Le succès des talibans afghans enhardit leurs homonymes pakistanais

Le porte-parole de Tehreek-e-Taliban Pakistan, Shahidullah Shahid, à droite, s'exprime lors d'une conférence de presse dans un lieu tenu secret au Pakistan, le 21 février 2014. (Photo, AFP)
Le porte-parole de Tehreek-e-Taliban Pakistan, Shahidullah Shahid, à droite, s'exprime lors d'une conférence de presse dans un lieu tenu secret au Pakistan, le 21 février 2014. (Photo, AFP)
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Publié le Samedi 13 novembre 2021

Le succès des talibans afghans enhardit leurs homonymes pakistanais

  • Mouvement distinct des talibans afghans, mais mû par la même idéologie et une longue histoire commune, le TTP a mené d'innombrables attentats qui ont ensanglanté le Pakistan entre sa création, en 2007, et 2014
  • «Depuis la chute de Kaboul, (nos combattants) peuvent bouger (plus) librement côté afghan. Ils n'ont plus peur des drones américains, et ils peuvent se rencontrer et communiquer facilement»

PESHAWAR : La prise de pouvoir des talibans en Afghanistan a donné un élan supplémentaire à leurs homonymes pakistanais, déjà renaissants depuis un an, forçant Islamabad à négocier avec eux pour éviter un retour à l'époque où ils terrorisaient le Pakistan.


Mouvement distinct des talibans afghans, mais mû par la même idéologie et une longue histoire commune, le Tehreek-e-Taliban Pakistan (TTP) a mené d'innombrables attentats qui ont ensanglanté le Pakistan entre sa création, en 2007, et 2014.


Affaibli ensuite par d'intenses opérations de l'armée, il a dû se replier de l'autre côté de la frontière, dans l'Est afghan, et réduire ses attaques sur le sol pakistanais.


Mais il est revenu en force depuis plus d'un an, sous l'impulsion d'une nouvelle direction, et encore plus après le retour au pouvoir des talibans afghans en août.


"Depuis la chute de Kaboul, (nos combattants) peuvent bouger (plus) librement côté afghan. Ils n'ont plus peur des drones américains, et ils peuvent se rencontrer et communiquer facilement", confie à l'AFP une source au sein du TTP.


Ce regain de confiance a été illustré fin octobre par la publication de photos du chef du TTP, Noor Wali Mehsud, circulant sans se cacher en Afghanistan, serrant les mains d'habitants et s'exprimant en public. Ce qui aurait été inimaginable sous l'ancien gouvernement afghan, pro-occidental.


Le TTP a aussi revendiqué 32 attaques en août et 37 en septembre, soit le total mensuel le plus élevé depuis "cinq ou six ans", relèvent les chercheurs Amira Jadoon et Abdul Sayed dans un récent article. Il en avait revendiqué 149 en 2020, soit trois fois plus qu'en 2019.


Le groupe "veut reproduire la réussite des talibans afghans", note Syed Irfan Ashraf, chercheur à l'université de Peshawar.


Le TTP a été créé par des jihadistes pakistanais alliés à Al-Qaïda, qui avaient combattu aux côtés des talibans en Afghanistan dans les années 90, avant de s'opposer au soutien apporté par Islamabad aux Américains après l'invasion de ce pays en 2001.

Nouvelle cohésion
Ses membres sont principalement d'ethnie pachtoune, comme les talibans afghans, que le Pakistan a longtemps soutenus clandestinement pour maintenir son influence en Afghanistan et y circonscrire celle de son éternel rival, l'Inde.


Né dans les zones tribales du nord-ouest du Pakistan, à la frontière avec l'Afghanistan, le TTP a tué en moins d'une décennie des dizaines de milliers de civils pakistanais et membres des forces de sécurité.


L'opération Zar-e-Azb, lancée par l'armée pakistanaise en 2014, a permis de chasser des zones tribales le TTP, déjà amoindri par les tirs de drones américains, les divisions internes et les ralliements à la franchise régionale du groupe Etat islamique (EI-K).


Affaibli à partir de 2015, le TTP s'est redressé après la mort en 2018 de son chef, Maulana Fazlullah, tué par un drone.


Contesté en interne, il a été remplacé par Noor Wali Mehsud, membre de la redoutée tribu Mehsud, originaire du Waziristan du Sud, celle du fondateur du TTP, Baitullah Mehsud.


Sous son nouveau commandement, le mouvement a retrouvé une cohésion à partir de l'été 2020 en ralliant une dizaine de factions, proches d'Al-Qaïda ou de retour après avoir un temps quitté le TTP.


Au même moment, l'EI-K était affaiblie en Afghanistan, pris en étau entre l'armée gouvernementale, aidée des Etats-Unis, et les talibans, alors insurgés.


Pour tenter d'améliorer l'image de son groupe et se distinguer de l'extrémisme de l'EI-K, Noor Wali Mehsud a exigé que les attaques se concentrent sur les forces de sécurité et non plus les civils.

Négociations à petits pas
Il a réaffirmé son soutien aux talibans afghans, désormais à couteaux tirés avec l'EI-K, devenu leur principal adversaire et qui multiplie les attaques sanglantes à Kaboul et ailleurs.


Fort de 2 500 à 6 000 combattants selon l'ONU, le TTP fait à nouveau peur dans les zones tribales, même s'il ne les contrôle plus en partie comme au début des années 2010.


Ses militants ne s'y manifestent pas ouvertement comme avant, "mais les gens peuvent sentir leur présence", surtout la nuit, raconte à l'AFP un notable de la tribu Mehsud.


Dans son district du Waziristan du Sud, très traditionnel et religieux, "la plupart des gens aiment les talibans afghans, car ce qu'ils font l'est au nom de l'islam", dit-il.


Le TTP reste apprécié par certains, mais les gens craignent surtout que son retour ne rouvre une ère de violences.


Le gouvernement pakistanais, qui ne cache pas sa préoccupation, a annoncé en octobre avoir ouvert des négociations de paix avec le TTP, pour la première fois depuis 2014.


Les deux parties ont indiqué en début de semaine avoir conclu un cessez-le-feu d'un mois, éventuellement renouvelable pour la durée des pourparlers.


Le TTP avait fait de la libération d'une centaine de ses membres une pré-condition à cette trêve, selon la source interne au groupe. Mais les autorités n'ont pas confirmé avoir accédé à cette demande.


Islamabad avance à petits pas dans ces négociations, échaudé par des accords passés jamais suivis d'effet.


D'après la radio Mashaal, ces négociations sont parrainées par Sirajuddin Haqqani, ministre afghan de l'Intérieur et chef du réseau Haqqani, classé terroriste par Washington mais également réputé de longue date très proche de l'armée pakistanaise.

En Afghanistan, la justice des talibans toujours dans le flou

KANDAHAR : Dans un QG taliban du sud afghan, 12 accusés attendent d'être jugés dans une petite pièce recouverte d'un tapis. Une cellule improvisée, où la justice du nouveau régime tarde à passer.


Aucun de ces détenus du district de Panjwai n'a encore vu le juge, occupé ailleurs. En attendant, les soldats talibans se font parfois juges, jury et exécuteurs, avec quelques rudiments de loi islamique.


Ils ont ainsi décidé de garder un homme d'affaire de 41 ans, arrêté pour une dette non réglée, jusqu'à ce qu'il la rembourse à son créditeur, explique à l'AFP le "condamné", qui dit s'appeler Haji Baran.


Cette décision rapide semble lui convenir. "Pour ça, la loi islamique est bonne", souligne-t-il.


L'instauration d'une justice islamique rapide, efficace, équitable est au coeur du projet politique et idéologique des talibans.


Bien avant le retour au pouvoir à la mi-août, l'instauration de tribunaux islamiques a été pour les talibans "un moyen de conquérir le pouvoir", avance Adam Baczko, chercheur spécialiste de l'Afghanistan qui a mené une enquête de terrain sur le sujet entre 2010 et 2016.


"A partir de 2004, dans les zones qu'ils contrôlaient, les gens se tournaient vers eux", rappelle-t-il, car ils étaient "de plus en plus mécontents de l'ingérence des troupes occidentales et du système judiciaire officiel qui apparaissait comme corrompu et népotique". 


Mais trois mois après leur prise de pouvoir, la généralisation de la justice talibane reste encore embryonnaire. 


«La fille était d'accord»

A quelques kilomètres de là, dans la prison centrale de Kandahar, Mansour Maulavi, son directeur adjoint, fait visiter les baraquements à l'odeur fétide, où 200 suspects de crimes sont détenus.


A la main il tient un câble électrique, qui peut servir à repousser et fouetter d'éventuels prisonniers récalcitrants. 


Les procédures sont les mêmes que celles qu'avaient les talibans lorsqu'ils étaient encore une rébellion, explique M. Paulavi, qui dirigeait alors leur prison clandestine locale.


"Nos juges viennent et décident" du sort de ces prisonniers "selon la charia" (la loi islamique), explique-t-il. 


Un homme, arrêté il y a deux mois alors qu'il se trouvait chez lui avec une adolescente de 14 ans, est extrait de sa cellule.  


La jeune fille "était d'accord pour se marier, mais pas ses parents, c'est pour ça qu'ils ont appelé les talibans", raconte l'accusé, Mohammad Naeem, 35 ans, assis en tailleur dans la cour de la prison. 


"Mais je n'ai pas touché la fille, ils peuvent faire des tests et vérifier", plaide-t-il. 


S'il est reconnu coupable de relation sexuelle hors mariage, donc d'adultère, il encourt en théorie la lapidation à mort. Mais il affiche sa confiance envers "la loi islamique", qui permettra selon lui de montrer qu'il n'a "rien fait de mal".


Châtiments violents

Le souvenir des châtiments corporels cruels et radicaux infligés par les talibans dans les années 90 (lapidation, homosexuels morts écrasés sous des tas de briques...) hante toujours une partie de la population.


Mais les talibans d'aujourd'hui, qui doivent gagner la confiance de la population pour asseoir leur règne, semblent vouloir parfois éviter les peines les plus sévères, par exemple en invoquant l'absence de témoins.


Ils s'attachent également en priorité à limiter les dérapages susceptibles de ternir leur image et la respectabilité dont ils ont besoin pour trouver des ressources et obtenir de l'aide internationale.


"Si quelqu'un prend sur lui de tuer une personne, même s'il s'agit d'un de nos hommes, il devra faire face à la loi", a assuré le porte-parole du gouvernement, Zabiullah Mujahid, après que des hommes se présentant comme des talibans ont tué trois convives d'un mariage qui y avaient mis de la musique (interdite par les talibans des années 1990, ndlr). 


Cela n'empêche pas les autorités talibanes d'utiliser des images de châtiments violents pour nourrir la crainte et la dissuasion. 


Le 26 septembre à Herat (ouest), elles ont ainsi pendu à des grues les corps de quatre hommes accusés de rapt et tués par des policiers, pour "donner une leçon aux autres ravisseurs pour qu'ils ne kidnappent ou ne harcèlent personne", selon le gouverneur de la province Ahmad Muhajir.

«Des gages»
Pour Adam Baczko, les talibans tentent actuellement "de trouver une voie entre leur idéologie, qui les amène à être particulièrement répressifs", sur les questions de moeurs notamment, "et une volonté de donner des gages aux instances internationales" en respectant un fonctionnement bureaucratique et certaines normes, y compris sur les droits de l'Homme.


"Le simple fait de parler ce langage", sans préjuger des actes futurs, est "l'évolution la plus importante du mouvement depuis les années 1990", souligne-t-il.


Dans la plus vaste prison de Kaboul, vide depuis que les talibans ont libéré les détenus à la mi-août, un des responsables de l'administration pénitentiaire talibane, Asadullah Shahnan, prépare la réouverture.


Lui qui fut détenu pendant six ans à la prison de Pul-e-Charkhi a beaucoup à redire sur la manière dont il fut traité. Il se rappelle notamment que les jours d'exécution, les prisonniers étaient amenés aux fenêtres et forcés de regarder.


"Nous ne ferons pas comme ça", assure-t-il, suggérant que les talibans ont tourné la page des années 1990, lorsqu'ils flagellaient ou exécutaient des condamnés en public dans les stades ou sur les places des villes. 


CIJ: l'impartialité de l'UNRWA suscite de «sérieux doutes» selon les Etats-Unis

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence". (AFP)
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  • La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre
  • Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ

LA HAYE: Un représentant des Etats-Unis a fait part mercredi à la Cour internationale de Justice de "sérieux doutes" concernant l'impartialité de l'agence de l'ONU pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) lors d'audiences consacrées aux obligations humanitaires d'Israël envers les Palestiniens.

"L'impartialité de l'UNRWA suscite de sérieux doutes, du fait d'informations selon lesquelles le Hamas a utilisé les installations de l'UNRWA et que le personnel de l'UNRWA a participé à l'attentat terroriste du 7 octobre contre Israël", a déclaré Josh Simmons, de l'équipe juridique du département d'État américain.

La CIJ, située à La Haye (Pays-Bas), a ouvert lundi sa semaine d'audiences plus de 50 jours après l'instauration d'un blocus total sur l'aide entrant dans la bande de Gaza ravagée par la guerre.

Israël, qui ne participe pas à ces audiences, a dénoncé lundi une "persécution systématique" de la CIJ.

M. Simmons a déclaré aux juges qu'Israël avait "de nombreuses raisons" de mettre en doute l'impartialité de l'UNRWA.

"Il est clair qu'Israël n'a aucune obligation d'autoriser l'UNRWA à fournir une assistance humanitaire", a-t-il déclaré.

Israël a promulgué une loi interdisant à l'UNRWA, d'opérer sur le sol israélien, après avoir accusé certains membres du personnel d'avoir participé aux attaques du Hamas le 7 octobre 2023, qui a déclenché le conflit.

Une série d'enquêtes, dont l'une menée par l'ancienne ministre française des Affaires étrangères Catherine Colonna, a révélé des "problèmes de neutralité" à l'UNRWA, mais a souligné qu'Israël n'avait pas fourni de preuves de son allégation principale.

Philippe Lazzarini, directeur de l'UNRWA, a déclaré mardi que plus de 50 membres de son personnel à Gaza avaient été maltraités et utilisés comme boucliers humains alors qu'ils étaient détenus par l'armée israélienne.

Lors de sa déposition face à la Cour, Diégo Colas, représentant la France, a appelé Israël à lever "sans délai" son blocage de l'aide vers la bande de Gaza".

"L'ensemble des points de passage doivent être ouverts, le travail des acteurs humanitaires doit être facilité, et le personnel doit être protégé conformément aux droits internationaux", a-t-il déclaré .

"Conséquences mortelles" 

Israël contrôle tous les flux d'aide internationale, vitale pour les 2,4 millions de Palestiniens de la bande de Gaza frappés par une crise humanitaire sans précédent, et les a interrompus le 2 mars dernier, quelques jours avant l'effondrement d'un fragile cessez-le-feu après 15 mois de combats incessants.

"L'interdiction totale de l'aide et des fournitures humanitaires décrétée par les autorités israéliennes depuis le 2 mars a des conséquences mortelles pour les civils de Gaza", a déclaré dans un communiqué Claire Nicolet, responsable de la réponse d'urgence de l'ONG Médecins sans Frontières dans la bande de Gaza.

"Les autorités israéliennes utilisent l'aide non seulement comme une monnaie d'échange, mais aussi comme une arme de guerre et un moyen de punition collective pour plus de 2 millions de personnes vivant dans la bande de Gaza," a-t-elle ajouté.

En décembre, l'Assemblée générale des Nations unies avait adopté une résolution demandant à la CIJ de rendre un avis consultatif "à titre prioritaire et de toute urgence".

La résolution demande à la CIJ de clarifier les obligations d'Israël concernant la présence de l'ONU, de ses agences, d'organisations internationales ou d'États tiers pour "assurer et faciliter l'acheminement sans entrave des fournitures urgentes essentielles à la survie de la population civile palestinienne".

Les avis consultatifs de la CIJ ne sont pas juridiquement contraignants, mais celui-ci devrait accroître la pression diplomatique sur Israël.

En juillet dernier, la CIJ avait aussi rendu un avis consultatif jugeant "illégale" l'occupation israélienne des Territoires palestiniens, exigeant qu'elle cesse dès que possible.


Après la panne géante, les énergies renouvelables sur le banc des accusés en Espagne

Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
Des passagers attendent avant de monter dans leur train à la gare de Sants à Barcelone, le 29 avril 2025, au lendemain d'une panne d'électricité massive qui a touché toute la péninsule ibérique et le sud de la France. (Photo par Josep LAGO / AFP)
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  • Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne.
  • Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez.

MADRID : L'essor des énergies renouvelables a-t-il fragilisé le réseau électrique espagnol ? Deux jours après la panne géante qui a touché la péninsule, la nature du mix énergétique ibérique est au cœur de vifs débats mercredi en Espagne, malgré les messages rassurants des autorités.

« Le manque de centrales nucléaires et la multiplication par dix des énergies renouvelables ont mis à terre le réseau électrique », assure en une le quotidien conservateur ABC mercredi matin. « Les alertes sur les renouvelables depuis cinq ans » ont été « ignorées », regrette de son côté El Mundo, également classé à droite.

Dans le viseur de ces deux quotidiens, mais aussi des partis d'opposition, se trouve la politique énergétique mise en place depuis plusieurs années par le gouvernement du Premier ministre socialiste Pedro Sánchez, qui a fait de l'Espagne l'un des champions européens de la transition verte.

Selon le gestionnaire du réseau électrique espagnol REE, le solaire et l'éolien ont représenté en 2024 près de 40 % du mix électrique espagnol. C'est près de deux fois plus qu'en 2014, et près du double également de la part du nucléaire, tombée l'an dernier à 20 %. 

Cette évolution est défendue par l'exécutif, qui s'est engagé à fermer toutes les centrales nucléaires d'ici dix ans, mais elle est source de tensions dans le pays, plusieurs rapports ayant pointé ces derniers mois de possibles risques en l'absence de mesures fortes pour adapter le réseau.

- Une énergie « sûre » ?

Dans son document financier annuel publié fin février, Redeia, la maison-mère de REE, avait ainsi mis en garde contre « la forte pénétration de la production renouvelable sans les capacités techniques nécessaires à un comportement adéquat face aux perturbations ».

Cela pourrait « provoquer des coupures de production », qui « pourraient devenir sévères, allant jusqu'à entraîner un déséquilibre entre la production et la demande, ce qui affecterait significativement l'approvisionnement en électricité » de l'Espagne, avait-elle écrit. 

Un message relayé par l'organisme espagnol de la concurrence (CNMC) dans un rapport de janvier. « À certains moments, les tensions du réseau de transport d'électricité ont atteint des valeurs maximales proches des seuils autorisés, dépassant même ces seuils à certains moments », avait écrit l'organisme.

Après la coupure de lundi, certains experts du secteur se sont interrogés sur un éventuel déséquilibre entre production et demande (difficile à corriger dans un réseau où l'éolien et le solaire ont une place prépondérante) qui aurait pu contribuer à l'effondrement du système électrique espagnol.

Dans un entretien accordé mercredi matin à la radio Cadena Ser, Beatriz Corredor, la présidente de Redeia et REE (l'ex-députée socialiste) a cependant assuré que la production d'énergies renouvelables était « sûre ».

« Relier l'incident si grave de lundi à une pénétration des énergies renouvelables n'est pas vrai, ce n'est pas correct », a-t-elle insisté, en assurant que le rapport de février ne faisait que dresser la liste de risques potentiels, comme l'y oblige la législation. 

- « Ignorance » -

Mardi déjà, Pedro Sánchez avait lui aussi défendu le modèle énergétique mis en œuvre par son gouvernement, rappelant que la cause précise de la panne qui a provoqué le chaos au Portugal et en Espagne durant de longues heures lundi n'était toujours pas connue à ce stade.

« Ceux qui lient cet incident au manque de nucléaire mentent franchement ou démontrent leur ignorance », a assuré le dirigeant socialiste.

« Les centrales nucléaires, loin d'être une solution, ont été un problème » durant la panne, car « il a été nécessaire de rediriger vers elles de grandes quantités d'énergie pour maintenir leurs réacteurs stables », a insisté le chef du gouvernement. 

Plusieurs hypothèses ont été avancées pour expliquer la panne depuis deux jours, dont celle d'une cyberattaque. Mardi, la justice espagnole a ouvert une enquête pour déterminer si la panne avait été provoquée par un « sabotage informatique » susceptible d'être qualifié de « délit terroriste ».

REE estime cependant que cette hypothèse est peu crédible. « Au vu des analyses que nous avons pu réaliser avec l'aide notamment du Centre national du renseignement espagnol (CNI), nous pouvons écarter un incident de cybersécurité », a ainsi assuré le gestionnaire.

D'après REE, l'équivalent de 60 % de la consommation électrique de l'Espagne, soit 15 gigawatts, a disparu en l'espace de cinq secondes seulement lors de la panne survenue lundi à 12 h 33 (11 h 33 GMT), un phénomène qualifié d'« inédit » et « totalement extraordinaire ».


Des rapports internes concluent à un climat antisémite et anti-musulman à Harvard

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël". (AFP)
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  • Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël
  • Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants

NEW YORK: Deux rapports distincts sur Harvard publiés mardi par l'université ont établi qu'un climat antisémite et anti-musulman s'était installé sur le campus de la prestigieuse université américaine, dans le viseur de Donald Trump, et la pressent d'agir pour y remédier.

Ces deux rapports de plusieurs centaines de pages, construits notamment à partir de questionnaires et de centaines de témoignages d'étudiants et d'encadrants menés depuis janvier 2024, sont rendus au moment où l'université implantée près de Boston (nord-est) s'est attiré les foudres de Donald Trump, qui l'a dernièrement dépeinte en "institution antisémite d'extrême gauche", "foutoir progressiste" et "menace pour la démocratie".

Harvard, comme d'autres universités américaines de renom, Columbia en particulier, est accusée par le président républicain d'avoir laissé prospérer l'antisémitisme sur son campus pendant les mouvements étudiants contre la guerre à Gaza menée par Israël après l'attaque du Hamas le 7 octobre 2023.

Un premier groupe de travail sur l'antisémitisme et les positions anti-Israël, composé principalement de membres du corps enseignant mais aussi d'étudiants, a établi que les deux phénomènes "ont été alimentés, pratiqués et tolérés, non seulement à Harvard, mais aussi plus largement dans le monde universitaire".

Le rapport exhorte l'université pluricentenaire à "devenir leader dans la lutte contre l'antisémitisme et les positions anti-Israël".

Un autre groupe de travail distinct, lui consacré aux positions anti-musulmans, anti-arabes et anti-Palestiniens, a conclu à "un sentiment profondément ancré de peur parmi les étudiants, les enseignants et le personnel". Les personnes interrogées décrivent "un sentiment de précarité, d'abandon, de menace et d'isolement, ainsi qu'un climat d'intolérance omniprésent", écrivent ses auteurs.

"Harvard ne peut pas - et ne va pas - tolérer l'intolérance. Nous continuerons à protéger tous les membres de notre communauté et à les préserver du harcèlement", s'engage dans une lettre accompagnant les deux rapports le président de Harvard, Alan Garber, à l'initiative des deux rapports, en promettant de "superviser la mise en oeuvre des recommandations" préconisées.

Harvard, l'université la plus ancienne des Etats-Unis et une des mieux classées au monde, s'est distinguée en étant la première à attaquer en justice l'administration Trump contre un gel de plus de deux milliards de dollars de subventions fédérales, décidé après que la célèbre institution a refusé de se plier à une série d'exigences du président.

Donald Trump, qui reproche aux universités d'être des foyers de contestation progressiste, veut avoir un droit de regard sur les procédures d'admission des étudiants, les embauches d'enseignants ou encore les programmes.

L'accusation d'antisémitisme est fréquemment employée par son administration pour justifier ses mesures contre les établissements d'enseignement supérieur, ainsi que contre certains étudiants étrangers liés aux manifestations contre la guerre à Gaza.