WASHINGTON: En présentant un plan pour Gaza comme un ultimatum au Hamas, le président américain, Donald Trump, pousse l'avantage diplomatique d'Israël et lui donne une marge de manœuvre encore plus grande sur le terrain si un accord échoue.
La Maison Blanche a rendu public lundi un plan en 20 points visant à mettre fin à l'offensive menée par Israël depuis près de deux ans dans la bande de Gaza, à obtenir la libération des otages et à déclarer une zone économique spéciale sous la tutelle de Donald Trump.
Le Premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu, et le président américain ont tous deux mis en garde le Hamas, dont l'attaque sans précédent du 7 octobre 2023 a déclenché la guerre, Donald Trump déclarant mardi que le mouvement islamiste palestinien risquait "l'enfer" s'il n'acceptait pas ce plan dans les jours à venir.
Selon Aaron David Miller, ancien conseiller spécialiste du Moyen-Orient, ce plan comporte des éléments susceptibles de mener au succès, mais il reste peu détaillé.
"Donald Trump a un instinct stratégique, mais il n'a pas de stratégie pour passer du point A au point B", juge M. Miller, chercheur à la Fondation Carnegie pour la paix internationale.
"C'est un opportuniste, il est transactionnel. Il ne réfléchit pas à ces choses. Anchorage en est un exemple type", ajoute-t-il, faisant référence au sommet organisé un mois plus tôt dans l'Alaska avec le président russe, Vladimir Poutine, qui s'était conclu par de vagues déclarations sur les progrès accomplis et, comme lundi, sans aucune question de la presse.
"Chèque en blanc"
Le plan de Donald Trump survient alors qu'Israël fait face à une condamnation croissante pour sa campagne militaire. Les Nations unies ont déclaré une famine dans une partie de la bande de Gaza et les enquêteurs de l'ONU affirment qu'Israël commet un génocide, accusations rejetées par Israël.
Exaspérées par M. Netanyahu, la France, la Grande-Bretagne et plusieurs autres puissances occidentales ont reconnu la semaine dernière l'Etat de Palestine.
Donald Trump, dans l'espoir de mettre le Hamas au pied du mur, a pris contact avec les principaux Etats arabes et musulmans et a présenté la semaine dernière un plan en 21 points à l'ONU.
Ces derniers, notamment le Qatar et l'Egypte, pays médiateurs, ainsi que l'Arabie saoudite et la Turquie, ont salué les efforts de M. Trump, mais n'ont pas explicitement approuvé le plan, qui compte finalement 20 points.
Benjamin Netanyahu et l'envoyé spécial de Trump, Steve Witkoff, ont apporté des modifications au plan, qui n'exclut plus clairement l'annexion de la Cisjordanie par Israël, une idée défendue par les alliés d'extrême droite du Premier ministre israélien.
Le plan reste vague sur la question de la création d'un Etat palestinien, à laquelle M. Netanyahu s'oppose depuis longtemps, évoquant une éventuelle "voie crédible".
Pour Brian Katulis, chercheur au Middle East Institute qui a travaillé sur la question israélo-palestinienne sous l'ancien président Bill Clinton, le plan de Trump ressemble à un "écran de fumée", permettant de damer le pion au consensus international sur une solution à deux Etats.
"Ce n'est pas vraiment un accord. Cela ne fait que renforcer la tentative d'Israël d'obtenir une capitulation sans condition", dit-il. "Cela montre que Trump est prêt à signer un chèque encore plus en blanc à Israël si le Hamas n'accepte pas cet accord."
Maigre bilan
Donald Trump, qui s'attarde peu sur les détails, est le dernier dirigeant mondial en date à présenter un plan pour le Moyen-Orient.
L'ancien président Bill Clinton avait proposé un accord beaucoup plus détaillé pour régler le conflit israélo-palestinien lors du sommet de Camp David, vers la fin de son mandat.
Ce sommet a échoué, Israël et M. Clinton reprochant au défunt dirigeant palestinien Yasser Arafat de ne pas avoir fait de compromis.
"Les antécédents historiques ne sont pas prometteurs en termes de grand compromis", relève Dana Stroul, chercheuse au Washington Institute for Near East Policy.
"Même passer de 21 à 20 points, c'est beaucoup à mettre en œuvre et cela offre de nombreuses occasions de saboter le processus", souligne-t-elle.
Mais, selon elle, la différence cette fois-ci réside dans le "soutien de la région" et des circonstances plus graves.
"La situation humanitaire s'est aggravée, les choix qui s'offrent à l'armée et au gouvernement israéliens sont plus difficiles, l'isolement international d'Israël s'est accentué et il y a moins de dirigeants du Hamas encore en vie pour prendre des décisions", dit Dana Stroul.