Antoine Deltour, un discret comptable français à l'origine des LuxLeaks

L'histoire du Français Antoine Deltour illustre le calvaire vécu par les lanceurs d'alerte, qu'un texte examiné mercredi par les députés français doit à l'avenir protéger. (Photo/AFP)
L'histoire du Français Antoine Deltour illustre le calvaire vécu par les lanceurs d'alerte, qu'un texte examiné mercredi par les députés français doit à l'avenir protéger. (Photo/AFP)
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Publié le Jeudi 18 novembre 2021

Antoine Deltour, un discret comptable français à l'origine des LuxLeaks

  • L'histoire du Français Antoine Deltour illustre le calvaire vécu par les lanceurs d'alerte, qu'un texte examiné mercredi par les députés français doit à l'avenir protéger
  • Son premier procès devant la justice du Luxembourg s'ouvre en avril 2016

PARIS: Il a fait trembler le Luxembourg en divulguant des documents fiscaux confidentiels. L'histoire du Français Antoine Deltour illustre le calvaire vécu par les lanceurs d'alerte, qu'un texte examiné mercredi par les députés français doit à l'avenir protéger.

"Il y a une asymétrie de moyens considérables, les lanceurs d'alerte sont généralement des citoyens isolés face à des intérêts financiers extrêmement puissants", constate rétrospectivement M. Deltour, dans un entretien à l'AFP. 

En 2008, ce natif d'Épinal, dans l'est de la France, est embauché en tant qu'auditeur par la prestigieuse multinationale de conseil en entreprise, PricewaterhouseCoopers (PwC) au Luxembourg.

"J'étais ravi de travailler. J'ai signé un CDI à 22 ans", venant d'une région très fortement touchée par le chômage, se rappelle cet homme discret, lunettes sombres et petite barbichette, aujourd'hui âgé de 35 ans. Quand il commence à travailler au Luxembourg, il sait qu'il y a de l'optimisation fiscale.

"Ce n'est pas un secret. Mais, je croyais vraiment à l’utilité sociale de mon travail. En tant qu'auditeur, on est là pour garantir la fiabilité des données financières. Et cela me paraissait utile, quel que soit le contexte", se souvient-il.

Or, progressivement, il prend conscience de l'ampleur de pratiques donnant "l'impression que chaque multinationale opérant en Europe a sa filiale au Luxembourg pour y transférer des bénéfices et quasiment ne pas les taxer" sur place. 

Le fameux système de "tax rulings", ces accords fiscaux entre le Luxembourg et de grandes multinationales permettant à ces dernières de minimiser leurs impôts à l'aide de filiales.

"Il y avait une forme de complaisance de l'administration fiscale proprement scandaleuse et entourée d’une forte opacité", dit-il aujourd'hui.

Il décide de démissionner en 2010, mais avant de partir, il copie des centaines de "tax rulings" sur le disque dur de son ordinateur.

«Érigé en héros»

Il partage son indignation sur les réseaux sociaux, ce qui le fait repérer par des journalistes.

Il finit par confier ses documents au magazine télévisé Cash Investigation de la chaîne publique France 2 qui diffuse l'enquête en 2012. Pour son ancien employeur PwC, qui retrouve rapidement sa trace, il devient l'homme à faire tomber. Deux ans plus tard, il est placé en garde à vue, son domicile est perquisitionné.

"Le ciel me tombe sur la tête, je suis seul, je n’ai pas d'avocat, c'est un moment difficile", confie-t-il aujourd'hui. Mais rapidement, sa défense s'organise. 

Il sort de l'anonymat. "La dimension publique peut être protectrice et permet de mobiliser les soutiens", explique-t-il.

Le scandale de ce que l'on va désormais appeler les "LuxLeaks" éclabousse le président d'alors de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, qui fut auparavant ministre des Finances et Premier ministre du Luxembourg.

Deltour, qui dit ne pas trop aimer "se mettre en avant", devient une figure de la lutte contre l'évasion fiscale.

"Je suis érigé en héros, ce qui est excessif, pour mettre en avant le combat contre la directive européenne sur le secret des affaires, pour renforcer la protection des lanceurs d'alerte par la loi dite Sapin II de 2016" - portée par Michel Sapin, ancien ministre des finances du président socialiste François Hollande-, raconte-t-il.

En 2015, le parlement européen lui décerne le Prix du citoyen européen. 

Son premier procès devant la justice du Luxembourg s'ouvre en avril 2016. Il encourt alors jusqu'à dix ans de prison.

Son calvaire judiciaire s'arrête en mai 2018 avec la décision de la Cour d'appel du Luxembourg de suspendre sa peine de six mois de prison avec sursis et 1.500 euros d'amende. 

Il peut alors renouer avec la discrétion. Après avoir quitté PwC, il avait passé des concours de la fonction publique française et est actuellement chargé du recensement de la population à l'Institut national des statistiques dans le Grand Est.

"J'aurais certainement des difficultés si je recherchais du travail aujourd'hui dans l'audit au Luxembourg", constate-t-il sans ironie.

Ce père de deux enfants se félicite désormais du "luxe de pouvoir retourner à une vie simple", à Épinal, où il est né.


Des députés britanniques exhortent le gouvernement à désigner le CGRI comme un groupe terroriste

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  • Les signataires de la lettre ouverte affirment que l’organisation iranienne «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni»
  • La désignation du CGRI comme groupe terroriste le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda

LONDRES: Un groupe multipartite formé de plus de 50 députés et de pairs à la Chambre des lords au Royaume-Uni a exigé que le Corps des gardiens de la révolution islamique (CGRI) iranien soit désigné comme une organisation terroriste.

Ce groupe, qui comprend les anciennes secrétaires d’État à l’intérieur Suella Braverman et Priti Patel, a formulé cette demande dans une lettre ouverte publiée dans le quotidien The Times.

Le CGRI constitue un élément clé des capacités militaires et de projection de puissance de l’Iran. Plus de 125 000 personnes servent dans ses rangs, réparties dans des unités telles que la force Al-Qods, l’unité d’outre-mer chargée d’assurer la liaison avec les milices au Yémen, au Liban, en Irak et en Syrie, et de les soutenir. Ces dernières années, le CGRI a également établi des relations avec le Hamas dans la bande de Gaza.

La lettre ouverte, signée par 134 personnes, intervient après l’attaque iranienne du week-end dernier contre Israël, que les signataires ont décrite comme le «dernier chapitre de la terreur destructrice du CGRI».

«Le gouvernement lutte contre le terrorisme et l’extrémisme en considérant le Hamas et le Hezbollah comme terroristes, mais ce n’est pas suffisant», indique le document.

«Le CGRI est la principale source de radicalisation idéologique, de financement, d’équipement et de formation de ces groupes.»

«Le gouvernement doit agir contre la racine même du problème et considérer le CGRI comme une organisation terroriste.»

L’Iran a riposté à l’attaque israélienne contre son consulat à Damas, qui a fait onze morts, dont des commandants de haut rang.

L’ancien président américain Donald Trump a désigné le CGRI comme une organisation terroriste en 2019, un an avant l’assassinat de Qassem Soleimani, commandant de la force Al-Qods.

Le Royaume-Uni s’est toutefois montré réticent à faire de même par crainte de rompre les canaux de communication diplomatiques avec Téhéran.

Cependant, dans le cadre des sanctions imposées à l’Iran en raison de son programme nucléaire, le Royaume-Uni a sanctionné le CGRI; il a gelé les avoirs de ses membres et a mis en œuvre des mesures d’interdiction de voyager.

La désignation du CGRI comme groupe terroriste au Royaume-Uni le mettrait sur un pied d’égalité avec Daech et Al-Qaïda et rendrait illégal tout soutien au groupe, avec une peine maximale de quatorze ans d’emprisonnement.

Les 134 signataires affirment que le CGRI «n’a jamais représenté une aussi grande menace pour le Royaume-Uni». Ils accusent des «voyous» qui appartiennent au groupe d’avoir poignardé un dissident iranien à Londres le mois dernier.

La lettre a été coordonnée par le Groupe parlementaire multipartite Royaume-Uni-Israël, dont fait partie l’ex-ministre de l’Immigration Robert Jenrick.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Washington et Londres imposent des sanctions contre l'Iran, visant des fabricants de drones

Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
Un camion militaire iranien transporte des pièces d'un missile Sayad 4-B devant un portrait du guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, lors d'un défilé militaire dans la capitale Téhéran, le 17 avril 2024. (AFP)
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  • Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense
  • L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol

WASHINGTON: Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont imposé jeudi des sanctions contre l'Iran, ciblant "le programme iranien de drones, l'industrie sidérurgique et les constructeurs automobiles", après l'attaque du week-end dernier contre Israël.

Les sanctions de Washington visent "16 personnes et deux entités permettant la production de drones iraniens" dont les Shahed qui "ont été utilisés lors de l'attaque du 13 avril", a annoncé le département du Trésor dans un communiqué.

Elles concernent également trois filiales du constructeur automobile iranien Bahman Group et le ministère iranien de la Défense.

Le président américain Joe Biden a déclaré que les Etats-Unis allaient continuer à faire "rendre des compte" à l'Iran avec ces nouvelles sanctions visant la République islamique.

Il a assuré que les sanctions étaient destinées à "limiter les programmes militaires déstabilisateurs de l'Iran", selon un communiqué de la Maison Blanche.

Les sanctions imposées par Londres ciblent, elles, "plusieurs organisations militaires iraniennes, individus et entités impliqués dans les industries iraniennes de drones et missiles balistiques", a précisé le Trésor.

L'Iran a lancé dans la nuit de samedi à dimanche plus de 350 drones et missiles contre Israël, dont la quasi-totalité ont été interceptés en vol.

Téhéran a présenté son attaque comme une riposte à la frappe meurtrière imputée à Israël visant le consulat iranien à Damas début avril.

Eviter l'escalade 

En réponse, les pays occidentaux ont promis de renforcer leurs sanctions contre l'Iran, mais veulent aussi éviter une escalade de la violence dans la région.

L'Union européenne a ainsi décidé, mercredi lors d'un sommet à Bruxelles, d'imposer de nouvelles sanctions visant les producteurs iraniens de drones et de missiles.

Et jeudi, la cheffe de la diplomatie allemande Annalena Baerbock a indiqué que les dirigeants des pays du G7, en réunion sur l'île italienne de Capri, discutent "de mesures supplémentaires", tout en insistant sur la nécessité d'éviter "une escalade".

Les pays du G7 (Etats-Unis, Canada, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon et Italie) devraient appeler à des sanctions individuelles contre des personnes impliquées dans la chaîne d'approvisionnement iranienne en missiles et en drones, selon une source au sein du ministère italien des Affaires étrangères.

Et les ministres des Finances et banquiers centraux du G7, réunis à Washington, avaient promis, dans un communiqué mercredi soir, d'assurer "une coordination étroite de toute mesure future visant à affaiblir la capacité de l'Iran à acquérir, produire ou transférer des armes pour soutenir ses activités régionales déstabilisatrices".

Ils avaient par ailleurs appelé "à la stabilité dans l'ensemble de la région, au vu des risques économiques posés par une escalade régionale, notamment les perturbations du transport maritime international".


L'éventuelle aide américaine à l'Ukraine «ne changera rien», selon le Kremlin

Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
Des piétons marchent vers un drapeau national ukrainien flottant en berne en raison du mauvais temps, à côté du monument de la Patrie au musée en plein air de la Seconde Guerre mondiale à Kiev, le 18 avril 2024 (Photo, AFP).
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  • L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023
  • De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions

MOSCOU: Le Kremlin a assuré jeudi que l'aide des Etats-Unis à l'Ukraine, bloquée au Congrès depuis plusieurs mois et sur laquelle les élus américains doivent se prononcer samedi, "ne pourra rien changer" à la situation sur le front, où l'armée russe est à l'offensive.

L'Ukraine réclame inlassablement à ses alliés occidentaux plus de munitions et de systèmes de défense antiaérienne, alors que les forces russes pilonnent toujours quotidiennement ses villes et ses infrastructures énergétiques.

Or, la Chambre américaine des représentants doit voter samedi sur un texte prévoyant près de 61 milliards de dollars d'aide militaire et économique à l'Ukraine, ce qui pourrait permettre à son armée de reprendre son souffle.

"Cela ne peut en aucun cas influencer l'évolution de la situation sur les fronts", a balayé le porte-parole de la présidence russe, Dmitri Peskov.

"Cela ne pourra rien changer", a-t-il martelé devant la presse, affirmant que "tous les experts indiquent dorénavant que la situation sur le front est défavorable à la partie ukrainienne".

Vote à l'issue incertaine 

L'heure est à l'optimisme à Moscou, plusieurs mois après l'échec de la contre-offensive de Kiev de l'été 2023 et alors que l'armée russe grignote progressivement du terrain, notamment dans le Donbass, cible prioritaire du Kremlin.

De son côté, épuisée par deux ans de combats, l'Ukraine est à la peine face à l'armée russe supérieure en nombre de soldats, en quantités d'armement et de munitions.

Les forces ukrainiennes manquent notamment de systèmes de défense antiaérienne pour contrer les attaques quotidiennes russes de drones explosifs et de missiles, à l'instar de la triple frappe mercredi à Tcherniguiv, qui a fait 18 morts.

Le président ukrainien Volodymyr Zelensky déplore quasiment tous les jours le manque d'aide des Occidentaux, après plus de deux ans de conflit à haute intensité.

Mi-mars, le chef de l'Etat ukrainien avait jugé "d'importance critique" une décision rapide du Congrès américain sur le déblocage de l'aide à son pays, confronté simultanément à des difficultés pour enrôler des volontaires dans l'armée.

"Nous avions besoin de cet argent hier, pas demain, pas aujourd'hui", a appuyé le Premier ministre ukrainien Denys Chmygal dans un entretien à la BBC.

Cette aide financière a déjà été approuvée par le Sénat à majorité démocrate, mais reste bloquée au Congrès, les représentants républicains, soutenant Donald Trump, faisant la sourde oreille à six mois de la présidentielle.

Le président américain Joe Biden, qui pousse pour l'adoption de ce texte, s'est lui à nouveau dit mercredi "très favorable" à cette enveloppe, évoquant dans les colonnes du Wall Street Journal "un moment charnière".

L'issue du vote n'en reste pas moins incertaine à ce stade.

Restrictions d'électricité 

Pourtant, sur le terrain, la dynamique n'est pas à l'avantage de l'Ukraine, dont près de 20% du territoire reste occupé par la Russie.

Deux personnes ont été tuées jeudi dans de nouveaux bombardements russes, selon les autorités locales.

Et les attaques russes visant les infrastructures énergétiques restent très fréquentes malgré les tentatives de l'armée ukrainienne de protéger ces sites.

Face à cette situation, le ministère ukrainien de l'Energie a appelé jeudi la population et les entreprises à limiter leur consommation d'électricité le soir "pendant les heures de pointe" (de 19h00 à 22h00), relayant la demande de l'opérateur privé d'électricité DTEK.

Le ministère a notamment justifié cette décision par "l'augmentation de la charge sur le réseau électrique qui découle" de ces frappes russes répétées.

En représailles, l'Ukraine vise régulièrement des raffineries ou des sites militaires sur le sol russe dans le but de perturber la chaîne logistique d'approvisionnement vers les troupes engagées sur le front.

Jeudi, le renseignement militaire ukrainien (GUR) a revendiqué une frappe "réussie" la veille sur un aérodrome militaire russe en Crimée annexée, "détruisant ou endommageant gravement" des lanceurs de systèmes S-400, des équipements radar et un centre de contrôle de défense antiaérienne.