L'Etat renonce à vendre le domaine de Grignon à un promoteur immobilier

Le domaine de Grignon comprend un château du XVIIe siècle, inscrit au titre des monuments historiques, 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme expérimentale, et plus de 133 hectares de bois. (Photo/AFP)
Le domaine de Grignon comprend un château du XVIIe siècle, inscrit au titre des monuments historiques, 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme expérimentale, et plus de 133 hectares de bois. (Photo/AFP)
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Publié le Lundi 15 novembre 2021

L'Etat renonce à vendre le domaine de Grignon à un promoteur immobilier

  • L'Etat a annoncé lundi mettre fin à son projet de vente très contesté au promoteur immobilier Altarea Cogedim de ce berceau de l'agronomie française, qui accueille l'école d'ingénieurs agronomes AgroParisTech
  • Il est situé dans la petite commune de Thiverval-Grignon, à une vingtaine de kilomètres de Versailles

VERSAILLES: C'est une victoire d'étape importante pour les défenseurs du site de Grignon (Yvelines): l'Etat a annoncé lundi mettre fin à son projet de vente très contesté au promoteur immobilier Altarea Cogedim de ce berceau de l'agronomie française, qui accueille l'école d'ingénieurs agronomes AgroParisTech.

"Il n'est pas possible de maintenir la procédure actuellement engagée. Une nouvelle procédure de cession" du domaine "sera lancée au second semestre 2022", a indiqué dans un communiqué la préfecture des Yvelines, qui précise que cette décision "ne remet pas en cause le calendrier prévu pour l'installation d'AgroParisTech sur le site de Saclay", dans l'Essonne, en 2022.

"Cela doit permettre de s'accorder sur le meilleur projet possible", a pour sa part indiqué dans un tweet le ministre de l'Agriculture Julien Denormandie, lui-même un ancien d'AgroParisTech et dont le ministère avait longtemps vu dans l'option Altarea Cogedim "un projet réaliste et fiable".

"C'est une très bonne nouvelle, c'est le résultat d'un combat qui dure depuis cinq ou six ans et qui permettra, je l'espère, de retrouver un autre avenir pour le domaine de Grignon", a réagi après de l'AFP Georges d'Andlau, co-président de l'association Grignon 2000, opposée à cette privatisation.

"Un autre dialogue devra s'ouvrir avec l'Etat vendeur et les collectivités locales", a-t-il ajouté.

Le domaine de Grignon comprend un château du XVIIe siècle, inscrit au titre des monuments historiques, 130 hectares de terres agricoles, dont une ferme expérimentale, et plus de 133 hectares de bois.

Il est situé dans la petite commune de Thiverval-Grignon, à une vingtaine de kilomètres de Versailles. 

Les étudiants ne remettent pas en cause leur déménagement sur le site de Saclay, mais s'opposaient à la reprise du domaine par le promoteur immobilier Altarea Cogedim, officiellement actée à l'été 2021.

La justice saisie

Le promoteur projetait notamment de construire sur ce site "une programmation résidentielle adaptée" avec "de nouvelles constructions parfaitement intégrées sur des zones déjà urbanisées" et "une programmation touristique responsable", avec notamment tenue de séminaires et d'évènements dans le château. Tout cela nécessitait notamment de changer le PLU (plan local d'urbanisme) de la mairie, ce que cette dernière s'opposait à faire.

De quoi faire rugir élèves anciens et actuels, élus locaux et associations de défense de l'environnement qui reprochaient à Altarea Cogedim de ne pas respecter le patrimoine environnemental du site et de vouloir "démanteler le domaine".

Face au promoteur, le projet "Grignon 2026", qui entend faire du site un "Centre international sur la transition alimentaire et agricole" porté par l'Association Grignon 2000 avec le soutien de la communauté de communes Coeur d'Yvelines, avait vu le jour.

Mais leur offre n'avait pas été retenue, le comité de sélection de la Direction Immobilière de l'Etat retenant le 4 août le projet d'Altarea Cogedim.

Après de nombreuses manifestations et un blocage de l'école, les opposants à la vente avaient même déposé le mois dernier un recours contentieux auprès du tribunal administratif de Versailles, arguant que "les conditions auxquelles des forêts, propriété de l'Etat, comme celle de Grignon, peuvent être vendues", n'avaient pas été "respectées".

En 2016, le site avait été envisagé pour recevoir le nouveau centre d'entraînement du Paris Saint-Germain, un projet à 35 millions d'euros qui avait - déjà - été abandonné devant la levée de boucliers.


Inquiétude dans le «Petit Haïti» de Saint-Domingue après le plébiscite du président Abinader

Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
Une famille roule à moto dans une rue d'un quartier connu sous le nom de « Petite Haïti » à Saint-Domingue, le 20 mai 2024 (Photo, AFP).
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  • L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier
  • Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937

SAINT-DOMINGUES: Johan Perez surveille les voitures garées dans une rue du "Petit Haïti", un quartier populaire commerçant et anarchique de Saint-Domingue, où vivent et travaillent des centaines de Haïtiens. Il est inquiet.

Après la réélection triomphale au premier tour du président Luis Abinader, qui a fait de la lutte contre l'immigration haïtienne un de ses chevaux de bataille, il craint que le sentiment "anti-haïtien" ne s'intensifie.

C'est une journée ordinaire. L'activité bat son plein dans ce secteur chaotique du centre-ville de la capitale dominicaine, avec des dizaines de boutiques informelles installées devant des entrepôts aux murs écaillés. Ici dans Le "Pequeno Haïti" pendant du "Little Haïti" de New York ou Miami, on vend de tout: de la canne à sucre aux appareils électriques usagés, en passant par les vêtements et les légumes.

La plupart des vendeurs préfèrent se taire, de peur que leur accent créole-français ne les trahisse. Les descentes de police sont monnaie courante. Malheur à celui qui se fait prendre. A chacune d'entre elles, la police embarque les sans-papiers pour les emmener dans un centre de rétention avant de les mettre dans un camion, direction Haïti.

"Les choses se durcissent un peu", explique Johan Perez, 32 ans, de mère dominicaine et de père haïtien, qui vit des pourboires des automobilistes fréquentant la zone. "Le +type+ (Abinader) est plus fort maintenant".

Il raconte que la police a arrêté plusieurs de ses amis il y a quelques jours à peine. Et au coin de la rue, les agents de l'immigration sont entrés dans un petit immeuble et en ont sorti les habitants sans papiers. "Ils les ont jetés la tête la première" dans un bus avec d'autres migrants.

Selon les experts et militants des droits de l'homme, le principal critère des contrôles est la couleur de la peau mais M. Perez souligne que la langue joue également un rôle.

Les expulsions sont passées de 122.000 en 2022 à 250.000 en 2023, selon les données officielles.

Depuis son arrivée au pouvoir en 2020, le président Abinader a imposé une politique de fermeté à l'égard de la migration haïtienne. Outre les descentes et les expulsions, il a renforcé la présence des forces armées à la frontière et fait construire un mur de 164 km entre les deux pays.

Sa réélection conforte cette fermeté dans un pays où le racisme anti-haïtien s'est propagé et où l'immigration est souvent assimilée à la criminalité.

L'hostilité entre les deux pays ne date pas d'hier. Haïti, ancienne colonie française qui s'est émancipée en 1804, a occupé l'actuelle République dominicaine pendant 22 ans jusqu'en 1856, massacrant des milliers de personnes.

«Acide»

Le dictateur dominicain Rafael Trujillo a lui fait massacrer des milliers de Haïtiens en 1937.

Les Dominicains parlent souvent de l'immigration haïtienne comme d'une "deuxième invasion".

De nombreux Haïtiens possédant des papiers en règle courent aussi le risque de devenir clandestins, en raison d'un parcours bureaucratique de plus en plus lent et onéreux

C'est le cas de Nicolas Legrand, 60 ans, qui vit à Saint-Domingue depuis 1987. Sa carte de résident a expiré en 2022 et depuis, il ne détient qu'une petite note indiquant que son processus est en cours.

"Si Dieu le veut, la situation s'améliorera à Haïti et j'y retournerai", dit M. Legrand en vendant ses mouchoirs. "Mais ici au moins je suis tranquille".


CPI: les droites françaises rejettent toute «équivalence» entre le Hamas et Israël

Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive du parti d'extrême droite français "Reconquête", (Photo, AFP).
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  • La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle «soutient la CPI»
  • «Cette équivalence est proprement insupportable», a renchéri le patron des sénateurs Républicains

PARIS: Les responsables des principaux partis de droite et d'extrême droite français ont dénoncé mardi une "équivalence insupportable" et un "parallèle honteux" après que le procureur de la Cour pénale internationale a réclamé des mandats d'arrêts contre des dirigeants du Hamas et du gouvernement israélien.

Ces réquisitions visent précisément le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu et son ministre de la Défense Yoav Gallant d'une part, et les trois plus hauts chefs du Hamas (Ismaïl Haniyeh, Mohammed Deif, Yahya Sinouar) d'autre part.

La France a indiqué, via son ministère des Affaires étrangères, qu'elle "soutient la CPI". Une position dont le vice-président du Rassemblement national, Sébastien Chenu, s'est dit "très étonné", estimant sur RTL "qu'on ne peut pas mettre ce signe égal" entre "un état démocratique agressé et des terroristes".

«Partialité»

"Cette équivalence est proprement insupportable", a renchéri le patron des sénateurs Républicains Bruno Retailleau sur Sud Radio, défendant le "droit d'Israël à se défendre" même si sa riposte à Gaza est "sans doute mal proportionnée".

La tête de liste de son parti aux élection européennes, François-Xavier Bellamy, a lui pointé sur Public Sénat la "partialité manifeste" du procureur de la CPI, dont la position "ressemble à une forme de militantisme inquiétant".

"Faire un parallèle entre les dirigeants israéliens et le Hamas (...) est une honte", a tranché sur CNews et Europe1 sa rivale d'extrême droite Marion Maréchal (Reconquête!), qui "réfute totalement ce qui est insinué à travers cette poursuite, à savoir qu'il y aurait un génocide à Gaza".

A l'inverse, les chefs de file de la gauche française - de l'insoumis Jean-Luc Mélenchon au socialiste Olivier Faure, en passant par le communiste Fabien Roussel - se sont félicités lundi de l'annonce du procureur de la CPI, en particulier à l'encontre de M. Netanyahu.


Crimes contre l'humanité: ouverture du procès de trois hauts responsables du régime syrien aux assises de Paris

Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
Ali Mamlouk est l'ex-chef des renseignements syriens devenu en 2012 directeur du Bureau de la sécurité nationale, plus haute instance de renseignement en Syrie. (AFP).
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  • Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), ce procès "jugera les plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011"
  • Dans cette affaire, les trois hommes sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens qui vivaient à Damas

PARIS: Le premier procès en France sur les crimes du régime de Bachar Al-Assad s'est ouvert mardi devant la cour d'assises de Paris: trois hauts responsables syriens soupçonnés d'avoir joué un rôle dans la mort de deux Franco-Syriens sont jugés jusqu'à vendredi par défaut, notamment pour complicité de crimes contre l'humanité.

Absents à l'audience, Ali Mamlouk, ancien chef du Bureau de la sécurité nationale, la plus haute instance de renseignement en Syrie, Jamil Hassan, ex-directeur des services de renseignements de l'armée de l'air, et Abdel Salam Mahmoud, ancien directeur de la branche investigation de ces services, sont aussi accusés de complicité de délit de guerre.

Ils sont visés par des mandats d'arrêt internationaux.

Selon la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH), il s'agit "des plus hauts responsables du régime jamais poursuivis en justice depuis l'éclatement de la révolution syrienne en mars 2011".

Des procès sur les exactions du régime syrien ont déjà eu lieu ailleurs en Europe, notamment en Allemagne. Mais les personnes poursuivies étaient de rang inférieur et présentes aux audiences.

Clémence Bectarte, avocate de plusieurs parties civiles, a salué avant le début de l'audience "l'aboutissement d'un long combat judiciaire".

Dans cette affaire, les trois accusés sont soupçonnés d'avoir joué un rôle, à des degrés divers, dans la disparition forcée et la mort de Mazzen Dabbagh et de son fils Patrick, deux Franco-Syriens vivant à Damas.

Les deux victimes, étudiant à la faculté de lettres et sciences humaines de Damas pour le fils et conseiller principal d'éducation à l'Ecole française de Damas pour le père, avaient été arrêtés en novembre 2013 par des officiers déclarant appartenir aux services de renseignement de l'armée de l'air syrienne.

«Système de tortures»

Selon le beau-frère de Mazzen Dabbagh, arrêté en même temps que lui mais relâché deux jours plus tard, les deux hommes ont été transférés à l'aéroport de Mezzeh, siège d'un lieu de détention dénoncé comme un des pires centres de torture du régime.

Puis ils n'ont plus donné signe de vie jusqu'à être déclarés morts en août 2018. Selon les actes de décès transmis à la famille, Patrick serait mort le 21 janvier 2014 et Mazzen le 25 novembre 2017.

Dans leur ordonnance de mise en accusation, les juges d'instruction jugent "suffisamment établi" que les deux hommes "ont subi, comme des milliers de détenus au sein des renseignements de l'armée de l'air, des tortures d'une telle intensité qu'ils en sont décédés".

Coups de barres de fer sur la plante des pieds, décharges électriques, violences sexuelles... Lors des investigations, plusieurs dizaines de témoins - dont plusieurs déserteurs de l'armée syrienne et des anciens détenus de Mezzeh - ont détaillé aux enquêteurs français et à l'ONG Commission internationale pour la justice et la responsabilité (CIJA) les tortures infligées dans la prison.

Parallèlement, en juillet 2016, l'épouse et la fille de Mazzen Dabbagh étaient expulsées de leur maison à Damas, qui était réquisitionnée par Abdel Salah Mahmoud. Des faits "susceptibles de constituer les délits de guerre, d'extorsion et de recel d'extorsion", selon l'accusation.

"C'est un dossier qui a été constitué au fil des ans, pendant sept années d'instruction, et qui permet de rassembler des éléments à charge considérables et de démontrer tout le système qui avait été mis en place, qui était un système de torture, un système de mauvais traitements et de traitements inhumains et de disparitions", a souligné avant l'audience Me Patrick Baudouin, qui représente la FIDH avec Me Bectarte.

Après la lecture du rapport qui retrace les grandes lignes du dossier d'instruction, la cour d'assises a commencé à entendre le chercheur Ziad Majed sur le système politique en Syrie, qui a souligné que l'univers carcéral était une véritable "colonne vertébrale du régime".

Interrogé sur les velléités de normalisation des relations diplomatiques avec Bachar al-Assad, Ziad Majed a mis en garde contre le fait que ce faisant, c'était "l'impunité" qu'on encourageait. C'est "ce qui contribue à la poursuite des crimes dans cette région ou ailleurs", a-t-il souligné.