En Guadeloupe, la désinformation en ligne alimente la défiance vaccinale

Très récemment, une avocate installée en Guadeloupe a affirmé sur internet que le CHU de Pointe-à-Pitre avait reçu l'ordre de cacher le fait que des patients hospitalisés pour un Covid étaient vaccinés, et de les répertorier systématiquement comme non-vaccinés. (Photo/AFP)
Très récemment, une avocate installée en Guadeloupe a affirmé sur internet que le CHU de Pointe-à-Pitre avait reçu l'ordre de cacher le fait que des patients hospitalisés pour un Covid étaient vaccinés, et de les répertorier systématiquement comme non-vaccinés. (Photo/AFP)
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Publié le Jeudi 25 novembre 2021

En Guadeloupe, la désinformation en ligne alimente la défiance vaccinale

  • Depuis le début de l'épidémie, les « fake news » sont loin d'avoir seulement essaimé en Guadeloupe mais la défiance envers la politique sanitaire y est très répandue pour un ensemble complexe de facteurs
  • Le décès de Jacob Desvarieux, le guitariste star de Kassav mort fin juillet des suites du Covid, a lui aussi alimenté une vague de suspicion au motif qu'il était totalement vacciné contre la maladie

PARIS : Quelles sont les “manipulations” qui, selon Emmanuel Macron, contribueraient à embraser la crise en Guadeloupe ? Le chef de l’Etat n'en a pas dit beaucoup plus mais une chose est sûre: la désinformation en ligne nourrit la défiance vaccinale sur l'île.

Très récemment, une avocate installée en Guadeloupe a affirmé sur internet que le CHU de Pointe-à-Pitre avait reçu l'ordre de cacher le fait que des patients hospitalisés pour un Covid étaient vaccinés, et de les répertorier systématiquement comme non-vaccinés.

Elle a beau préciser qu'elle tenait cette "information" de pompiers croisés dans des réunions du réseau "covido-sceptique" ReinfoCovid et qu'elle n'avait procédé à aucune vérification, cette affirmation a été massivement relayée sur Facebook et Twitter sous un titre laissant peu place au doute: "Selon les pompiers, le CHU de Guadeloupe a ordre de cacher les vaccinés hospitalisés”. Contactée par l'AFP, l'Agence régionale de santé (ARS) dément l'existence d'une telle consigne.

Sur la chaîne de télé locale Canal 10, qui ouvre ses plateaux à tous et sans filtre, un parent d'élève a, lui, affirmé que des "enfants" étaient morts du fait de la vaccination. La vidéo s'est propagée sur Facebook avant que n'apparaissent sur Twitter plusieurs publications affirmant, sans citer de source, que "cinq enfants" étaient décédés sur l'île du syndrome de Guillain Barré. Là encore, l'ARS dément.

 

Manifestation en musique sur le rond-point Perrin

La "liberté" en porte-étendard, quelque 300 manifestants guadeloupéens sont venus faire entendre leur voix mercredi au son de la musique de leur île, secouée par une crise aux racines multiples.

Soignants, personnel médical, pompiers, employés de l'Education nationale mais aussi simples citoyens ont répondu à l'appel du collectif LKP (Lyannaj Kont Pwofitasyion) pour contester le vaccin anti-Covid obligatoire pour les soignants et les pompiers, mais aussi faire valoir des revendications sociales, liées au coût de la vie et à la hausse du prix des carburants.

"Je ne suis pas +antivax+ mais contre cette obligation. C'est un viol car on force mon consentement", estime Colette, qui préfère garder l'anonymat.

Technicienne administrative dans un centre dépendant du CHU, elle dit avoir reçu une mise en demeure après avoir refusé de se vacciner contre le Covid-19, principalement par "manque de recul".

"Il faut laisser le libre choix à tout un chacun", estime-t-elle. "Je ne joue pas au loto avec mon corps car je sais que je ne vais pas gagner".

Bloqué depuis une semaine, ses accès cernés par quelques carcasses de voitures calcinées et des barricades, amas de tôle, pneus et débris en tous genres, le "rond-point Perrin", axe de passage important de la commune des Abymes, a repris des couleurs.

En contre-bas du Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), dont une partie du personnel est en grève et sur lequel flotte le drapeau indépendantiste (non officiel) de la Guadeloupe, des barnums ont été installés.

Elie Domota, porte-parole du LKP, est également venu sur le rond-point.

« Mas » et encens

Les manifestants, dont certains sont venus avec leurs enfants, dénoncent également les coupures d'eau fréquentes, problème chronique depuis des années, la cherté de la vie et la difficulté pour les jeunes à trouver un emploi.

En Guadeloupe, 35% des 15-29 ans sont au chômage, contre 20% pour la moyenne nationale.

"Ca fait un moment qu'ils demandent du boulot, qu'on les écoute. Eh bien maintenant c'est tout le monde dans la rue, car il y en a ras-le-bol!", lance Colette.

Dans la rue, et sur les barricades pour certains, la contestation s'est teintée par endroits de dégradations et violences.

"Les barrages, oui, ça bloque, mais si on ne fait rien, on n'aura rien", estime Micheline, la cinquantaine. "C'est dommage que les jeunes abîment car ce sont quand même les Guadeloupéens qui sont pénalisés mais, d'un autre côté, s'il n'y a pas ça, l'Etat ne se lève pas".

"Là dans la joie, dans le plaisir", elle danse avec d'autres manifestants au son d'un "mas", groupe de musiciens maniant le tambour ka, la conque et le chacha, des instruments antillais.

Arborant un t-shirt "Rezistans Pou Libète" ("résistants pour la liberté", en créole), une dame tourne autour du "mas", munie d'une boîte métallique contenant de "l'encens purificateur" "pour chasser les mauvais esprits", explique-t-elle.

Les manifestants quittent ensuite le rond-point pour un "déboulé", marche (soutenue) dans les rues au rythme de la musique.

"Liberté, liberté" proclament certains, avant de tomber sur un cordon de gendarmes mobiles. "Yo armé nou pas armé" ("Ils sont armés, pas nous") scande la foule.

Après rapide négociation, les forces de l'ordre laissent passer les manifestants, qui bifurquent vers un autre itinéraire, au son du "mas" et dans le calme.

"C'est la musique du peuple. Malgré toutes les souffrances, tout ce qu'on endure, ça apaise", dit Micheline.

Depuis le début de l'épidémie, les "fake news" sont loin d'avoir seulement essaimé en Guadeloupe mais la défiance envers la politique sanitaire y est très répandue pour un ensemble complexe de facteurs mêlant notamment "inégalités sociales" et "confusion médiatique", expliquait la sociologue spécialiste de l'Outre-mer Stéphanie Mulot début septembre à l'AFP, évoquant également le "sujet majeur" du chlordécone.

Le chlordécone, un pesticide interdit en France en 1990, a continué à être autorisé dans les champs de bananes des Antilles françaises par dérogation ministérielle jusqu'en 1993, provoquant une pollution importante et durable.

Plus de 90% de la population adulte en Guadeloupe et Martinique est contaminée par le chlordécone, selon les autorités françaises, et les populations antillaises présentent un taux d'incidence du cancer de la prostate parmi les plus élevés au monde.

"Le sujet du chlordécone (...) a alimenté la défiance vis-à-vis du vaccin et du traitement de la crise sanitaire par l'État métropolitain", a estimé lundi le secrétaire général du syndicat Force ouvrière, Yves Veyrier.

 

Cinq choses à savoir sur l'île de la Guadeloupe

La Guadeloupe, île des Antilles françaises secouée depuis plusieurs jours par une crise déclenchée par l'obligation vaccinale contre le Covid-19 des personnels soignants, est un des départements les plus pauvres de France, frappé par un fort taux de chômage.

Île papillon

La Guadeloupe est un archipel de 1.700 km2, situé à 6.700 km de la métropole et à 120 km de la Martinique -également secouée par la crise-, au cœur de l'arc des Antilles.

L'île principale, à la forme de papillon, est composée de Basse-Terre et Grande-Terre, et est dominée par le volcan de la Soufrière. Les autres îles sont la Désirade, l'archipel des Saintes et Marie-Galante.

Cette ancienne colonie française (à partir de 1635) a été marquée par deux siècles d'esclavage, jusqu'à son abolition définitive en 1848.

Département français d'outre-mer depuis 1946, l'archipel accueille le plus grand centre au monde de mémoire sur la traite et l'esclavage, inauguré en 2015.

Tourisme, bananes et canne à sucre

La Guadeloupe a subi pendant plusieurs années les conséquences de la crise sociale de 2009, lorsqu'une grève générale contre la vie chère avait paralysé pendant 44 jours son économie, reposant notamment sur le tourisme, la culture de canne à sucre et de bananes.

Le secteur du tourisme a depuis 2020 été frappé de plein fouet par la pandémie de Covid-19, qui a encore aggravé la précarité économique des habitants.

L'appel à la grève générale, lancé le 15 novembre par un collectif d'organisations syndicales et citoyennes, pour contester la vaccination obligatoire des soignants vise aussi à obtenir une hausse des salaires et minima sociaux, ainsi que la baisse des prix des carburants et du gaz.

Deux fois plus de chômage qu'en métropole

Le taux de chômage au sens du Bureau International du Travail (BIT) s'établit à 17% de la population active âgée de 15 ans ou plus en moyenne pour l'année 2020, plus de deux fois supérieur à celui de la France métropolitaine (8%), selon l'Institut national des statistiques (Insee).

Un jeune actif sur trois est au chômage: le taux de chômage des 15-29 ans est de 35%.

En 2017, 34% de la population vivait en-dessous du seuil de pauvreté national de 1.010 euros par mois, comparé à 14% en métropole. Le revenu disponible des ménages les plus modestes était composé à près de 60% de prestations sociales (31% en métropole).

Autre indicateur des difficultés rencontrées par les habitants: les coupures d'eau, dues à la vétusté de réseau, sont fréquentes depuis des années.

Nombreux départs de jeunes 

La population de la Guadeloupe était estimée à moins de 380.000 habitants par l'Insee début 2020, l'archipel ayant perdu plus de 20.000 habitants depuis 2010.

Les installations de nouveaux arrivants sur le territoire ne compensent pas les vagues de départs vers la métropole de jeunes adultes en quête d'emploi ou poursuivant leurs études. Les moins de 25 ans représentaient 29% de la population en 2020 comparé à 35%, dix ans plus tôt.

 

Défiance envers les autorités

Publié sur un compte antivax, un tweet très partagé et accompagné du hashtag "dictature sanitaire" jouait sur ce parallèle. "Après avoir contaminé au chlordécone la Guadeloupe avec des cancers aux 4 coins de l'île, l'Etat leur demande de se faire injecter un vaccin en phase de test sous peine de perdre leur emploi... les Guadeloupéens refusent... Macron envoie le GIGN !".

Chef de file du mouvement contre la vie chère en 2009, le leader syndicaliste Elie Domota a creusé le même sillon dans des tribunes qui ont beaucoup voyagé sur les réseaux, dans lesquelles il refusait aujourd'hui de faire confiance à des autorités qui, s'agissant du chlordécone, avaient assuré que ce "ce produit ne présentait aucun risque pour la santé ni pour l'environnement".

"Nous serons totalement rassurés (sur les vaccins anti-Covid, ndlr) quand vous aurez confirmé (...) et que la République a assuré aux peuples +d’outre-mer+ la meilleure protection de sa santé", ironisait-il.

Le décès de Jacob Desvarieux, le guitariste star de Kassav mort fin juillet des suites du Covid, a lui aussi alimenté une vague de suspicion au motif qu'il était totalement vacciné contre la maladie.

Ce décès "nous enseigne une fois de plus que le vaccin que vous souhaitez nous imposer par tous les moyens ne protège pas (...) et pourrait même dans certains cas aggraver la santé", affirmait une pétition diffusée sur Facebook, qui ne mentionnait pas le fait que M. Desvarieux présentait des comorbidités depuis une greffe rénale.

Pour contrer cette défiance, l'ARS a, fait singulier, publié sur Facebook plusieurs vidéos pour "démêler le vrai du faux" sur les vaccins et contrer les "fausses informations". Lundi, le gouvernement s'est, lui, engagé à fournir aux soignants qui le souhaitent des injections sans ARN messager, répondant à l'une des revendications des opposants à l'obligation vaccinale.

Pas sûr que cela suffise face à l'ampleur du fossé vaccinal: au 16 novembre, 46,4% des Guadeloupéens, avaient reçu une première injection contre 76,7% de la population totale française.

Martinique: multiplication des barrages au 3e jour de grève générale

La situation s'envenimait mercredi soir en Martinique, au soir du troisième jour de grève générale, avec la multiplication des barrages sur les principaux axes routiers de l'île secouée comme sa voisine la Guadeloupe par une contestation du vaccin anti-Covid obligatoire, qui tourne à la violence dans certains quartiers.

Au Robert, un supermarché a été incendié, ont indiqué à l'AFP les pompiers, qui précisent n'intervenir qu'en présence des forces de l'ordre, après avoir essuyé plusieurs tirs de projectiles lors de leur mission.

Les autorités de Martinique ont ouvert mercredi la porte au dialogue avec l'intersyndicale qui a lancé les blocages lundi sur l'île et envisage de durcir le ton.

"Nous avons reçu une invitation à une rencontre jeudi matin à 10H00 (15H00 à Paris, NDLR) avec le préfet et le président du conseil exécutif (de la Collectivité territoriale de Martinique Serge Letchimy) à la préfecture", a annoncé à la presse Eric Bellemare, secrétaire général de Force ouvrière Martinique mercredi après-midi lors d'un point presse.

Une invitation arrivée alors que les membres de l'intersyndicale menaçaient "de prendre d'autres dispositions" face au "mépris affiché par la préfecture" avait lancé le représentant syndical.

Les leaders des 17 organisations syndicales, qui ont lancé un appel à la mobilisation en Martinique depuis lundi, devaient se tourner vers leurs bases respectives pour décider des actions à venir.

Les syndicats ont tout de même prévenu qu'ils ne comptaient pas baisser la garde. "Si jusqu'à présent l'Etat a fait de petits pas, c'est grâce au rapport de force", a observé Gabriel Jean-Marie, secrétaire général de la CGTM. Les barrages pourraient donc persister.

La préfecture de Martinique avait déjà signalé "des évènements très violents (...) dans l'agglomération de Fort-de-France" dans la nuit de mardi à mercredi. "Sept policiers et cinq gendarmes ont été légèrement blessés mais ils n'ont pas été hospitalisés", selon la même source.


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...


Paris incite le Liban à adopter des mesures pour éviter l’explosion

Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
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  • La France intensifie ses efforts diplomatiques pour prévenir une escalade israélienne au Liban en renforçant un mécanisme vérifiable de désarmement au Sud-Litani, avec l’appui de la FINUL et l’implication des partenaires internationaux
  • Paris presse également les autorités libanaises de lever le blocage politique afin de débloquer l’aide internationale, soutenir les Forces armées libanaises et relancer la reconstruction du Sud

PARIS: À peine deux semaines après la visite au Liban d’Anne-Claire Legendre, conseillère Afrique–Moyen-Orient à l’Élysée, l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, s’est à son tour rendu à Beyrouth pour mener une série d’entretiens avec les responsables libanais.

La proximité de ces deux déplacements ne relève pas du hasard, mais traduit une inquiétude française croissante face au risque d’une nouvelle escalade israélienne sur le territoire libanais.

Paris observe attentivement la dynamique régionale actuelle et, selon son analyse, si Israël se heurte en Syrie à une vigilance américaine accrue, qui a conduit Washington à intervenir verbalement lorsque certaines frappes menaçaient la stabilité du pays, il n’en va pas de même pour le Liban.

C’est précisément là que réside, aux yeux de la France, le principal danger, dans un contexte régional marqué par le cessez-le-feu à Gaza et les tensions préélectorales en Israël.

Les déclarations israéliennes se sont récemment durcies, tout comme les frappes dans le Sud-Liban, et cette montée de la tension est, selon Paris, directement liée au cessez-le-feu du 9 octobre à Gaza.

Elle s’inscrit aussi dans un contexte politique intérieur israélien où le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait davantage à gagner, en termes de popularité, en poursuivant les hostilités régionales qu’en y mettant un terme.

L’absence de contraintes américaines fortes au Liban ouvre ainsi à Israël une marge de manœuvre plus large et alimente le risque d’un dérapage.

Face à ce risque, la diplomatie française tente d’agir sur un levier central, celui de la mise en œuvre et de la vérification du plan de désarmement élaboré par les Forces armées libanaises (FAL), connu sous le nom de Nation Shield.

Cette initiative prévoit, dans une première phase, un désarmement effectif au sud du Litani avant le 31 décembre, une échéance qui coïncide avec la montée de la pression israélienne.

Jusqu’à présent, le mécanisme franco-américain reposait essentiellement sur des déclarations des FAL, dont aucune n’était rendue publique ni documentée de manière indépendante, mais pour Paris, il devient indispensable de passer d’un système déclaratif à un système vérifiable.

Ce système est capable de convaincre autant Israël que les partenaires internationaux, en particulier les États-Unis et l’Arabie saoudite, acteurs clés du dossier libanais, du bien-fondé des agissements du Liban.

La FINUL dispose, selon Paris, de la capacité d’accompagner systématiquement les opérations des Forces armées libanaises (FAL) sur le terrain. Pour cela, les propositions françaises visent à établir un tableau de bord précis, zone par zone, démontrant que le travail est effectivement accompli au Sud.

Un tel dispositif doit permettre, du point de vue français, d’opposer des faits aux narratifs israéliens affirmant l’absence de progrès.

Le Drian a ainsi finalisé à Beyrouth le cadre d’un mécanisme renforcé. Désormais, les opérations des FAL devront être accompagnées, vérifiées et cartographiées afin de produire une évaluation destinée aux partenaires internationaux.

L’une des priorités de Paris est de convaincre l’Arabie saoudite, qui suit de très près le dossier du désarmement du Hezbollah et souhaite pouvoir constater sur pièces les avancées réelles sur le terrain avant de s’engager davantage, notamment dans la conférence de soutien aux FAL.

Paris estime que cette prudence est légitime et entend démontrer que les progrès réalisés méritent un soutien financier accru. 

Dans ce contexte, les contacts s’intensifient et des échanges étroits ont lieu avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus et avec le conseiller du ministre saoudien des Affaires étrangères Yazid Ben Farhane.

Le chef des Forces armées libanaises, Rodolphe Haykal, est attendu à Paris dans les prochains jours. 

Même si aucune réunion trilatérale France–Arabie saoudite–États-Unis n’est officiellement confirmée pour le 18 décembre à Paris, des consultations régulières témoignent d’une coordination active.

Au-delà des questions sécuritaires, la France s’inquiète également du blocage politique interne au Liban, qui paralyse la reconstruction du Sud et la mise en œuvre de plusieurs programmes internationaux.

Le Parlement étant suspendu dans le cadre de la bataille politique autour des échéances électorales, les lois déjà votées ne sont pas adoptées, ce qui empêche l’exécution du programme de la Banque mondiale, essentiel à la reconstruction des zones affectées.

Il en va de même pour le document « GALPO », crucial pour relancer la coopération avec le FMI et convoquer une conférence internationale de reconstruction.

Ce document est en voie de finalisation du côté du gouvernement, mais son adoption dépend du Parlement.

Le Drian a insisté auprès du président et des responsables politiques libanais sur l’urgence de lever ce blocage, estimant qu’il s’agit d’un impératif vital pour l’ensemble des Libanais, et surtout pour ceux du Sud, les premiers touchés par les tensions actuelles.

Reste la question la plus délicate, celle du Hezbollah, d’autant plus que Paris constate que le mouvement chiite n’a pas renoncé à sa posture militaire et continue certains transferts d’armes.

Le Sud-Litani constitue un point de friction, mais le Nord-Litani pourrait, à terme, devenir un enjeu encore plus complexe, et la France considère néanmoins que le premier objectif doit être de prouver les progrès au Sud, base indispensable pour toute discussion ultérieure.

Le renforcement du mécanisme de vérification vise précisément, pour Paris, à établir un tiers de confiance permettant de distinguer déclarations politiques et réalité opérationnelle.

La France se trouve donc engagée dans une course diplomatique et technique pour éviter une explosion au Liban, mais elle estime qu’en renforçant la transparence des actions des forces libanaises, en mobilisant les partenaires régionaux et internationaux, et en poussant Beyrouth à débloquer ses institutions, il est possible de créer les conditions d’un apaisement durable sur la Ligne bleue.


Deuxième journée du sommet France- Pays Arabes, centrée sur l’eau, l’environnement et la reconstruction

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
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  • Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB
  • Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan

PARIS: Pour la deuxième journée consécutive, le sixième Sommet économique France–pays arabes, organisé à Paris par la Chambre de commerce franco-arabe, a tenu ses promesses.
Après une première journée consacrée aux échanges économiques et aux perspectives d’investissement, ce second temps fort s’est concentré sur un enjeu devenu stratégique pour l’ensemble du monde arabe : l’eau et l’environnement, entre crises, besoins structurels et nouvelles opportunités technologiques.

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie.

Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB.
Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan.

L’eau, un défi stratégique au cœur du Sommet France–pays arabes

Il a ensuite dressé une cartographie précise des acteurs internationaux aujourd’hui mobilisés, comme la Banque mondiale, premier bailleur, dont plus de 2,5 milliards de dollars sont engagés dans la région.
Il a également cité les grandes institutions multilatérales comme la Banque africaine de développement ou le Fonds arabe pour le développement économique et social, ainsi que les fonds climatiques mondiaux, comme le GEF, qui soutiennent des projets structurants en Jordanie et ailleurs, et la Banque européenne d’investissement et la BERD, très présentes sur les projets de dessalement et de transport d’eau.

Au-delà des financements, ces acteurs agissent de plus en plus en coalition, permettant de mutualiser les risques et d’augmenter l’impact. Dans ce paysage, la France occupe une place singulière grâce à la stratégie internationale pour l’eau lancée en 2020 et portée activement dans les enceintes multilatérales.
Fauvet a surtout souligné le rôle central de l’Agence française de développement, qui joue un rôle pivot, notamment en Irak où l’eau constitue la première destination de ses financements, indiquant que deux nouveaux prêts de 110 et 100 millions d’euros viennent d’y être signés.

Il a également évoqué le rôle, souvent mal compris, des fonds souverains du Golfe — puissants (plus de 5 000 milliards d’actifs cumulés) — qui sont des acteurs stratégiques capables d’impulser le secteur privé en garantissant certains revenus ou en soutenant des projets d’infrastructure.

Après l’analyse macroéconomique est venu le témoignage saisissant d’Ali Hamie, ancien ministre et conseiller du président libanais pour la reconstruction, qui a dressé un constat alarmant des destructions provoquées par l’agression israélienne de 2024, laquelle se poursuit encore aujourd’hui.
Au 27 novembre 2024, date du cessez-le-feu, 15 000 bâtiments avaient déjà été totalement détruits. Un an plus tard, en novembre 2025, ce chiffre avait presque doublé, sans compter les zones non encore recensées, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth.
Les chiffres qu’il a présentés donnent la mesure de la catastrophe : certains villages du Sud ont été détruits à 88 %, au point de disparaître, et plus de 35 000 bâtiments sont aujourd’hui détruits ou lourdement touchés.

Partenariats régionaux et reconstructions : enjeux du Golfe au Liban

Mohamed Ben Laden, président du Conseil d’affaires franco-saoudien, est intervenu longuement sur l’état du partenariat franco-saoudien, notamment à l’issue du dernier forum économique de Riyad, marqué par l’effervescence d’un pays projeté à la fois vers l’Expo 2030 et la Coupe du monde 2034.
Président depuis quelques années du Conseil d’affaires franco-saoudien, Ben Laden assure que cela illustre combien « nos deux nations partagent non seulement une vision stratégique, politique et économique, mais aussi une longue histoire commune, faite de crises traversées et de transformations profondes dans un monde en perpétuel changement ».

Réagissant aux propos de l’envoyé spécial du président de la République française, Gérard Mestrallet, qui a évoqué le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe, l’IMEC, au centre d’un premier accord énergétique signé en 2020, Ben Laden a déclaré que la France et l’Arabie saoudite ont souhaité aller plus loin.
C’est ainsi que leur partenariat s’est élevé à un niveau réellement stratégique, avec l’accord majeur signé par le président Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite lors de la visite de décembre 2024, « qui fut un très grand succès pour nos relations bilatérales ».

Depuis le lancement de Vision 2030, en 2016, a-t-il ajouté, l’Arabie saoudite a mis en œuvre d’immenses réformes économiques dont les résultats sont aujourd’hui visibles.
« Nous avons franchi la moitié du chemin vers 2030, et tous les indicateurs sont au vert ; pour la première fois, 56 % du PIB provient désormais de secteurs non pétroliers, ce qui constitue un tournant historique pour notre pays.
Nous avons éradiqué la corruption, instauré une gouvernance claire et crédible, et cela a immédiatement attiré les investisseurs », a-t-il poursuivi, invitant le Liban, « que nous aimons, à suivre le même chemin pour regagner la confiance internationale ».

Il a ensuite décrit la dynamique d’intégration régionale en cours au sein du Golfe : « Le 3 décembre, nous avons créé une autorité commune de l’aviation civile, et la semaine dernière, nous avons annoncé une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Doha et Riyad, connectant la région orientale du Royaume.
Le Golfe bouge, s’unit, crée une dynamique logistique jamais vue », a assuré Ben Laden, « et nous avons tout intérêt à ce qu’elle s’étende à la Syrie et au Liban ».

S’attardant sur les perceptions européennes des mégaprojets saoudiens, il indique : « Certes, l’Arabie saoudite est aujourd’hui le plus grand chantier à ciel ouvert au monde, mais nous accordons autant d’importance à l’édification de l’homme, à la formation de notre jeunesse.
Nous réformons entièrement notre système éducatif, et les écoles françaises sont les bienvenues pour développer des partenariats, de même que les grandes écoles, qui arrivent encore timidement, doivent comprendre que le français demeure aussi une langue des affaires. »

Abordant le rôle des petites et moyennes entreprises françaises (PME), il a soutenu qu’elles ont leur place en Arabie, tout comme les grands groupes français, puisque le cadre législatif favorise désormais les entreprises implantées dans le pays.
« La législation évolue. Vous pouvez désormais être propriétaire de votre résidence en Arabie saoudite, et le régime de Premium Residency vous permet d’investir seul, sans partenaire local, d’acquérir un bien et de vivre dans le Royaume. »