Le monde doit honorer les victimes de la Covid-19 en revenant au multilatéralisme

Donald Trump s'adresse à la 75e Assemblée générale des Nations unies. (Reuters)
Donald Trump s'adresse à la 75e Assemblée générale des Nations unies. (Reuters)
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Publié le Dimanche 27 septembre 2020

Le monde doit honorer les victimes de la Covid-19 en revenant au multilatéralisme

Le monde doit honorer les victimes de la Covid-19 en revenant au multilatéralisme
  • En raison de la pandémie, l'Assemblée générale des Nations unies se tient dans des circonstances exceptionnelles, les chefs d'État participant «virtuellement» plutôt que de se rendre à New York
  • "Si nous ne parvenons pas à répondre à la pandémie et aux autres menaces communes avec un sens renouvelé de la solidarité et d’actions collectives, nous aurons déshonoré les victimes du virus et trahi les espoirs"

Le coronavirus (Covid-19) a mis en lumière les vulnérabilités graves d'un monde profondément interconnecté. Aucun pays, quelle que soit sa grandeur, sa richesse ou son progrès technologique, ne peut tout seul faire face à cette crise.

En raison de la pandémie, l'Assemblée générale des Nations unies se tient dans des circonstances exceptionnelles, les chefs d'État participant «virtuellement» plutôt que de se rendre à New York. La nature unique de la réunion de cette année devrait nous rappeler que le seul moyen de surmonter la menace de la Covid-19 passe par la coopération internationale, la transparence et le respect des règles et réglementations communes.

Il est paradoxal que la pandémie ait frappé à l’occasion du 75e anniversaire de l’ONU. Née des décombres de la Seconde Guerre mondiale – une calamité entièrement humaine – le premier forum international du monde a incarné la détermination des dirigeants d’après-guerre à ce que les générations futures soient épargnées des souffrances dont elles ont été témoins.

Au Moyen-Orient et dans d'autres régions déchirées par des conflits, l'ONU et ses principes de coopération multilatérale demeurent indispensables pour trouver des solutions durables à long terme qui garantiront la paix, la stabilité et la prospérité. Les principes du droit international sont le fondement de notre ordre mondial, fournissant un cadre crucial pour la défense des droits et l'exercice du pouvoir face aux défis mondiaux.

Nous pouvons le voir clairement dans le conflit israélo-palestinien, qui dure depuis presque aussi longtemps que l'ONU elle-même. La meilleure solution sera une solution à deux États – Israël et la Palestine – pour les deux peuples, sur la base des frontières internationalement reconnues d'avant la guerre de 1967 et conformément aux résolutions 242 et 2334 du Conseil de sécurité de l'ONU, entre autres.

L'établissement récent de relations diplomatiques entre Israël et deux pays du Golfe, les Émirats arabes unis et le Bahreïn, est un développement politique important qui, je l'espère, peut aider à surmonter des décennies d'éloignement et de méfiance. Mais je crois toujours que le seul moyen de parvenir à une véritable «normalisation» entre Israël et le monde arabe est que toutes les parties cherchent une solution durable à deux États qui offre la paix, la justice, la dignité et la sécurité aux Palestiniens et aux Israéliens à la fois. Les droits inaliénables des personnes ne devraient jamais être échangés par d’autres.

En 1945, beaucoup espéraient que le monde avait enfin tiré les leçons de deux guerres mondiales désastreuses. Selon les termes de la Charte des nations unies, l'organisme a été créé pour «préserver les générations futures du fléau de la guerre» et pour poursuivre des voies pacifiques et inclusives vers la prospérité mondiale et la démocratie. Le réseau de pactes et d'institutions internationaux centrés sur l'ONU qui a été établi depuis lors est loin d'être parfait. Pourtant, depuis plus de sept décennies, il a soutenu de manière décisive la poursuite de la paix, de la sécurité, des droits de l'homme et des améliorations économiques et sociales dans le monde.

Pour souligner cet héritage, The Elders – un groupe de dirigeants mondiaux indépendants fondé par Nelson Mandela, dont j'ai l'honneur d'être le vice-président – a récemment publié un rapport sur la défense du multilatéralisme.

Dans ce rapport, nous avons lancé cinq appels à l’action pour les dirigeants d’aujourd’hui: s’engager de nouveaux à respecter les valeurs de la Charte des nations unies; habiliter l'ONU à s’acquitter de son mandat d'action collective pour la paix et la sécurité; renforcer les systèmes de santé pour lutter contre la Covid-19 et se préparer aux futures pandémies; faire preuve d'une plus grande ambition sur le changement climatique pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris; et mobiliser un soutien pour tous les objectifs de développement durable.

Tous les pays doivent reconnaître que le seul moyen d’atteindre ces objectifs passe par un multilatéralisme efficace, qui est en fin de compte dans l’intérêt de chacun.

Le plus souvent, l'incapacité de l'ONU à atteindre ses objectifs mentionnés est le résultat du fait que les États membres – en particulier mais pas exclusivement les cinq membres permanents du Conseil de sécurité (États-Unis, Royaume-Uni, France, Russie et Chine) – n'ont pas assumé leurs responsabilités. Lorsque les pays placent les intérêts nationaux étroits au-dessus des priorités communes, tout le monde y perd.

Certes, en juillet dernier, j’ai salué l’adoption à l’unanimité par le Conseil de sécurité de l’ONU de la résolution 2532, qui appelait à un cessez-le-feu mondial pour éviter de nouvelles catastrophes humanitaires dans le contexte de la pandémie. J'ai également fortement soutenu cette initiative lorsque le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, l'a proposée pour la première fois en mars. Pourtant, j'ai été déçu de voir tant de mois précieux perdus en raison de disputes sur les détails du texte.

Lorsque les pays placent les intérêts nationaux étroits au-dessus des priorités communes, tout le monde y perd.

Des querelles sémantiques face à des conflits sanglants et une pandémie sans précédent ont envoyé un terrible message au public mondial. Au-delà des effets directs sur la santé, les retombées économiques de la crise seront durables et graves, créant des répercussions qui se feront sentir dans de nombreuses régions du monde fragiles et touchées par des conflits pendant un certain temps encore. Ce n’était pas le moment de jouer les durs diplomatiques.

Depuis lors, le Programme alimentaire mondial a averti que nous risquions de nous diriger vers la pire crise humanitaire depuis la Seconde Guerre mondiale, avec jusqu'à 600 000 enfants susceptibles de mourir de famine et de malnutrition dans des pays durement touchés comme le Yémen, la Somalie, le Nigéria, et le Soudan du Sud.

La crise de la Covid-19 est un sombre rappel de nos liens humains communs et de nos vulnérabilités. Si nous ne parvenons pas à répondre à la pandémie et aux autres menaces communes avec un sens renouvelé de la solidarité et d’actions collectives, nous aurons déshonoré les victimes du virus et trahi les espoirs que la génération fondatrice de l’ONU avait pour nous.

 

Ban Ki-moon, vice-président de The Elders, est un ancien secrétaire général des Nations unies et ministre des Affaires étrangères de la Corée du Sud.

NDLR: L’opinion exprimée dans cette page est propre à l’auteur et ne reflète pas nécessairement celle d’Arab News en français.

Ce texte est la traduction d'un article paru sur Arabnews.com