La BCE, droite dans ses bottes, garde son cap expansif

Sur cette photo d'archive prise le 11 mars 2021, le siège de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne. ARMANDO BABANI / AFP
Sur cette photo d'archive prise le 11 mars 2021, le siège de la Banque centrale européenne (BCE) à Francfort-sur-le-Main, dans l'ouest de l'Allemagne. ARMANDO BABANI / AFP
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Publié le Jeudi 28 octobre 2021

La BCE, droite dans ses bottes, garde son cap expansif

  • Les vingt-cinq membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont, comme attendu, confirmé l'arsenal monétaire en place
  • Les marchés européens jugent probable une hausse des taux directeurs au troisième trimestre de 2022

FRANCFORT: La Banque centrale européenne a maintenu jeudi toutes ses mesures de soutien à l'économie malgré la forte poussée de l'inflation en zone euro, ce qui renvoie à décembre la décision concernant une normalisation progressive de la politique monétaire.

Les vingt-cinq membres du conseil des gouverneurs de la BCE ont, comme attendu, confirmé l'arsenal monétaire en place, pour permettre aux États, ménages et entreprises, de se financer dans de bonnes conditions et ne pas compromettre la reprise.

Sous pression pour justifier la nécessité de poursuivre ces soutiens, en pleine flambée des prix, la présidente de l'institution Christine Lagarde est restée droite dans ses bottes.

"Nous continuons à prévoir que l'inflation à moyen terme restera inférieure à nos objectifs de 2%", a martelé Mme Lagarde.

"Nous sommes absolument déterminés à atteindre cet objectif (...). Nous devons être patients", a ajouté la Française.

Les marchés européens jugent probable une hausse des taux directeurs au troisième trimestre de 2022, un véritable tournant après une décennie de baisse continue.

Mais pour planifier une éventuelle hausse de taux, la BCE se fonde sur les prévisions d'inflation à l'horizon 2023. Or pour l'instant, la banque s'attend à que l'inflation n'atteigne que 1,5% à cette date.

"Les conditions de relèvement des taux d'intérêt sont assez bien définies (...). Selon l'analyse actuelle, elles ne sont pas satisfaites", a insisté Mme Lagarde.

Lors de la réunion de jeudi, les taux directeurs ont été maintenus à leur plus bas niveau, notamment celui, négatif, de -0,5% qui taxe les dépôts en excès des banques, lorsqu'ils ne sont pas distribués dans l'économie. 

Quand réagir?

Autre instrument de la BCE pour soutenir l'économie, les rachats de dette dans le cadre du programme "PEPP" vont également se poursuivre durant l'automne, à un rythme moins élevé que lors des précédents trimestres. 

Le volume du programme, soit 1.850 milliards d'euros, dont près de 80% sont déjà dépensés, n'a pas changé. 

Ce dispositif exceptionnel expirera fin mars 2022, du moins si la crise liée à la Covid-19 est jugée terminée, et les analystes parient sur la mise en place d'un nouveau dispositif pour assurer une transition en douceur.

Christine Lagarde s'est là aussi gardée de dévoiler les intentions de la BCE : "Ce qui suivra [le PEPP] sera débattu en décembre", lors de la dernière réunion de l'année, a-t-elle répété.

Cette discussion s'annonce délicate sur fond d'opposition grandissante au conseil de la BCE entre "faucons", favorables à un resserrement monétaire, et "colombes" voulant maintenir un cap expansif. 

Essence, services, matériaux... les prix s'envolent, faute d'offre suffisante, et les opinions publiques en Europe sont chauffées à blanc, accentuant les attentes vis-à-vis des gardiens de l'euro pour qu'ils réagissent.

En zone euro, le taux d'inflation a atteint 3,4% en septembre, sur un an.

La hausse s'annonce encore plus marquée en octobre, alors qu'en Allemagne, le taux d'inflation a grimpé à 4,5%, selon une première estimation communiquée jeudi.

"Nous avons parlé inflation, inflation, inflation", a souligné Mme Lagarde à propos de la réunion de jeudi.

Certes "l'actuelle hausse de l'inflation va durer plus longtemps que prévu", a-t-elle reconnu, mais "nous nous attendons à ce qu'elle ralentisse au cours de l'année prochaine", à la faveur d'une amélioration sur le front des chaînes logistiques et des prix de l'énergie.

La BCE se justifie

Les banques centrales sont prises en étau entre retour de l'inflation et menaces sur la croissance, en raison de la crise mondiale des chaînes logistiques.

L'élan de la reprise "ralentit", a ainsi mis en garde jeudi la BCE.

Mais d'autres grands argentiers ont déjà choisi de passer à l'action pour dompter l'inflation. 

La Fed a préparé le terrain pour une annonce de réduction de ses achats d'actifs. Le gouverneur de la Banque d'Angleterre Andrew Bailey, a affirmé que la banque centrale britannique "devrait agir" sur l'inflation à l'avenir, ce qui a déclenché des spéculations sur une hausse prochaine des taux.

"Nous ne parlons pas des mêmes économies. Les perspectives sont différentes", a là encore expliqué Mme Lagarde. 

"Certaines d'entre elles ont déjà atteint ou dépassé l'objectif [d'inflation], ce qui justifie pleinement qu'elles adoptent des approches différentes".


IA: Google investit 5 milliards de livres au Royaume-Uni avant la visite de Trump

Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays. (AFP)
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  • Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat
  • Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres

LONDRES: Le géant américain Google a annoncé mardi un investissement de 5 milliards de livres (5,78 milliards d'euros) sur deux ans au Royaume-Uni, notamment dans un centre de données et l'intelligence artificielle (IA), en amont de la visite d'Etat de Donald Trump dans le pays.

Cette somme financera "les dépenses d'investissement, de recherche et développement" de l'entreprise dans le pays, ce qui englobe Google DeepMind (le laboratoire d'IA du géant californien), a indiqué le groupe dans un communiqué.

Google ouvre mardi un centre de données à Waltham Cross, au nord de Londres, dans lequel il avait déjà annoncé l'an dernier injecter un milliard de dollars (850 millions d'euros). La somme annoncée mardi viendra aussi compléter ce financement, a précisé un porte-parole de l'entreprise à l'AFP.

Le Royaume-Uni s'apprête à accueillir Donald Trump pour une deuxième visite d'Etat mercredi et jeudi, après une première visite en 2019 lors de son premier mandat.

Le président américain sera accompagné par plusieurs grands patrons, notamment de la tech. Des annonces d'investissements sont attendues ainsi que la signature d'un accord technologique avec Londres.

Selon un responsable américain, qui s'exprimait auprès de journalistes, dont l'AFP, en amont de la visite, les annonces se porteront à "plus de dix milliards, peut-être des dizaines de milliards" de dollars.

Le gouvernement britannique avait déjà dévoilé dimanche plus d'un milliard de livres d'investissements de banques américaines dans le pays, là aussi en amont de la visite d'Etat du président Trump.

Et l'exécutif britannique a annoncé lundi que Londres et Washington allaient signer un accord pour accélérer les délais d'autorisation et de validation des projets nucléaires entre les deux pays.

Depuis le début de la guerre en Ukraine, Londres redouble d'efforts pour se dégager des hydrocarbures et a fait du nucléaire l'une de ses priorités.

Le partenariat avec Washington, baptisé "Atlantic Partnership for Advanced Nuclear Energy", doit lui aussi être formellement signé lors de la visite d'État de Donald Trump.

 


La note française menacée de passer en catégorie inférieure dès vendredi

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne. (AFP)
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  • La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne
  • Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie

PARIS: Fitch sera-t-elle vendredi la première agence de notation à faire passer la note souveraine française en catégorie inférieure? Les économistes, qui le pensaient il y a quelques jours, discernent des raisons d'en douter, mais ce ne pourrait être que partie remise.

Fitch ouvre le bal des revues d'automne des agences de notation. Toutes, au vu de l'état des finances publiques françaises et de la crise politique persistante depuis la dissolution, classent la France AA- ou équivalent (qualité de dette "haute ou bonne"), avec, pour certaines comme Fitch, une "perspective négative".

Ce qui préfigure une dégradation: en ce cas, la France basculerait en catégorie A (qualité "moyenne supérieure"), et devrait verser à ceux qui investissent dans sa dette une prime de risque supérieure, accroissant d'autant les remboursements de cette dette.

Pour Eric Dor, directeur des études économiques à l'IESEG School of Management, une dégradation serait "logique". D'abord parce que la situation politique n'aide pas à mettre en œuvre "un plan crédible d'assainissement budgétaire", comme Fitch l'exigeait en mars.

Mais aussi pour effacer "une incohérence" : 17 pays européens sont moins bien notés que la France alors qu'ils ont - à très peu d'exceptions près - des ratios de finances publiques meilleurs que les 5,8% du PIB de déficit public et 113% du PIB de dette publique enregistrés en France en 2024.

Coup d'envoi 

Depuis mardi, la nomination rapide à Matignon de Sébastien Lecornu pour succéder à François Bayrou, tombé la veille lors du vote de confiance, ravive l'espoir d'un budget 2026 présenté en temps et heure.

Lucile Bembaron, économiste chez Asterès, juge ainsi "plausible" que Fitch "attende davantage de visibilité politique" pour agir.

D'autant, remarque Hadrien Camatte, économiste France chez Natixis, que les finances publiques n'ont pas enregistré cette année de nouveau dérapage inattendu, et que "la croissance résiste".

L'Insee a même annoncé jeudi qu'en dépit du "manque de confiance" généralisé, celle-ci pourrait dépasser la prévision du gouvernement sortant - 0,7% - pour atteindre 0,8% cette année.

Anthony Morlet-Lavidalie, responsable France à l'institut Rexecode, observe aussi que Fitch, la plus petite des trois principales agences internationales de notation, "donne rarement le coup d'envoi" des dégradations.

Mais il estime "très probable" que la principale agence, S&P Global, abaissera le pouce lors de sa propre revue, le 28 novembre.

Selon ses calculs, la France ne sera en effet pas en mesure de réduire à moins de 5% son déficit public l'an prochain, contre les 4,6% qu'espérait François Bayrou.

Les économistes affirment cependant qu'une dégradation ne troublerait pas les marchés, "qui l'ont déjà intégrée", relève Maxime Darmet, économiste senior chez Allianz Trade.

Syndrome 

La dette française s'y négocie déjà à un taux bien plus coûteux que la dette allemande, dépassant même l'espace d'une journée, mardi, le taux de la dette italienne.

Les marchés donnent déjà à la France une "notation implicite" bien plus basse que sa note actuelle de AA-, estime M. Morlet-Lavidalie.

Il craint des taux qui resteraient "durablement très élevés", provoquant "un étranglement progressif", avec des intérêts à rembourser captant "une part significative de la dépense publique, alors qu'on a des besoins considérables sur d'autres postes".

L'économiste décrit une France en proie au "syndrome du mauvais élève".

"Lorsqu'on avait 20/20", explique-t-il - la France était jusqu'à 2012 notée AAA, note maximale qu'a toujours l'Allemagne - "on faisait tout pour s'y maintenir. Maintenant on dit que 17/20 (AA-) ça reste une très bonne note. Bientôt ce sera +tant qu'on est au-dessus de la moyenne, c'est pas si mal+. Quand on est la France, en zone euro, on devrait quand même être un peu plus ambitieux que cela!", dit-il à l'AFP.

Pour autant, même abaissée à A+, "la dette française resterait de très bonne qualité", relativise M. Camatte, préférant souligner "la forte épargne des ménages et une position des entreprises qui reste très saine".


La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, alerte le Secours populaire

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier. (AFP)
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  • "La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire
  • "La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg

PARIS: La précarité s'ancre dans le quotidien des Français, touchant tous les aspects de la vie des plus fragiles, alerte jeudi le Secours Populaire, qui publie un baromètre témoignant de cette situation jugée préoccupante.

"La précarité est toujours plus ancrée en France, elle interfère dans tous les aspects de la vie, que ce soit la santé, les loisirs, la vie familiale", estime auprès de l'AFP Henriette Steinberg, secrétaire générale du Secours populaire.

L'association publie un baromètre qui indique qu'un tiers des Français (31%) rencontrent des difficultés financières pour se procurer une alimentation saine permettant de faire trois repas par jour. De même 39% ont du mal à payer leurs dépenses d'électricité et 49% à partir en vacances au moins une fois par an, selon ce sondage réalisé par l'Institut Ipsos, auprès d'un échantillon de 1.000 personnes, représentatif de la population nationale âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.

"La situation en France s'est détériorée" depuis une quinzaine d'années et dernièrement "on observe une stabilisation", précise Henriette Steinberg.

Revenus insuffisants, dépense imprévue, endettement excessif: au final, un Français sur cinq s'estime précaire pour différentes raisons, soit 20% de la population, contre 24% l'an dernier.

Malgré un "léger mieux" constaté sur certains indicateurs lié au "ralentissement de l'inflation", ce baromètre révèle "une situation sociale toujours très préoccupante", selon le Secours populaire.

En début de semaine, la déléguée interministérielle à la prévention et la lutte contre la pauvreté, Anne Rubinstein, a évoqué des "difficultés" rencontrées par l'Etat pour résorber un taux de pauvreté qui a atteint un niveau record en 2023 en France métropolitaine.

Face à cette situation, la Fédération des acteurs de la solidarité (FAS) a appelé mardi à une "mobilisation collective" pour "débloquer la lutte contre la précarité".

Au niveau européen, 28% de la population déclare se trouver en situation précaire, également selon ce baromètre du Secours Populaire, qui s'appuie aussi sur des échantillons de 1.000 personnes représentatifs de neuf autres pays (Allemagne, Grèce, Italie, Pologne, Royaume-Uni, Moldavie, Portugal, Roumanie, Serbie).

La part des personnes se considérant comme précaires demeure à un niveau "très alarmant" en Grèce (46%) et en Moldavie (45%), pointe le baromètre.

En 2024, le Secours populaire a soutenu 3,7 millions de personnes en France. L'association fournit notamment de l'aide alimentaire et organise des activités pour différents publics pour rompre l'isolement.