A Bagdad, Washington serre la vis au risque d'étouffer ses alliés

Un membre du groupe paramilitaire chiite Al-Hashed Al-Shaabi (droite). (AFP)
Un membre du groupe paramilitaire chiite Al-Hashed Al-Shaabi (droite). (AFP)
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Publié le Dimanche 27 septembre 2020

A Bagdad, Washington serre la vis au risque d'étouffer ses alliés

  • Washington menace Bagdad de quitter l'Irak pour de bon, après d'innombrables attaques contre son ambassade
  • «Les Américains ne sont pas énervés, ils sont très, très, très énervés»

Excédé par les attaques à la roquette quasi-quotidiennes contre son ambassade, Washington a menacé Bagdad de quitter l'Irak, quitte à accéder à la demande de ses pires ennemis, les pro-Iran, et à faire exploser en vol son meilleur allié, le gouvernement Kazimi.

Plusieurs sources politiques et diplomatiques ont confirmé à l'AFP que le secrétaire d'Etat américain Mike Pompeo avait posé il y a une semaine un ultimatum au président irakien Barham Saleh: soit les attaques cessent, soit Washington ferme son ambassade et rappelle ses 3.000 soldats et ses diplomates.

«Les Américains ne sont pas énervés, ils sont très, très, très énervés», lâche un responsable irakien. «La lune de miel est finie», ajoute un autre.

Officiellement, côté américain, on refuse de commenter mais un responsable souligne «le danger des roquettes tirées par des groupes soutenus par l'Iran». 

Car, une fois de plus, l'Irak n'est que le terrain d'affrontements de ses alliés américain et iranien. 

Et le gouvernement, qui passe pour plus pro-Américain que son prédécesseur, doit composer avec un Parlement qui a voté l'expulsion des soldats américains, les exigences d'une administration américaine en campagne électorale, et des politiciens pro-Iran à l'affût d'un faux-pas pour le remplacer.

Prise de distance

L'ultimatum américain, assorti de menaces de sanctions contre des personnalités irakiennes, a toutefois déjà forcé les forces politiques à prendre leurs distances avec les plus radicaux.

Sur Twitter, le très influent leader chiite Moqtada Sadr a appelé à «créer une commission sécuritaire, militaire et parlementaire pour enquêter» sur les tirs de roquettes.

Une déclaration d'autant plus significative qu'il s'est taillé il y a une quinzaine d'années une figure de leader incontournable dans la lutte armée contre les Américains.

Quelques minutes plus tard, le Premier ministre Moustafa al-Kazimi, accusé par des responsables américains de ne pas en faire assez contre les pro-Iran, faisait sienne la recommandation de Sadr. 

Les partis politiques chiites «se sont mis d'accord pour condamner» ces attaques, explique un responsable politique. Désormais, affirme-t-il, les pro-Iran les plus radicaux «sont isolés et sans protection politique».

Autre fait significatif, le Hachd al-Chaabi, coalition de paramilitaires pro-Iran désormais intégrés à l'Etat, a mis à l'écart plusieurs commandants accusés d'être liés à des attaques contre les Occidentaux.

Désormais deuxième bloc du Parlement, le Hachd n'est plus uniquement une force militaire. Dans un pays gangrené par la corruption, il a aussi désormais, comme tous les acteurs politiques, des intérêts économiques à préserver.

Et surtout, ses commandants vivent désormais terrés, traumatisés par l'assassinat en janvier du général iranien Qassem Soleimani et du chef de facto du Hachd, Abou Mehdi al-Mouhandis, par un drone américain à Bagdad. Sans compter les annonces des Etats-Unis d'un plan de bombardement de plus de 120 sites si un de leurs ressortissants était tué.

Le Hachd a ainsi tenu à dire qu'il se dégageait de toute responsabilité quant aux actes de «parties se réclamant de lui» pour «mener des actes militaires illégaux contre des intérêts étrangers».

«Message aux Etats-Unis»

Cela n'a pas empêché ces derniers jours de nouvelles factions de menacer du pire les «occupants» américains.

«Depuis des mois, l'Iran a récupéré les éléments expulsés des groupes armés pour former de nouvelles factions dont on voit désormais apparaître les noms» sur des communiqués revendiquant des attaques anti-Américains, décrypte un haut responsable du camp chiite.

Ces factions «envoient pour l'Iran un message aux Etats-Unis: malgré les récents changements politiques», dont l'arrivée au pouvoir de M. Kazimi, «aucun dirigeant (irakien) ne pourra jamais imposer votre vision en Irak», poursuit-il.

Si les forces pro-Iran les plus modérées suivent désormais la ligne gouvernementale, les plus radicales, elles, continuent de manier la rhétorique guerrière.

Car, affirme un diplomate occidental à l'AFP sous le couvert de l'anonymat, «si Washington se retire, ces groupes pourront se vanter d'avoir bouter les Américains hors d'Irak à peu de frais».

Un retrait serait aussi un coup dur pour M. Kazimi, qui bataille déjà pour obtenir un vote sur la loi électorale et le budget, ses premières promesses au peuple.

Et sa chute, préviennent diplomates occidentaux et experts, serait le pire scénario pour ses soutiens, Etats-Unis en tête. 

«Aucun autre politicien n'est aussi prêt à négocier avec l'Occident que lui», assure le diplomate.

En cas de départ de Kazimi, «les milices pourront prendre leurs aises et mener des actions radicales contre l'Etat", met en garde le commentateur politique Ali Mamouri.


Centre de coordination militaro-civile pour Gaza: beaucoup de discussions, peu de résultats

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  • "Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore" ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés
  • "Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix"

JERUSALEM: Lancé par les Etats-Unis dans le sillage du cessez-le-feu entre Israël et le Hamas pour surveiller la trêve et favoriser l'afflux d'aide humanitaire, le Centre de coordination militaro-civile (CMCC) pour Gaza peine à tenir ses promesses.

"Au départ, personne ne savait ce que c'était, mais tout le monde voulait en être", raconte un diplomate européen à l'AFP, "maintenant les gens déchantent un peu, ils trouvent que rien n'avance, mais on n'a pas le choix, il n'y a aucune autre initiative, c'est ça ou continuer à discuter dans le vent avec des Israéliens".

"Il y a des moments où on se dit qu'on a touché le fond mais qu'on creuse encore", ironise un humanitaire qui s'y est rendu plusieurs fois pour parler des abris fournis aux centaines de milliers de Palestiniens de Gaza déplacés par la campagne militaire israélienne.

Le CMCC doit permettre d'amorcer la suite des étapes du plan de paix pour Gaza après plus de deux ans d'une guerre dévastatrice déclenchée le 7 octobre 2023 par l'attaque sans précédent du mouvement palestinien Hamas sur Israël.

"Lorsque nous l'avons ouvert, nous avons clairement indiqué qu'il se concentrait sur deux choses: faciliter l'acheminement de l'aide humanitaire, logistique et sécuritaire vers Gaza et aider à surveiller en temps réel la mise en oeuvre de l'accord", insiste le capitaine Tim Hawkins, porte-parole du Commandement militaire central américain (Centcom), couvrant notamment le Moyen-Orient.

L'initiative a été présentée aux acteurs (ONG, agences des Nations unies, diplomates...) comme un générateur d'idées totalement inédites.

Frustrés par leurs difficultés avec les autorités israéliennes, de nombreux pays et acteurs humanitaires disent s'être jetés dans le projet, impatients d'avoir un nouvel interlocuteur se disant enclin à trouver des solutions: les Etats-Unis.

"Rien n'a changé" 

"Au début, les Américains nous ont dit qu'ils découvraient qu'Israël interdisaient l'entrée de tout un tas de choses dans Gaza, la fameuse liste des biens à double usage, ils avaient l'air choqués et on se disait qu'enfin on allait franchir cet obstacle", raconte un ingénieur humanitaire, "mais force est de constater que strictement rien n'a changé".

Deux mois après l'ouverture, nombre d'humanitaires et diplomates contactés par l'AFP jugent, sous couvert de l'anonymat, que la capacité ou la volonté américaines à contraindre Israël est limitée.

Les visiteurs réguliers ou occasionnels des lieux ont décrit à l'AFP le grand hangar occupé par le CMCC à Kiryat Gat (sud d'Israël), comme un entrepôt où de nombreux militaires, israéliens et américains principalement, rencontrent des humanitaires, diplomates, et consultants.

Le premier des trois étages du bâtiment est réservé aux Israéliens, et le dernier aux troupes américaines. Tous deux sont interdits d'accès aux visiteurs.

Le deuxième, recouvert de gazon artificiel, sert d'espace de rencontres avec le monde extérieur.

"On dirait un espace de coworking, mais avec des gens en uniforme", s'amuse une diplomate qui raconte y croiser des "GIs qui boivent de la bière" au milieu d'une sorte d'open-space, avec des panneaux récapitulant les principaux points du plan Trump.

Plusieurs personnes ont dit à l'AFP avoir vu un tableau blanc barré de l'inscription "What is Hamas?" ("Qu'est-ce que le Hamas?") en lettres capitales, sans éléments de réponse.

"Il y a des tables rondes sur des sujets qui vont de la distribution d'eau ou de nourriture à la sécurité", raconte un humanitaire, "en gros on nous écoute décrire ce qu'on veut faire, et quels problèmes on a rencontrés depuis deux ans".

"Boussole du droit" 

Mais "ce n'est pas là que les décisions sont prises", tranche un diplomate qui cite des canaux de discussions parallèles, notamment une équipe supervisée par Arieh Lighstone, un collaborateur de l'émissaire américain Steve Witkoff, à Tel-Aviv.

Plusieurs diplomates regrettent l'absence d'officiels palestiniens dans les murs.

Un autre problème réside dans l'émergence de concepts largement rejetés par la communauté internationale, notamment celui des "Alternative Safe Communities" (ASC), visant à regrouper des civils "vérifiés", non affiliés au Hamas, dans des communautés créées ex nihilo dans une zone de la bande de Gaza sous contrôle militaire israélien, et où les services de base seraient dispensés.

"On a perdu la boussole du droit", commente une diplomate.

Mais le reproche qui revient le plus souvent est le fait que les questions politiques (gouvernance, maintien de l'ordre...) sont évacuées au profit de questions techniques.

"Ils discutent d'où mettre les stations d'épuration, pas de qui les exploitera ni de qui paiera les employés", résume un autre.

Concédant "certaines frictions", sans plus de détail, le capitaine Hawkins, du Centcom, met en avant certaines avancées comme l'ouverture de nouveaux points de passage pour l'aide à destination de Gaza. "Nous progressons, assure-t-il, tout en reconnaissant pleinement qu'il reste encore beaucoup à faire."


Le Congrès américain approuve la levée définitive des sanctions contre la Syrie

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars. (AFP)
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  • Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar
  • Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis

WASIHNGTON: Le Congrès américain a approuvé mercredi la levée définitive des sanctions imposées par les Etats-Unis contre la Syrie du temps de Bachar al-Assad, devant permettre le retour d'investissements dans ce pays ravagé par des années de guerre civile.

L'abrogation d'une loi dite "Caesar", adoptée en 2019 lors du premier mandat de Donald Trump et qui imposait ces sanctions, figure en effet dans le texte sur la stratégie de défense (NDAA), que le Sénat américain a approuvé mercredi par 77 voix pour et 20 contre.

La Chambre des représentants s'était déjà prononcée la semaine dernière et le texte attend désormais d'être promulgué par le président américain.

Le gouvernement américain a indiqué être favorable à l'abrogation de cette loi Caesar. Son application avait déjà été suspendue par deux fois pour six mois après l'annonce du président Trump en mai levant les sanctions contre la Syrie dans le cadre de la normalisation des relations entre ce pays et les Etats-Unis.

Le chef de la diplomatie syrienne, Assaad al-Chaibani, a salué sur Telegram le vote du Sénat comme "ouvrant de nouveaux horizons pour la coopération et le partenariat entre notre pays et le reste du monde".

La loi Caesar adoptée en 2019 imposait des sanctions américaines drastiques contre le gouvernement de Bachar al-Assad, bannissant le pays du système bancaire international et des transactions financières en dollars.

Bien que son application soit suspendue, de nombreux responsables américains jugeaient qu'elle pouvait nuire à la confiance des investisseurs tant qu'elle n'était pas abrogée.

Le dirigeant syrien Ahmad al-Chareh a été reçu le 10 novembre à la Maison Blanche par le président Trump, une première pour un chef d'Etat syrien depuis l'indépendance du pays en 1946 et une consécration pour l'ancien jihadiste qui, en moins d'un an au pouvoir, a sorti son pays de l'isolement.

Donald Trump l'avait déjà rencontré lors d'un voyage dans le Golfe en mai, annonçant alors la levée des sanctions américaines.

Après 13 ans de guerre civile, la Syrie cherche à garantir des fonds pour sa reconstruction, dont le coût pourrait dépasser 216 milliards de dollars, selon la Banque mondiale.

"L'abrogation aujourd'hui de la loi Caesar est une étape décisive pour donner au peuple syrien une véritable chance de se reconstruire après des décennies de souffrances inimaginables", s'est félicité la sénatrice démocrate Jeanne Shaheen.


Les principales villes du Soudan privées de courant après des frappes de drones sur une centrale

Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts. (AFP)
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  • Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale
  • Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des FSR

PORT-SOUDAN: Les principales villes du Soudan, dont Khartoum et Port-Soudan, ont été plongées dans le noir dans la nuit de mercredi à jeudi après des frappes de drones contre une importante centrale électrique, qui ont également fait deux morts, ont indiqué plusieurs témoins à l'AFP.

Les frappes ont ciblé les transformateurs de la station électrique d’Al-Muqrin à Atbara, dans l'Etat du Nil, dans l'est du pays, a précisé la compagnie d'électricité nationale.

Deux secouristes ont été tués par une deuxième frappe de drone survenue alors qu'ils tentaient d'éteindre l'incendie provoqué par la première, a déclaré un responsable de la centrale en attribuant cette frappe aux paramilitaires des Forces de soutien rapide (FSR).

Le gouvernement de l’État du Nil a confirmé la mort des deux secouristes dans un communiqué officiel.

Cette station est un nœud stratégique du réseau électrique soudanais, recevant l’électricité produite par le barrage de Merowe — la plus grande source d'énergie hydroélectrique du pays — avant sa redistribution vers plusieurs régions.

Des témoins ont également indiqué qu’aux alentours de 02H00 (minuit GMT), les forces de l’armée régulière avaient activé leurs systèmes de défense antiaérienne, rapportant avoir vu des flammes et de la fumée s'élever au-dessus de la ville contrôlée par l'armée en guerre depuis avril 2023 contre les FSR.

Les coupures d’électricité se sont étendues à plusieurs États, notamment ceux du Nil, de la mer Rouge — où se trouve Port-Soudan, siège provisoire du gouvernement pro-armée — ainsi qu’à la capitale Khartoum, selon des témoins, l'incendie n'étant toujours pas maitrisé.

Les FSR n’ont jusqu'à présent pas commenté l'attaque.

Ces derniers mois, les FSR ont été accusées de lancer des attaques de drones sur de vastes zones contrôlées par l’armée, visant des infrastructures civiles et provoquant des coupures de courant affectant des millions de personnes.

La guerre, qui a éclaté en avril 2023, a fait plusieurs dizaines de milliers de morts, des millions de déplacés et provoqué "la pire crise humanitaire au monde", selon l'ONU.