Le Royaume-Uni a récemment rompu avec des décennies de politique étrangère en annonçant son intention de reconnaître le statut d'État palestinien à moins qu'Israël ne prenne des mesures immédiates pour résoudre la crise à Gaza. Cette annonce, qui vient s'ajouter à celles de la France et du Canada, marque une évolution croissante du soutien international à la Palestine à l'approche de l'Assemblée générale des Nations unies en septembre.
L'annonce du Royaume-Uni, tout en suivant l'exemple de la France et du Canada, diffère notablement par sa nature conditionnelle. Le gouvernement Starmer a clairement indiqué qu'il ne procéderait à la reconnaissance de la Palestine en tant qu'État que si Israël acceptait une série d'actions significatives. Il s'agit notamment d'un cessez-le-feu à Gaza, d'un engagement à ne pas annexer la Cisjordanie et d'une promesse d'œuvrer en faveur d'un processus de paix crédible et à long terme visant à parvenir à une solution à deux États. Cette initiative a été saluée par de nombreux membres de la communauté internationale, mais elle a également fait l'objet de critiques importantes, notamment en raison du rôle historique joué par le Royaume-Uni dans l'élaboration des conditions mêmes qui ont conduit au conflit.
Avant la domination britannique, la région aujourd'hui connue sous le nom de Palestine faisait partie de l'Empire ottoman, plus précisément du Mutasarrifat de Jérusalem, réorganisé en 1872. Cette région faisait partie de la grande province ottomane de Syrie, mais bénéficiait d'un statut administratif particulier. Ce n'est qu'avec l'établissement du mandat britannique pour la Palestine en 1920 que le terme "Palestine" a commencé à prendre sa signification politique moderne. Sous l'administration britannique, la terre était connue sous le nom de Palestine mandataire, la Grande-Bretagne essayant d'équilibrer son double engagement envers le mouvement sioniste et la population arabe locale. La déclaration Balfour de 1917, publiée par le ministre britannique des affaires étrangères de l'époque, exprimait son "soutien à l'établissement d'un foyer national juif en Palestine", laissant une trace historique de la reconnaissance diplomatique britannique d'un territoire nommé Palestine.
Malgré sa présence de longue date dans la région, la Grande-Bretagne n'a jamais officiellement reconnu la Palestine comme un État - jusqu'à présent. Ce changement est important, mais il s'accompagne d'un héritage complexe. Pendant la Première Guerre mondiale, la Grande-Bretagne a entamé des négociations avec Sharif Hussein, le chef de la révolte arabe contre l'Empire ottoman. En échange du soutien arabe, la Grande-Bretagne a promis l'indépendance arabe, un engagement connu plus tard sous le nom de "correspondance McMahon-Hussein".
Bien que l'interprétation spécifique du statut de la Palestine dans cet accord ait fait l'objet de controverses, il s'agit d'un autre document de l'époque coloniale dans lequel les Britanniques utilisent officiellement le terme "Palestine". Alors que les Arabes y voyaient une promesse d'indépendance de la Palestine, la Grande-Bretagne a affirmé plus tard que la Palestine était exclue de cette promesse en raison de son importance stratégique et d'autres engagements contradictoires, tels que la déclaration Balfour. Ces notes de bas de page historiques britanniques concernant la création d'un État palestinien ont façonné la cause palestinienne tout comme elles ont défini la reconnaissance même du territoire.
Pendant le mandat britannique pour la Palestine, la Grande-Bretagne a assumé le contrôle administratif dans le but d'aider la région à évoluer vers l'autonomie. L'une des mesures notables prises par les Britanniques a été la mise en place du système de passeports palestiniens, qui reconnaissait officiellement les Palestiniens en tant que résidents du mandat, mais pas en tant que nation souveraine. Ces passeports, délivrés en vertu du règlement sur les passeports et l'immigration, accordent aux Palestiniens certains droits de voyage et de résidence, mais ne reconnaissent pas la Palestine en tant qu'État-nation distinct. Au cours de la seule première décennie du mandat, environ 70 000 de ces documents ont été délivrés. Dans le contexte de la lutte centenaire de la Palestine, la délivrance de ces documents confirme une fois de plus l'utilisation britannique du terme Palestine.
Si l'annonce de la reconnaissance de la Palestine par le Royaume-Uni est une étape diplomatique importante, elle doit être comprise dans le contexte de l'implication historique de la Grande-Bretagne dans le façonnement du paysage politique de la région. En outre, cette reconnaissance a des implications géopolitiques et diplomatiques importantes. Le Royaume-Uni et le Canada ont tous deux lié leur reconnaissance de la Palestine à des actions spécifiques de la part d'Israël ou de l'Autorité palestinienne, telles que l'arrêt de l'expansion des colonies israéliennes et l'acceptation d'un cessez-le-feu à Gaza. Ce faisant, ils répondent au besoin urgent de changement dans la région, tout en insistant sur des conditions qui reflètent leur vision d'une solution durable à deux États.
La reconnaissance du Royaume-Uni, en particulier, a un poids diplomatique considérable en tant que membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies. Si le Royaume-Uni va jusqu'au bout, il se joindra à la France, au Canada et à plusieurs autres pays pour reconnaître officiellement le statut d'État palestinien lors de la réunion mondiale de septembre à New York. Pour l'Autorité palestinienne, cette reconnaissance est particulièrement importante car elle légitime les aspirations de l'organisation à un État souverain et renforce sa position sur la scène internationale.
La reconnaissance du Royaume-Uni a un poids diplomatique considérable.
Zaid M. Belbagi
Outre cette évolution diplomatique, le Royaume-Uni a engagé des ressources importantes pour atténuer la crise humanitaire à Gaza. Rien qu'en juillet 2025, le gouvernement britannique a promis une aide humanitaire de 60 millions de livres sterling (80 millions de dollars), axée sur les soins de santé, la nourriture, l'eau, les abris et les services d'urgence. Cette aide comprend le financement des hôpitaux de campagne UK-Med, qui ont soigné plus de 500 000 personnes pendant le conflit. Le Royaume-Uni a associé sa récente ouverture diplomatique à un programme continu d'aide humanitaire.
Toutefois, cette annonce diplomatique soulève des questions quant à l'avenir des relations entre le Royaume-Uni et Israël. Le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu a réagi vivement à cette annonce, accusant le Royaume-Uni de récompenser le "terrorisme monstrueux du Hamas", ce qui laisse présager des tensions potentielles dans les relations bilatérales de longue date entre les deux nations, historiquement liées par des accords économiques, politiques et diplomatiques. À la fin du premier trimestre 2025, le total des échanges commerciaux entre le Royaume-Uni et Israël atteignait 5,8 milliards de livres sterling, les investissements israéliens au Royaume-Uni contribuant à hauteur d'un milliard de livres sterling supplémentaires en valeur brute et créant environ 16 000 emplois britanniques. Alors qu'un accord de libre-échange actualisé est attendu après le lancement des négociations en 2022, le changement de politique du Royaume-Uni pourrait remettre en cause les fondements de ce partenariat économique.
Le Premier ministre Keir Starmer a subordonné la reconnaissance de la Palestine par le Royaume-Uni à la condition qu'Israël prenne des mesures concrètes pour mettre fin à la crise humanitaire à Gaza, accepte un cessez-le-feu, autorise l'aide des Nations unies, mette fin aux annexions en Cisjordanie et s'engage dans un processus de paix durable visant à relancer la solution des deux États. Le gouvernement britannique a clairement indiqué que la reconnaissance serait maintenue si ces conditions n'étaient pas remplies. Toutefois, compte tenu de la position actuelle du gouvernement de Netanyahou, il semble peu probable que ces conditions soient acceptées, ce qui rend la reconnaissance de la Palestine de plus en plus probable dans les mois à venir. Ainsi, la reconnaissance de la Palestine par le Royaume-Uni avant le mois de septembre semble presque certaine, confirmant ce qui est un fait historique.
Zaid M. Belbagi est commentateur politique et conseiller auprès de clients privés entre Londres et le Conseil de coopération du Golfe.
X : @Moulay_Zaid
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