Washington triomphe dans sa bataille pour l’extradition d’Assange

Dans cette photo d'archive prise le 19 mai 2017, le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, apparait sur le balcon de l'ambassade de l'Équateur à Londres. Le gouvernement américain a remporté vendredi un appel contre une décision de justice de Londres qui avait bloqué l'extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange de Grande-Bretagne. (Justin Tallis/AFP)
Dans cette photo d'archive prise le 19 mai 2017, le fondateur de Wikileaks, Julian Assange, apparait sur le balcon de l'ambassade de l'Équateur à Londres. Le gouvernement américain a remporté vendredi un appel contre une décision de justice de Londres qui avait bloqué l'extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange de Grande-Bretagne. (Justin Tallis/AFP)
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Publié le Vendredi 10 décembre 2021

Washington triomphe dans sa bataille pour l’extradition d’Assange

  • Les hauts magistrats britanniques sont revenus sur la décision initiale de la juge Vanessa Baraitser, qui s'était opposée à la remise aux autorités américaines de l'Australien de 50 ans
  • Poursuivi notamment pour espionnage, il risque jusqu'à 175 ans de prison dans une affaire qui représente, selon ses soutiens, une attaque gravissime contre la liberté de la presse

LONDRES : Les États-Unis ont remporté vendredi à Londres une victoire majeure dans leur bataille pour obtenir l'extradition du fondateur de WikiLeaks Julian Assange, la Haute Cour annulant une décision de première instance qui s'y opposait.

Les hauts magistrats britanniques sont revenus sur la décision initiale de la juge Vanessa Baraitser, qui il y a près d'un an s'était opposée à la remise aux autorités américaines de l'Australien âgé de 50 ans, invoquant le risque de suicide du fondateur de WikiLeaks s'il était incarcéré aux États-Unis. La Cour a estimé que les États-Unis avaient fourni des assurances répondant aux inquiétudes de la juge.

Julian Assange entend toutefois former un recours auprès de la Cour suprême après la décision de vendredi, a annoncé sa compagne Stella Moris. Il a 14 jours pour le faire. La Cour suprême peut refuser de s'en saisir.

Face à la presse devant la Haute Cour à Londres, elle a dénoncé le "cynisme" de la décision de la Haute Cour, durant la journée internationale des droits humains.

"Julian a révélé les crimes de la CIA, les tortures de la CIA", a-t-elle déclaré, "comment peuvent-ils accepter une extradition vers le pays qui a comploté pour tuer Julian (...) à cause de ce qu'il a publié?", a-t-elle poursuivi, décrivant son compagnon comme un représentant de "toutes nos libertés et tous nos droits".

Moscou, qui prend régulièrement la défense de Julian Assange, a jugé "honteuse" la décision rendue à Londres, y voyant "une nouvelle illustration de la vision du monde cannibale du tandem anglo-saxon".

De son côté, Reporters sans frontières a "condamné" la décision de justice britannique, appelant une nouvelle fois à la libération d'Assange.

Les États-Unis reprochent à Julian Assange d'avoir diffusé, à partir de 2010, plus de 700.000 documents classifiés sur les activités militaires et diplomatiques américaines, en particulier en Irak et en Afghanistan.

Poursuivi notamment pour espionnage, il risque jusqu'à 175 ans de prison dans une affaire qui représente, selon ses soutiens, une attaque gravissime contre la liberté de la presse.

Incarcéré dans une prison de haute sécurité près de Londres depuis deux ans et demi, Julian Assange avait été arrêté par la police britannique en avril 2019 après avoir passé sept ans dans l'ambassade londonienne de l'Equateur où il s'était réfugié alors qu'il était en liberté sous caution.

Il craignait alors une extradition vers les États-Unis, ou la Suède où il faisait l'objet de poursuites pour viol depuis abandonnées.

- «Alcatraz des Rocheuses» -

Lors de l'audience en appel au sujet de son extradition fin octobre, les États-Unis ont cherché à rassurer sur le traitement qui serait réservé au fondateur de WikiLeaks.

Les Etats-Unis ont assuré qu'il ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence, dans le Colorado, surnommée l'"Alcatraz des Rocheuses", où sont notamment détenus à l'isolement quasi-total des membres d'Al-Qaïda.

La justice américaine s'assurerait que le fondateur de WikiLeaks reçoive les soins cliniques et psychologiques nécessaires et qu'il puisse demander à purger sa peine en Australie.

Les hauts magistrats britanniques ont souligné que les assurances fournies par les Etats-Unis étaient des "engagements solennels proposés par un gouvernement à un autre", selon un résumé de leur décision.

En octobre, l'avocat de Julian Assange, Edward Fitzgerald, avait estimé que les assurances américaines ne changaient rien et que subsistait "un grand risque de suicide, quelles que soient les mesures" qui seraient prises.

Le mois dernier, Stella Moris, avec laquelle Julian Assange a eu deux enfants lorsqu'il était reclus à l'ambassade d'Equateur, a annoncé que le couple avait reçu l'autorisation de se marier à la prison de Belmarsh où l'Australien est détenu.

Il a également reçu le soutien d'une quarantaine de députés français de tous bords qui ont plaidé pour que Julian Assange puisse bénéficier de l'asile politique en France.

Julian Assange, héros controversé de la liberté d'informer

"Terroriste high tech" ou héros traqué de la liberté d'informer, le fondateur de WikiLeaks Julian Assange, qui a perdu vendredi une étape importante dans sa bataille pour éviter l'extradition vers les États-Unis, a vu son image se troubler avec le temps.

Les États-Unis veulent juger l'Australien de 50 ans pour une fuite massive de documents. Une juge britannique s'y était opposée en première instance, mettant en avant un risque de suicide s'il était extradé, mais après des assurances de Washington sur ses conditions de détention, la Haute Cour de Londres a cassé vendredi cette décision.

Les avocats d'Assange ont cependant l'intention de saisir la Cour suprême, selon sa compagne Stella Moris, qui a souligné vendredi qu'il était privé de liberté depuis 11 ans.

Les États-Unis reprochent à Julian Assange d'avoir diffusé, à partir de 2010 sur sa plateforme WikiLeaks plus de 700.000 documents concernant les activités militaires et diplomatiques de Washington, notamment en Irak et Afghanistan.

Il risque jusqu'à 175 ans de prison et est détenu à la prison de haute sécurité de Belmarsh, dans l'est de Londres, depuis deux ans et demi. Il y avait été écroué immédiatement après avoir été extrait en avril 2019 de l'ambassade d'Équateur, où il s'était réfugié sept ans plus tôt, déguisé en coursier. A l'époque il était sous le coup de poursuites pour viol en Suède, depuis abandonnées.

Pendant ses années de réclusion dans ces locaux diplomatiques, Assange a eu deux enfants avec Stella Moris, l'une de ses avocates.

Son image de "cyber-warrior" aux cheveux blancs s'est brouillée au fil des ans, en particulier avec la diffusion par sa plateforme, en 2016, pendant la campagne présidentielle américaine, de milliers de courriels piratés provenant du Parti démocrate et de l'équipe d'Hillary Clinton.

Ces révélations avaient alors suscité des éloges appuyés du candidat Donald Trump, qui avait lancé lors d'un meeting: "J'adore WikiLeaks !" Selon la CIA, ces documents ont été obtenus auprès d'agents russes, ce que nie la plateforme.

Cet épisode a alimenté les soupçons, par ses détracteurs, de collusion avec la Russie d'un Julian Assange dont les révélations se font souvent au détriment des Etats-Unis, et qui a collaboré avec la chaîne de télévision RT, proche du Kremlin.

- «Libérer la presse» -

L'Australien a commencé sa vie ballotté de droite à gauche par sa mère, Christine Ann Assange, une artiste de théâtre séparée de son père avant sa naissance.

Il compare son enfance à celle de Tom Sawyer, entre construction de radeau et explorations de son environnement. A 15 ans, il a déjà vécu dans plus de 30 villes australiennes avant de se poser à Melbourne où il étudie les mathématiques, la physique et l'informatique.

Happé par la communauté des hackers, il commence à pirater les sites internet de la Nasa ou du Pentagone en utilisant le pseudonyme de "Mendax".

Lorsqu'il lance WikiLeaks pour "libérer la presse" et "démasquer les secrets et abus d'Etat", il devient, selon un de ses biographes, "l'homme le plus dangereux du monde".

Il devient connu du grand public en 2010 avec la publication des centaines de milliers de documents américains. Il est alors présenté comme un champion de la liberté d'informer.

Dix ans avant son élection à la présidence des Etats-Unis, Joe Biden, alors vice-président de Barack Obama, estimait lui que Julian Assange s'apparentait davantage à un "terroriste high tech" qu'à un héritier des "Pentagon papers" ayant révélé dans les années 1970 les mensonges des États-Unis sur la guerre du Vietnam.

"Selon le vice-président nord-américain, la vérité sur les Etats-Unis, c'est du terrorisme", avait rétorqué Assange.

Sa notoriété grandit, les critiques s'accumulent.

En 2011, les cinq journaux (dont The New York Times, The Guardian et Le Monde) associés à WikiLeaks condamnent la méthode de la plateforme, qui rend publics des télégrammes du département d'Etat américain non expurgés. Ils estiment que les documents sont susceptibles de "mettre certaines sources en danger". La critique sera reprise par le lanceur d'alerte Edward Snowden.

Mais un noyau dur lui est resté fidèle, à l'instar de la créatrice britannique Vivienne Westwood, et nombre d'associations de journalistes ou de défense des droits humains.

Vendredi, sa compagne a estimé que la décision de la Haute Cour à Londres allait "contre les fondamentaux de la liberté de la presse et de la démocratie".

Les grandes dates d'une saga judiciaire

Voici les grandes dates du feuilleton judiciaire autour de Julian Assange, dont la justice britannique a écrit un nouvel épisode vendredi en annulant en appel le refus d'extrader le fondateur de WikiLeaks vers les Etats-Unis.

- Révélations et mandat d'arrêt -

Fin juillet 2010, la presse mondiale publie 70.000 documents confidentiels sur les opérations de la coalition internationale en Afghanistan diffusés par le site internet WikiLeaks. 400.000 rapports concernant l'invasion américaine en Irak sont publiés en octobre puis, un mois plus tard, le contenu de 250.000 câbles diplomatiques américains.

Le 18 novembre, la Suède lance un mandat d'arrêt européen contre Julian Assange dans le cadre d'une enquête pour viol et agression sexuelle de deux Suédoises en août 2010. L'Australien assure qu'elles étaient consentantes.

Assange se livre à la police britannique le 7 décembre. Il est détenu neuf jours puis assigné à résidence.

En février 2011, un tribunal londonien valide la demande d'extradition suédoise. L'Australien redoute d'être extradé aux Etats-Unis et d'y encourir la peine de mort.

- Réfugié à l'ambassade d'Equateur -

Le 19 juin 2012, Assange se réfugie à l'ambassade d'Equateur à Londres et demande l'asile politique. L'Equateur, présidé alors par la figure de la gauche sud-américaine Rafael Correa, le lui accorde en août puis exige en vain un sauf-conduit de Londres pour qu'il se rende en Equateur.

Assange restera cloîtré dans l'ambassade pendant près de sept ans et obtiendra la nationalité équatorienne, avant d'en être déchu.

Le 2 avril 2019, le président équatorien Lenin Moreno - en rupture avec son prédécesseur - affirme qu'Assange a violé l'accord sur ses conditions d'asile. Le 11, il est arrêté dans l'ambassade par la police britannique.

- Enquête sur le viol rouverte -

Aussitôt, l'avocate de la femme qui accuse Julian Assange de viol en Suède annonce qu'elle va demander la réouverture de l'enquête, classée sans suite en 2017. Les faits concernant l'autre plainte, pour agression sexuelle, ont été prescrits en 2015.

Le 1er mai 2019, Julian Assange est condamné à 50 semaines de prison par un tribunal londonien pour violation des conditions de sa liberté provisoire.

Le 13, le parquet de Stockholm annonce la réouverture de l'enquête pour viol.

- Nouvelle inculpation américaine -

Le 23 mai 2019, la justice américaine, qui l'accuse déjà de "piratage informatique", l'inculpe de 17 nouveaux chefs en vertu des lois anti-espionnage. Assange encourt jusqu'à 175 ans d'emprisonnement.

Le 31, le rapporteur de l'ONU sur la torture, après avoir rencontré Assange en prison, estime qu'il présente "tous les symptômes (de) torture psychologique". Il affirmera en novembre que le traitement infligé à Assange met sa vie "en danger".

Le 21 octobre, Julian Assange, confus et bredouillant, comparaît pour la première fois devant le tribunal de Westminster.

- Abandon des poursuites en Suède -

Le 19 novembre, le parquet suédois classe sans suite l'enquête pour viol, faute de preuves.

- Refus d'extradition -

Le 24 février 2020, la justice britannique commence l'examen de la demande américaine d'extradition. Reportée en raison de la pandémie de coronavirus, l'audience reprend en septembre. Julian Assange confirme qu'il refuse d'être extradé. Sa compagne, l'avocate Stella Morris, prévient que le livrer aux Etats-Unis reviendrait à une "peine de mort".

Le 4 janvier 2021, la juge Vanessa Baraitser rejette la demande, estimant que les conditions d'incarcération aux Etats-Unis posent un risque de suicide.

La justice britannique décide de maintenir Julian Assange en détention.

- Annulation en appel du refus d'extradition -

Le 12 février, le gouvernement américain fait appel du refus d'extradition. 

L'audience en appel débute le 27 octobre. L'avocat des Etats-Unis conteste les risques de suicide, assurant qu'en cas d'extradition Assange ne serait pas incarcéré à la prison de très haute sécurité ADX de Florence (Colorado), qu'il recevrait les soins cliniques et psychologiques nécessaires et qu'il pourrait demander à purger sa peine en Australie.

L'avocat d'Assange affirme lui que subsiste "un grand risque de suicide".

Le 10 décembre, la Haute Cour de Londres annule en appel le refus d'extradition, estimant que les Etats-Unis ont fourni des assurances sur le traitement qui serait réservé au fondateur de WikiLeaks.

La justice britannique devra de nouveau statuer sur la demande d'extradition américaine.


Sahel: Washington va retirer des soldats du Tchad, après le Niger

Des milliers de Tchadiens assistent au meeting de Mahamat Idriss Deby Itno, président de la transition et candidat à l'élection présidentielle au Tchad, dans le stade en construction au quartier Dombao, à Moundou, le 25 avril 2024. (AFP)
Des milliers de Tchadiens assistent au meeting de Mahamat Idriss Deby Itno, président de la transition et candidat à l'élection présidentielle au Tchad, dans le stade en construction au quartier Dombao, à Moundou, le 25 avril 2024. (AFP)
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  • Washington a entamé cette semaine des discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des plus de 1 000 soldats américains présents dans le pays
  • Dans un courrier au ministre des Armées, le chef d'état-major de l'armée de l'air tchadienne avait réclamé début avril le départ des soldats américains

WASHINGTON: Les Etats-Unis vont retirer temporairement des soldats du Tchad, a annoncé le Pentagone quelques jours après leur accord pour retirer leurs forces du Niger voisin.

Au Tchad, les Etats-Unis disposent d'une centaine de soldats dans le cadre de la lutte antijihadiste au Sahel.

"L'Usafricom envisage actuellement de repositionner certaines forces militaires américaines depuis le Tchad, dont le départ d'une partie était déjà prévu", a déclaré lors d'une conférence de presse jeudi le porte-parole du Pentagone, Pat Ryder, se référant au commandement militaire américain en Afrique.

"Il s'agit d'une étape temporaire dans le cadre d'une révision en cours de notre coopération de sécurité, qui reprendra après l'élection présidentielle du 6 mai au Tchad", a-t-il ajouté.

Dans un courrier au ministre des Armées lu par l'AFP, le chef d'état-major de l'armée de l'air tchadienne avait réclamé début avril le départ des soldats américains, incriminant un défaut de documents sur un accord permettant leur présence.

Selon ce courrier, "l'armée de l'air a demandé à l'attaché de défense américain d'arrêter immédiatement les activités militaires sur la BAK", la base aérienne d'Adji Kossei où les soldats américains entraînent des forces spéciales tchadiennes à lutter contre le groupe jihadiste Boko Haram.

"Nous vous demandons d'intercéder auprès de qui de droit afin de prévenir les Américains que nous avons pris la décision d'arrêter leur activité", ajoute la lettre.

"La présence des forces américaines au Tchad était initialement motivée par l'engagement commun dans la lutte contre le terrorisme, un objectif partagé par les deux nations", a déclaré vendredi à l'AFP le porte-parole du gouvernement tchadien.

Discussions supplémentaires 

"Cependant, des préoccupations ont été exprimées par l'état-major tchadien quant à cette présence" et "en reconnaissance des préoccupations exprimées, le gouvernement américain a décidé de retirer temporairement ses forces du Tchad", a ajouté M. Abderaman Koulamallah.

"Il est important de souligner que ce retrait ne signifie en aucun cas une rupture de la coopération entre les deux pays dans la lutte contre le terrorisme", a-t-il dit.

"Des discussions supplémentaires auront lieu pour explorer la possibilité d'un retour des forces américaines dans le cadre d'un accord bilatéral précis et convenu entre les deux pays", a encore indiqué le porte-parole.

Au Niger, autre pivot de la stratégie des Etats-Unis et de la France pour combattre les jihadistes dans la région, la junte militaire au pouvoir depuis juillet a dénoncé en mars l'accord de coopération militaire en vigueur avec les Etats-Unis, estimant que la présence américaine était désormais "illégale".

Washington a entamé cette semaine des discussions avec Niamey sur le retrait du Niger des plus de 1.000 soldats américains présents dans le pays.

Les Etats-Unis disposent notamment au Niger d'une base de drones importante près d'Agadez, construite pour environ 100 millions de dollars.

Washington va "continuer à explorer les options possibles afin d'assurer que nous soyons toujours en mesure de faire face aux potentielles menaces terroristes", avait déclaré lundi Pat Ryder après l'annonce la semaine dernière du retrait américain du Niger.

Au Tchad, le général Mahamat Idriss Deby Itno a annoncé en mars sa candidature à la présidentielle, qu'il est quasi-assuré de remporter après que son régime a violemment réprimé dans la rue et muselé toute opposition et éliminé toute concurrence.

Il avait été proclamé par l'armée président de transition le 20 avril 2021, à la tête d'une junte de 15 généraux, à la mort de son père Idriss Déby Itno, lequel régnait d'une main de fer sur le Tchad depuis 30 ans.

Son principal adversaire, Yaya Dillo, a été tué fin février par des militaires dans l'assaut de son parti, d'une "balle dans la tête à bout portant" selon l'opposition, puis les candidatures de dix autres potentiels rivaux ont été invalidées.


Chine et Etats-Unis doivent être «des partenaires, pas des rivaux», dit Xi à Blinken

Le président chinois Xi Jinping (à droite) s'entretient avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken lors de leur rencontre au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 26 avril 2024. (Photo de Mark Schiefelbein / POOL / AFP)
Le président chinois Xi Jinping (à droite) s'entretient avec le secrétaire d'État américain Antony Blinken lors de leur rencontre au Grand Palais du Peuple à Pékin, le 26 avril 2024. (Photo de Mark Schiefelbein / POOL / AFP)
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  • Antony Blinken effectue depuis mercredi sa deuxième visite en Chine en moins d'un an
  • La Chine reproche aux Etats-Unis ses multiples pressions concernant la mer de Chine méridionale, Taïwan, le commerce ou ses relations avec la Russie

PEKIN: Le président chinois Xi Jinping a déclaré vendredi au secrétaire d'Etat américain Antony Blinken que les deux pays devaient "être des partenaires, pas des rivaux" même si "de nombreux problèmes" restaient encore à résoudre.

Antony Blinken effectue depuis mercredi sa deuxième visite en Chine en moins d'un an. Il a évoqué durant ses rencontres officielles plusieurs dossiers où les deux pays ont des divergences, comme la Russie, Taïwan et le commerce.

En accueillant le chef de la diplomatie américaine au Palais du Peuple à Pékin, Xi Jinping a déclaré que les deux pays avaient "réalisé des progrès" depuis sa rencontre avec son homologue Joe Biden en novembre, selon la télévision publique CCTV.

"Les deux pays doivent être des partenaires, pas des rivaux" même si "de nombreux problèmes doivent encore être résolus et des efforts supplémentaires sont encore possibles", a indiqué M. Xi.

"Nous espérons que les Etats-Unis pourront aussi adopter une vision positive du développement de la Chine", a ajouté le président chinois. "Quand ce problème fondamental sera résolu (...) les relations pourront véritablement se stabiliser, s'améliorer et avancer."

Plus tôt dans la journée, le ministre chinois des Affaires étrangères, Wang Yi, a averti Antony Blinken que les multiples pressions américaines sur la Chine pourraient entraîner une "détérioration" des liens entre les deux pays.

Le chef de la diplomatie chinoise a rappelé que la question de Taïwan, île de 23 millions d'habitants revendiquée par Pékin et soutenue militairement par Washington, était la "première ligne rouge à ne pas franchir" dans les relations sino-américaines.

Le cas TikTok

De son côté, Antony Blinken a décrit ses plus de cinq heures et demie de discussions avec Wang Yi dans le complexe diplomatique de Diaoyutai, entouré de jardins, comme "approfondies et constructives"

Le secrétaire d'Etat doit rencontrer la presse vendredi soir à l'ambassade des Etats-Unis à Pékin.

La Chine reproche aux Etats-Unis ses multiples pressions concernant la mer de Chine méridionale, Taïwan, le commerce ou ses relations avec la Russie, qui se sont renforcées depuis l'invasion de l'Ukraine en février 2022.

Pékin est également vent debout contre les restrictions américaines sur les exportations vers la Chine de technologies avancées, dont les semi-conducteurs.

Autre sujet de friction plus récent: le réseau social TikTok est menacé d'interdiction aux Etats-Unis s'il ne coupe pas ses liens avec sa maison mère chinoise ByteDance.

Washington dit soupçonner l'application d'être utilisée pour espionner des Américains, collecter des informations personnelles et servir également la propagande chinoise. TikTok dément catégoriquement ces allégations.

Malgré ces tensions, les relations entre les deux puissances "commencent à se stabiliser" depuis le sommet Xi-Biden en novembre, a estimé Wang Yi, mettant toutefois en garde contre la persistance d'"éléments négatifs".

"Les droits légitimes de la Chine en matière de développement ont été indûment opprimés et nos intérêts fondamentaux sont remis en question", a souligné M. Wang, dans une allusion aux restrictions américaines dans le secteur technologique.

«Erreurs de calcul»

"La Chine et les Etats-Unis doivent-ils continuer à aller dans la bonne direction, celle de la stabilité, ou retourner dans celle d'une détérioration?", a-t-il feint de s'interroger.

De son côté, Antony Blinken a fait part à Wang Yi de ses préoccupations concernant le présumé soutien de la Chine "à la base industrielle de défense russe", a déclaré le porte-parole du département d'Etat américain, Matthew Miller.

Si les entreprises chinoises ne fournissent pas directement d'armes à la Russie, Washington les accuse de livrer du matériel et des technologies à double usage à ce pays qui facilitent son effort de réarmement.

Les Etats-Unis et la Chine doivent être aussi "clairs que possible dans les domaines dans lesquels nous avons des divergences, au moins pour éviter les malentendus et les erreurs de calcul", a déclaré le secrétaire d'Etat américain.

Le déplacement d'Antony Blinken en Chine est le signe d'une baisse relative des frictions entre Pékin et Washington, exacerbées sous l'ancien président américain Donald Trump.

Ce dernier promet à nouveau une ligne dure face à la Chine s'il remporte l'élection présidentielle de novembre.

Tout en recherchant une plus grande stabilité entre les deux plus grandes économies mondiales, Joe Biden cherche toutefois à maintenir la pression sur le géant asiatique.


Tim Lenderking à Arab News: «Aidons le Yémen à tracer sa propre voie»

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  • Tim Lenderking souligne que ce serait une «terrible tragédie» de gâcher les progrès réalisés en faveur de la paix au cours des deux années précédentes
  • Une trêve, négociée en avril 2022 entre les parties en présence au Yémen, avait, dans un premier temps, conduit un léger apaisement de la situation humanitaire désastreuse dans le pays

NEW YORK: Les attaques des Houthis contre la navigation internationale en mer Rouge et dans le golfe d’Aden en réponse à l’offensive militaire israélienne contre le Hamas à Gaza ne doivent pas faire dérailler le processus de paix au Yémen, déclare Tim Lenderking, l’envoyé spécial américain pour le Yémen.

Depuis le début de la guerre à Gaza en octobre de l’année dernière, les attaques des Houthis contre des navires commerciaux et militaires dans les voies navigables stratégiques ont fortement perturbé le commerce mondial.

Le groupe politique et religieux armé soutenu par l’Iran, officiellement connu sous le nom «Ansar Allah», se considère comme faisant partie de «l’axe de la résistance» dirigé par l’Iran contre Israël, les États-Unis et l’Occident dans son ensemble.

Il a menacé de poursuivre ses attaques contre les navires jusqu’à ce qu’Israël mette fin à son attaque sur Gaza. Depuis le mois de janvier, le Royaume-Uni et les États-Unis, en coalition avec cinq autres pays, ont répondu par des frappes de représailles contre des cibles houthies au Yémen.

Les États-Unis mettront fin à ces frappes de représailles lorsque la milice houthie cessera ses attaques contre les navires, déclare M. Lenderking dans un entretien accordé à Arab News, plaçant la responsabilité de la désescalade de la situation entre les mains de la milice.

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Les Yéménites organisent une marche propalestinienne à Sanaa, la capitale dirigée par les Houthis. (AFP)

«Il incombe aux Houthis de mettre fin aux attaques en mer Rouge. Cela peut nous inciter à commencer à ralentir, à désamorcer la situation au Yémen, à la ramener à ce qu’elle était au 6 octobre – soit au stade où elle était beaucoup plus prometteuse que ce à quoi nous assistons actuellement. C’est sur cela que nous voulons mettre l’accent.»

Tim Lenderking appelle l’Iran à «cesser d’alimenter le conflit et de faire entrer clandestinement des armes et du matériel de guerre au Yémen, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU».

Le Yémen n’avait jamais été aussi proche de la paix avant que le processus ne soit interrompu par les derniers troubles régionaux, précise M. Lenderking. La guerre civile yéménite dure depuis trop longtemps. «Elle doit cesser», ajoute-t-il.

«Les Yéménites souffrent de cette guerre depuis maintenant huit ans. Ils veulent récupérer leur pays. Ils veulent qu’il soit en paix. Ils ne veulent pas de combattants étrangers au Yémen. Ils ne veulent pas des Iraniens à Sanaa. Ils ne veulent pas que le Corps des Gardiens de la révolution islamique (CGRI) erre dans Sanaa.»

«Aidons les Yéménites à reconquérir leur pays et à tracer leur propre voie. Tel est le vœu le plus cher des États-Unis.»

Il poursuit: «Nous nous efforçons de déployer des efforts internationaux pour que l’accent soit mis sur le processus de paix au Yémen et la situation humanitaire très critique.»

«Mais il y a la terrible tragédie qui se déroule à Gaza. La guerre de la Russie en Ukraine. L’Afghanistan. Le Soudan. Il existe de nombreuses crises concurrentes qui détournent l’attention des États-Unis et de la communauté internationale.»

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Le cargo Rubymar a été partiellement submergé au large des côtes du Yémen après avoir été touché par un missile houthi. (AFP)

Alors que la guerre au Yémen est liée à d’autres conflits qui font rage dans la région, l’ONU a récemment déclaré que le monde avait une obligation envers les Yéménites: celle de veiller à ce que la résolution de la guerre au Yémen ne soit pas subordonnée à la résolution d’autres problèmes et que les espoirs de paix du Yémen ne deviennent pas un «dommage collatéral».

«Nous ne pouvons échapper à ce qui se passe à Gaza», renchérit Tim Lenderking. «Pas un jour ne passe sans que les gens à qui je parle du Yémen n’évoquent également Gaza. Nous savons donc qu’il s’agit d’une situation tragique à laquelle il faut absolument remédier.»

«Cette situation freine notre capacité à recentrer l’attention sur le processus de paix au Yémen, à tirer parti d’une feuille de route élaborée par le gouvernement yéménite et les Houthis en décembre et à inciter les Houthis à recentrer leurs priorités non sur les attaques en mer Rouge – qui nuisent d’ailleurs aux Yéménites et au Yémen – mais sur les efforts de paix dans le pays.»

S’exprimant lors d’un point de presse du Conseil de sécurité de l’ONU la semaine dernière, Hans Grundberg, l’envoyé de l’ONU pour le Yémen, soutient que la menace de nouvelles attaques des Houthis contre les navires persiste en l’absence d’un cessez-le-feu à Gaza – dont l’urgente nécessité a été soulignée par la récente escalade des hostilités entre Israël et l’Iran.

M. Lenderking affirme: «Les Houthis continuent de nous dire que ces deux questions sont liées et que les Houthis ne mettront pas fin aux attaques contre les navires de la mer Rouge tant qu’il n’y aura pas de cessez-le-feu à Gaza.»

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Tim Lenderking appelle l’Iran à «cesser d’alimenter le conflit et de faire entrer clandestinement des armes et du matériel de guerre au Yémen, en violation des résolutions du Conseil de sécurité de l’ONU». (AFP)

«Nous pensons que des progrès significatifs peuvent être réalisés dès maintenant. Vingt-cinq membres de l’équipage du Galaxy Leader, le navire qui a été pris par les Houthis le 19 novembre de l’année dernière, sont toujours détenus.»

«Ils sont originaires de cinq pays différents. Il n’y a aucune raison pour que ces individus, qui sont des marins innocents, soient détenus à Hodeïda par les Houthis. Relâchez-les. Libérez le navire. Il y a des mesures qui pourraient être prises. Nous pourrions continuer à œuvrer pour la libération de prisonniers.»

«Ce type d’action démontrera au peuple yéménite qu’il y a encore de l’espoir et que la communauté internationale se préoccupe toujours de sa situation.»

Tim Lenderking souligne que ce serait une «terrible tragédie» de gâcher les progrès réalisés en faveur de la paix au cours des deux années précédentes.

Une trêve, négociée en avril 2022 entre les parties en présence au Yémen, avait, dans un premier temps, conduit à une réduction des violences et à un léger apaisement de la situation humanitaire désastreuse dans le pays. Deux ans plus tard, l’ONU déplore qu’il n’y ait plus grand-chose à célébrer.

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Des enfants yéménites se rassemblent pour recevoir de l’aide humanitaire à la périphérie de Marib. (AFP)

«Les détenus dont nous avions espéré la libération à temps pour passer la fête de l’Aïd avec leurs proches restent en détention», déclare l’envoyé de l’ONU Grundberg. «Les routes que nous espérions voir ouvertes demeurent fermées.»

«Nous avons également été témoins de la mort tragique et des blessures infligées à seize civils, dont des femmes et des enfants, lorsqu’une résidence a été démolie par des Houthis dans le gouvernorat d’Al-Bayda.»

La situation humanitaire au Yémen s’est également nettement aggravée, ces derniers mois, en raison de l’insécurité alimentaire croissante et de la propagation du choléra.

Edem Wosornu, directrice des opérations et du plaidoyer au Bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires (BCAH), a déclaré au Conseil de sécurité lors du même point de presse que la situation s’était encore détériorée après que le Programme alimentaire mondial (PAM) avait suspendu la distribution de l’aide alimentaire dans les zones contrôlées par les Houthis en décembre 2023.

Cette pause fait suite à des désaccords avec les autorités locales sur la question de savoir qui devrait recevoir une assistance prioritaire et elle a été amplifiée par les effets d’une grave crise de financement concernant les efforts humanitaires du PAM au Yémen.

«Les personnes les plus vulnérables – notamment les femmes et les filles, les groupes marginalisés comme les Mouhamachines, les personnes déplacées à l'intérieur du pays, les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, ainsi que les personnes handicapées – dépendent toujours de l’aide humanitaire pour survivre», affirme Mme Wosornu.

Edem Wosornu exprime également son inquiétude face à l’augmentation des cas de choléra au Yémen dans un contexte de détérioration des institutions et des services publics.

«La réémergence du choléra et les niveaux croissants de malnutrition sévère sont des indicateurs révélateurs de la capacité affaiblie des services sociaux», soutient-elle.

«Près d’un enfant de moins de cinq ans sur deux souffre d’un retard de croissance, soit plus du double de la moyenne mondiale: 49% contre 21,3%.»

«Les stocks de fournitures essentielles sont presque épuisés. Et les systèmes de soutien à l’eau, à l’assainissement et à l’hygiène doivent être renforcés de toute urgence.»

Le plan de réponse humanitaire pour le Yémen n’est financé qu’à hauteur de 10%, le financement des programmes de sécurité alimentaire et de nutrition n’atteignant respectivement que 5% et 3%, selon une mise à jour informelle présentée au Conseil de sécurité par le BCAH cette semaine.

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Des partisans de la milice houthie du Yémen participent à un rassemblement pour marquer la commémoration annuelle de la Journée Al-Qods (Jérusalem) à Sanaa. (AFP)

Mme Wosornu appelle la communauté internationale à prendre des mesures urgentes pour contribuer à combler les déficits de financement.

Commentant le manque de financement, M. Lenderking explique: «Lorsqu’il y aura une réelle possibilité d’un processus de paix au Yémen, les donateurs se mobiliseront. Mais le fait que nous soyons dans ce flou, où le processus de paix est suspendu pendant que les Houthis poursuivent leurs attaques en mer Rouge, doit être imputé aux Houthis parce qu’ils font dérailler ce qui était un processus de paix légitime.»

«Mais une fois que nous pourrons y revenir, je pense que nous pourrions appeler la communauté internationale à nous indiquer qu’il y a une lueur d’espoir. Il y a un processus. Il y a un engagement. Les États-Unis soutiennent un effort international. Nous pouvons convaincre les donateurs de revenir au Yémen, malgré toute la concurrence pour ces ressources très limitées.»

Ce texte est la traduction d’un article paru sur Arabnews.com