Dans la ferraille et les raffineries, le terrible travail des enfants en Syrie

Mohammad Makhzoum (2e à droite), syrien de 15 ans, pose pour une photo avec ses frères et sœurs à la maison dans la ville d'al-Bab, sous contrôle turc, le 19 novembre 2021. (Photo, AFP)
Mohammad Makhzoum (2e à droite), syrien de 15 ans, pose pour une photo avec ses frères et sœurs à la maison dans la ville d'al-Bab, sous contrôle turc, le 19 novembre 2021. (Photo, AFP)
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Publié le Lundi 22 novembre 2021

Dans la ferraille et les raffineries, le terrible travail des enfants en Syrie

Mohammad Makhzoum (2e à droite), syrien de 15 ans, pose pour une photo avec ses frères et sœurs à la maison dans la ville d'al-Bab, sous contrôle turc, le 19 novembre 2021. (Photo, AFP)
  • Après une décennie de guerre en Syrie, environ 2,5 millions d'enfants sont déscolarisés et 1,6 million risquent de quitter les bancs de l'école
  • «Aujourd'hui, ni l'école ni rien d'autre ne m'importe (...) La guerre a brisé nos rêves» 

AL-BAB: A 15 ans, Mohammad Makhzoum a oublié l'enfance. Cet orphelin de la guerre en Syrie a abandonné l'école et travaille 12 heures par jour comme ferrailleur pour nourrir ses deux plus jeunes frères et sa soeur.  

Chaque matin à six heures, il se rend au travail où il fait fondre toute la journée le métal dans un large chaudron en plein air. Le soir, il revient chez lui s'assurer que ses frères et sa soeur ont fait leurs devoirs et leur préparer un repas.  

« Je suis leur mère et leur père », dit-il, le visage et le corps recouverts de suie, dans un parc à ferraille de la ville d'Al-Bab dans le nord de la Syrie.  

« Je travaille pour qu'ils puissent continuer leurs études car ils ne devraient pas être privés d'école comme moi. »  

Après une décennie de guerre en Syrie, environ 2,5 millions d'enfants sont déscolarisés et 1,6 million risquent de quitter les bancs de l'école, selon l'Unicef qui a marqué le 20 novembre la journée internationale des droits de l'enfant.  

Neuf enfants sur dix vivent dans la pauvreté et plus de 5 700, certains pas plus âgés que sept ans, ont été recrutés pour prendre part aux combats, d'après le Fonds de l'ONU pour l'enfance (Unicef).  

En l'absence de données officielles, on estime que le nombre d'enfants qui travaillent a régulièrement augmenté depuis le début de la guerre en 2011.  

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Mohammad Makhzoum, un Syrien de 15 ans (au centre), aide ses frères et sœurs à faire leurs devoirs à la maison dans la ville d'al-Bab, sous contrôle turc, le 19 novembre 2021. (Photo, AFP)

« Souffrir comme moi »   

« Il est évident que le travail des enfants a augmenté en Syrie (...) en raison de Covid-19 et de l'aggravation de la crise économique », déclare une porte-parole de l'Unicef, Juliette Touma.  

Elle souligne que les enfants qui travaillent en Syrie « sont exposés à des conditions absolument horribles, terribles ».  

Mohammad Makhzoum, originaire de la ville de Maarat al-Noomane dans la province d'Idleb contrôlée par les jihadistes et les rebelles, a quitté l'école à l'âge de neuf ans pour aider sa famille, après la mort de son père dans un bombardement du régime.  

Il y a deux ans, il a perdu sa mère dans les combats.  

Il s'est enfui avec ses deux frères et sa soeur à Al-Bab, une ville sous contrôle des milices syriennes proturques. La petite famille vit dans un deux-pièces criblé de balles, meublé de quelques matelas.  

Son revenu hebdomadaire n'est que l'équivalent de cinq dollars, mais il se débrouille pour assurer la nourriture et acheter des fournitures scolaires à ses frères et sa soeur.  

« Je travaille pour eux. J'aimerais les voir devenir médecins ou professeurs, ne pas souffrir comme moi. »  

Mais un grand nombre d'enfants syriens ont peu de chances d'avoir une vie décente.  

Amer al-Chaybane a 12 ans. Il travaille dans une raffinerie de fortune à al-Bab.  

Manteau noir et bonnet rouge le protégeant du froid, il s'agenouille dans la boue pour extraire des morceaux de charbon qu'il entasse dans un sac en plastique. Ployant sous le poids du sac, il le porte pour aller alimenter un four dégageant des fumées toxiques.  

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Le Syrien Mohammad Makhzoum, 15 ans, s'exprime alors qu'il travaille dans une casse dans la ville d'al-Bab, sous contrôle turc, le 18 novembre 2021. (Photo, AFP)

 « Rêves brisés »   

« Je rêve de tenir un cahier et un crayon et d'aller à l'école. Mais je suis forcé de travailler », dit Amer qui  n'a jamais appris à lire et écrire.   

Rencontré par l'AFP à la raffinerie, il raconte qu'il est le principal gagne-pain de la famille.  

« Je travaille été comme hiver dans la raffinerie pour aider mes parents. J'ai toujours mal à la poitrine à cause de la fumée. »  

Quand il termine son travail, il marche jusqu'au camp de déplacés voisins où il vit avec ses parents et cinq frères et soeurs plus jeunes. Ses frères plus âgés ont été tués dans un bombardement du régime près d'Alep.  

Son père souffre de diabète et d'artères bloquées, et la famille subsiste à peine avec son salaire mensuel de cinq dollars.  

L'aîné de quatre enfants, Nadim al-Nako, 12 ans, a abandonné tout espoir de revenir à l'école, qu'il a quittée il y a deux ans pour aider son père forgeron.  

Il travaille avec un chalumeau, les flammes à quelques centimètres du visage, pour mouler casseroles et poêles dans leur petite forge à Al-Bab.  

« Aujourd'hui, ni l'école ni rien d'autre ne m'importe (...) La guerre a brisé nos rêves. » 


Un an après la chute d’Assad, les Syriens affichent un fort soutien à al-Chareh

Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
Des citoyens syriens brandissent leurs drapeaux nationaux lors des célébrations marquant le premier anniversaire du renversement de l'ancien président Bachar al-Assad à Damas, lundi. (AP)
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  • Un sondage révèle un optimisme croissant et un large soutien aux progrès du gouvernement après la chute d’Assad
  • L’Arabie saoudite apparaît comme le pays étranger le plus populaire, Trump reçoit également un soutien marqué

LONDRES : Alors que les Syriens ont célébré cette semaine le premier anniversaire de la chute de Bachar Al-Assad, une enquête menée dans le pays révèle un soutien massif au nouveau président et place l’Arabie saoudite comme principal partenaire international apprécié.

L’ancien président avait fui le pays le 8 décembre 2024, après une offensive éclair de l’opposition jusqu’à Damas, mettant fin à 14 ans de guerre civile.

La campagne était menée par Ahmad al-Chareh, aujourd’hui président du pays, qui s’efforce de stabiliser la Syrie et de rétablir des relations avec ses partenaires internationaux.

Ces efforts ont été salués dans un sondage récemment publié, montrant que 81 % des personnes interrogées ont confiance dans le président et 71 % dans le gouvernement national.

Les institutions clés bénéficient également d’un fort soutien : plus de 70 % pour l’armée et 62 % pour les tribunaux et le système judiciaire.

L’enquête a été menée en octobre et novembre par Arab Barometer, un réseau de recherche américain à but non lucratif.

Plus de 1 200 adultes sélectionnés aléatoirement ont été interrogés en personne à travers le pays sur une large gamme de sujets, notamment la performance du gouvernement, l’économie et la sécurité.

Le large soutien exprimé envers al-Chareh atteint un niveau enviable pour de nombreux gouvernements occidentaux, alors même que la Syrie fait face à de profondes difficultés.

Le coût de la reconstruction dépasse les 200 milliards de dollars selon la Banque mondiale, l’économie est dévastée et le pays connaît encore des épisodes de violence sectaire.

Al-Chareh s’efforce de mettre fin à l’isolement international de la Syrie, cherchant l’appui de pays de la région et obtenant un allègement des sanctions américaines.

Un soutien clé est venu d’Arabie saoudite, qui a offert une aide politique et économique. Le sondage place le Royaume comme le pays étranger le plus populaire, avec 90 % d’opinions favorables.

Le Qatar recueille lui aussi une forte popularité (plus de 80 %), suivi de la Turquie (73 %).

La majorité des personnes interrogées — 66 % — expriment également une opinion favorable envers les États-Unis, saluant la décision du président Donald Trump d’assouplir les sanctions et l’impact attendu sur leur vie quotidienne.

Après sa rencontre avec al-Chareh à Washington le mois dernier, Trump a annoncé une suspension partielle des sanctions, après en avoir déjà assoupli plusieurs volets.

Le sondage montre que 61 % des Syriens ont une opinion positive de Trump — un niveau supérieur à celui observé dans une grande partie du Moyen-Orient.

En revanche, l’enthousiasme est bien moindre concernant les efforts américains pour normaliser les relations entre la Syrie et Israël.

Seuls 14 % soutiennent cette démarche, et à peine 4 % disent avoir une opinion favorable d’Israël.

Lors du chaos provoqué par la chute d’Assad, l’armée israélienne a occupé de nouveaux territoires dans le sud de la Syrie et a mené de fréquentes attaques au cours de l’année écoulée.

Plus de 90 % des Syriens considèrent l’occupation israélienne des territoires palestiniens et les frappes contre l’Iran, le Liban et la Syrie comme des menaces critiques pour leur sécurité.

Dans Foreign Policy, Salma Al-Shami et Michael Robbins (Arab Barometer) écrivent que les résultats de l’enquête donnent des raisons d’être optimiste.

« Nous avons constaté que la population est pleine d’espoir, favorable à la démocratie et ouverte à l’aide étrangère », disent-ils. « Elle approuve et fait confiance à son gouvernement actuel. »

Mais ils notent aussi plusieurs sources d’inquiétude, notamment l’état de l’économie et la sécurité interne.

Le soutien au gouvernement chute nettement dans les régions majoritairement alaouites.

La dynastie Assad, au pouvoir pendant plus de 50 ans, était issue de la minorité alaouite, dont les membres occupaient de nombreux postes clés.

L’économie reste la principale préoccupation : seuls 17 % se disent satisfaits de sa performance, et beaucoup s’inquiètent de l’inflation, du chômage et de la pauvreté.

Quelque 86 % déclarent que leurs revenus ne couvrent pas leurs dépenses, et 65 % affirment avoir eu du mal à acheter de la nourriture le mois précédent.

La sécurité préoccupe aussi : 74 % soutiennent les efforts du gouvernement pour collecter les armes des groupes armés et 63 % considèrent l’enlèvement comme une menace critique.

À l’occasion de l’anniversaire de la chute d’Assad, lundi, al-Chareh a affirmé que le gouvernement œuvrait à construire une Syrie forte, à consolider sa stabilité et à préserver sa souveraineté.

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com


Israël mène une série de frappes contre le Hezbollah au Liban

Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
Des soldats libanais debout sur un véhicule militaire à Alma Al-Shaab, près de la frontière avec Israël, dans le sud du Liban. (AFP)
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  • Israël a frappé vendredi plusieurs sites du Hezbollah au sud et à l’est du Liban, ciblant notamment un camp d’entraînement de sa force d’élite al-Radwan, malgré le cessez-le-feu conclu en novembre 2024
  • Ces raids interviennent alors que l’armée libanaise doit achever le démantèlement des infrastructures militaires du Hezbollah le long de la frontière israélienne d’ici le 31 décembre

BEYROUTH: Israël a mené une série de frappes aériennes contre le sud et l'est du Liban vendredi matin, selon les médias officiels, l'armée israélienne affirmant viser des objectifs du Hezbollah pro-iranien dont un camp d'entrainement.

Malgré un cessez-le-feu conclu en novembre 2024 avec le groupe islamiste libanais, Israël continue de mener des attaques régulières contre le Hezbollah, l'accusant de se réarmer.

Selon l'Agence nationale d'information (Ani), les raids de vendredi, qualifiés en partie de "violents", ont visé une dizaine de lieux, certains situés à une trentaine de km de la frontière avec Israël.

Dans un communiqué, l'armée israélienne a affirmé avoir "frappé un complexe d'entrainement" de la force d'élite du Hezbollah, al-Radwan, où des membres de la formation chiite apprenaient "l'utilisation de différents types d'armes", devant servir dans "des attentats terroristes".

L'armée israélienne a également "frappé des infrastructures militaires supplémentaires du Hezbollah dans plusieurs régions du sud du Liban", a-t-elle ajouté.

L'aviation israélienne avait déjà visé certains des mêmes sites en début de semaine.

Ces frappes interviennent alors que l'armée libanaise doit achever le démantèlement le 31 décembre des infrastructures militaires du Hezbollah entre la frontière israélienne et le fleuve Litani, situé à une trentaine de km plus au nord, conformément à l'accord de cessez-le-feu.

Les zones visées vendredi se trouvent pour la plupart au nord du fleuve.

Le Hezbollah a été très affaibli par la guerre, avec notamment l'assassinat de son chef historique, Hassan Nasrallah, par une frappe israélienne en septembre 2024 à Beyrouth.

Depuis, les Etats-Unis ont accru la pression sur les autorités libanaises pour désarmer le groupe.


Pluies diluviennes et vents puissants ajoutent au chaos qui frappe Gaza

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes. (AFP)
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  • A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre
  • Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza

GAZA: Pelle à la main, des Palestiniens portant des sandales en plastique et des pulls fins creusent des tranchées autour de leurs tentes dans le quartier de Zeitoun, à Gaza-ville, rempart dérisoire face aux pluies torrentielles qui s'abattent depuis des heures.

Dès mercredi soir, la tempête Byron a balayé le territoire palestinien, bordé par la mer Méditerranée, inondant les campements de fortune et ajoutant à la détresse de la population, déplacée en masse depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas, le 7 octobre 2023.

A Zeitoun, le campement planté au milieu des décombres a des allures cauchemardesques, sous un ciel chargé de gros nuages gris et blancs.

Sous des trombes d'eau, l'océan de toile et de bâches s'est transformé en marécage. Tous les auvents dégoulinent à grosses gouttes.

Accroupis sur des briques posées dans la boue, un groupe d'enfants mangent à même des faitouts en métal devant l'ouverture d'un petit abri en plastique, en regardant le ciel s'abattre sur le quartier.

"Nous ne savions pas où aller" 

A al-Zawaida, dans le centre de la bande de Gaza, des mares forcent les gens à marcher dans l'eau stagnante, qui leur arrive aux chevilles, ou à sauter d'un îlot de sable émergé à un autre.

"La nuit dernière a été terrible pour nous et pour nos enfants à cause des fortes pluies et du froid, les enfants ont été trempés, les couvertures et les matelas aussi. Nous ne savions pas où aller", raconte à l'AFP Souad Mouslim, qui vit sous une tente avec sa famille.

"Donnez-nous une tente décente, des couvertures pour nos enfants, des vêtements à porter, je le jure, ils ont les pieds nus, ils n'ont pas de chaussures", implore-t-elle.

"Jusqu'à quand allons-nous rester comme ça? C'est injuste", dit-elle en élevant la voix pour couvrir le bruit des gouttes frappant la toile.

Selon un rapport de l'ONU, 761 sites, abritant environ 850.000 déplacés, présentent un risque élevé d'inondation dans la bande de Gaza.

Le territoire connait généralement un épisode de fortes pluies en fin d'automne et en hiver, mais la dévastation massive due à la guerre l'a rendu plus vulnérable.

"La situation est désespérée", résume Chourouk Mouslim, une déplacée originaire de Beit Lahia, dans le nord de Gaza, elle aussi sous une tente à al-Zawaida.

"Nous ne pouvons même pas sortir pour allumer un feu" pour cuisiner ou se chauffer, déplore-t-elle, avant d'ajouter qu'elle n'a de toutes les manières ni bois, ni gaz.

Dans ce territoire dont les frontières sont fermées, où l'aide humanitaire arrive en quantité insuffisante selon l'ONU, malgré l'entrée en vigueur d'une trêve le 10 octobre, les pénuries empêchent une population déjà démunie de faire face à ce nouveau problème.

Lointaine reconstruction 

Sous les tentes, les plus chanceux bâchent le sol ou le recouvrent de briques pour empêcher que le sable humide ne détrempe leurs affaires. Dans les zones où le bitume n'a pas été arraché, des bulldozers continuent de déblayer les décombres des bâtiments détruits.

Beaucoup de gens restent debout, à l'entrée des abris, plutôt que de s'asseoir une surface mouillée.

"La tempête a eu un impact grave sur la population, des bâtiments se sont effondrés et une grande partie des infrastructures étant détruite, elles ne permettent plus d'absorber cet important volume de pluie", note Mahmoud Bassal, le porte-parole de la Défense civile de Gaza.

Cette organisation, qui dispense des premiers secours sous l'autorité du Hamas, a affirmé que la tempête avait causé la mort d'une personne, écrasée par un mur ayant cédé. Elle a ajouté que ses équipes étaient intervenues après l'effondrement partiel de trois maisons durant les fortes pluies.

La Défense civile a averti les habitants restés dans des logements partiellement détruits ou fragilisés par les bombardements qu'ils se mettaient en danger.

"Les tentes, c'est inacceptable", estime M. Bassal, "ce qui doit être fourni maintenant, ce sont des abris qu'on peut déplacer, équipés de panneaux solaires, avec deux pièces, une salle de bain et toutes les installations nécessaires pour les habitants. Seulement à ce moment-là, la reconstruction pourra commencer".