Les pêcheurs irakiens du Chatt al-Arab pris dans les filets des différends frontaliers

Un bateau de pêche iranien naviguant en face de la ville portuaire d'al-Faw, dans le sud de l'Irak, le 26 octobre 2021. (AFP)
Un bateau de pêche iranien naviguant en face de la ville portuaire d'al-Faw, dans le sud de l'Irak, le 26 octobre 2021. (AFP)
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Publié le Lundi 06 décembre 2021

Les pêcheurs irakiens du Chatt al-Arab pris dans les filets des différends frontaliers

  • Les campagnes de pêche sont moins longues, les périmètres étroitement surveillés par les deux voisins de l'Irak et le prix du carburant a flambé ces dernières années.
  • Invisible, cette frontière qui passe au milieu du Chatt al-Arab a été par le passé un des principaux casus belli de la guerre irako-iranienne.

AL FAW : "Ils nous harcèlent!": sur les rives du Chatt al-Arab, les pêcheurs irakiens vivent dans la crainte d'être arrêtés par les forces iraniennes et koweïtiennes pour le franchissement illégal mais "involontaire" des frontières fluviales et maritimes que l'Irak partage avec ses deux anciens ennemis.

A 15 kilomètres de là, où les eaux mélangées du Tigre et de l'Euphrate débouchent dans le Golfe, Faw a tout du paisible port de pêche. Même s'il a été aux premières loges du conflit qui a mis aux prises l'Irak avec l'Iran entre 1980 et 1988, puis de l'invasion du Koweït, tout proche, par l'Irak en 1990.

Sur l'autre rive du Chatt al-Arab, le drapeau vert, blanc et rouge de l'Iran flotte au vent. Des portraits de l'ayatollah Khomeini, fondateur de la République islamique et du guide suprême Ali Khamenei cueillent le regard. Et la cohabitation ne va pas de soi.

Une frontière invisible

"On a beaucoup de problèmes avec les Iraniens", souffle Abdallah, pêcheur irakien d'une soixantaine d'années qui ne souhaite pas donner son nom de famille. "Dès qu'on franchit la frontière (fluviale, NDLR) à cause du courant, ils nous arrêtent", affirme-t-il.

Invisible, cette frontière qui passe au milieu du Chatt al-Arab a été par le passé un des principaux casus belli de la guerre irako-iranienne.

En septembre 1980, le dictateur irakien Saddam Hussein attaquait son voisin iranien, après avoir dénoncé les accords d'Alger de 1975, censés mettre fin au conflit frontalier qui les opposait sur le Chatt al-Arab.

Après les tensions dues à l'invasion irakienne du Koweït en 1990 puis celle de l'Irak par les Etats-Unis en 2003, Bagdad et Téhéran ont affirmé en 2019 vouloir retourner aux accords d'Alger. Les dirigeants des deux pays ont assuré vouloir tout faire pour régler le contentieux sur la frontière.

Une décision prise dans le sillage de la montée en puissance de l'influence iranienne en Irak, qui se manifeste notamment par les anciens paramilitaires pro-Iran du Hachd al-Chaabi et un déferlement de produits iraniens sur le marché irakien.

« 3.000 dollars d'amende »

Dans les faits, les pêcheurs irakiens de Faw disent, comme Tarek Ziad, "être harcelés" par l'Iran et le Koweït. Lorsque les embarcations quittent le Chatt al-Arab et partent en haute mer, il leur arrive de dériver jusque dans les eaux koweïtiennes ou iraniennes à cause du courant.

Les Iraniens "te mettent en prison et te font payer une amende de 3.000 dollars. C'est ce qui est arrivé à mon frère il y a quelques jours. Il a été arrêté par une patrouille fluviale iranienne et il a payé 3.000 dollars", raconte Tarek.

Sollicitées par l'AFP, les autorités iraniennes n'ont pas donné suite.

Le président du syndicat des pêcheurs de Faw, Badran al-Tamimi, dit n'avoir "aucun soutien du gouvernement" irakien.

Le Koweït est, selon lui, tout aussi prompt à arrêter les pêcheurs irakiens qui s'aventurent "par mégarde" dans les eaux territoriales de la monarchie envahie par Saddam Hussein en août 1990, avant d'en être chassé l'année suivante par une coalition militaire emmenée par les Etats-Unis.

"Hier soir je suis allé la frontière koweïtienne pour recueillir trois pêcheurs qui avaient été arrêtés. Cette semaine, j'y suis déjà allé trois ou quatre fois", assure M. Tamimi.

De son côté, un responsable sécuritaire koweïtien interrogé par l'AFP affirme que "les personnes qui sont arrêtées dans le secteur frontalier sont relâchées en bonne santé" par les forces de son pays, "en coordination avec les autorités irakiennes".

 Maigres prises 

Outre ces considérations géopolitiques, les pêcheurs de Faw font grise mine lorsqu'ils regardent leurs filets.

"On part en mer pendant huit ou dix jours et quand on revient, on a pêché entre 500 kg et une tonne, contre trois ou quatre tonnes il y a 20 ans", souffle le pêcheur Abdallah. 

Car les campagnes de pêche sont moins longues, les périmètres étroitement surveillés par les deux voisins de l'Irak et le prix du carburant a flambé ces dernières années.

Sur le fleuve en lui-même, la pêche -- saisonnière, elle -- ne nourrit plus son homme. En cause, la baisse du niveau du Chatt al-Arab provoquée par la sécheresse qui sévit en Irak et les barrages construits en amont, en Iran et en Turquie.

Lorsque le niveau du fleuve baisse, le Golfe s'engouffre "et on voit de plus en plus d'espèces marines dans la rivière car l'eau se salinise", note Iyad Abdelmohsen, biologiste marin à l'université Mustansiriyah de Bagdad.

C'est sans compter avec l'effroyable pollution des fleuves irakiens provenant des "activités humaines, comme les eaux usées et les déchets", qui finissent dans les voies d'eau et provoquent "des maladies digestives, des diarrhées, voire le choléra", explique-t-il.


Des mouvements palestiniens d'accord pour la gestion de Gaza par un comité indépendant de technocrates

Des Palestiniens marchent à travers les destructions causées par l'offensive aérienne et terrestre israélienne dans le camp d'Al-Shati, dans la ville de Gaza, vendredi. (AP)
Des Palestiniens marchent à travers les destructions causées par l'offensive aérienne et terrestre israélienne dans le camp d'Al-Shati, dans la ville de Gaza, vendredi. (AP)
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  • Réunis au Caire sous médiation égyptienne, le Hamas, le Fatah et d'autres factions palestiniennes ont convenu de confier provisoirement la gestion de Gaza à un comité indépendant de technocrates, à la suite du cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre
  • Les groupes ont également annoncé leur volonté de relancer l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) comme représentant légitime du peuple palestinien, marquant une étape vers une possible réconciliation politique entre le Hamas et le Fatah

LE CAIRE: Des mouvements palestiniens réunis au Caire, dont le Hamas, se sont mis d'accord vendredi, dans un communiqué commun, pour remettre provisoirement la bande de Gaza à un comité indépendant de technocrates à la suite de l'accord de cessez-le-feu en vigueur depuis le 10 octobre et parrainé par Donald Trump.

Selon le document publié sur le site du Hamas, les différents groupes palestiniens ayant participé aux discussions ont convenu de la mise en place d'un "comité palestinien temporaire composé de résidents indépendants +technocrates+ (...) chargé de gérer les affaires de la vie et les services essentiels".

Les groupes palestiniens se sont aussi mis d'accord sur une stratégie nationale visant à "revitaliser l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) en tant que seul représentant légitime du peuple palestinien". Le Hamas ne fait pas partie de l'OLP.

Des délégations du Hamas et de son rival, le Fatah, s'étaient réunies jeudi en Egypte pour évoquer les dispositions à prendre après la guerre à Gaza, a indiqué à l'AFP une source proche des pourparlers.

Les deux mouvements entretiennent une rivalité politique ancienne, qui a souvent freiné les efforts de réconciliation nationale palestinienne.

Médiatrice de longue date dans le conflit israélo-palestinien, l'Egypte a accueilli ces réunions dans le cadre d'une initiative plus large visant à favoriser un consensus autour du plan de cessez-le-feu.

En parallèle des discussions entre le Hamas et le Fatah, le chef du renseignement égyptien, Hassan Rashad, a rencontré de hauts responsables d'autres factions palestiniennes, dont le Jihad islamique, allié du Hamas, ainsi que le Front démocratique (FDLP) et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP). Ces deux dernières formations marxistes sont membres de l'OLP.

En décembre 2024, le Hamas et le Fatah avaient annoncé un accord pour créer un comité visant à gérer la bande de Gaza après la guerre contre Israël. L'accord avait été critiqué notamment par des membres du Fatah.

Par la suite, plusieurs responsables politiques palestiniens ont évoqué la création du comité de gestionnaires non affiliés en charge d'administrer le territoire où le Hamas avait pris le pouvoir par la force en 2007.

Le Hamas a déjà fait savoir qu'il ne tenait pas à gouverner Gaza, ravagée par deux ans de guerre.

Le président américain Donald Trump a de son côté évoqué un "conseil de la paix" qu'il pourrait présider pour piloter l'après-guerre à Gaza.


En Cisjordanie, la récolte des olives perturbée par un pic de violences des colons

Des colons israéliens et un soldat israélien se tiennent dans un champ alors que des agriculteurs palestiniens sont empêchés de récolter des olives dans le village de Sa'ir, près de la ville d'Hébron en Cisjordanie occupée par Israël, le 23 octobre 2025. (AFP)
Des colons israéliens et un soldat israélien se tiennent dans un champ alors que des agriculteurs palestiniens sont empêchés de récolter des olives dans le village de Sa'ir, près de la ville d'Hébron en Cisjordanie occupée par Israël, le 23 octobre 2025. (AFP)
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  • En Cisjordanie occupée, une vidéo montrant un colon israélien masqué frappant une Palestinienne récoltant des olives à Turmus Ayya a ravivé les tensions, dans un contexte d’attaques accrues contre les agriculteurs palestiniens
  • L’ONU et plusieurs ONG dénoncent une impunité persistante face à ces violences, qui touchent des dizaines de villages et menacent une activité agricole essentielle à l’économie et à la vie sociale palestiniennes

Territoires palestiniens: La scène a fait le tour des réseaux sociaux en quelques heures: un jeune homme masqué frappe avec un bâton une Palestinienne qui cueille des olives en Cisjordanie occupée, et continue alors qu'elle est à terre.

L'incident s'est produit récemment à Turmus Ayya, près de Ramallah, épicentre cette année des violences accrues des colons israéliens contre les habitants du territoire palestinien occupé depuis 1967. Il a été filmé par un volontaire étranger, dont la présence est censée dissuader ces attaques.

"Tout le monde s'enfuyait, car les colons ont attaqué soudainement, ils étaient peut-être une centaine", raconte à l'AFP un employé municipal de Turmus Ayya, Yasser Alkam, présent sur les lieux, ajoutant qu'un volontaire suédois avait également eu le bras et la jambe cassés.

"Riposter ne ferait qu'attiser la violence, qui a parfois le soutien de l'armée", explique Naël al-Qouq, un agriculteur de Turmus Ayya.

La femme agressée, Oum Saleh Abou Aliya, 55 ans, attendait son fils pour quitter les lieux, affirme M. Alkam.

Non loin des lieux de l'affrontement, un drapeau israélien flotte sur un embryon d'implantation de colons.

-Multiplication des colonies-

L'armée israélienne est arrivée sur place et a tiré des gaz lacrymogènes pour disperser la foule, a constaté un journaliste de l'AFP.

Au moins deux voitures ont été incendiées par le groupe de jeunes dont plusieurs étaient masqués et au moins un, l'agresseur de l'agricultrice, portait les tsitsit, ces franges qui dépassent des vêtements portées par les juifs pratiquants.

Le chef de la police israélienne en Cisjordanie, Moshe Pinchi, a ordonné à ses commandants de le retrouver, selon les médias israéliens.

L'armée israélienne a déclaré à l'AFP qu'elle "travaille en coordination avec la police israélienne pour faire respecter la loi concernant les Israéliens impliqués" dans de tels faits.

Des journalistes de l'AFP ont observé au moins six incidents distincts de Palestiniens empêchés d'accéder à leurs terres, attaqués par des colons ou victimes de dégradations durant la cueillette 2025.

Le pic des violences cette année va de pair avec la multiplication des colonies israéliennes dans un territoire menacé d'annexion par une partie de la classe politique israélienne. Même si tous les colons ne participent pas aux violences.

Dans le village d'al-Moughayer, Abdoul Latif Abou Aliya, 55 ans, déplore lui la destruction de son oliveraie, ordonnée par l'armée après qu'un Israélien a été blessé lors d'une altercation près de sa maison.

"Je possède dix dounams (un hectare) d'oliviers, mais il ne me reste que ceux du jardin de ma maison. Ils ont tout arraché", dit-il à l'AFP.

Son terrain est désormais à nu. En bordure, trois caravanes signalent l'installation récente d'un avant-poste, ces bourgeons de colonies, illégaux aussi bien au regard du droit international que pour les autorités israéliennes.

"C'est la pire saison depuis 60 ans", commente le ministre palestinien de l'Agriculture, Rizeq Salimia. D'autant que la production d'olives, qui constitue l'une des principales exportations de Cisjordanie, a été impactée cette année par des conditions climatiques défavorables.

Face à l'ampleur inédite des attaques, il a appelé la communauté internationale à protéger les agriculteurs.

-Impunité-

Les ONG recensent de nombreuses attaques contre des civils palestiniens menées par des colons en Cisjordanie, où vivent plus d'un demi-million d'Israéliens dans des implantations illégales au regard du droit international.

Ajith Sunghay, responsable au Bureau des droits de l'homme de l'ONU dans les territoires palestiniens, condamne de "graves attaques" et déplore des "niveaux dangereux d'impunité" pour leurs auteurs.

Le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (Ocha) a lui dénombré 27 villages de Cisjordanie touchés par des attaques liées à la récolte, durant la seule semaine du 7 au 13 octobre.

"Les incidents comprenaient des attaques contre les cueilleurs, des vols de récoltes et de matériel, ainsi que des actes de vandalisme contre les oliviers, entraînant des blessés, des dégâts matériels ou les deux", détaille l'Ocha.

La Cisjordanie compte plus de huit millions d'oliviers pour environ trois millions d'habitants, selon le recensement agricole de 2021.

Emaillée ces dernières années d'attaques et de violences accrues impliquant colons israéliens, soldats, cueilleurs palestiniens et bénévoles étrangers, la récolte marque traditionnellement un temps convivial du calendrier palestinien, rassemblant fermiers mais aussi citadins.


Syrie: accord de cessez-le-feu entre jihadistes français et forces armées

Un membre des nouvelles forces de sécurité des autorités syriennes monte la garde devant un bureau de vote où les membres des comités locaux syriens ont voté dans le cadre du processus de sélection visant à désigner un parlement provisoire, à Damas, le 5 octobre 2025. (AFP)
Un membre des nouvelles forces de sécurité des autorités syriennes monte la garde devant un bureau de vote où les membres des comités locaux syriens ont voté dans le cadre du processus de sélection visant à désigner un parlement provisoire, à Damas, le 5 octobre 2025. (AFP)
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  • L'accord prévoit un cessez-le-feu entre les jihadistes retranchés dans un camp de la région de Harem, dan la province d'Idleb, près de la frontière turque, et les forces gouvernementales, selon le texte obtenu par l'AFP
  • Le cessez-le-feu est respecté depuis mercredi, selon un responsable local de la sécurité et une source des jihadistes français, contactés par l'AFP

IDLEB: Les autorités syriennes et les jihadistes français dirigés par Oumar Diaby sont parvenus à un accord pour mettre fin à leurs combats dans le nord-ouest de la Syrie, ont indiqué des sources concordantes jeudi à l'AFP.

L'accord prévoit un cessez-le-feu entre les jihadistes retranchés dans un camp de la région de Harem, dan la province d'Idleb, près de la frontière turque, et les forces gouvernementales, selon le texte obtenu par l'AFP.

Le cessez-le-feu est respecté depuis mercredi, selon un responsable local de la sécurité et une source des jihadistes français, contactés par l'AFP.

Mardi, les forces de sécurité syriennes avaient encerclé le camp, accusant Oumar Diaby, alias Omar Omsen, d'avoir enlevé une fillette et de refuser de se livrer aux autorités.

"Il y a eu un accord prévoyant un cessez-le-feu, le retrait des armes lourdes" et permettant aux autorités syriennes d'entrer dans le camp, a affirmé le responsable local de la sécurité qui a requis l'anonymat.

L'accord prévoit en outre que l'affaire de l'enlèvement de la fillette soit confiée au ministère de la Justice.

Les combats mardi étaient les premiers annoncés par les autorités avec des jihadistes étrangers depuis qu'elles ont pris le pouvoir en décembre 2024, après avoir renversé Bachar al-Assad.

Le gouvernement d'Ahmad al-Chareh, qui veut rompre avec son passé jihadiste, avait appelé tous les groupes armés à se dissoudre et intégrer la nouvelle armée.

Les jihadistes dirigés par Oumar Diaby, un ancien délinquant franco-sénégalais de 50 ans devenu prêcheur, sont estimés à quelques dizaines et sont retranchés dans le camp avec leurs familles.

Selon Rami Abdel Rahmane, directeur de l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH), des "jihadistes étrangers", en particulier d'Asie centrale, avaient "mené une médiation" mardi pour parvenir à une issue pacifique.

Les jihadistes français qui se font appeler "Firqat al Ghouraba" (le groupe des étrangers) constituent un rassemblement marginal et sans lien avec le groupe Etat islamique, qui avait régné par la terreur en Syrie et en Irak avant d'être défait.

Des milliers de jihadistes étrangers, dont des Occidentaux, avaient afflué en Syrie pendant la guerre civile qui a éclaté après la répression par l'ex-président Bachar al-Assad d'un soulèvement populaire en 2011.

Le conflit a pris fin en décembre 2024 avec la prise du pouvoir par une coalition islamiste dirigée par Ahmad al-Chareh.