Une bénédiction déguisée : la pandémie, catalyseur de changement pour les PME saoudiennes

Le comportement des consommateurs saoudiens a été transformé pendant le verrouillage dès que les centres commerciaux et les magasins ont reçu l’ordre de fermer leurs portes, créant une frénésie parmi les consommateurs. (SPA)
Le comportement des consommateurs saoudiens a été transformé pendant le verrouillage dès que les centres commerciaux et les magasins ont reçu l’ordre de fermer leurs portes, créant une frénésie parmi les consommateurs. (SPA)
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Publié le Dimanche 20 septembre 2020

Une bénédiction déguisée : la pandémie, catalyseur de changement pour les PME saoudiennes

  • Le comportement des consommateurs saoudiens a changé pendant le confinement imposé par la COVID-19
  • Les PME ont également été contraintes de s'adapter, non seulement pour répondre à la demande croissante d'achats en ligne, mais aussi pour assurer leur survie avec un minimum de pertes

JEDDAH : Malgré l'assouplissement du confinement dû à la Covid-19 par le gouvernement,  les Saoudiens continuent à faire des achats en ligne. Ceci a contribué à l'essor du commerce électronique et a incité les petites et moyennes entreprises à s'adapter.

Certes, le commerce électronique a évité l'effondrement des marchés de détail mondiaux et a permis aux consommateurs de ne pas avoir à sortir pendant la première vague de l'épidémie. Toutefois, si les PME étaient les plus vulnérables aux conséquences de la pandémie, les plateformes électroniques ont joué un rôle crucial dans leur survie.

Dans ce contexte, le comportement des consommateurs saoudiens a changé pendant le confinement imposé par la COVID-19. Dès que les magasins ont reçu l'ordre de fermer leurs portes, une frénésie a été décelée chez les consommateurs, qui se sont pourtant rapidement adaptés. Les PME ont également été contraintes de s'adapter, non seulement pour répondre à la demande croissante d'achats en ligne, mais aussi pour assurer leur survie avec un minimum de pertes.

Marion Janson est économiste en chef au Centre du commerce international des Nations unies. Elle a déclaré en juin qu'environ 20 % des PME dans le monde pourraient ne pas survivre à la pandémie.

Un récent rapport de Visa a révélé que l’anxiété augmentait chez les commerçants en Arabie Saoudite, avec 67 % des petites entreprises qui se plaignaient du recul des dépenses moyennes des consommateurs.

Pour de nombreux consommateurs saoudiens, c’était la première fois qu’ils faisaient des achats en ligne, principalement pour des produits de première nécessité. Le rapport de Visa a montré que les deux tiers des consommateurs saoudiens interrogés ont déclaré que la Covid-19 les a portés à effectuer leur premier achat d'épicerie en ligne, tandis que 59 % ont effectué leur premier achat en ligne dans des pharmacies.

"Au début, nous étions confus et ne savions pas ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas", a confié le Dr. Suhad Zain, employé du gouvernement à Jeddah. "Pouvions-nous prendre le risque d'aller faire des achats pour nos besoins quotidiens ou non ? Nous devions nous assurer que tout le monde à la maison était en sécurité, y compris le chauffeur, et ne pas nous exposer à la menace invisible qui a changé notre mode de vie. Nous faisions la plupart de nos courses en ligne, des fruits et légumes aux bouteilles d'eau, en passant par les appareils électroménagers et les articles de loisirs. Nous n’avions pas le choix, même si nous avons mis du temps pour accepter le nouveau changement".

Dans ce contexte, on s’attend à ce que la peur du virus change à jamais le comportement des consommateurs. "C'est devenu plus pratique même après la levée du confinement", a ajouté Dr. Zain. "Après quelques mois, nous nous y sommes habitués et, pour ma famille et moi, c'est devenu notre moyen d'achat préféré".

Selon le rapport Visa, ces conditions ont été un catalyseur pour le commerce en ligne ; 38 % des commerçants du pays ont signalé l'introduction d'offres en ligne comme une conséquence directe de la pandémie, alors que plus de la moitié étaient actifs dans le commerce électronique avant la pandémie.

Les deux tiers des consommateurs saoudiens ont estimé que la Covid-19 les a portés à effectuer leur premier achat d'épicerie en ligne, tandis que 59 % ont effectué leur premier achat en ligne dans une pharmacie. 

Le rapport note également une hausse au niveau du commerce électronique, une préférence pour les marques de confiance, une diminution des dépenses discrétionnaires et une polarisation de la durabilité. Les consommateurs ont un panier plus grand, pourtant ils ont réduit la fréquence de leurs achats, et ils se tourneront vers les magasins les plus proches de chez eux. On discerne facilement un changement du comportement des consommateurs saoudiens.

Cependant, le passage au commerce en ligne, en remplaçant les transactions en espèces par des paiements numériques, a eu une influence négative sur les détaillants qui ne vendent qu'en espèces. Ce nouveau mode d’achat représente un défi ardu pour ces commerçants, qui doivent appréhender le changement de comportement des consommateurs et s'y adapter et de toute urgence.

" En décidant de passer au commerce électronique, les propriétaires d'entreprises saoudiens confrontent  a present de multiples défis qu'ils doivent relever. Certains d'entre eux ne savent même pas comment bénéficier de la technologie et quelles options elle pourrait offrir", a confié à Arab News Talal Abdullah, consultant en développement commercial et en marketing.

"Certains devront aussi trouver un partenaire technique pour passer avec succès au commerce électronique et, surtout, ils devront revoir leur canevas de modèle d'entreprise pour déterminer comment ils veulent utiliser cette technologie afin d’ameliorer leurs affaires".

Pour surmonter ces défis, Abdullah suggère que les propriétaires d'entreprises recherchent le bon partenaire technique en fonction de leur nouveau modèle.

"S'ils ne trouvent pas le partenaire technique adéquat, ils doivent alors assurer un budget clair pour l'application ou le site web qu'ils doivent éventuellement lancer. Toutefois, avant d'entrer en contact avec une entreprise de services techniques, ils doivent consulter des clients effectifs de ces entreprises et se renseigner sur leur activité et leur performance".

Selon lui, demander l’aide de consultants techniques ou de propriétaires de projets similaires pouvait gagner du temps et réduire les efforts requis. Les accélérateurs et les incubateurs d'entreprises, ainsi que les communautés d'entrepreneurs et de technologie, pourraient fournir encore plus de connaissances et de relations et contribueraient, en général, à une transition plus douce.

Néanmoins, ces changements ont aussi un coût. Ils imposent, certes, de nouvelles charges financières aux entreprises déjà affaiblies par la pandémie. De plus, construire et adapter un nouveau modèle d'entreprise qui cible un groupe de clients complètement différent, est un processus long. Il s'agit donc d'un défi de taille pour de nombreux petits détaillants.

Abu Mohammed est dans le commerce de détail depuis 20 ans. Il avait des clients fréquents qui venaient pour un type de vêtement spécifique avec une certaine marge de prix. Toutefois, avec la fermeture, il ne pouvait pratiquement rien vendre.

"J'ai commencé à cibler un autre type de clients ces dernières années, et j'importais de nouveaux vêtements pour les vendre par la suite sur Instagram et des sites de commerce électronique", a-t-il déclaré à Arab News. "Malgré cela, je ne peux toujours pas remplacer mon magasin actuel par un magasin entièrement virtuel. Il faut du temps et de l'argent pour se construire une réputation".

Pour lui, le confinement a été une expérience difficile. Il est conscient qu’il doit accélérer ses anciens plans de transformer son magasin en une véritable marque, puisque les gens se tournent progressivement vers les achats en ligne de marques connues.

"Ce sera une transformation très difficile", a-t-il ajouté. "Il faudra établir un bon plan marketing et dépenser de l'argent, non seulement pour les outils mais aussi pour le personnel. C'est une expérience tout à fait nouvelle. Je sais que le commerce électronique est là pour rester et que c'est notre seul moyen d'avancer. Sinon, le travail que j'ai accompli pendant des années disparaîtra progressivement. Cette crise pourrait être une bénédiction déguisée, qui sait".

 


Kering vend sa beauté à L'Oréal pour se relancer

Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement. (AFP)
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  • L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars
  • La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges

PARIS: Le groupe français de luxe Kering, malmené depuis plusieurs années, vend sa division beauté à son compatriote L'Oréal pour 4 milliards d'euros, ce qui devrait lui permettre de réduire son endettement et continuer son redressement.

L'information avait été dévoilée samedi par le Wall Street Journal: Kering cède au numéro un mondial des cosmétiques L'Oréal sa division beauté, créée en 2023 avec notamment l'achat de la marque de parfums de luxe Creed pour 3,5 milliards de dollars.

La réalisation de l'opération est prévue au premier semestre 2026.

La cession, annoncée dans la nuit de dimanche à lundi, est saluée par les marchés à l'ouverture de la Bourse de Paris lundi, où l'action Kering gagnait plus de 5% dans les premiers échanges.

L'accord comprend également "l'établissement des licences de 50 ans pour les marques iconiques de Kering" (Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga), L'Oréal possédant déjà depuis 2008 la licence Yves Saint Laurent.

Le partenariat inclut "les droits de conclure un accord de licence exclusif d'une durée de cinquante ans pour la création, le développement et la distribution des produits parfum et beauté de Gucci, démarrant après l'expiration de la licence actuelle avec Coty, dans le respect des obligations du groupe Kering au titre de l'accord de licence existant".

Selon une note des analystes de HSBC, la licence arrive à expiration chez l'américain Coty en 2028.

Il est également inclus un "partenariat exclusif, prévu sous la forme d'une co-entreprise à 50/50, qui permettra de créer des expériences et des services combinant les capacités d'innovation de L'Oréal et la connaissance approfondie des clients du luxe de Kering".

"L'ajout de ces marques extraordinaires complète parfaitement notre portefeuille existant et élargit considérablement notre présence dans de nouveaux segments dynamiques de la beauté de luxe (...) Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga sont toutes des marques de couture exceptionnelles qui présentent un énorme potentiel de croissance", déclare le directeur général de L'Oréal, Nicolas Hieronimus, cité dans le communiqué.

"Etape décisive pour Kering"

"Cette alliance stratégique marque une étape décisive pour Kering", déclare son directeur général, Luca de Meo, cité dans le communiqué, "ce partenariat nous permet de nous concentrer sur ce qui nous définit le mieux : notre puissance créative et l'attractivité de nos Maisons".

Cette annonce survient un mois seulement après l'entrée en fonction de Luca de Meo, chargé de redresser le groupe malmené depuis plusieurs années par les difficultés de sa marque phare Gucci, qui assure à elle seule 44% du chiffre d'affaires et les deux tiers de la rentabilité opérationnelle mais n'en finit pas de traverser une mauvaise passe.

"Nous devrons continuer à nous désendetter et, là où cela s'impose, rationaliser, réorganiser et repositionner certaines de nos marques", avait déclaré Luca de Meo le jour de sa nomination le 9 septembre. .

"Le nouveau directeur général de Kering semble déjà vouloir marquer les esprits. Luca de Meo a déclaré que le redressement du bilan constituait une priorité, et qu'une vente de la division beauté permettrait de réduire significativement l'endettement" du groupe, retient lundi Adam Cochrane, analyste de Deutsche Bank.

Kering a annoncé en juillet une chute de 46% de son bénéfice net au premier semestre, à 474 millions d'euros, un plongeon de 16% de son chiffre d'affaires, à 7,6 milliards d'euros, et un endettement de 9,5 milliards d'euros.

Cette vente à L'Oréal devrait permettre au groupe de diminuer sa dette. Les 4 milliards d'euros seront "payables en numéraire à la réalisation de l'opération prévue pour le premier semestre 2026", précise le communiqué.

L'Oréal versera également des redevances à Kering pour l'utilisation des marques sous licence.

L'Oréal a de son côté publié en juillet un chiffre d'affaires semestriel en hausse de 1,6% à 22,47 milliards. Les ventes semestrielles de sa division luxe ont progressé de 1% à plus de 7,65 milliards d'euros.

Le groupe de cosmétiques a également été cité en septembre dans le testament de Giorgio Armani, qui a demandé à ses héritiers de céder à moyen terme son empire à un géant comme LVMH, L'Oréal ou EssilorLuxottica.

L'Oréal possède la licence Armani pour les parfums et cosmétiques depuis 1988.


L’intelligence artificielle, levier d’émancipation pour les femmes selon la directrice de la DCO

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. » (Photo fournie)
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  • Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures
  • Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré

PARIS: Pour la directrice générale de la Digital Cooperation Organization (DCO), Hajar El Haddaoui, l’intelligence artificielle (IA) représente une opportunité considérable pour les femmes sur le marché du travail, à condition toutefois de réduire les fractures numériques, de renforcer la coopération internationale et d’intégrer cette technologie au cœur des stratégies nationales de développement.

Interrogée par Arabnews en français en marge des Rencontres économiques de l’Institut du monde arabe à Paris, El Haddaoui affiche un optimisme mesuré : « On ne peut pas dire que l’intelligence artificielle est une bonne ou une mauvaise chose en soi, explique-t-elle, mais je suis très optimiste quant aux opportunités qui existent pour les femmes. »

« On voit de plus en plus de femmes s’intéresser à l’IA et aux algorithmes dans différents domaines ; il faut s’en saisir comme d’une opportunité », souligne El Haddaoui, dont l’organisation, fondée à Riyad en 2020, regroupe 16 États membres et compte plus de 40 partenaires issus des secteurs technologique et financier.

Œuvrant essentiellement autour de deux axes stratégiques — la résilience technologique et la prospérité numérique —, la DCO s’est vu accorder un siège d’observateur à l’Assemblée générale des Nations unies en 2022.

L’accès à l’intelligence artificielle n’est cependant pas uniforme à l’échelle mondiale, plaide El Haddaoui, dont l’organisation œuvre pour l’inclusivité numérique et technologique.
« Non, il n’y a pas d’égalité entre les pays, affirme-t-elle sans détour. Certains ont énormément investi dans l’IA et disposent des ressources nécessaires, tandis que d’autres en sont encore loin. »

Elle insiste sur l’importance de la coopération régionale pour réduire ces écarts : « Il faut échanger les bonnes pratiques et, surtout, soutenir les pays en retard par de grands investissements », souligne-t-elle, rappelant que « certains pays n’ont même pas la 5G, ce qui rend toute avancée en IA très difficile ».

Pour elle, la réduction de cette fracture nécessite des partenariats solides entre États, des échanges d’expériences et un appui financier ciblé, afin « de permettre à davantage de pays d’intégrer l’intelligence artificielle dans leurs priorités nationales ».

Cependant, les disparités ne sont pas seulement internationales, souligne El Haddaoui : elles sont également internes, car « dans certains pays, les zones rurales n’ont même pas accès à Internet, alors que d’autres régions abritent des hubs d’innovation très avancés », observe-t-elle.

Cette fracture numérique interne constitue, selon elle, un défi majeur. La solution passe par une stratégie globale d’éducation et d’inclusion : « Il faut prendre en compte l’éducation dès le plus jeune âge, développer des applications accessibles dans les langues locales et former les talents nationaux pour diffuser les connaissances liées à l’IA au sein même du pays. »

Ce n’est qu’une fois ces bases posées que la réduction de la fracture pourra s’étendre aux niveaux régional et mondial.

Interrogée sur le risque de voir le financement de l’IA se faire au détriment d’autres secteurs essentiels, El Haddaoui se veut rassurante : « Si l’intelligence artificielle est intégrée dans la stratégie numérique nationale et appliquée à tous les secteurs — santé, finance, économie ou éducation —, elle ne concurrence pas les autres investissements, elle les renforce », explique-t-elle.

Elle met toutefois en garde contre une approche sectorielle trop étroite : « Dans les pays où l’investissement est concentré uniquement sur l’IA sans vision transversale, le risque existe. Il ne faut pas répéter les erreurs commises lors de la transformation digitale dans certaines régions. L’IA doit être pensée comme une stratégie cross-industry, présente dans tous les secteurs et non en silo. »

Pour cette raison, ajoute-t-elle, la DCO travaille avec de nombreux États membres, dont le Maroc : « Nous sommes présents sur le terrain dans plusieurs pays membres afin d’accompagner le développement numérique local », précise-t-elle.


La ministre de la transition numérique marocaine: l’IA une opportunité pour l’émancipation des femmes

L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail. C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni. (Photo fournie)
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  • Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies
  • En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés

PARIS: L’intelligence artificielle (IA) peut devenir un outil puissant pour renforcer la place des femmes dans la société et sur le marché du travail.
C’est le message porté par la ministre marocaine de la Transition numérique, Amal El Fallah Seghrouchni, qui voit dans cette technologie une opportunité majeure pour réduire les fractures sociales et économiques, à condition de s’y préparer dès maintenant.

Nommée ministre en 2024, Seghrouchni est une pionnière de l’intelligence artificielle. Elle est même décrite par certains comme « l’Elon Musk du Maroc », mais elle se distingue de ce dernier par son engagement éthique et son attachement à l’inclusion et à la justice sociale liées à l’avènement des nouvelles technologies.
Dans le cadre de ses fonctions et responsabilités, elle poursuit sa quête d’une utilisation raisonnée de l’intelligence artificielle, au profit de tous.

Présente à Paris à l’occasion de la 16ᵉ édition des Rencontres économiques, organisées par l’Institut du monde arabe, la ministre a insisté, en réponse à Arab News en français, sur la nécessité d’intégrer les femmes dans cette révolution technologique.
« Aujourd’hui, l’intelligence artificielle est utilisée dans tous les secteurs de la vie professionnelle : la santé, l’agriculture, l’art, la culture, le droit ou encore la fintech », indique-t-elle. « Et si les femmes maîtrisent l’intelligence artificielle, elles peuvent accéder à un marché de l’emploi beaucoup plus vaste. »

Selon la ministre, l’IA permet aux femmes d’améliorer leur productivité et d’accéder à des ressources jusqu’ici moins accessibles, comme la traduction automatique, les calculs complexes ou la recherche d’informations ciblées : « autant d’usages concrets qui peuvent faciliter leur insertion professionnelle ».
Elle met également en avant le potentiel des outils d’IA pour les femmes entrepreneures, dirigeant des petites ou moyennes entreprises, qui peuvent ainsi s’appuyer sur le commerce électronique pour dépasser les limites des marchés locaux.
« Il existe aujourd’hui des plateformes qui permettent aux femmes d’accéder à un marché global grâce à l’intelligence artificielle », explique-t-elle.

La formation à l’IA représente un investissement, concède la ministre, mais celui-ci reste accessible et rentable. De nombreux programmes, soutenus par des organisations internationales ou des initiatives nationales, visent à réduire cette barrière financière.
« Nous avons lancé un programme qui s’appelle Elevate pour le commerce électronique : il aide gratuitement des femmes à accéder à ces plateformes », précise-t-elle. Et même si certaines formations sont payantes, les coûts restent modérés « au regard du retour sur investissement potentiel ».

La ministre reconnaît cependant l’existence de plusieurs niveaux de fracture : alphabétisation, numérique, et désormais intelligence artificielle.
Mais elle estime que « la question n’est pas de savoir s’il va y avoir une fracture, mais si nous allons pouvoir maîtriser ces technologies pour ne pas rester sur le bord du chemin », car il ne s’agit pas de subir ces transformations, mais « de les utiliser comme leviers de réduction des inégalités ».

Le Maroc multiplie les initiatives pour démocratiser l’accès à ces technologies. En juillet dernier, les Assises nationales de l’intelligence artificielle ont réuni 2 500 acteurs publics et privés.
Le pays a lancé des plateformes de formation, un programme de soutien aux start-up, ainsi qu’un vaste réseau d’instituts de recherche et de développement baptisé Jazari.

« Rien n’arrive tout seul », rappelle la ministre. « Le coût est là, mais aussi la volonté d’apporter les moyens humains, financiers et techniques nécessaires. C’est un grand chantier que nous voulons mener à bien, avec la détermination des femmes à monter dans ce que j’appelle le train de l’IA. »

La métaphore est claire : l’intelligence artificielle avance rapidement, et il faut savoir monter à bord au bon moment. En misant sur la formation, l’accès aux outils et l’accompagnement des femmes, la ministre entend faire de l’IA non pas une nouvelle ligne de fracture, mais une voie d’émancipation et d’ouverture.