Al-Kazimi tente de trouver un juste équilibre pour préserver l'unité nationale de l'Irak

Le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kazimi. (Archive/Reuters)
Le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kazimi. (Archive/Reuters)
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Publié le Vendredi 08 octobre 2021

Al-Kazimi tente de trouver un juste équilibre pour préserver l'unité nationale de l'Irak

Al-Kazimi tente de trouver un juste équilibre pour préserver l'unité nationale de l'Irak
  • Certains analystes de médias turcs ont laissé entendre que le président Recep Tayyip Erdogan n’était pas présent au somment afin d’éviter les critiques envers la politique de la Turquie dans divers pays du Moyen-Orient
  • L'Irak se bat actuellement pour consolider son unité nationale en essayant de maintenir les kurdes au sein de l'union

Le Premier ministre irakien, Mustafa al-Kazimi, a organisé le mois dernier un sommet pour «la coopération et le partenariat» à Bagdad, avec la participation du roi Abdallah de Jordanie; du président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi; du président des EAU, cheikh Khalifa ben Sultan al-Nahyane; de l'émir du Qatar, cheikh Tamim ben Hamad al-Thani; et du président français, Emmanuel Macron, seul dirigeant non moyen-oriental à y participer.

Certains analystes de médias turcs ont laissé entendre que le président Recep Tayyip Erdogan n'y était pas présent afin d’éviter les critiques envers la politique de la Turquie dans divers pays du Moyen-Orient, dont l'Irak. D'autres ont déclaré qu'il ne voulait pas s'asseoir à la même table qu'Al-Sissi, qu'il continue de critiquer tout en courtisant l'Égypte en vue d’amorcer un dégel des relations avec Le Caire. Ou alors qu’il aurait d'autres priorités. La Turquie était représentée à ce sommet par son ministre des Affaires étrangères, Mevlut Çavuşoğlu.

Kazimi a dirigé le service national de renseignements irakien et connaît donc les subtilités de l'équilibre des pouvoirs au Moyen-Orient. En tant que politicien non sectaire, il a réussi à garder ses distances avec l'Iran et essaie de maintenir l'Irak dans une position de non-alignement dans le cadre d'une politique de «zéro ennemi». Cette approche n'éliminera peut-être pas tous les problèmes de l'Irak, mais les atténuera certainement.

L'objectif principal de la réunion était de rechercher des moyens de surmonter les défis politiques, économiques et sécuritaires de l'Irak. Dans la politique intérieure, Kazimi pourrait introduire une politique moins influencée par les liens communautaires et trouver un équilibre entre les trois principaux groupes politiques – les kurdes, les chiites et les sunnites. C'est une politique dont l'Irak a grandement besoin, car ce pays a profondément souffert par le passé des divisions communautaires et ethniques. La menace est réelle et peut mettre en péril l'intégrité territoriale du pays si elle n’est pas correctement traitée. Les kurdes ont toujours été tentés d'accéder à l'indépendance, leur cause gagnant de plus en plus d’importance dans l'agenda international.

Après l'invasion de l'Irak en 2003, les États-Unis, mus par un sentiment anti-Saddam, ont diabolisé tout ce qui se rattachait au dictateur et notamment la structure baasiste qui était principalement composée de sunnites. Ils n'ont pas tenu compte du fait que la réduction du poids sunnite dans la politique intérieure conduirait en conséquence à la montée de l'influence chiite, c'est-à-dire de l'influence iranienne. Kazimi a fait de son mieux pour garder ses distances avec l'Iran, mais on ne sait toujours pas si l'intrusion de l'influence iranienne peut être contenue. La pénétration de l'Iran en Irak est profonde et peut ne pas être facile à déraciner.

Les efforts du Premier ministre visant à résoudre la longue liste des problèmes auxquels fait face l’Irak sont appréciables.

Yasar Yakis

D'autre part, si les attentes de la population chiite du sud de l'Irak ne sont pas satisfaites, celle-ci pourrait également être tentée de rechercher à l'avenir une autonomie ou une indépendance.

Si Kazimi revient en tant que Premier ministre après les élections du 10 octobre, une approche non sectaire des problèmes de l'Irak pourrait être encore renforcée. Ses résultats jusqu'ici ont prouvé qu'il était capable de le faire. Parmi les personnalités politiques qui s’y sont essayé jusqu'à présent, Kazimi a fait preuve de la plus grande habileté.

L'Irak se bat actuellement pour consolider son unité nationale en essayant de maintenir les kurdes au sein de l'union, malgré le fort soutien américain à la promotion de l'autonomie kurde et peut-être de leur indépendance dans le futur.

Le deuxième objectif de la réunion du mois dernier était de promouvoir le dialogue entre les pays de la région sur diverses questions, notamment les conflits en Syrie et au Yémen, ainsi que l'effondrement financier du Liban. Le sommet a également coïncidé avec le retrait américain de la région et la reprise des négociations sur l'accord nucléaire iranien.

Les efforts déployés par Kazimi pour désamorcer la tension entre l'Iran et l'Arabie saoudite constituent un autre aspect important du sommet. Le Premier ministre irakien a également organisé en avril une autre réunion restée confidentielle entre ces deux importants voisins. C'est une tâche que peu de dirigeants du Moyen-Orient ont été en mesure d’accomplir. En sus de plusieurs autres points vulnérables, l'Irak est également affecté de manière négative par la tension entre ces deux voisins.

La Turquie constitue un autre pays avec lequel l'Irak doit coopérer, mais il existe des limites à une telle coopération. Les pays arabes se considèrent entre eux comme une famille et considèrent les pays non arabes comme des étrangers. La Turquie est l'un d'entre eux. En outre, de nombreux pays arabes se souviennent de l'héritage ottoman principalement pour ses aspects négatifs. Par conséquent, cela vaut la peine d'essayer, mais le succès n'est pas garanti. Les récentes initiatives de la Turquie en Syrie, en Libye et dans le Caucase, ainsi que sa présence militaire persistante dans le nord de l'Irak, sont des problèmes supplémentaires qui entravent la véritable coopération.

Les efforts de Kazimi visant à résoudre la longue liste de problèmes auxquels l'Irak fait face sont louables, mais il est peu probable qu’ils soient éliminés de sitôt.

 

Yasar Yakis est un ancien ministre des Affaires étrangères de Turquie et membre fondateur du parti AK au pouvoir. Twitter: @yakis_yasar

Clause de non-responsabilité: Les opinions exprimées dans cette rubrique sont celles de leurs auteurs et ne reflètent pas nécessairement le point de vue d’Arab News.

 

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com