Présidentielle: quand Zemmour «dédiabolise» Le Pen

Une pancarte "Arrêtez de répandre la haine, Monsieur Zemmour !" brandie lors d'un rassemblement contre la visite à Genève du journaliste français d'extrême droite Eric Zemmour le 24 novembre 2021. (Fabrice Coffrini / AFP)
Une pancarte "Arrêtez de répandre la haine, Monsieur Zemmour !" brandie lors d'un rassemblement contre la visite à Genève du journaliste français d'extrême droite Eric Zemmour le 24 novembre 2021. (Fabrice Coffrini / AFP)
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Publié le Vendredi 26 novembre 2021

Présidentielle: quand Zemmour «dédiabolise» Le Pen

  • Marine Le Pen a concédé samedi que le polémiste, avec la "brutalité" de ses propositions lui rendait "service", notamment en la recentrant politiquement
  • Outre des sondages en berne, des salles refusent Zemmopur, comme à Londres ou à Genève, et l'organisation fragile de sa campagne suscite des critiques en interne

PARIS : Marine Le Pen, désireuse de "rassurer" les Français en 2022 pourrait paradoxalement bénéficier de la diabolisation et des difficultés rencontrées par son rival Eric Zemmour sur le point d'officialiser sa candidature à la présidentielle.

"Elle me plaît ! Zemmour est trop violent, trop clash et trop raciste. Marine, elle n'est pas raciste", s'exclame Karine Poulain, mère au foyer de 50 ans, venue saluer la candidate du Rassemblement national jeudi à la foire de Vesoul.

Marine Le Pen a elle-même concédé samedi que le polémiste, avec la "brutalité" de ses propositions lui rendait "service", notamment en la recentrant politiquement.

"La brutalité qui émane des propositions d'Eric Zemmour et son côté mono-thématique (NDLR: sur l'immigration) démontre que nous avons, en ce qui nous concerne, un projet complet, travaillé (...) avec des équipes pour le porter", soutient la responsable d'extrême droite, qui progresse un peu désormais dans les sondages quand Eric Zemmour semble stagner, après avoir été donné au second tour à sa place.

Marine Le Pen, qui veut "rassurer" les Français sur sa capacité à exercer le pouvoir, malgré son débat raté de 2017 et son échec aux régionales, admet que son futur adversaire la "recentre" et peut représenter "une réserve de voix (pour le second tour) plus importante que celle de Nicolas Dupont-Aignan", avec qui elle s'était alliée entre les deux tours en 2017, en lui promettant d'être son Premier ministre.

- «Expérience» -

Après un démarrage fulgurant, le putatif prétendant à l'Élysée, qui doit annoncer dans les prochains jours sa candidature, butte sur des difficultés. Outre des sondages en berne, des salles le refusent, comme à Londres ou à Genève, et l'organisation fragile de sa campagne suscite des critiques en interne.

Jusqu'au retrait cette semaine du soutien du financier Charles Gave, tandis que l'ex LR Jean-Frédéric Poisson, qui était prêt à s'occuper des législatives, n'a toujours pas renoncé à sa propre candidature en 2022.

Son point presse devant le Bataclan le jour anniversaire des attentats a fait tousser jusqu'au sein de la rédaction de l'hebdomadaire ultraconservateur Valeurs actuelles.

Quant à l'ami Philippe de Villiers, il ne viendra pas au Zénith à Paris le 5 décembre pour son premier meeting de campagne.

Eric Zemmour "est classé extrême-extrême droite et dans ce cas là Marine est reportée vers le centre. Elle bénéficie somme toute de la persécution dont Zemmour est la victime", a admis jeudi l'ancien président du FN (devenu RN) Jean-Marie Le Pen, exclu lui-même de son parti en 2015 pour ses propos polémiques sur la Shoah.

Le cofondateur du FN soutiendra le mieux placé des deux mais il considère aujourd'hui que le polémiste n'a pas "l'expérience" de sa fille et lui prédit une campagne "douloureuse".

- Femmes -

Eric Zemmour, c'est un retour au FN de 1998 et l'antithèse de la dédiabolisation conçue à partir de 2002 par les cadres du parti, qui visait à "en finir avec les déclarations polémiques", explique l'historien spécialiste de l'ultradroite Nicolas Lebourg.

"L'hostilité des femmes envers le (vote) RN n'est plus", en raison d'une "posture moins guerrière et plus apaisée affichée" par Marine Le Pen, et de la "précarisation accrue des femmes", analyse une note récente de la Fondation Jean-Jaurès.

Or dans le cas d'Eric Zemmour, dont les propos à l'égard des femmes sont régulièrement dénoncés au RN, les femmes voteraient moins pour lui que les hommes.

La candidate du RN a également mis l'accent sur le pouvoir d'achat et le volet social de son programme, un point jugé faible chez son rival.

Reste que les deux prétendants ont beaucoup de points communs. Ils sont hostiles aux quotas pour les femmes et ont des projets similaires sur l'immigration et la "préférence nationale", qui passeraient par une révision en profondeur de la Constitution.

Zemmour, une campagne tout en fracas, en quête d'un nouveau souffle

 

Eric Zemmour boucle vendredi à Marseille une campagne électorale qui n'aura jamais dit son nom, tout en fracas, marquée par une envolée sondagière et des polémiques incessantes, mais qui semble marquer le pas à l'approche d'une annonce de candidature attendue dans les tout prochains jours.

"Peut-être qu'il faut passer à l'action", fait mine de se demander début juin l'éditorialiste du Figaro et animateur d'une émission quotidienne sur CNews, tandis que le malaise grandit à Europe 1, en plein rapprochement avec la chaîne ultra-conservatrice de Vincent Bolloré, grand ami d'Eric Zemmour.

Les signaux d'une possible candidature du polémiste d'extrême droite, mesuré pour la première fois par l'Ifop à 5,5% d'intentions de vote, se multiplient après l'échec du RN aux régionales.

Dès le lendemain du second tour le 27 juin, des affiches "Zemmour président" fleurissent sur les murs de plusieurs villes. Le Journal officiel publie l'agrément de l'association de financement du parti Les Amis d'Eric Zemmour, par la Commission des comptes de campagne.

Premier caillou dans la chaussure du putatif prétendant à l'Elysée, la maison d'édition Albin Michel ne publiera pas son nouvel essai en raison de son projet "de s'engager dans la présidentielle".

Fin août, il n'est toujours pas candidat mais son équipe fait savoir qu'elle a réuni une centaine de promesses de parrainages, alors qu'il n'y en aurait en réalité qu'une dizaine.

Invité dans le Vaucluse par un entrepreneur proche de François Fillon, Rafik Smati, le polémiste assène que Marine Le Pen "ne gagnera jamais" la présidentielle.

Il expose ses obsessions d'une France "en danger de mort" qui sera en 2050 "un pays à moitié islamique", et avance ses propositions controversées: "arrêter" l'immigration et "obliger les gens à donner des prénoms français" parce qu'"appeler son enfant Mohamed, c'est coloniser la France".

- «Ambiguïté» -

Le coup d'envoi de sa pré-campagne est lancé le 17 septembre à Toulon, où Eric Zemmour entame la promotion de son livre "La France n'a pas dit son dernier mot", dans des conférences qui prennent vite l'allure de meetings.

"Zemmour président" scandent à chaque fois ses jeunes soutiens dans des salles souvent pleines, tandis que des manifestants à l'extérieur protestent contre sa venue, comme à Nantes.

Le maire de Béziers Robert Ménard, qui soutient Marine Le Pen et apprécie aussi Eric Zemmour, s'inquiète d'une division du "camp national" mais échoue à les réunir dans sa ville. Eric Zemmour est alors crédité de 7 à 8% dans les sondages.

Considéré par le CSA comme une "personnalité politique", son temps de parole est décompté et il doit quitter son émission phare sur CNews.

Il crie à la "censure" mais est aussitôt invité sur tous les plateaux, tandis que des débats sur la couverture du non candidat agitent les rédactions.

L'hypothèse de sa candidature parasite la rentrée à Fréjus de Marine Le Pen qui multiplie les clins d'oeil à son égard tout en marquant ses différences.

La fascination ou la répulsion qu'il génère réjouissent l'intéressé, interrogé tous les jours sur sa candidature. "C'est mon intérêt de faire durer l'ambiguïté", dit-il.

"Candidat au débat", il affronte en duel sur BFMTV le chef de file de LFI Jean-Luc Mélenchon devant quatre millions de téléspectateurs, avant d'être reçu à Budapest par le Premier ministre hongrois ultraconservateur Viktor Orban.

- Nuages -

Coup de tonnerre le 6 octobre: Eric Zemmour est donné au second tour à 17-18% devant Marine Le Pen. La perspective de ne pas se qualifier pour le deuxième tour, une première dans les sondages depuis des années, pousse la candidate du RN à hausser le ton face au polémiste. Elle demande à son rival de se déclarer et met l'accent sur le pouvoir d'achat, point jugé faible chez Eric Zemmour.

Son lieutenant, le président du RN Jordan Bardella, dénonce la "brutalité" d'Eric Zemmour sur les femmes.

Le putatif candidat, condamné à deux reprises pour provocation à la haine raciale, s'amuse à prendre pour cible des journalistes avec un fusil, après avoir souhaité ôter le pouvoir aux médias. Le jour anniversaire des attentats du 13-Novembre, il accuse François Hollande de n'avoir pas "protégé les Français". Devant le Bataclan.

Pendant que le groupe Lagardère, dans le giron de Bolloré, remanie les directions de Paris-Match et du JDD, il amplifie la mobilisation, affiche ralliements et financements, ainsi qu'un QG rue Goujon, à deux pas de l'Elysée.

Mais au terme de sa fulgurante percée, les nuages s'amoncellent, avec des sondages qui stagnent à 13-15%, des salles qui le refusent comme à Londres et Genève, et une organisation fragile qui suscite des critiques en interne. Jusqu'au retrait cette semaine du soutien du financier Charles Gave, qui lui a accordé un prêt de 300.000 euros.

Dans son entourage, on le conjure de se déclarer vite pour réenclencher une dynamique. L'annonce est imminente, attendue en amont du congrès des Républicains, autre cible pour celui se présentant comme le seul héritier du RPR, qui commence mercredi.

La salle pour son premier meeting de campagne est déjà réservée: ce sera le dimanche 5 décembre au Zénith de Paris.

Zemmour prié par le diocèse de Marseille de ne pas s'exprimer à la «Bonne Mère»

Le diocèse de Marseille a prié Eric Zemmour, en déplacement dans la cité phocéenne, de ne pas s'exprimer dans l'enceinte de la "Bonne Mère", l'emblématique basilique Notre-Dame-de-la-Garde, où il avait prévu un point-presse vendredi après-midi.

"Ce qui a été demandé à M. Zemmour c'est que ce point-presse se passe à l'extérieur des grilles du sanctuaire, car il s'agit d'un lieu privé et surtout d'un lieu sacré", a précisé le diocèse à l'AFP, en confirmant l'information initiale du site d'investigation local Marsactu.

"Qu'il visite Notre-Dame est son droit, mais ce n'est pas le lieu pour une déclaration politique", a insisté le diocèse auprès de l'AFP, en précisant que cette demande serait la même quel que soit le parti politique concerné. "Et nous espérons que cette requête sera respectée", a-t-il ajouté.

Le polémiste d'extrême droite, condamné à deux reprises pour provocation à la haine raciale, avait prévu de s'exprimer devant la presse vendredi, "côté parvis" de Notre-Dame-de-la-Garde, lors d'une visite de deux jours dans la deuxième ville de France.

Avant ce point-presse et sa visite à Notre-Dame-de-la-Garde, M. Zemmour a prévu une "déambulation" dans le quartier du Panier, derrière l'hôtel de ville. Samedi, il doit se rendre sur le Vieux-Port, au marché aux poissons, après un "rendez-vous provençal" vers la cathédrale de la Major.


Budget de l'Etat: au Sénat, la droite tentée par le compromis, mais pas à n'importe quel prix

Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
Le Premier ministre français Sébastien Lecornu s'exprime lors d'une déclaration gouvernementale sur la stratégie de défense nationale à l'Assemblée nationale, à Paris, le 10 décembre 2025. (AFP)
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  • Le gouvernement met la pression sur la droite sénatoriale, devenue incontournable pour l’adoption du budget de l’État 2026
  • Malgré des tentatives de rapprochement en commission mixte paritaire, le risque d’échec demeure élevé ouvrant la voie soit à l’usage du 49.3

PARIS: Appelée par le gouvernement à se montrer constructive, la droite sénatoriale n'entend pas tourner le dos à un compromis sur le budget de l'Etat, mais sa fermeté vis-à-vis des socialistes risque de compliquer l'aboutissement de la discussion budgétaire avant 2026.

"La balle est aujourd'hui dans le camp du Parlement et significativement de la droite sénatoriale", a lancé mercredi la porte-parole du gouvernement Maud Bregeon.

Une manière de mettre la pression sur la chambre haute et son alliance majoritaire droite-centristes. Elle détient à elle seule une grande partie des clés d'une équation jusqu'ici insoluble sur le projet de loi de finances pour 2026 (PLF).

En effet, si le compromis a été possible sans le Sénat sur le budget de la Sécurité sociale, les délais sur le budget de l'Etat sont tellement contraints que seul un accord entre les deux chambres du Parlement pourrait permettre l'adoption d'un budget avant le 31 décembre.

Le Sénat doit voter lundi sur l'ensemble du projet de budget, largement remanié par rapport à la version gouvernementale. Ensuite, une commission mixte paritaire (CMP), réunion de sept députés et sept sénateurs, sera chargée de trouver un terrain d'entente.

- CMP décisive -

Cette CMP est pour le moment fixée au vendredi 19 décembre, ce qui laisse encore quelques jours aux parlementaires pour négocier le périmètre d'un accord.

Si le gouvernement y croit, l'intransigeance de Bruno Retailleau, patron des Républicains et ténor de la droite sénatoriale, reste totale à ce stade.

"Il ne pourra pas y avoir d'accord sur un budget qui augmenterait considérablement les impôts et ne réduirait pas significativement la dette", a-t-il fermement affirmé au Figaro.

Autre signe d'une droite sénatoriale inflexible: elle a rejeté d'emblée, vendredi, le budget de la Sécurité sociale dans sa version de compromis trouvée à l'Assemblée nationale, laissant le dernier mot aux députés.

Une issue différente sur le budget de l'Etat ? Le rapporteur général du budget au Sénat, Jean-François Husson, martèle depuis plusieurs semaines sa conviction qu'une "voie de passage existe".

"Nous serons dans l'écoute et dans l'ouverture, mais pas à n'importe quel prix. Personne ne peut se permettre de viser une victoire politique sur ce budget", assure auprès de l'AFP celui qui pilote les débats budgétaires au Sénat.

Ce dernier a commencé, ces derniers jours, à rapprocher les points de vue avec son homologue de l'Assemblée nationale, Philippe Juvin (LR lui aussi). Une autre réunion est prévue dimanche entre ces deux responsables.

"Mon objectif, c'est bien de trouver un atterrissage", confirme Philippe Juvin à l'AFP. "Il me semble que c'est accessible".

Le président du Sénat Gérard Larcher, connu pour ses qualités de conciliateur, est lui aussi dans cette optique.

Mais le patron de la chambre haute, qui a échangé avec Emmanuel Macron et Sébastien Lecornu jeudi, reste très agacé par le choix du Premier ministre de se tourner vers le Parti socialiste et lui reproche d'avoir "méprisé" le Sénat.

- "Pas prêt à se renier" -

"On est prêt à faire des efforts mais on n'est pas prêt à se renier", glisse un proche du président Larcher, pour qui "trop de concessions ont été faites à la gauche".

"Ce n'est pas à la droite sénatoriale d'aller parler au PS, c'est à Sébastien Lecornu d'aller voir les socialistes pour leur dire que maintenant ça suffit, qu'ils ont tout obtenu dans le budget de la Sécu", explicite Christine Lavarde, sénatrice LR qui devrait siéger en CMP.

Une commission mixte paritaire conclusive ne suffirait pas, néanmoins, car il faudrait ensuite que le texte de compromis soit adopté par l'Assemblée nationale, avec au minimum une abstention de la gauche qui paraît impensable à ce stade.

Et certains cadres du bloc central en appellent au retour du 49.3 pour valider cet hypothétique accord.

"Le 49.3 n'est pas une baguette magique, si le gouvernement l'utilise sans compromis préalable, il s'expose à une censure immédiate", a menacé le premier secrétaire du PS Olivier Faure dans Libération.

Lui, comme beaucoup, anticipe déjà l'alternative: l'adoption d'une loi spéciale avant le 31 décembre, afin de permettre la poursuite des activités de l'Etat, et la reprise des débats début 2026. Avec un nouveau casse-tête budgétaire en perspective...


Paris incite le Liban à adopter des mesures pour éviter l’explosion

Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
Un convoi transportant une délégation du Conseil de sécurité des Nations unies lors d'une visite de la frontière avec Israël près de la région de Naqura, dans le sud du Liban, le 6 décembre 2025. (AFP)
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  • La France intensifie ses efforts diplomatiques pour prévenir une escalade israélienne au Liban en renforçant un mécanisme vérifiable de désarmement au Sud-Litani, avec l’appui de la FINUL et l’implication des partenaires internationaux
  • Paris presse également les autorités libanaises de lever le blocage politique afin de débloquer l’aide internationale, soutenir les Forces armées libanaises et relancer la reconstruction du Sud

PARIS: À peine deux semaines après la visite au Liban d’Anne-Claire Legendre, conseillère Afrique–Moyen-Orient à l’Élysée, l’envoyé spécial du président français, Jean-Yves Le Drian, s’est à son tour rendu à Beyrouth pour mener une série d’entretiens avec les responsables libanais.

La proximité de ces deux déplacements ne relève pas du hasard, mais traduit une inquiétude française croissante face au risque d’une nouvelle escalade israélienne sur le territoire libanais.

Paris observe attentivement la dynamique régionale actuelle et, selon son analyse, si Israël se heurte en Syrie à une vigilance américaine accrue, qui a conduit Washington à intervenir verbalement lorsque certaines frappes menaçaient la stabilité du pays, il n’en va pas de même pour le Liban.

C’est précisément là que réside, aux yeux de la France, le principal danger, dans un contexte régional marqué par le cessez-le-feu à Gaza et les tensions préélectorales en Israël.

Les déclarations israéliennes se sont récemment durcies, tout comme les frappes dans le Sud-Liban, et cette montée de la tension est, selon Paris, directement liée au cessez-le-feu du 9 octobre à Gaza.

Elle s’inscrit aussi dans un contexte politique intérieur israélien où le Premier ministre Benjamin Netanyahou aurait davantage à gagner, en termes de popularité, en poursuivant les hostilités régionales qu’en y mettant un terme.

L’absence de contraintes américaines fortes au Liban ouvre ainsi à Israël une marge de manœuvre plus large et alimente le risque d’un dérapage.

Face à ce risque, la diplomatie française tente d’agir sur un levier central, celui de la mise en œuvre et de la vérification du plan de désarmement élaboré par les Forces armées libanaises (FAL), connu sous le nom de Nation Shield.

Cette initiative prévoit, dans une première phase, un désarmement effectif au sud du Litani avant le 31 décembre, une échéance qui coïncide avec la montée de la pression israélienne.

Jusqu’à présent, le mécanisme franco-américain reposait essentiellement sur des déclarations des FAL, dont aucune n’était rendue publique ni documentée de manière indépendante, mais pour Paris, il devient indispensable de passer d’un système déclaratif à un système vérifiable.

Ce système est capable de convaincre autant Israël que les partenaires internationaux, en particulier les États-Unis et l’Arabie saoudite, acteurs clés du dossier libanais, du bien-fondé des agissements du Liban.

La FINUL dispose, selon Paris, de la capacité d’accompagner systématiquement les opérations des Forces armées libanaises (FAL) sur le terrain. Pour cela, les propositions françaises visent à établir un tableau de bord précis, zone par zone, démontrant que le travail est effectivement accompli au Sud.

Un tel dispositif doit permettre, du point de vue français, d’opposer des faits aux narratifs israéliens affirmant l’absence de progrès.

Le Drian a ainsi finalisé à Beyrouth le cadre d’un mécanisme renforcé. Désormais, les opérations des FAL devront être accompagnées, vérifiées et cartographiées afin de produire une évaluation destinée aux partenaires internationaux.

L’une des priorités de Paris est de convaincre l’Arabie saoudite, qui suit de très près le dossier du désarmement du Hezbollah et souhaite pouvoir constater sur pièces les avancées réelles sur le terrain avant de s’engager davantage, notamment dans la conférence de soutien aux FAL.

Paris estime que cette prudence est légitime et entend démontrer que les progrès réalisés méritent un soutien financier accru. 

Dans ce contexte, les contacts s’intensifient et des échanges étroits ont lieu avec l’émissaire américaine Morgan Ortagus et avec le conseiller du ministre saoudien des Affaires étrangères Yazid Ben Farhane.

Le chef des Forces armées libanaises, Rodolphe Haykal, est attendu à Paris dans les prochains jours. 

Même si aucune réunion trilatérale France–Arabie saoudite–États-Unis n’est officiellement confirmée pour le 18 décembre à Paris, des consultations régulières témoignent d’une coordination active.

Au-delà des questions sécuritaires, la France s’inquiète également du blocage politique interne au Liban, qui paralyse la reconstruction du Sud et la mise en œuvre de plusieurs programmes internationaux.

Le Parlement étant suspendu dans le cadre de la bataille politique autour des échéances électorales, les lois déjà votées ne sont pas adoptées, ce qui empêche l’exécution du programme de la Banque mondiale, essentiel à la reconstruction des zones affectées.

Il en va de même pour le document « GALPO », crucial pour relancer la coopération avec le FMI et convoquer une conférence internationale de reconstruction.

Ce document est en voie de finalisation du côté du gouvernement, mais son adoption dépend du Parlement.

Le Drian a insisté auprès du président et des responsables politiques libanais sur l’urgence de lever ce blocage, estimant qu’il s’agit d’un impératif vital pour l’ensemble des Libanais, et surtout pour ceux du Sud, les premiers touchés par les tensions actuelles.

Reste la question la plus délicate, celle du Hezbollah, d’autant plus que Paris constate que le mouvement chiite n’a pas renoncé à sa posture militaire et continue certains transferts d’armes.

Le Sud-Litani constitue un point de friction, mais le Nord-Litani pourrait, à terme, devenir un enjeu encore plus complexe, et la France considère néanmoins que le premier objectif doit être de prouver les progrès au Sud, base indispensable pour toute discussion ultérieure.

Le renforcement du mécanisme de vérification vise précisément, pour Paris, à établir un tiers de confiance permettant de distinguer déclarations politiques et réalité opérationnelle.

La France se trouve donc engagée dans une course diplomatique et technique pour éviter une explosion au Liban, mais elle estime qu’en renforçant la transparence des actions des forces libanaises, en mobilisant les partenaires régionaux et internationaux, et en poussant Beyrouth à débloquer ses institutions, il est possible de créer les conditions d’un apaisement durable sur la Ligne bleue.


Deuxième journée du sommet France- Pays Arabes, centrée sur l’eau, l’environnement et la reconstruction

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie. (Photo Arlette Khouri)
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  • Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB
  • Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan

PARIS: Pour la deuxième journée consécutive, le sixième Sommet économique France–pays arabes, organisé à Paris par la Chambre de commerce franco-arabe, a tenu ses promesses.
Après une première journée consacrée aux échanges économiques et aux perspectives d’investissement, ce second temps fort s’est concentré sur un enjeu devenu stratégique pour l’ensemble du monde arabe : l’eau et l’environnement, entre crises, besoins structurels et nouvelles opportunités technologiques.

Des experts français, des responsables arabes et des acteurs du secteur privé ont approfondi trois grandes thématiques : l’eau au cœur des besoins, les investissements et infrastructures, et enfin un focus stratégique sur le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe (IMEC), présenté comme l’un des projets géoéconomiques les plus ambitieux de la décennie.

Dans son intervention durant le sommet, Jean-Baptiste Fauvet, chef du service économique régional pour la péninsule Arabique, a rappelé un chiffre choc en affirmant que, dans plusieurs pays arabes, la pénurie d’eau pèse déjà 1,8 % du PIB.
Un coût qui pourrait, selon lui, atteindre 14 % d’ici à 2050 si rien n’est fait, soulignant que l’eau n’est plus un sujet sectoriel, mais un défi économique, sécuritaire et social de premier plan.

L’eau, un défi stratégique au cœur du Sommet France–pays arabes

Il a ensuite dressé une cartographie précise des acteurs internationaux aujourd’hui mobilisés, comme la Banque mondiale, premier bailleur, dont plus de 2,5 milliards de dollars sont engagés dans la région.
Il a également cité les grandes institutions multilatérales comme la Banque africaine de développement ou le Fonds arabe pour le développement économique et social, ainsi que les fonds climatiques mondiaux, comme le GEF, qui soutiennent des projets structurants en Jordanie et ailleurs, et la Banque européenne d’investissement et la BERD, très présentes sur les projets de dessalement et de transport d’eau.

Au-delà des financements, ces acteurs agissent de plus en plus en coalition, permettant de mutualiser les risques et d’augmenter l’impact. Dans ce paysage, la France occupe une place singulière grâce à la stratégie internationale pour l’eau lancée en 2020 et portée activement dans les enceintes multilatérales.
Fauvet a surtout souligné le rôle central de l’Agence française de développement, qui joue un rôle pivot, notamment en Irak où l’eau constitue la première destination de ses financements, indiquant que deux nouveaux prêts de 110 et 100 millions d’euros viennent d’y être signés.

Il a également évoqué le rôle, souvent mal compris, des fonds souverains du Golfe — puissants (plus de 5 000 milliards d’actifs cumulés) — qui sont des acteurs stratégiques capables d’impulser le secteur privé en garantissant certains revenus ou en soutenant des projets d’infrastructure.

Après l’analyse macroéconomique est venu le témoignage saisissant d’Ali Hamie, ancien ministre et conseiller du président libanais pour la reconstruction, qui a dressé un constat alarmant des destructions provoquées par l’agression israélienne de 2024, laquelle se poursuit encore aujourd’hui.
Au 27 novembre 2024, date du cessez-le-feu, 15 000 bâtiments avaient déjà été totalement détruits. Un an plus tard, en novembre 2025, ce chiffre avait presque doublé, sans compter les zones non encore recensées, notamment dans la banlieue sud de Beyrouth.
Les chiffres qu’il a présentés donnent la mesure de la catastrophe : certains villages du Sud ont été détruits à 88 %, au point de disparaître, et plus de 35 000 bâtiments sont aujourd’hui détruits ou lourdement touchés.

Partenariats régionaux et reconstructions : enjeux du Golfe au Liban

Mohamed Ben Laden, président du Conseil d’affaires franco-saoudien, est intervenu longuement sur l’état du partenariat franco-saoudien, notamment à l’issue du dernier forum économique de Riyad, marqué par l’effervescence d’un pays projeté à la fois vers l’Expo 2030 et la Coupe du monde 2034.
Président depuis quelques années du Conseil d’affaires franco-saoudien, Ben Laden assure que cela illustre combien « nos deux nations partagent non seulement une vision stratégique, politique et économique, mais aussi une longue histoire commune, faite de crises traversées et de transformations profondes dans un monde en perpétuel changement ».

Réagissant aux propos de l’envoyé spécial du président de la République française, Gérard Mestrallet, qui a évoqué le corridor économique Inde–Moyen-Orient–Europe, l’IMEC, au centre d’un premier accord énergétique signé en 2020, Ben Laden a déclaré que la France et l’Arabie saoudite ont souhaité aller plus loin.
C’est ainsi que leur partenariat s’est élevé à un niveau réellement stratégique, avec l’accord majeur signé par le président Macron et le prince héritier d’Arabie saoudite lors de la visite de décembre 2024, « qui fut un très grand succès pour nos relations bilatérales ».

Depuis le lancement de Vision 2030, en 2016, a-t-il ajouté, l’Arabie saoudite a mis en œuvre d’immenses réformes économiques dont les résultats sont aujourd’hui visibles.
« Nous avons franchi la moitié du chemin vers 2030, et tous les indicateurs sont au vert ; pour la première fois, 56 % du PIB provient désormais de secteurs non pétroliers, ce qui constitue un tournant historique pour notre pays.
Nous avons éradiqué la corruption, instauré une gouvernance claire et crédible, et cela a immédiatement attiré les investisseurs », a-t-il poursuivi, invitant le Liban, « que nous aimons, à suivre le même chemin pour regagner la confiance internationale ».

Il a ensuite décrit la dynamique d’intégration régionale en cours au sein du Golfe : « Le 3 décembre, nous avons créé une autorité commune de l’aviation civile, et la semaine dernière, nous avons annoncé une ligne ferroviaire à grande vitesse entre Doha et Riyad, connectant la région orientale du Royaume.
Le Golfe bouge, s’unit, crée une dynamique logistique jamais vue », a assuré Ben Laden, « et nous avons tout intérêt à ce qu’elle s’étende à la Syrie et au Liban ».

S’attardant sur les perceptions européennes des mégaprojets saoudiens, il indique : « Certes, l’Arabie saoudite est aujourd’hui le plus grand chantier à ciel ouvert au monde, mais nous accordons autant d’importance à l’édification de l’homme, à la formation de notre jeunesse.
Nous réformons entièrement notre système éducatif, et les écoles françaises sont les bienvenues pour développer des partenariats, de même que les grandes écoles, qui arrivent encore timidement, doivent comprendre que le français demeure aussi une langue des affaires. »

Abordant le rôle des petites et moyennes entreprises françaises (PME), il a soutenu qu’elles ont leur place en Arabie, tout comme les grands groupes français, puisque le cadre législatif favorise désormais les entreprises implantées dans le pays.
« La législation évolue. Vous pouvez désormais être propriétaire de votre résidence en Arabie saoudite, et le régime de Premium Residency vous permet d’investir seul, sans partenaire local, d’acquérir un bien et de vivre dans le Royaume. »