L'Italie enfin de retour à la démocratie

Giorgia Meloni, cheffe du parti des Frères d'Italie, se prend en photo avec des partisans lors d'un rassemblement à Rome. (AP, photo)
Giorgia Meloni, cheffe du parti des Frères d'Italie, se prend en photo avec des partisans lors d'un rassemblement à Rome. (AP, photo)
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Publié le Samedi 20 août 2022

L'Italie enfin de retour à la démocratie

L'Italie enfin de retour à la démocratie
  • La droite italienne est sans aucun doute sur la voie d'une célèbre victoire
  • L'Italie ne se considère plus comme une quasi-colonie de l'UE

Le fait que l'Italie se soit privée d'une gouvernance démocratique pendant un certain temps est à la fois remarquable et souvent négligé. Chose incroyable, Silvio Berlusconi a été le dernier Premier ministre à se présenter explicitement à la tête d'un grand parti politique en 2008. Depuis lors, la désastreuse gouvernance de l'Italie est un exemple de la quasi-colonisation dévastatrice du pays par l'élite européenne.

Ce scénario antidémocratique est d'ailleurs récemment réapparu. Après l'échec de deux gouvernements dirigés par le non-élu Giuseppe Conte et soutenus par le Mouvement 5 étoiles, un autre fonctionnaire européen non-élu a été parachuté pour sauver la situation. Mario Draghi, ancien directeur de la Banque centrale européenne, a été convoqué par ses maîtres européens pour tenir les rênes de Rome.

Son gouvernement a été conçu pour diriger le pays pendant la pandémie, mais aussi pour répartir judicieusement les plus de 200 milliards d'euros que l'Italie recevra dans le cadre du plan d'aide massif de l'Union européenne – la dernière et meilleure chance du pays de sortir de sa torpeur économique qui dure depuis des générations. La réalité est que l'Italie a connu une croissance annuelle moyenne de 0% entre 1999 et 2016, ce qui représente tout simplement une génération économique perdue.

Les mandarins de l'UE pensaient que l'éminent Draghi serait capable d'assurer la stabilité jusqu'aux prochaines élections, alors prévues en 2023. Mais, comme l'a bien dit le poète écossais Robert Burns, les plans les mieux conçus des souris et des hommes tournent souvent mal. Comme dans la plupart des gouvernements occidentaux, Draghi a commis des erreurs monumentales dans la lutte contre la pandémie, optant (sans surprise compte tenu de son pédigrée) pour une approche descendante et draconienne qui, jusque tout récemment, a contraint les Italiens à porter des masques, bien après que le reste de l'Europe occidentale a levé les restrictions. Les pertes économiques ont été immenses, tout comme la disparition de la présomption de liberté individuelle.

Le plus grand échec de Draghi réside cependant dans le fait que le jeu de pouvoir antidémocratique de l'UE a connu une défaillance des plus fondamentales : l’homme d’État italien n'a pas réussi à garantir la stabilité alors que c’était l’objectif principal de son gouvernement technocratique. Après avoir servi seulement 17 mois, il a été obligé de démissionner le 21 juillet alors que le Mouvement populiste 5 étoiles, la Lega, parti populiste de droite, ainsi que les partis Forza Italia de Berlusconi, l'affaiblissaient. Sans mandat démocratique, le gouvernement de Draghi a prouvé le contraire de ce que l'élite bruxelloise, presque toujours à tort, avait prédit avec confiance : il a fait preuve de faiblesse et non de force parce qu'il n'avait tout simplement aucun mandat populaire pour le soutenir en temps difficiles.

L'ironie du sort est que, pendant que Meloni essaie d'apaiser les craintes concernant l'origine quasi-fasciste de son parti, c'est elle qui s'est révélée être la véritable démocrate.

-Dr John C. Hulsman

Il n'est pas étonnant que la principale bénéficiaire de la crise Giorgia Meloni ait gagné en popularité puisque son parti populiste de droite, le Parti des Frères d'Italie, est le seul à avoir judicieusement choisi de rester en dehors du gouvernement technocratique de Draghi. Meloni dirige une alliance italienne de centre-droit étonnamment unie, comprenant également la Lega populiste de Matteo Salvini et le parti centriste de Berlusconi.

Selon un sondage Politico réalisé le 12 août, les Frères d'Italie obtiendraient 24% des votes potentiels, la Lega environ 14% et Forza Italia 7%. Le centre et le centre-gauche fracturés (comprenant cinq partis) ne recueilleraient ensemble que 45% des voix. Ainsi, la droite italienne est sans aucun doute sur la voie d'une célèbre victoire.

Ce qui les unit, c'est que le parti de l'alliance qui obtient le plus de voix choisira le nouveau Premier ministre – un principe parfaitement démocratique. Meloni se retrouve donc à la tête du poste puisqu'elle détient la majorité du vote démocratique. L'ironie du sort est que, pendant que Meloni essaie d'apaiser les craintes concernant l'origine quasi-fasciste de son parti, c'est elle qui s'est révélée être la véritable démocrate.

Meloni, qui s'entend personnellement très bien avec Draghi, a l'intention de suivre ses traces au niveau économique. Ainsi, elle mettrait en place le plan de redressement de l'Italie afin de recevoir les sommes promises par l'UE. Il est également prévu qu'elle défende des politiques conservatrices, notamment la limitation de l'immigration et l'aplanissement du taux d'imposition pour les revenus les plus faibles, tout en augmentant le financement des politiques en faveur des enfants (écoles maternelles et allocations familiales).

Sur le plan extérieur, et compte tenu des relations étroites qu'elle entretient avec le mouvement conservateur mondial, Meloni trouvera dans l'administration progressiste de Biden un partenaire avec qui il sera difficile de traiter sur le plan idéologique. De même, à l'intérieur des frontières, les fonctionnaires hautains de Bruxelles récolteront ce qu'ils ont semé, en raison du conservatisme social de Meloni, de son euroscepticisme latent et de ses projets de réduction unilatérale de l'immigration. Toutefois, en raison du taux d'endettement public colossal et croissant de l'Italie (un taux olympique de 152,6% au premier trimestre de cette année), Rome risque de ne plus pouvoir mordre la main qui la nourrit.

Malgré tous les défis à venir, la bonne nouvelle est que l'Italie ne se considère plus comme une quasi-colonie de l'UE. Il incombe désormais à Meloni de gouverner plus efficacement que ses infortunés prédécesseurs technocrates, et d'éviter ainsi la colonisation totale par Bruxelles que l'effondrement économique provoquerait certes.

Le Dr John C. Hulsman est président et associé directeur de John C. Hulsman Enterprises, une importante société de conseil en matière de risque politique mondial. Il est également chroniqueur principal pour City AM, le journal de la City de Londres. Il est joignable via johnhulsman.substack.com.

NDLR : L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com