En Libye, un processus électoral à haut risque

Des Libyennes manifestent contre la partition du pays. « Ni Est ni Ouest, unité nationale pour la Libye. »(Photo, AFP)
Des Libyennes manifestent contre la partition du pays. « Ni Est ni Ouest, unité nationale pour la Libye. »(Photo, AFP)
Short Url
Publié le Vendredi 12 novembre 2021

En Libye, un processus électoral à haut risque

  • La Haute Commission électorale nationale a annoncé le 8 novembre dernier l'ouverture des candidatures pour la présidentielle et les législatives
  • Les forces du statu quo, attachées à leurs privilèges, à leurs acquis et à leurs possessions, appréhendent la fin de la période de transition

PARIS : Pour la tenue des prochaines élections libyennes, le 24 décembre 2021, le compte à rebours a commencé: la Haute Commission électorale nationale a annoncé le 8 novembre dernier l'ouverture des candidatures pour la présidentielle et les législatives.

Un certain nombre d’obstacles menacent néanmoins cette échéance tant attendue. La conférence internationale sur la Libye, qui se tiendra à Paris le 12 novembre prochain, pourrait être l’occasion de mettre l’accent sur le maintien de ces élections; mais il semblerait que les perspectives libyennes soient surtout subordonnées aux litiges endogènes et aux tiraillements exogènes, multiples et quasiment insolubles.

Paradoxalement, les forces du statu quo, attachées à leurs privilèges, à leurs acquis et à leurs possessions, appréhendent la fin de la période de transition. La perspective du scrutin accroît donc considérablement les tensions entre les différents camps libyens. De surcroît, les ingérences étrangères, et notamment le dossier des mercenaires, ne cessent de perturber la pacification de la scène libyenne.

Dans le cadre de la préparation des scrutins, la Mission d’appui des nations unies en Libye (Manul) appelait le 30 octobre dernier à «la tenue simultanée d’élections parlementaires et présidentielle libres, équitables, inclusives et crédibles le 24 décembre, conformément à la feuille de route politique libyenne, aux résolutions 2570 et 2571 du Conseil de sécurité et aux conclusions de la deuxième Conférence de Berlin pour la Libye».

Toutefois, ces vœux pieux et ces demandes incessantes de la communauté internationale ne constituent pas un feu vert pour la tenue des élections: les divisions et les disputes s’accumulent entre les protagonistes, et il n’est pas certain que le Sommet international sur la Libye, à Paris, permettra de franchir tous les obstacles.

À moins de sept semaines de l’échéance électorale, les différentes parties régionalistes, tribales et idéologiques haussent le ton soit pour marquer le terrain, soit pour protester contre la loi électorale, soit pour mettre en cause l’ensemble du processus.

Le 8 novembre dernier, le président du Haut Conseil d'État libyen, Khaled al-Michri (proche des Frères musulmans et membre du Parti de la justice et de la construction), a appelé au boycott des élections pour protester contre le fait que soient autorisées les candidatures de ceux qu'il qualifie de «criminels» – en l’occurrence, Khalifa Haftar, général de division à la retraite, et Saïf al-Islam Kadhafi, qui compte se lancer dans la course présidentielle.

Éternel hiatus

Cette contestation souligne l’éternel hiatus qui oppose les tenants du pouvoir de facto, à l’Ouest (les milices et les islamistes en particulier) à ceux de l’Est et du Sud (le maréchal Khalifa Haftar et le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah Issa).

 

Al-Michri et ses alliés estiment que les lois électorales émises par la Chambre des représentants libyenne sont imparfaites. Il est possible que le veto que le Haut Conseil d’État a posé contre la loi approuvée par la Chambre des représentants et l’action de la commission électorale perturbe le processus.

Certes, la contestation ne se limite pas aux critères qui président au choix des candidats à la présidentielle; mais, à Tripoli, une source libyenne indépendante déclare: «Beaucoup de compétiteurs veulent des élections à l’exclusion de tel ou tel candidat. Ces rejets concernent Haftar, Saïf al-Islam Khadafi ou encore l’actuel chef du gouvernement provisoire, Abdelhamid Dbeibé, qui a bel et bien oublié l’engagement qu’il avait pris, lorsqu’il avait pris les rênes du gouvernement provisoire, de ne pas se présenter.» Dans cette course à la fonction suprême décidément incertaine figurent également un grand nombre d’autres candidats.

Au-delà des rivalités exacerbées (entre le président du Conseil présidentiel, Mohammed el-Menfi, classé antiturc, et le Premier ministre Abdelhamid Dbeibé, proturc, ou entre le maréchal Khalifa Haftar et le président de la Chambre des représentants, Aguila Salah Issa), des défis connexes pourraient mener à un retour à la case départ si l’on ne veille pas à régler certains problèmes ni à empêcher les sabotages.

Il existe en effet des défis majeurs, comme la présence néfaste de mercenaires étrangers et le poids des milices déployées dans certaines régions ou dans certaines villes. Ces difficultés s’ajoutent au fait que plusieurs forces de statu quo, parmi lesquelles celles qui sont affiliées à l’islam politique, rejettent le processus.

Démêler l’écheveau libyen

Face aux nombreuses difficultés et aux menaces qui rendent le processus si délicat, la conférence internationale, à Paris, arrive au bon moment pour tenter de démêler l’écheveau libyen.

En effet, plusieurs observateurs précisent que la principale lacune du processus électoral réside dans l’absence de garanties internationales susceptibles d’assurer le bon déroulement du scrutin – élections sans fraude massive ou sans pression de milices – et de rendre crédibles ses résultats.

 

Sans doute, les intérêts contradictoires qui motivent les forces internationales imbriquées dans le dossier libyen n’aident pas à trouver un consensus capable d’assurer des garanties efficaces et valables.

 

De même, le manque de fermeté de la communauté internationale à l’égard de la présence étrangère envoie un signal négatif pour la stabilité et la paix en Libye. Beaucoup de Libyens sont exaspérés par des politiciens et des forces politiques qui ne cessent de se chamailler et par des forces régionales et internationales qui ont contribué à l'exacerbation de la crise libyenne depuis l’intervention onusienne de 2011.

Devant ces litiges internes, la conférence de Paris devrait s’employer à régler certaines questions comme la simultanéité des élections ou le fait que la loi électorale, parfois perçue comme taillée sur mesure pour certains candidats, soit contestée.

Dans l’hypothèse où les différends et les contentieux persistent, la conférence internationale de Paris ne devra pas, du point de vue théorique, se montrer impuissante; il est nécessaire qu’elle fasse tout ce qui est en son pouvoir pour éviter le scénario très dangereux d’un report des élections.

À Paris, à Rome et à Berlin, comme au Caire, à Alger, à Ankara et à Washington, on répète inlassablement que la stabilité de la Libye est liée au maintien et au succès du processus électoral.

Il est indispensable que ce processus et la conférence de Paris bénéficient d’un minimum d’entente aux niveaux intérieur, régional et international. Cela permettrait d’atténuer les rivalités et les tiraillements qui se sont accentués au cours de ces dernières années. De leur côté, les Libyens espèrent que ces élections si attendues contribueront à mettre fin au conflit armé.


Un système d’armement américain utilisé dans une frappe israélienne au Liban violerait le droit international

Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
Des débris entourent les bâtiments détruits par une frappe israélienne dans le village frontalier de Mays al-Jabal, dans le sud du Liban, le 5 mai 2024 (AFP).
Short Url
  • The Guardian et Human Rights Watch (HRW) ont identifié les fragments d’une bombe JDAM fabriquée par Boeing sur le site où les secouristes ont été tués
  • Les États-Unis interdisent la vente de ces systèmes à des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme

LONDRES: Une frappe aérienne israélienne au Liban, qui a fait sept morts parmi les travailleurs humanitaires en mars, pourrait avoir été lancée à l’aide d’un système d’armement fourni par les États-Unis, selon une enquête menée par le quotidien The Guardian.

Cet incident a coûté la vie à sept secouristes âgés de 18 à 25 ans, tous bénévoles, qui se trouvaient dans un centre ambulancier à Al-Habariyé, dans le sud du Liban, le 27 mars.

Il a eu lieu cinq jours avant qu’une frappe israélienne à Gaza ne tue sept travailleurs humanitaires travaillant pour l’ONG World Central Kitchen.

Les débris trouvés sur les lieux à Al-Habariyé ont été identifiés par The Guardian, un expert indépendant et Human Rights Watch (HRW) comme appartenant à une bombe israélienne MPR de 230 kg et à une bombe JDAM (Joint Direction Attack Munition) fabriquée par Boeing, un système attaché aux explosifs pour les transformer de bombes non guidées en bombes guidées par GPS.

Ramzi Kaiss, chercheur de HRW sur le Liban, a indiqué à The Guardian que «les assurances d’Israël sur son utilisation légale des armes américaines ne sont pas crédibles. Étant donné que le comportement d’Israël à Gaza et au Liban continue de violer le droit international, l’administration Biden devrait immédiatement suspendre les ventes d’armes à Israël».

En vertu de la loi Leahy de 1997, le gouvernement américain ne peut légalement ni aider ni armer des armées étrangères lorsqu’il existe des «informations crédibles» sur des violations des droits de l’homme.

Un porte-parole du Conseil national de sécurité des États-Unis a assuré à The Guardian: «Les États-Unis veillent constamment à ce que le matériel de défense fourni par les États-Unis soit utilisé conformément au droit national et international applicable. Si des violations sont constatées, nous prenons les mesures nécessaires.»

Quant à Josh Paul, chercheur non résident à Democracy for the Arab World Now et ancien employé du département d’État, il a précisé: «Le département d’État a approuvé plusieurs de ces transferts (d’armes) en quarante-huit heures. Il n’y a aucune préoccupation politique concernant les munitions destinées à Israël, à l’exception du phosphore blanc et des bombes à sous-munitions».

Il a ajouté que les JDAM constituent des «armes clés» régulièrement demandées par Israël depuis le début de la guerre à Gaza.

Mercredi, le secrétaire d’État Antony Blinken remettra au Congrès un rapport sur l’utilisation par Israël d’armes américaines et sur la possibilité qu’elles aient été impliquées dans des violations de cette loi ou d’autres.

Le sénateur du Maryland, Chris Van Hollen, a déclaré à The Guardian que les conclusions de l’enquête à Al-Habariyé sont «profondément préoccupantes et doivent faire l’objet d'une enquête approfondie de la part de l’administration Biden. Les conclusions de cette enquête approfondie devraient certainement être incluses dans le rapport NSM-20 qui doit être soumis au Congrès le 8 mai».

La frappe aérienne sur le centre ambulancier d’Al-Habariyé a été lancée sans avertissement le 27 mars avant 1h du matin. Aucun combat n’avait été signalé dans la région.

Les victimes, qui travaillaient au centre la nuit, sont les frères jumeaux Hussein et Ahmad al-Chaar, âgés de 18 ans; Abderrahmane al-Chaar, 19 ans; Mohammed Hamoud, 21 ans; Mohammed al-Farouk Aatwi, 23 ans; Abdallah Aatwi, 24 ans; et Baraa Abou Kaiss, 24 ans.

Selon l’armée israélienne, la frappe, qui a détruit le bâtiment de deux étages, a tué un «terroriste de premier plan appartenant à la Jamaa Islamiya», un groupe politique libanais armé lié au Hezbollah. L’armée n’a pas désigné cette personne par son nom.

Un porte-parole de la Jamaa Islamiya a confirmé que certains des secouristes bénévoles étaient membres du groupe, mais a nié qu’ils faisaient partie de sa branche armée.

Samer Hardane, responsable du centre local de Défense civile, qui faisait partie des premiers intervenants, a affirmé à The Guardian : «Nous avons inspecté chaque centimètre à la recherche des membres et des possessions des victimes. Nous n’avons rien vu qui soit lié à l’armée. Nous connaissions personnellement les victimes. Nous avons donc pu identifier leurs corps».

Depuis le 7 octobre, 16 travailleurs médicaux ont été tués par des frappes aériennes israéliennes au Liban, et 380 autres personnes ont péri, dont 72 civils. Onze soldats israéliens et huit civils ont également été tués.

Kassem al-Chaar, père des jumeaux Ahmed et Hussein, a confié qu’il avait déconseillé à ses fils de se porter volontaires.

«Je leur ai dit qu’il était dangereux de faire ce type de travail, mais ils m’ont répondu qu’ils acceptaient le risque. Je ne sais pas ce qui a poussé Israël à agir de la sorte: il s’agissait de jeunes gens enthousiastes à l’idée d’aider les autres», a-t-il déploré.

«Mes fils voulaient faire du travail humanitaire, et voyez ce qui leur est arrivé. Israël n’oserait pas agir de la sorte si les États-Unis ne le soutenaient pas.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Gaza: le Hamas dit avoir accepté une proposition de cessez-le-feu présentée par l'Egypte et le Qatar

Des Palestiniens déplacés se tiennent à côté de leurs biens, dans le quartier d'Al-Mawasi, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
Des Palestiniens déplacés se tiennent à côté de leurs biens, dans le quartier d'Al-Mawasi, à Khan Younis, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
Short Url
  • Des scènes de joie et des tirs en l'air ont accueilli lundi cette annonce à Rafah
  • Un responsable du Hamas a indiqué que «la balle est désormais dans le camp» d'Israël, après l'annonce

GAZA: Le Hamas a indiqué lundi avoir informé l'Egypte et le Qatar qu'il acceptait leur proposition pour un cessez-le-feu avec Israël dans la bande de Gaza dévastée par sept mois de guerre.

"Ismaïl Haniyeh, chef du bureau politique du Hamas, s'est entretenu par téléphone avec le Premier ministre qatari Cheikh Mohammed bin Abdelrahmane Al Thani et le ministre égyptien des Renseignements, Abbas Kamel, et les a informés que le Hamas avait approuvé leur proposition d'accord de cessez-le-feu", selon un communiqué publié sur le site du mouvement palestinien.

Un responsable du Hamas a indiqué à l'AFP que "la balle est désormais dans le camp" d'Israël, après l'annonce. 

Des scènes de joie et des tirs en l'air ont accueilli lundi à Rafah, ville à la lisière sud de la bande de Gaza assiégée sur laquelle Israël projette une offensive militaire d'ampleur

 


L’Arabie saoudite met Israël en garde contre le ciblage de Rafah à Gaza

De la fumée s’élève après des frappes israéliennes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
De la fumée s’élève après des frappes israéliennes à Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 6 mai 2024. (Reuters)
Short Url
  • Cet avertissement intervient après que l’armée israélienne a ordonné à des dizaines de milliers de personnes dans la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, de commencer à évacuer les lieux plus tôt dans la journée de lundi
  • Le ministère des Affaires étrangères a réaffirmé le rejet catégorique par le Royaume des violations continues du droit international par l’armée israélienne

RIYAD: Lundi, l’Arabie saoudite a mis en garde contre les dangers d’un ciblage de la ville de Rafah par Israël dans le cadre de sa campagne «sanglante et systématique visant à envahir toutes les zones de la bande de Gaza et à déplacer ses habitants».

Cet avertissement intervient après que l’armée israélienne a ordonné à des dizaines de milliers de personnes dans la ville de Rafah, dans le sud de Gaza, de commencer à évacuer les lieux plus tôt dans la journée de lundi, signalant qu’une invasion terrestre, promise depuis longtemps, pourrait être imminente.

Le ministère des Affaires étrangères a réaffirmé le rejet catégorique par le Royaume des violations continues du droit international par l’armée israélienne, qui exacerbent la crise humanitaire dans le territoire et entravent les efforts de paix internationaux.

Le ministère a réitéré l’appel du Royaume à la communauté internationale pour qu’elle intervienne immédiatement afin d’arrêter le génocide israélien en cours dans les territoires palestiniens occupés.

Lundi, Volker Turk, le Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, a déclaré que les ordres israéliens de déplacer les Palestiniens de Rafah étaient inhumains et risquaient de les exposer à davantage de dangers et de souffrances. Il a averti que de telles actions peuvent parfois constituer des crimes de guerre.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com