La tempête politique que subit Biden se résorbe grâce à son ambitieux plan de dépenses

Le président américain Joe Biden prend la parole lors d'une réunion avec le président français à l'ambassade de France au Vatican à Rome, le 29 octobre 2021. (AFP)
Le président américain Joe Biden prend la parole lors d'une réunion avec le président français à l'ambassade de France au Vatican à Rome, le 29 octobre 2021. (AFP)
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Publié le Dimanche 31 octobre 2021

La tempête politique que subit Biden se résorbe grâce à son ambitieux plan de dépenses

La tempête politique que subit Biden se résorbe grâce à son ambitieux plan de dépenses
  • En dépit de plusieurs faux espoirs, la crise de la Covid-19 évolue lentement sans que le pays ne retrouve un semblant de normalité et sans que la pandémie ne soit totalement éradiquée
  • La bête de l'inflation, que l'ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, avait apparemment abattue dans les années 1980, repart de plus belle. Le prix du carburant explose et la crise des chaînes d'approvisionnement entraîne des pénuries

Thomas Fuller, un théologien britannique du XVIIe siècle, s'est montré particulièrement perspicace en matière de risque politique lorsqu'il a fait ce constat : « L'heure la plus sombre vient toujours avant l'aube ». Ainsi, les ennuis que connaît le président américain Joe Biden depuis quelques mois - qui vont bientôt disparaître - ne doivent pas dissimuler une réalité non moins vraie : il va bientôt faire adopter le plan le plus ambitieux en matière de politique intérieure que les États-Unis aient connu depuis les années 1960, à l'époque du président Lyndon Johnson et de la « Grande Société » (NDLR :Great Society : un programme et un ensemble de mesures de politique intérieure des États-Unis dans les années 1960, proposée et mise en place par le président Lyndon B. Johnson). 

M. Biden est confronté à un tas de difficulté. Si les Américains sont pour la plupart favorables à ses initiatives stratégiques visant à clore le chapitre de la « guerre perpétuelle » de l'Amérique en Afghanistan, ils ont été en revanche consternés et indignées par les scènes chaotiques qui ont marqué le retrait maladroit des troupes américaines de ce pays. Certes, la responsabilité de l'attentat suicide perpétré à la fin de la mission est imputable au groupe terroriste Daech. Mais, les dirigeants de l'armée américaine ont, de leur côté, transformé les troupes américaines en une cible plus que désirable. Dans le dossier de l'Afghanistan, la Maison Blanche est apparue fautive, voire incompétente.

En dépit de plusieurs faux espoirs, la crise de la Covid-19 évolue lentement sans que le pays ne retrouve un semblant de normalité et sans que la pandémie ne soit totalement éradiquée. La bête de l'inflation, que l'ancien président de la Réserve fédérale, Paul Volcker, avait apparemment abattue dans les années 1980, repart de plus belle. Le prix du carburant explose et la crise des chaînes d'approvisionnement entraîne des pénuries. Toutes ces défaillances, très concrètes, expliquent sans peine le déclin du président dans les sondages. Dans un sondage réalisé par CNN au mois de septembre, 75 % des Américains disent ressentir une certaine « colère » lorsqu'ils pensent à la situation dans laquelle se trouve la nation aujourd'hui. À la fin du même mois, Gallup a révélé dans un sondage que la cote de popularité de Biden avait chuté à son plus bas niveau (43 %), ce qui représente une baisse de 6 points en un mois depuis le mois d'août, et de 14 points depuis l'investiture du président.

Plus inquiétant encore, Biden a perdu sa popularité parce qu’il a perdu le soutien d’un grand nombre d’indépendants - qui déterminent souvent les résultats des élections américaines. Si le président bénéficiait au mois de juin du soutien de 55 % des électeurs indépendants, ce chiffre a chuté au taux dérisoire de 37 % à la fin du mois de septembre. Historiquement, les premières élections de mi-mandat aboutissent le plus souvent à une véritable catastrophe pour le nouveau locataire de la Maison-Blanche. Elles prennent cette fois-ci l'allure d'un tsunami politique qui fonce tout droit sur l'administration Biden. La chance sourira probablement aux Républicains qui remporteront la majorité des sièges de la Chambre des représentants après le vote de novembre 2022. Ce même scénario pourrait se produire au Sénat. Ainsi, M. Biden ne pourra plus compter sur une majorité au Congrès.

 

Le programme national très ambitieux du président américain est sur le point d'être adopté par les deux chambres, même si les démocrates n'y détiennent qu’une faible majorité

Dr. John C. Hulsman

Tous ces faits sont assurément véridiques et méritent d'être discutés. Mais il existe une autre réalité importante en matière de risque politique ; elle est occultée par la malchance qui frappe la nouvelle administration. En dépit de ces facteurs, voire grâce à ces mêmes facteurs, les factions qui s'opposent au sein du parti démocrate vont bientôt parvenir à un compromis politique crucial, qui fera passer la plus grande partie du programme national extrêmement ambitieux de M. Biden. Ce programme sera adopté par les deux chambres, même si les démocrates n’y détiennent qu’une faible majorité. Le développement le plus important que le gouvernement fédéral ait connu depuis une génération se prépare, puisque les démocrates sont conscients de la nécessité d'adopter leur programme sans attendre, en raison notamment des menaces politiques qui s'accumulent à un rythme effréné.

On ne connaît pas à ce jour tous les détails de l'accord conclu entre les modérés et les progressistes démocrates. Toutefois, les lignes directrices du programme national ne laissent aucun doute. Les progressistes défendent une loi colossale se chiffrant à 3 500 milliards de dollars et prévoyant une forte augmentation des dépenses en matière de soins sociaux, d'éducation et de changement climatique, ainsi qu'une réduction du prix des médicaments et des impôts pour les travailleurs pauvres. Les sénateurs modérés, Joe Manchin (Virginie-Occidentale) et Kyrsten Sinema (Arizona), qui assurent un certain équilibre des pouvoirs au sein de la chambre haute, se sont opposés à ce plan en avançant chacun ses propres arguments.

Venant d'un État riche en charbon, M. Manchin refuse de soutenir à hauteur de 150 milliards de dollars le volet « électricité propre » du plan, qui incite les producteurs d'énergie à se tourner vers les énergies éolienne, solaire et nucléaire, et prévoit des pénalités pour les producteurs qui continuent à utiliser des combustibles fossiles. Ce volet, auquel s'ajoutent les gros titres du plan, dépasse le seuil de tolérance du sénateur modéré. De son côté, Mme Sinema a exprimé son inquiétude quant à la manière de financer (partiellement) ce plan notamment par des hausses d'impôts sur les sociétés ou les ménages. Elle craint qu'une fiscalité aussi pénalisante ne compromette la croissance dans le pays, sur le long terme. 

Le week-end dernier, Biden a accueilli M. Manchin dans sa demeure du Delaware ; une initiative décisive qui lui permettrait de sauver son programme. Dans un premier temps, pour faire pencher Manchin en sa faveur, il a informé les progressistes de la Chambre que le budget de la wish-list (liste de souhaits) se situerait entre 1 750 et 2 000 milliards de dollars, ce qui représente un peu plus de la moitié du montant qu'ils souhaitaient. Deuxièmement, pour rassurer Mme Sinema, il a informé les progressistes que le plan devait être financé par de nouveaux moyens. Parmi ces moyens figurent notamment une nouvelle taxe qui sera imposée aux millionnaires et milliardaires ainsi que des mesures plus rigoureuses prises par l'Internal Revenue Service (NDLR : I.R.S. ou l'agence du gouvernement fédéral des États-Unis qui collecte l'impôt sur le revenu et des taxes diverses et fait respecter les lois fiscales concernant le budget fédéral des États-Unis) de manière à assurer une meilleure application du code des impôts existant. Faute de mieux, les Progressistes ont accepté ces propositions. 

Ainsi, M. Biden fera passer dans les prochains jours le programme d'investissements en faveur des infrastructures (à hauteur de 1 100 milliards de dollars) de même que la wish-list ou liste de souhaits (à hauteur de 2 000 milliards de dollars). Une autre tribune portera sur la pertinence ou non de toutes ces nouvelles dépenses dans un contexte d'inflation (des dépenses incontestablement inutiles). Mais pour l'instant, l'aube politique s'annonce pour l'équipe Biden.

Dr. John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via chartwellspeakers.com

 

Dr. John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la ville de Londres. Il peut être contacté via chartwellspeakers.com

 

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

 

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com