet qui s’est tenu samedi dernier à Bagdad a marqué une avancée majeure dans cette direction. À cette occasion, l’Irak a tenté de rassembler ses rivaux régionaux en tablant sur sa position délicate, qui le place entre ces deux pôles.

La Conférence de Bagdad pour la coopération et le partenariat a rassemblé des dirigeants d'Iran et du Golfe, chose qu’on ne l'avait pas vue depuis la visite de l'ancien président Akbar Hachemi Rafsandjani à Djeddah, en 1998. En favorisant le dialogue entre les deux blocs sunnite et chiite, l'Irak espère générer un apaisement des tensions qui, dans cette région, ne se limitent plus à un clivage sectaire.

Toutefois, l'Irak nouvellement reconstitué n'est pas en mesure de décrocher un accord entre ces parties étant donné les rivalités régionales, exacerbées par l'effondrement du Liban, la crise de l'eau dans la région, le conflit au Yémen et une révolution syrienne qui bat des ailes.

L'invasion américaine, en 2003, à la fois ratée et contestable sur le plan légal, qui fut suivie par l'occupation de l'Irak, a considérablement influencé la politique de la région. Elle a engendré un vide au niveau du commandement et a focalisé l’attention sur de nouveaux centres de pouvoir au détriment de Bagdad, du Caire et de Damas. Par ailleurs, c'est l'implosion de l'État irakien qui a enhardi les pays non arabes de la région et qui a invité la Russie à s'implanter dans une région jusque-là réservée aux Américains.

Ces événements successifs ont permis à l'Iran d’étendre sa puissance, qui, bien qu’elle ait d’abord été annoncée comme une «lutte contre le terrorisme», a insufflé un élan au terrorisme transnational et lui a conféré une dimension stratégique, ce qui a renforcé l'isolement de l'Irak dans la plus grande partie du monde arabe. Par conséquent, la percée diplomatique de l'Irak cette semaine marque une étape importante pour un pays qui a pâti d'instabilité pendant deux décennies ainsi que pour une région qui a été douloureusement privée de pôles de pouvoir traditionnels.

Compte tenu de la déstabilisation qui a frappé cette partie du monde en raison de la guerre d'Irak, il faut espérer que la nouvelle stabilisation observée à Bagdad se fera sentir de la même manière dans la région. Après le retrait américain d'Afghanistan, les préoccupations politiques relatives au rôle des États-Unis au Moyen-Orient occupent désormais le devant de la scène. Le calendrier de la conférence de Bagdad lui confère donc un caractère d'urgence et de pertinence indéniable. Les événements survenus ces derniers temps témoignent en effet de la précarité du filet de sécurité américain.

 

La dernière grande réunion régionale que l'Irak a accueillie était le sommet arabe extraordinaire de 1990

Zaid M. Belbagi

L'Irak entretient des relations particulièrement difficiles avec les États-Unis. Il pourrait, de fait, guider les acteurs régionaux vers un avenir post-américain grâce à l'expérience qu'il a acquise au cours des vingt dernières années, qui lui rappelle avec force le prix à payer pour les interventions étrangères et les guerres sectaires par procuration.

La dernière grande réunion régionale que l'Irak a accueillie était le sommet arabe extraordinaire de 1990. À l'époque, l'opération «Tempête du désert» se profilait à l'horizon et cette rencontre avait pour objectif de désamorcer les tensions. La conférence de cette semaine intervient à un moment tout aussi sensible puisque les puissances de la région sont au bord du gouffre – l'Irak a donc profité de ce moment opportun pour revenir sur le devant de la scène politique.

Historiquement, l'influence de l'Irak reposait sur la cohésion de son État, la taille de son armée et ses richesses. Cependant, l'absence de ces facteurs aujourd'hui est de nature à réduire la capacité de l'Irak à exercer une influence. Quoi qu'il en soit, il convient de saluer le retour de ce pays au cœur d'une région qui a subi les conséquences des ingérences étrangères et des politiques de court terme menées par de nouvelles puissances avides d’y laisser leur empreinte.

 

Zaid M. Belbagi est un commentateur politique et un conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe (CCG). Twitter: @Moulay_Zaid

 

NDRL : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur arabnews.com