«La terre des limbes entre la paix et la guerre»

Le président chinois Xi Jinping passant en revue des soldats lors d'une visite à Hong Kong en juin 2017. (Photo, AFP)
Le président chinois Xi Jinping passant en revue des soldats lors d'une visite à Hong Kong en juin 2017. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 23 octobre 2021

«La terre des limbes entre la paix et la guerre»

  • La chasse chinoise qui envahit les écrans radar, dernier outil utilisé par Pékin pour accroître la pression sur l'île démocratique
  • La «zone grise» est un terme utilisé par les analystes militaires pour décrire des actions agressives menées par un État, qui s'arrêtent avant la guerre ouverte
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TAIPEI : Les avions de chasse chinois qui envahissent les écrans radar de Taïwan sont le dernier outil utilisé par Pékin pour accroître la pression sur l'île démocratique, suscitant la crainte qu'une erreur ne transforme soudainement un conflit froid en une guerre totale, avertissent les experts.

Ces incursions font partie de la tactique de la « zone grise », un terme utilisé par les analystes militaires pour décrire des actions frôlant une guerre ouverte, une situation située dans « une terre des limbes entre la paix et la guerre ».

Dans une base de données de l'AFP compilant toutes les incursions connues d'avions de guerre chinois dans la zone d'identification de défense aérienne (Adiz) de l'île depuis que le ministère de la Défense de Taïwan a commencé à les rendre publiques en septembre 2020, l'augmentation de leur fréquence et de leur taille est bien visible.

L'incursion la plus spectaculaire s'est produite au début du mois, lorsqu'un nombre record de 149 vols ont traversé la zone de défense aérienne du sud-ouest de Taïwan en quatre jours, alors que la Chine célébrait sa fête nationale.

Ces quatre jours représentent à eux seuls une augmentation de 28% par rapport au total du mois précédent, qui était le mois où le nombre de vols était le plus élevé jusqu'alors.

L'année dernière, Taïwan a déclaré avoir enregistré quelque 380 incursions dans le secteur sud-ouest de sa zone de défense aérienne, un chiffre déjà dépassé deux fois depuis le début de l'année, avec 692 incursions entre le 1er janvier et le 22 octobre.

Les avions utilisés sont en outre de plus en plus menaçant, notamment le bombardier H6 à capacité nucléaire.

En septembre 2020, Taïwan avait enregistré les incursions de 32 chasseurs et de trois bombardiers.

Jusqu'à présent ce mois-ci, il y a eu 124 incursions de chasseurs et 16 de bombardiers.

Les analystes estiment toutefois que la menace que représentent ces incursions ne doit pas être exagérée.

L'Adiz ne correspond pas à l'espace aérien territorial de Taïwan, mais englobe une zone plus vaste qui recoupe une partie de la zone d'identification de la défense aérienne de la Chine et même une partie du continent.

«Formation des pilotes chinois»

Néanmoins, jusqu'à l'année dernière, la Chine avait très rarement traversé le secteur sud-ouest.

"Cela fait partie de ce que nous appelons la tactique de la +zone grise+. Ca maintient une pression psychologique sur Taïwan", explique à l'AFP Lee Hsi-min, amiral à la retraite qui a quitté la tête des forces armées taïwanaises en 2019.

La "zone grise" est un terme utilisé par les analystes militaires pour décrire des actions agressives soutenues par un État, qui s'arrêtent avant la guerre ouverte, également décrite comme "la terre des limbes entre la paix et la guerre" par le secrétaire britannique à la Défense Ben Wallace.

Taïwan a connu une recrudescence de ce type de menaces depuis l'élection en 2016 de la présidente Tsai Ing-wen, honnie par Pékin, car elle considère Taïwan comme un pays "déjà indépendant", et rejette le principe d'une seule Chine".

Selon M. Lee, cette +zone grise+ comprend l'intensification des cyberattaques et des campagnes de désinformation mais aussi l'augmentation massive des dragues chinoises prélevant du sable dans les eaux entourant Kinmen et Matsu, deux îles taïwanaises situées à quelques kilomètres du continent.

Les incursions dans l'Adiz, a-t-il ajouté, y compris les sorties nocturnes occasionnelles, permettent à la Chine "d'améliorer la formation des pilotes" et de tester les défenses de Taïwan.

Elles mettent également à l'épreuve la flotte taïwanaise de chasseurs déjà vieillissante. De nombreux accidents mortels ont été imputés à des défaillances mécaniques.

L'île autonome et ses 23 millions d'habitants vivent sous la menace d'une invasion chinoise depuis que les deux parties se sont séparées à la fin d'une guerre civile en 1949.

La Chine, qui considère Taïwan comme son propre territoire et a juré de s'en emparer un jour, a peu parlé de ses incursions dans l'Adiz.

Mais les analystes estiment que celles-ci envoient un message à trois cibles : le gouvernement et le peuple de Taïwan, le public chinois de plus en plus nationaliste et les puissances occidentales.

"Pékin veut démontrer qu'il ne se laissera pas intimider par les alliances régionales de sécurité en gestation, qui visent sans aucun doute la Chine", estime J. Michael Cole, un expert basé à Taiwan.

La Chine "démontre également à un public national qu'elle n'est pas complaisante face aux développements qui favorisent Taïwan", a-t-il ajouté.

Les Etats-Unis ont longtemps entretenu une "ambigüité stratégique" à l'égard de Taïwan en lui vendant des armes sans engagement à lui venir en aide.

Mais le président Joe Biden a déclaré par deux fois que l'armée américaine défendrait le peuple taïwanais si la Chine s'en prenait à l'île.

«Cercle vicieux»

Si les incursions dans l'Adiz sont loin d'être une déclaration de guerre, beaucoup craignent que l'augmentation du nombre de sorties n'accroisse le risque d'un crash, d'une collision ou d'une erreur qui pourrait déclencher un conflit plus large.

Le président Xi Jinping a fait de la prise de Taïwan un engagement clé alors qu'il entame un troisième mandat l'année prochaine.

Selon Jia Qingguo, expert en relations internationales de l'université de Pékin qui conseille le gouvernement chinois, la façon dont Pékin se comporte par rapport à Taïwan dépend de "ses capacités militaires croissantes" et de pressions internes en faveur de l'unification.

La Chine se sent également poussée à agir face au développement croissant des relations entre Taïwan et les États-Unis, où la défense de Taipei est devenue une rare question qui transcende les clivages.

"Les interactions entre les trois parties sont prises dans un cercle vicieux, faisant d'une confrontation militaire et même d'une guerre totale un scénario de plus en plus probable", a averti l'expert.

Su Tzu-yun, expert militaire à l'Institut de recherche sur la défense et la sécurité nationales de Taïwan, a quant à lui déclaré qu'un débarquement amphibie à travers le détroit de Taïwan reste "l'opération militaire la plus complexe et si une partie du processus est compromise, l'opération échouera".

La Chine "pourrait déclencher une guerre mais savoir si elle peut la gagner est une autre question", a-t-il ajouté.


Guerre au Soudan: Washington sanctionne un réseau colombien

Les membres des Forces de soutien rapide célèbrent la prise d'El-Fasher en octobre. Les États-Unis ont sanctionné des individus et des entreprises pour leur implication présumée dans un réseau recrutant d'anciens militaires colombiens afin d'aider le groupe paramilitaire soudanais. (AFP/Fichier)
Les membres des Forces de soutien rapide célèbrent la prise d'El-Fasher en octobre. Les États-Unis ont sanctionné des individus et des entreprises pour leur implication présumée dans un réseau recrutant d'anciens militaires colombiens afin d'aider le groupe paramilitaire soudanais. (AFP/Fichier)
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  • Les États-Unis sanctionnent un réseau majoritairement colombien accusé de recruter d’anciens militaires — y compris des enfants soldats — pour soutenir les Forces de soutien rapide (FSR) au Soudan
  • Washington intensifie ses efforts diplomatiques avec l’Égypte, l’Arabie saoudite et d’autres partenaires pour obtenir une trêve

WASHINGTON: Les Etats-Unis ont annoncé mardi des sanctions à l'encontre d'un réseau principalement colombien, qui recrute des combattants en soutien aux forces paramilitaires au Soudan, tout en poursuivant leurs efforts diplomatiques en vue d'une trêve dans ce pays ravagé par la guerre.

Le chef de la diplomatie américaine Marco Rubio s'est entretenu ce même jour avec ses homologues égyptien Badr Abdelatty et saoudien Fayçal ben Farhane, sur "la nécessité urgente de faire progresser les efforts de paix au Soudan", a indiqué le département d'Etat dans des communiqués.

La guerre au Soudan, qui a éclaté en avril 2023 et oppose les forces paramilitaires à l'armée soudanaise du général Abdel Fattah al-Burhane, a fait des milliers de morts et déplacé des millions de personnes, plongeant le pays dans la "pire crise humanitaire" au monde selon l'ONU.

Washington a récemment durci le ton vis-à-vis des Forces de soutien rapide (FSR), et appelé à l'arrêt des livraisons d'armes et le soutien dont bénéficient les FSR, accusés de génocide au Soudan.

Les efforts diplomatiques en faveur d'une trêve se sont récemment intensifiés, notamment de la part du président Donald Trump qui s'est dit "horrifié" par les violences dans le pays, sans résultat pour le moment.

Concernant le réseau sanctionné, il "recrute d'anciens militaires colombiens et forme des soldats, y compris des enfants, pour combattre au sein du groupe paramilitaire soudanais", selon un communiqué du département du Trésor.

"Les FSR ont montré à maintes reprises qu'elles étaient prêtes à s'en prendre à des civils, y compris des nourrissons et des jeunes enfants", a déclaré John Hurley, sous-secrétaire au Trésor chargé du terrorisme et du renseignement financier, cité dans le communiqué.

Les sanctions américaines visent quatre personnes et quatre entités, dont Alvaro Andres Quijano Becerra, un ressortissant italo-colombien et ancien militaire colombien basé dans les Emirats, qui est accusé de "jouer un rôle central dans le recrutement et le déploiement d'anciens militaires colombiens au Soudan".

Ces sanctions consistent essentiellement en une interdiction d'entrée aux Etats-Unis, le gel des éventuels avoirs et interdit de leur apporter un soutien financier ou matériel.

Selon Washington, depuis septembre 2024, des centaines d'anciens militaires colombiens ont combattu au Soudan aux côtés des FSR.

Ils ont participé à de nombreuses batailles, dont la récente prise d'El-Facher, la dernière grande ville du Darfour (ouest) tombée dans les mains des FSR fin octobre.


Nationalisation du rail: Londres dévoile ses trains aux couleurs de l'Union Jack

Une photographie aérienne montre la gare ferroviaire Temple Mills International, dans l'est de Londres, le 27 octobre 2025. (AFP)
Une photographie aérienne montre la gare ferroviaire Temple Mills International, dans l'est de Londres, le 27 octobre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement travailliste britannique dévoile le nouveau design des trains, aux couleurs de l’Union Jack
  • Après des décennies de privatisation marquées par retards, annulations et scandales, sept opérateurs sont déjà sous contrôle public et Great British Railways deviendra l’entité centrale du système ferroviaire

LONDRES: Le gouvernement travailliste du Royaume-Uni a présenté mardi le nouveau design des trains britanniques, aux couleurs de l'Union Jack, amorçant leur uniformisation dans le cadre de la nationalisation du secteur.

Le logo de la nouvelle entité qui chapeautera les trains britanniques, Great British Railways (GBR), ainsi que les nouvelles couleurs, commenceront à être "déployés au printemps prochain sur les trains" et les sites internet, souligne le ministère des Transports dans un communiqué.

Le projet de loi pour nationaliser le rail, actuellement en débat à la Chambre des Communes, avait été annoncé dès le retour des travaillistes au pouvoir en juillet 2024, après 14 ans de gouvernement conservateur.

"Sept grands opérateurs ferroviaires sont déjà sous contrôle public, couvrant un tiers de l'ensemble des voyages de passagers en Grande-Bretagne", est-il souligné dans le communiqué.

La compagnie ferroviaire South Western Railway, qui opère dans le sud-ouest de l'Angleterre, est devenue en mai dernier la première à repasser dans le giron public. Tous les opérateurs doivent être placés sous contrôle étatique d'ici la fin 2027.

La privatisation du secteur a eu lieu au milieu des années 1990 sous le Premier ministre conservateur John Major, dans la continuité de la politique libérale de Margaret Thatcher dans les années 1980.

Malgré la promesse d’un meilleur service, d’investissements accrus et de moindres dépenses pour l'Etat, le projet était alors très impopulaire, dénoncé par les syndicats, l'opposition, certains conservateurs et une large partie de la population.

Le nombre de passagers s'est accru dans un premier temps, tout comme les investissements.

Mais un déraillement causé par des micro-fissures dans les rails, qui a fait quatre morts en 2000, a profondément choqué l'opinion publique.

Les annulations et les retards sont aussi devenus monnaie courante et les passagers se sont plaints des prix.

Le réseau ferré est déjà redevenu public, géré par la société Network Rail.


L'ONU fustige l'«apathie» du monde en lançant son appel humanitaire 2026

L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre. (AFP)
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  • Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026
  • Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars

NATIONS-UNIES: L'ONU a fustigé lundi l'"apathie" du monde face aux souffrances de millions de personnes à travers la planète, en lançant un appel humanitaire 2026 largement restreint pour répondre à des financements en chute libre.

"C'est une époque de brutalité, d'impunité et d'indifférence", s'est emporté lors d'une conférence de presse à New York le chef des opérations humanitaires de l'ONU, Tom Fletcher, dénonçant la "férocité et l'intensité des tueries", le "mépris total du droit international "et les "niveaux terrifiants de violences sexuelles".

"Une époque où notre sens de la survie a été engourdi par les distractions et corrodé par l'apathie, où nous mettons plus d'énergie et d'argent pour trouver de nouveaux moyens de nous entretuer, tout en démantelant les moyens durement gagnés de nous protéger de nos pires instincts, où les politiciens se vantent de couper les aides", a-t-il accusé, en présentant le plan humanitaire 2026.

Alors que quelque 240 millions de personnes, victimes de guerres, d'épidémies, de séismes ou de l'impact du changement climatique, ont besoin d'aide urgente, l'ONU réclame 33 millions de dollars pour soutenir 135 millions d'entre elles en 2026 à Gaza, au Soudan, en Haïti, en Birmanie, en RDC ou en Ukraine.

Mais dans un contexte de coupe drastique de l'aide extérieure américaine décidée par Donald Trump, l'ONU a réduit d'emblée ses propres ambitions, en présentant en même temps un plan resserré demandant 23 milliards de dollars pour sauver au moins 87 millions des personnes les plus en danger.

Ce plan "hyperpriorisé", qui passe également par des réformes pour améliorer l'efficacité du système humanitaire, est "basé sur des choix insoutenables de vie ou de mort", a commenté Tom Fletcher, espérant qu'avoir pris ces "décisions difficiles qu'ils nous ont encouragés à prendre" convaincra les Américains de revenir.

"Le plus bas en une décennie" 

En 2025, l'appel humanitaire de plus de 45 milliards de dollars n'a été financé qu'à hauteur d'un peu plus de 12 milliards, "le plus bas en une décennie". Permettant d'aider seulement 98 millions de personnes, soit 25 millions de moins que l'année précédente.

Selon les chiffres de l'ONU, les Etats-Unis sont restés en 2025 le premier pays donateur des plans humanitaires dans le monde, mais avec une chute majeure: 2,7 milliards de dollars, contre 11 milliards en 2024.

En haut des crises prioritaires en 2026, Gaza et la Cisjordanie pour lesquels l'ONU réclame 4,1 milliards de dollars pour aider 3 millions de personnes, ainsi que le Soudan (2,9 milliards pour 20 millions de personnes) où le nombre de déplacés par le conflit sanglant entre généraux rivaux ne cesse d'augmenter.

Parmi ces déplacés, cette jeune mère que Tom Fletcher a récemment rencontrée au Darfour, à Tawila, où affluent les survivants des combats dans la grande ville voisine d'El-Facher.

Elle a vu son mari et son enfant tués sous ses yeux, avant de s'enfuir, avec le bébé affamé de ses voisins morts eux-aussi, puis d'être attaquée et violée "sur la route la plus dangereuse du monde" qui la conduira enfin à Tawila, a-t-il raconté.

"Est-ce que quiconque, quel que soit d'où vous venez, ce que vous pensez, pour qui vous votez, pense qu'on ne devrait pas l'aider!".

L'ONU va désormais frapper à la porte des gouvernements de la planète, pendant les 87 prochains jours, un jour pour chaque million de vie à sauver.

Et s'il y a toujours un trou, Tom Fletcher prévoit une campagne plus large vers la société civile, les entreprises et les gens normaux qu'il estime abreuvés par de fausses informations surestimant la part de leurs impôts destinés à l'aide à l'étranger.

"Nous ne demandons qu'à peine un peu plus de 1% de ce que le monde dépense en armes et en programmes de défense. Je ne demande pas aux gens de choisir entre un hôpital à Brooklyn ou un hôpital à Kandahar. Je demande au monde de dépenser moins en défense et plus en humanitaire".